Atlantis n° 67 du 21 septembre 1936

In Tradition celtique et américaine


Celtes et Atlantes

(extraits de la revue Psyché).

La question de savoir si les Atlantes avaient puisé ou non dans une tradition antérieure étant réservée, il nous reste à envisager les possibilités d'un contact entre Celtes et Atlantes. Pour cela, nous nous appuierons sur certaines données traditionnelles, lesquelles éclaireront d'autre part les hypothèses formulées par quelques savants modernes.

La tradition de notre race veut, on le sait, que celle-ci ait occupé les régions aujourd’hui circumpolaires, longtemps avant la disparition définitive de l'Atlantide. Ces régions n’offraient en rien l'aspect désolé que nous leur connaissons de nos jours. Devenues polaires au sens réel du mot, il ne faudrait pas croire qu'elles se soient transformées, comme par enchantement, en un vaste linceul de glaces. Notons seulement qu'il serait difficile de tracer les limites précises de ce primitif habitat de nos pères.

Trop de bouleversements, de submersions et d'émersions successives ont rendu vaine, à tout le moins peu convaincante, une restitution de ce genre.

Notons seulement que .ces terres et les îles qui en dépendaient se prolongeaient loin vers le Sud-Ouest (le Nord-Ouest actuel de l'Europe), lequel, par le promontoire breton plus étendu que de nos jours, dépassait largement entre l'Armorique et l'Irlande le 10e degré de longitude, pour s'infléchir, plus au Nord, vers le Groënland.

C'est dire que les terres atlantes étaient relativement peu éloignées de celles où vivaient nos ancêtres. Le moindre îlot intermédiaire devait rendre les communications éventuelles particulièrement faciles. (1)

D'ailleurs, longtemps avant que la Terre-au-Volcan ait été effacée de la carte, plusieurs clans celtiques s'étaient risqués à descendre vers le Sud, surtout dans l'Armorique actuelle, alors couverte d'assez hautes montagnes, ainsi que, par une autre voie, dans le nord de l'Asie.

Après le cataclysme, le gros de la race devait descendre à son tour vers l'Europe, tandis que le reste s'égaillait peu à peu se fiant à sa bonne étoile.

Des traditions encore vivantes nous montrent, à l'origine de cet exode, le brusque changement du ciel, dû à l'inclinaison de notre globe (2). C'était le second grand bouleversement inscrit dans la mémoire de nos ancêtres, le premier ayant été, quelques milliers d'années plus tôt, l'effroyable chute de pierres dont nous avons parlé ailleurs (3).

Ainsi, bien avant la disparition de l'île de l'Ouest, Celtes et Atlantes avaient très bien pu prendre contact, soit dans les terres hyperboréennes, soit dans la partie sud de ce que les savants nomaient le bouclier irlando-breton. Une Conséquence curieuse de cet ancien aspect des terres, c'est que la disposition actuelle des mégalithes celtiques n'est juste qu’en apparence. Sans parler des nombreux dolmens et menhirs de nos côtes, aujourd'hui affleurant à marée basse, mainte terre, mainte insula sacra de l'Atlantique, renfermant les témoignages émouvants de la plus ancienne civilisation celtique, est aujourd'hui engloutie - comme c'est le cas pou.r les fameuses Cassitérídes. - Ce qui nous semble la limite la plus extrême de la région dolménique doit, en réalité, être reporté bien plus à l'Ouest (4).

Quelle était la situatìon à l'époque de la disparition de l'Atlantide, époque qu'on s'accorde aujourd'hui à placer vers 7500 avant nore ère (5) ?

Les Atlantes avaient fondé, depuis un certain temps, des colonies en Afrique du Nord et dans tout le bassin méditerranéen. Là, entre le 20° et le 40° de latitude, se déploya leur effort d'expansion presque entier.

Plus au Nord, il ne semble pas qu'ils aient fondé de " colonies " à proprement parler. Ce qui n'empêche pas que des navigateurs durent avoir des relations plus ou moins sporadiques avec les terres de l'Etain. On s'est donné beaucoup de mal pour placer celles-ci sur nos cartes modernes. Débris du vieux massif irlando-armoricain disloqué, elles gisent sans doute aujourd'hui par quelque deux cents mètres de fond... Mais leur disparition complète ne remonte sans doute pas très loin et doit se placer vraisemblablement quelques siècles avant l'ère chrétienne.

Les druides voyageaient beaucoup. Il est donc possible que des contacts intersacerdotaux aient été pris par eux avec les Atlantes, avant la disparition de leur île et même longtemps après, si l'on admet que ces derniers pouvaient s’être installés à demeure dans les Cassitérides.

En outre, il se pourrait que des expéditions parties d'Afrique, vers la métropole engloutie, ayant croisé en pure perte sur l'Atlantique, aient fait demi-tour, rejoignant non plus leur point de départ, mais l'Ouest de l'Europe, Bretagne ou Portugal. La question de l'origine des Basques serait aussi à examiner de très près. Elle auraìt trouvé sans doute sa solution logique, si la plupart des chercheurs n'avaient confondu les Euskariens avec les Ibères (6).

Donc, pour en revenir aux représentants de l'Atlantide, nous voyons que ceux-ci fondent en Afrique une civilisation nilotique (7), et posent les bases de la civilisation Egéenne, dans le cul-de-sac méditerranéen, au sein de cette Egéide, elle aussi engloutie, dont la Crète semble le reste le plus important (8).

Ici sans doute se terminent les relations entre Celtes et Atlantes, en Europe du moins.

N’ayant joué chez les Celtes de l'Ouest qu'un rôle politique absolument insignifiant, les sages de l'Atlantide ont certainement contribué à l'édification du druidisme. Chaque groupe humain possédant sa tradition particulière, ou plutôt adaptation particulière à ses besoins et à sa fonction de la tradition universelle, il ne faudrait pas conclure à la légère, d'interpénétrations sacerdotales plausibles, que les Atlantes furent les instituteurs des druides, ou qu'on retrouverait dans la doctrine de ces derniers l'enseignement des prêtres de la race rouge.


(1). Il est infiniment probable que tout ou partie de l’Alaska a fait partie, à une certaine époque, des territoires hyperboréens, que les dislocations successives ont ensuite morcelés. Les Cassitérides furent les derniers " témoins " d'une époque où l'Hyperborée s'étendait depuis la mer Blanche et la péninsuie de Kola jusqu'au Groënland et à l'extrême-nord américain.

(2). L'extension des glaciations quaternaires a rendu, plus tard, cet exode total et définitif.

(3). Chaque cataclysme laisse des traces non seulement dans la mémoire des survivants, mais dans les traditions des peuples contemporains. Les Celtes se souvenaient de la destruction d'Atlantis, comme les Atlantes se souvenaient de celle de la Lémurie. Celle-ci disparut probablement à la fin de l'ère tertiaire, coïncidant sans doute avec la première des quatre glaciations qui ouvrent les temps quaternaires.

(4). Même pendant la plus forte glaciation, cette " passe de l'Ouest " avec ses nombreuses îles-relais dont rien ne subsiste aujourd'hui, sinon la tradition hindoue des " sept iles blanches ", ne fut jamais bloquée par les glaces. Ceci est à peser tout particulièrement. On est trop porté à admettre aujourd'hui un seul foyer de dispersion des Celtes, qu'on situe dans l'Europe centrale. Plus ancien nous semble 1e foyer atlantique (armorico-cassitéridien).

(5). Platon donne 9.000 ans ; M. Philipoff, 7.300 ans, en se basant sur un cycle précessionnel peut-être un peu court. En situant entre 7.500 minimum et 8.000 maximum avant Jésus-Christ cette disparition, il semble qu'on doive encadrer d'assez près sa date exacte. Cette fixation permet de l'articuler mille ans environ après la fin de la derniére extension glaciaire, dite de Wurm. La thèse émise par M. Ph. Negris au sujet d'un effondrement de l'Atlantique sous le poids des glaces nous semble donc sans fondement.

(6). En Espagne, la situation est ethniquement très embrouillée. Les recherches anthropologiques sont d'autant plus délicates qu'il est probable que la race atlante, comme on peut le déduire des circonstances américaines, était, comme la notre, dolichocéphale.

(7). Les égyptologues, dans leur ensemble, ne sont pas excessivement favorables à l'idée d'une colonisation de l'Egypte par les Atlantes.

Il est eependant nécessaire de remarquer que la colonisation de ces derniers est une chose, et que l'invasion venue de l'Est, la seule dont s'occupent directement les égyptologues, en est une autre.

C'est entre 3.500 et 3.200 avant notre ère que se situe l'incursion des Egyptiens proprement dits, venus soit du pays de Punt (sud de l'Arabie), soit d'Asie-Mineure. Nous les voyons écraser les Libyens et les Koushites installés avant eux sur le Nil. L'idée d'un vaste empire africain de peuples à peau noire, probablement autochtones, n'est pas repoussée par les savants actuels — encore que le terme " empire " ne corresponde probablement pas exactement aux faits.

Nous avons montré ailleurs que les Libyens ne seraient qu'un fort contingent de Celtes ou, si l'on préfère, d'Hyperboréens, déportés en Afrique par les peuples noirs, six mille ans peut-être avant notre ère.

La colonisation atlante en Afrique et ailleurs devant être nécessairement antérieure à la disparition de leur métropole, et cette disparition ayant été déterminée d'aprés les calculs de l'astronome Philipoff aux environs de 7.300 ou 7.500 si l'on évalue plus largement le cycle précessionnel), on peut dater l'implantation d'une civilisation atlante sur le Nil de 8.000 ans au moins avant notre ère, bien davantage sans doute.

De 8.000 à 3.500, cela fait 4.500 ans pendant lesquels il a dû passer beaucoup d'eau sous les ponts du Nil. L'ensemble de la question serait donc à reprendre.

On s'apercevrait vite que ce qui est véritablement acquis par les découvertes faites en Egypte ne s'oppose nullement aux données d'ordre traditionnel, lesquelles ont souvent le défaut d'être extrêmement difficiles à dater.

(8). La dislocation de l'Egéide correspond au déluge de Deucalion, dont les Grecs avaient gardé un souvenir assez vif. C'est vers 1.600 avant notre ère qu'ils situaient cette catastrophe et cette datation doit être proche de la vérité.

Voici quelques années, M. Négris rappelant les tremblement de terre et les inonations qui auraient sévi en Attique quand l'Atlantide disparut sous les flots (Platon, Timée), en concluait que l'effondrement de l'Égéide devait se placer à la même date. Nous ne le croyons pas ; il suffit de constater que, des deux traditions, l'une, la plus antique, était inconnue des Grecs jusqu'à Platon, lequel tenait ses renseignements de source égyptienne. La seconde était au contraire très vivante et " populaire " chez les Hellènes, qui en évaluaient la date, au moins sommairement, ce qui n'empêche pas l'explosion des volcans atlantes d'avoir provoqué celle des volcans grecs, comme elle provoqua un réveil de ceux d'Auvergne.