Chapitre 3 : LE PREMIER SCHISME

Vous êtes actuellement sur le site : livres-mystiques.com © de Roland Soyer le 23/12/2008

VISAGE DU DRUIDISME

Chapitre II

 

LE PREMIER SCHISME

 

          Les immenses étendues hyperboréennes furent loin d'avoir été toutes éprouvées au même degré et en même temps par les glaciations. En conséquence, une importante fraction des tribus celtiques s'accrocha longtemps aux régions moins perturbées, alors que d'autres, au cours des successives invasions du froid, descendirent vers le sud, souvent pour remonter puis reculer à nouveau selon l'extension ou la rétraction des champs de glaces. D'autres émigrèrent définitivement vers l'Ancien ou le Nouveau continent, soit par dessein, soit que quelque transgression marine ou quelque barrière glaciaire les aient coupées des passes empruntées pour leur repli.

          C'est ainsi qu'une quinzaine de millénaires avant notre ère – en gros chiffres, – des clans hyperboréens s'étaient déjà aventurés sur le bouclier irlando-breton. Ils y furent témoins, quelque trois mille ans plus tard, d'un événement cosmique formidable (du moins, à notre échelle) dont la tradition, toujours vivace, faisait dire aux Gaulois qu'ils ne craignaient qu'une chose : « que le ciel ne leur tombât sur la tête ».

          Cet événement fut une fantastique chute de bolides dont l'ouest de la future Europe fut le centre principal d'impact. Parmi les régions les plus éprouvées, une bonne part gît depuis longtemps sous les flots. Toutefois, des vestiges notables de cette catastrophe subsistent en Bretagne (« Chaos » de Plou Manac'h, entre autres sites) et au sud du Pays de Galles.

          Je ne chercherai pas, pour l'instant, à préciser l'origine de cette pluie de blocs incandescents, projetés d'une région de notre système qu'on pouvait voir rougeoyer la nuit, tandis que les bolides dont elle mitraillait la Terre zébraient le ciel de traits de feu, martelaient sauvagement le sol, ou s'enfonçaient en grésillant dans l'Atlantique, soulevant des geysers d'eau vaporisée. Spectacle hallucinant, dont les pires bombardements aériens de la précédente guerre mondiale peuvent seuls donner quelque idée !

          Les Anciens nous ont rapporté la tradition d'un incendie observé, – pensaient-ils – sur Vénus, qui pourrait bien être étroitement lié à la « chute du ciel ».

Je m'excuse de rapporter ces faits, tenus pour « légendaires » quand ce n'est pas pour « imaginaires »... Mais, outre que j'ai des raisons très positives de les tenir pour réels, voire vérifiables sous certaines conditions, je ne pouvais me dispenser d'en toucher quelques mots, car, bien antérieurement au Gui de Chêne, la Pierre tombée du Ciel fut le thème central des enseignements tant publics que secrets des Sages de Celtide. Elle fut leur premier autel : le Menhir, que copiera plus tard le Bétyle.

Menhirs et dolmens jalonnent les voies de migration et les stations de la race, aussi bien ceux élevés sur le sol d'Afrique par les futurs Libyens, que ceux dressés par les émigrés, lentement métissés, que furent les Proto-sémites, ou que ceux érigés dans le Caucase et l'Inde par les compagnons de Rama et leurs descendants.

Naturellement, les Celtes ne commencèrent pas par élever un peu partout des blocs imposants : les plus anciennes « pierres debout », de taille médiocre, justifient mal ce nom de « mégalithes » décerné indistinctement à toutes.

C'est au cours du troisième interglaciaire (Riss-Wurm), alors que le climat général s'était quelque peu réchauffé, qu'on peut situer l'industrie Chelléenne, première technique de la pierre des Blancs, disséminés sur quelques points de l'Europe, et dont l'instrument typique est le « coup de poing » ovoïde, taillé à grands éclats. Ceci entre 10000 et 9000 avant J.-C. très approximativement. A ce propos, je dis, une fois pour toutes, que les partisans d'une chronologie longue contesteront mes datations, ce qui est leur droit évident. Ce n'est pas ici le lieu d'en discuter. Tout au plus exposerai-je que l'âge d'une roche terrestre n'est pas forcément celui de sa présence ici, ce qui rend bien aléatoires les arguments tirés de la radio-activité, voire du C. 14. A mes yeux, bien entendu !

Donc, peu à peu, les clans celtiques affluent : la future Europe commence à se peupler de groupes encore clairsemés, s'ignorant souvent les uns les autres et accusant déjà, la dispersion aidant, des divergences religieuses et sociales qui iront en s'accentuant.

Ceux demeurés les plus proches de l'organisation primitive ont conservé leurs Sages et le dépôt de l'enseignement traditionnel. Ils ont reformé des collèges de voyantes, adapté leur calendrier stello-saisonnier à leur nouvel habitat et maintenu le culte très pur et très simple.

D'autres modifient enseignement, religion et rites d'autrefois selon leur sentiment et leurs circonstances.

Mais l'heure du massif exode hyperboréen approchait ! Sept mille trois cents ans avant notre ère, d'après les données astronomiques rassemblées par l'astronome Philipoff, c'est la captation de la Lune , qui devient satellite de notre globe [1] . La Terre oscille à plusieurs reprises, à la recherche d'un nouvel équilibre. L'atlantide, – dont c'était le troisième et ultime cataclysme, d'après Platon –  s'engloutit sous l'océan tandis que le volcanisme se réveille un peu partout. Dans le domaine Egéo-méditerranéen, tremblements de terre et raz de marée perturbent l'Egéide, sans l'engloutir définitivement. Une nouvelle phase glaciaire débute, étagée sur des siècles. Aussi les derniers Hyperboréens abandonnent-ils leur contrée d'origine devant la rigueur du climat et, je suppose, fâcheusement impressionnée par le va-et-vient de leur ciel familier et l'apparition de l'astre des nuits, quoique le changement d'inclinaison du globe les ait peu éprouvés, à part quelques transgressions marines éphémères.

Ainsi, la population de l'Europe se fait plus dense et la technique des Blancs s'améliore. C'est la période de l’Acheuléen (meilleure et plus fine taille des silex). Géologiquement, c'est à peu près 1' « étage » dit Monastirien (terrasses fluviales de 18/20 mètres avec climat et faune froids (renne, bison, etc.). Vers 6500, nous serons en plein Age du Renne. Le front des glaciers s'est progressivement stabilisé et va régresser, leur fusion engendrant des fleuves gigantesques. Epoque cruciale pour les Celtes qui, descendant toujours plus au sud à mesure de leur développement numérique, rencontrent ici les pionniers de la race Noire, là, ceux de la race rouge. Sans cohésion et techniquement inférieurs, les Blancs sont menacés d'être rapidement anéantis ou d'être réduits en esclavage. Ce qui advint effectivement au début pour une notable fraction de leurs tribus, décimées, capturées, et souvent déportées en Espagne et en Afrique, toujours soudée à l'Europe. Telle est, entre autres, l'origine des futurs Libyens. L'esprit d'aventure, les querelles intestines et les émigrations qui s'ensuivaient souvent, alimentaient encore cette i Traite des Blancs » dont les victimes allaient édifier les forteresses cyclopéennes des Rouges (Nuraghi de Sardaigne, Talayot des Baléares) ou étaient astreints par les Noirs aux formidables travaux que nécessitaient le Nil et les retranchements de leur métropole du Triton. Naturellement, les Blancs déportés faisaient des métis, comme en faisaient les esclaves blanches de leurs dominateurs du moment : souche première de ces populations hybrides du nord de l'Afrique et du sud de l'Europe, qu'on baptisera plus tard « Ligures ». [2]

Ce qui préserva la race de l'extermination et de la dégradation totale, ce fut, — je le redirai après Fabre d'Olivet, bien informé sur ce point — la rudesse du climat post-glaciaire, l'instinct de conservation d'une race jeune, n'ayant pas sur ses vigoureuses épaules le fardeau d'hérédités qui pèse sur les nôtres, et les mesures judicieuses de ses Sages qui déterminèrent la seule conduite à tenir devant un oppresseur invincible en rase campagne mais inadapté au climat : se tenir au plus près des glaces et organiser des raids foudroyants, chaque hiver, contre des adversaires incapables de riposter sans courir au désastre d'une « campagne de Russie » avant la lettre.

Très postérieurement, il est vrai, la domestication du cheval par les Celtes, rendrait ces raids plus redoutables encore. Cette longue suite de représailles et de coups de mains aboutirait à la longue à faire changer la fortune de camp et à amener le déclin des races de couleur.

Pour le moment, nous sommes à l'aube du sixième millénaire. Les Blancs commencent à dresser ces pierres levées et ces dolmens qui sont, pour ainsi dire, leur « signature » préhistorique : pierres de dimensions encore modestes, auxquelles succéderont d'imposants mégalithes.

Quelle est alors la situation ? Quelques éléments rouges, isolés de leurs bases, préfèrent s'entendre avec les Celtes plutôt que risquer un massacre inutile. Et c'est de leur collaboration technique que naîtra la belle industrie Solutréenne, plus tard imitée par les Noirs dont l'Aurignacien reste l'industrie typique : 1' « Homme de Cro-Magnon » est un Noir ou un métis de Blanc et de Noir !

Progressivement, le climat s'adoucit : le cerf va bientôt remplacer le renne ; les industries classées « mésolithiques » vont faire place assez rapidement au Néolithique inférieur (Flénusien, Campignien, etc.). Les Blancs s'organisent, non sans se disputer, à leur habitude, si bien que des groupes de mécontents continuent à s'expatrier, tels les ancêtres des futurs Sémites, qui se métisseront en Asie et en Afrique. Parmi les Blancs disséminés en Europe, ceux qui occupent l'aire allant du sud de l'Irlande au golfe de Gascogne forment le noyau le plus stable. C'est parmi eux que l'orthodoxie du culte et du code social et familial a subi le moins de déviations. Ils ont leurs Sages, hiérarchisés sous un chef respecté, leurs fêtes cultuelles et saisonnières, leurs voyantes qui les relient aux ancêtres et au monde invisible. Ces dernières sont subordonnées au sacerdoce masculin qui développe, utilise et contrôle les facultés psychiques féminines, veillant à maintenir celles qui les possèdent dans de justes bornes.

Les Sages de Celtide, en effet, connaissaient le danger des plans subtils de la nature pour qui se livre passivement aux êtres qui les peuplent, et dont certains sont les pires ennemis de la psyché humaine. Mais, de leur côté, les voyantes tendaient à s'exagérer l'importance de leur rôle, évidemment spectaculaire. Si bien qu'une belle fois, obéissant à des suggestions émanées de l'Incontrôlable, un de leurs collèges rejeta l'autorité du sacerdoce, renversa les valeurs admises jusqu'alors, et proclama la supériorité du principe plastique et féminin sur le masculin, la prééminence de la Mère Universelle sur le Père Créateur. Comme tout ce qui tient à l'erreur en ce monde, leur doctrine se propagea rapidement, au point de diviser la Celtide en deux camps sensiblement égaux en nombre.

Dévoyées, privées des guides éclairés qu'elles avaient bravés, les futures druidesses, ancêtres des sombres sorcières de l'Ile de Sein, se livrèrent aux louches entités du monde inférieur et s'adonnèrent aux pires excès de la magie noire. Pour ces rites et ces évocations, il fallait du sang. On le demanda aux sacrifices humains, ignorés jusqu'alors ! La pure religion ancestrale perdit du terrain. Le caractère passionné de la race le donnait à prévoir : la séduction s'offrait à ses fils sous les espèces de la belle vierge implacable et vaticinante, dispensatrice d'une mort présentée et considérée comme le suprême honneur ! Un certain romantisme, on le voit, a de très anciennes racines !...

Des siècles durant, les Celtes allaient verser le meilleur de leur sang sur les autels des mânes ou dans les rixes incessantes entre partisans des deux doctrines rivales, pour le plus grand bénéfice de l'ennemi extérieur remis en assurance.

   Les incidences de cette première « guerre de religion », si l'on peut dire, ne sauraient être détaillées. Les dégâts matériels qui en résultèrent sont peu de choses en regard du gâchis social et spirituel qui en fut la rançon. Le culte pur fit place, ici et là, à des rites orgiaques ; l'oblation des fruits de la terre à l'Esprit fécondateur fut remplacé par les meurtres rituels destinés à sustenter les entités démoniaques par les émanations du sang répandu. La sagesse, née du concours de la raison et de l'inspiration, abandonna les voyantes, devenues « visionnaires » sans frein ni règle. Il y eut, sur le plan social, les tentatives d'instauration du Matriarcat et l'avilissement de l'homme, envisagé comme simple mâle reproducteur. Il y eut le culte extatique de la nature, qui aboutit, là comme ailleurs, au débridement des instincts, à l'orgie et au sadisme. Il y eut, enfin, une contre-initiation féminine, opposant ses maléfices, ses phénomènes psychiques et ses phantasmes astraux à l'enseignement authentique, où le spirituel avait le pas sur le psychique. L'inversion des doctrines allait de pair avec celle des symboles. Un exemple : Dans une acception symbolique, la constellation polaire de l'époque approximative du schisme était la Grande-Ourse (que prolongeait quelquefois une des étoiles de l'actuel Bouvier, d'après certaines représentations préhistoriques). Cet astérisme s'appelait chez nos ancêtres ici le Sanglier, là, l’Ours. Les novatrices et leurs acolytes en firent respectivement la Laie et l’Ourse, renversant les rapports et faussant l'enseignement dont ces figurations étaient le voile et le pivot. D'un autre côté, des groupes de Bacchantes guerrières ou Amazones, telles, plus tard, celles de Thrace, transformaient la guerre idéologique en guerre tout court. On peut relire sur ces faits obscurcis par le temps les exploits semi-légendaires d'Héraclès et de Thésée !...

J'ai à peine effleuré le sujet ; assez cependant pour faire sentir combien tout, — morale, religion, famille, initiation — changea de face dès ce moment. Depuis lors, il y eut deux sacerdoces : l'un féminin, centré sur l'exaltation du psychisme, l'autre masculin, axé sur la primauté du spirituel, différence essentielle, fondamentale, qu'on ne soulignera jamais assez !

Nombre de Celtes, jeunes et passionnés, prirent, – cela s'explique tout seul – le parti des belles révoltées qui n'eurent guère de peine à recruter ainsi les éléments d'un pseudo sacerdoce « masculin »... par ses figurants – en réalité, contaminé par le schisme quant à ses principes, tandis que, par contre, quelques voyantes intransigeantes se regroupaient étroitement autour des Sages orthodoxes.

Une des conséquences de ces désordres fut la reprise fructueuse de la « Traite des Blancs » par leurs adversaires de couleur. Ainsi, les Celtes déportés jadis en Afrique virent leur nombre grossir peu à peu par l'apport de nouveaux éléments malchanceux de leur race qui les gagnèrent à la subversion, que je nommerai par anticipation « Schisme des Druidesses », afin de le distinguer du second schisme, assez analogue quant au fond, qui devait éclater beaucoup plus tard.

Ces déportés, disons ces « Pré-libyens », adjoignirent à la poignée de mots qu'ils conservèrent de leur vocabulaire protoceltique (ou pré-indo-européen) une majorité de vocables empruntés aux langues du dialecte des Atlantes du Maroc, tout en adaptant à leur usage la syntaxe de leurs oppresseurs noirs, comme le feront plus tard les sémites (et même les Atlanto-Egéens de Nar-Mer lorsqu'ils s'empareront du delta).

Je dois souligner, pour clore ce chapitre, un fait important : Le « druidisme » irlandais fut schismatique dès la première heure ! Il est donc extrêmement risqué, par voie de conséquence, de se fier aux Sagas irlandaises pour pénétrer le sens ou l'histoire du druidisme continental, comme le firent tant de celtisants après H. d'Arbois de Jubainville ! Sans doute, les spécialistes reconnaîtront facilement la « carcasse » astrale, saisonnière ou météorologique de tel trait, qui, à ce point de vue, peut être susceptible de comparaison avec les récits parallèles du monde indo-européen, émanés de la même source commune. Mais cette ressemblance, tout externe, n'en est que plus trompeuse lorsqu'on cherche à pénétrer l'esprit, le sens interne, sans même soupçonner les oppositions radicales de tendances qui se dissimulent sous la concordance formelle des sujets ou des situations [3] .

 

 

 



[1] Aux temps reculés où les Atlantes élaborèrent le schéma zodiacal, la lune n'y entrait pas en ligne de compte. J'ai exposé dans une mince plaquette, «Trois Problèmes astrologiques*, que la répartition logique des Domiciles et des Exaltations supposait qu'on en fît abstraction. Le Signe dit aujourd'hui du Cancer était attribué au Soleil Nocturne, en opposition logique avec le Capricorne, siège du Saturne Nocturne. D'anciennes figurations du Cancer, en Egypte, représentent un scarabée solaire et non le Crabe lunaire. Par ailleurs, dans le récit de la Genèse , Moïse parle du Grand et du Petit Luminaires, mais non du Soleil et de la Lune , comme on ne lui a que trop fait dire. Un dernier mot, non de moi, mais d'un grand préhistorien, le Dr Marcel Baudouin : « En préhistoire, la Lune n'apparaît jamais. »

[2] Je ne puis omettre, en faisant allusion au détournement du Nil, quelques détails touchant les fluctuations de la lutte entre les Rouges et les Noirs sur le sol d'Afrique. Je crois avoir signalé précédemment que vers le huitième millénaire les Noirs détournèrent le cours du Nil pour lui donner son tracé actuel. La catastrophe atlante, quelques siècles plus tard, servit leur dessein. Par l'occupation de ce qui serait plus tard l'Egypte, ils menaçaient et surveillaient l'Egéide. La riposte eut lieu, en gros chiffres, vers 6500/6300. Le noyau de race rouge formé par les Egéens était puissant et solidement organisé. Les Egéens repoussèrent Noirs et Sémites et occupèrent en force le delta. Ce n'est que vers le début du cinquième millénaire que les Libyens réussiront à les déloger, pour peu de temps d'ailleurs. Le Diluvium du Proche-Orient, vers 4500 provoqua des exodes de population et les Egéens de Nar-Mer, trois siècles plus tard, entreprendront avec succès la reconquête de la vallée du Nil. A partir de là, l'histoire est assez connue et tout commentaire superflu.

[3] J'ai développé certains points qui ne trouveraient pas leur place ici, dans Mythes, Contes et Légendes (Ed. de Psyché,  1951).

 

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