Les Théories de Freud et le Spiritualisme

( SUITE et FIN )


     Notre vue de la psychanalyse, si rapide soit-elle, ne serait pas complète si nous ne disions quelques mots sur le libido et la sexualité.

     Pour Freud, les symptômes morbides des névropathes sont en connexion avec la vie amoureuse du malade. Cela n'a rien d'extraordinaire, mais le point faible des psychanalystes est de passer du particulier au général avec trop de facilité. Ne nous hâtons pas de leur jeter la pierre ! C'est une conséquence de la déformation professionnelle qui fait que tout spécialiste envisage l'univers sous l'angle exclusif de sa spécialité.

     La recherche psychanalytique attache beaucoup d'importance aux troubles de la puberté. Ce n'est pas sans raison. Mais, poussant plus loin ses investigations, elle cherche à démontrer dans la petite enfance des « impulsions sexuelles ». Notons ici que les termes employés par Freud, et dont on a tant abusé, libido et sexualité, prêtent à confusion, à tel point que les psychanalystes ne s'entendent pas toujours entre eux à ce sujet. Rien n'est plus caractéristique, à ce point de vue, que la controverse qui mit aux prises Freud et Claparède, à propos du sens de ces termes.

     D'après Freud, écrit Claparède, le libido serait un processus sexuel mais non génital. Mais qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Qu'est-ce qu'un processus de cet ordre ? Pourquoi le baptiser sexuel ? L'étonnement du Dr Claparède nous semble justifié, autant parler d'un cercle carré que d'un processus sexuel non génital !

     Ce que Freud nomme sexualité infantile, et dont le têtement des petits enfants lui semble un exemple, nous le nommerons, plus justement, sensorialité.

     Partant de sa définition équivoque, le docteur Freud nomme zones érogènes les parties du corps susceptibles de procurer les sensations agréables qu'il s'obstine à appeler « érotiques ».

     Il est bien certain que chaque contact d'un individu avec le monde extérieur engendre une sensation d'un certain ordre. S'il plaît à Freud de qualifier de « sexuelle » toute sensation agréable, telle que celle que procure le têtement de l'enfant, la manducation de l'homme, le contact d'étoffes soyeuses, etc., il n'y a pas à hésiter et nous devons également appeler « sexuelles » les sensations que nous procure une œuvre d'art, la contemplation de la nature, l'innocent plaisir de respirer l'air frais, ou de préférer un confortable oreiller à une bûche pour reposer notre tête.

     Cette confusion entre sexuel et sensoriel était fatale. Dès que le père de la Psychanalyse voulut ériger en système universel une série d'observations particulières qui ne couvraient qu'une faible partie des phénomènes psychophysiologiques, il fut contraint de tomber dans des contradictions plus ou moins estompées par une terminologie imprécise.

     Je dis bien, imprécise, je n'en veux pour preuve que certains développements., peu explicites de Freud lui-même : «...peut-être me fera-t-on l'objection que cela n'est pas de la sexualité. J'emploie le mot dans un sens beaucoup plus large que l'usage ne le réclame, soit ! Mais la question est de savoir si ce n'est pas l'usage qui l'emploie dans un sens beaucoup trop étroit... On devient » (en suivant cet usage) « hors d'état de connaître la signification des débuts, si facilement observables, de la vie amoureuse somatique et psychique des enfants. Mais, quel que soit le sens dans lequel on se décide, le psychanalyste prend le mot de sexualité dans une acception totale, à laquelle il a été conduit par la constatation de la sexualité infantile...»

     Combien une claire définition ferait mieux notre affaire ! Si elle manque, c'est sans doute que l'auteur n'est pas tellement au clair qu'il veut bien nous le laisser entendre, sur ses propres concepts. S'il a été conduit à employer le mot sexuel dans un sens aussi élastique, par « constatation de la sexualité infantile, j'appelle proprement cela mettre la charrue avant les bœufs. Irrésistiblement, je me souviens de la charge de Molière sur les propriétés de l'opium et l'« explication » du sommeil provoqué, par la « vertu dormitive ».

     Mais voici que je deviens irrévérencieux. Arrêtonsnous donc et ne suivons pas plus avant le bon docteur dans les conséquences qu'il tire d'un point de départ aussi fragile.

     Je ne m'attarderai pas, et pour la même raison, à discuter le complexe d'Œdipe, ainsi résumé par Freud : « le mythe du roi Œdipe qui tue son père et prend sa mère pour femme est une manifestation peu modifiée du désir infantile, contre lequel se dresse plus tard, pour le repousser, la barrière de l'inceste. »

     Que le père préfère en général sa fille et la mère son fils, ne prouve également rien. Simple question de polarité, loi universelle dont une modalité bien secondaire, régit les rapports somatiques des genres.
     Quant à l'enfant, il se tourne tout normalement vers celui des parents qui est le plus accommodant, c'est-à-dire le plus faible à son égard.
     Je terminerai ce court exposé en rappelant un point capital. Pour l'école de Freud « le penser par symboles représente un stade inférieur de la pensée » : elle affirme que dans le rêve, dans l'aliénation mentale, il y a régression de la pensée logique à la pensée symbolique, à la pensée du primitif, à celle de l'enfant. Il suffit de signaler cette méconnaissance totale du caractère et de la valeur du symbole. J'ai d'ailleurs fait allusion à cette lacune ou, si l'on veut, à cette étroitesse de la pensée psychanalytique, à propos du rêve.

     Il est temps, maintenant, de revenir sur mes pas et de conclure.

     Les éléments divers ; réunis sous le nom de théories de Freud, n'ont rien d'essentiellement nouveau et avaient été repérés et signalés, depuis longtemps, par les maîtres de la vie contemplative, par les psychiatres, ou même analysés magistralement dans certains livres ou manuscrits peu connus de l'ancienne Égypte et de l'Inde. Je n'en donnerai qu'un exemple, emprunté au livre de Sédir sur la Yoga hindoue : « Tout revient en général (dans les expériences du Yogi) à jeter toutes les forces disponibles de l'homme dans un centre spécial (dispolarisation), et à en former un puissant pôle négatif qui attire une partie de la force tellurique inversement analogue. C'est cette attraction qui est pratiquée dans les deux stages suivants de la Yoga Dharana et Dhyana. La décharge électrique, l'orage fluidique qui s'accomplit au moment de la conjonction de la force humaine et de la force cosmique, c'est le but de la Yoga, c'est Samâdhi, c'est l'extase. Seulement, il faut que le sujet soit assez fort pour résister an choc : sans quoi, c'est mort, folie, paralysie générale, délire érotique, etc... En somme, le modus operandi de tous les systèmes de Yoga consiste à mener à la conscience les forces du corps astral, ordinairement endormies. Cet éveil s'opère en mettant en relation les sept centres astro-magnétiques appelés roues ou lotus, au moyen de la grande vibration serpentaire Kundalini (1). Cette force est très intense ; mal dirigée, elle peut entraîner la phtisie, la consomption, le délire érotique, la paralysie, la folie ou la mort. Voilà pourquoi toutes les recettes écrites de Yoga sont tronquées... L'éveil du serpent fluidique humain a encore l'effet d'intensifier toutes les forces vitales, dans le mal comme dans le bien. »

     Ce qui est original dans les théories de Freud, c'est le système, le corps de doctrines dans lequel il les a intégrées.

     Dussé-je faire sourire nombre de ses disciples, je dois affirmer que la sagesse secrète de ces époques qu'ils qualifient de « primitives », enseignait toutes ces choses... et quelques autres, qui leur resteront longtemps lettre close. Leurs doctrines contiennent des vérités utiles, mais partielles, que leur manque de synthèse risque de transformer à chaque instant en contre-vérités. En effet, toute vérité partielle, lorsque sa place exacte dans le concert cosmique n'est pas déterminée, prend fatalement figure d'erreur, faute d'être contenue dans ses limites et d'être située à sa vraie place sur l'immense échelle de la connaissance. Tel me semble le cas de la psychanalyse. Je me permettrai de citer encore une fois Sédir : « On fait grand bruit, maintenant, autour des découvertes de Freud, et je vois avec surprise les directeurs de conscience les utiliser, alors que les vieux psychologues de la mystique, comme saint Jean de la Croix, comme les PP. Surin ou Guilloré, pour ne se souvenir que des plus connus, dévoilent bien davantage le mystère des névropathies ; mais ils s'expriment avec le vieux vocabulaire classique. Sans doute, pour les prêtres modernes auxquels je fais allusion, la nouveauté de la terminologie indique-t-elle la nouveauté de la pensée. Mais pour en revenir à notre médecin viennois, à part son obsession du « libido », l'importance qu'il accorde à l'inconscient et au préconscient est légitime. L'être humain ressemble à une maison où les greniers, les resserres et les caves prennent beaucoup plus de place que les chambres habitées... La partie de nous-mêmes que gouvernent et notre conscience psychologique et notre conscience morale, ce sont les quelques chambres où vit une famille de travailleurs. Les caves dans lesquelles le vigneron garde ses foudres, les hautes granges et les silos où le paysan entasse ses récoltes, les vastes hangars où l'industriel réserve ses produits, tout cela, c'est l'inconscient. Là s'emmagasinent encore les richesses les plus anciennes accumulées par les ancêtres apportées par la patrie, par la civilisation, par la religion auxquelles on appartient. La majeure par tie de cet avoir est vendu et circule mais le plus précieux est conservé pour les enfants et les petits-enfants.

     Si nous tenons compte de l'hérédité, du bagage amassé au cours des vies antérieures, si nous comprenons que le corps et ses instincts ne sont qu'une petite partie de notre être total que le mot subconscient est au conscient ce que la série des radiations au-delà du violet et en-deça du rouge est au spectre solaire visible, qu'il englobe l'infra-conscient ténébreux et le lumineux supra-conscient, nous réduirons à ses justes proportions un système intéressant mais désastreux dans sa généralisation. Philosophiquement, la psychanalyse ne correspond pas à son étymologie. Elle n'est pas une analyse de l'âme, mais des seules forces instinctives de cette âme, plus exactement d'une partie de ces forces.. Deux ressorts, complémentaires, meuvent l'instinct : sensorialité et possessivité. Chacun des deux sexes les possède, tout en accusant une prépondérance de l'un sur l'autre : jouir d'abord, posséder ensuite, voilà l'instinct de l'homme. Posséder d'abord, jouir ensuite, voilà l'instinct de la femme, a écrit le clairvoyant Fabre d'Olivet.

     Les doctrines de Freud se centrent sur le premier de ces ressorts, négligeant plus ou moins le second. La théorie de l'attract du soi pour soi, du génial Geoffroy Saint Hilaire, centrée sur le second en est le correctif et la contre-partie. Mais ici, il y a inégalité de jeu. L'esprit synthétique de Geoffroy Saint Hilaire lui avait fait apercevoir dans la nature la même loi que le microcosme humain lui offrait. La psychanalyse, au contraire, n'a pu situer exactement son domaine microcosmique. Aussi, la corrélation macrocosmique des principes étudiés par elle, lui fait-elle complètement défaut. La raison en est bien simple, elle tient surtout aux tendances franchement matérialistes de Freud et de son mouvement. Tout un monde lui échappe de ce fait. D'autre part, il n'est pas exact qu'on puisse bâtir une synthèse sur des observations cliniques, sur un phénoménisme quelconque. J'en ai montré les raisons ailleurs, inutile d'y revenir maintenant. Constatons simplement que l'homme total déborde largement la sphère de la pure instinctivité. Celle-ci, parce que la plus apparente et la plus accessible à ses investigations, lui donne, il est vrai, l'illusion de son importance. De même, parce que située plus près de notre globe, la lune nous présente un disque apparemment aussi grand que celui du vaste soleil, trop lointain. Ne nous laissons donc pas abuser et laissons la psychanalyse à sa place, somme toute modeste, dans le groupe imposant des sciences qui étudient les différentes modalités de l'homme.

     Thérapeutiquement, la psychanalyse, maniée par un spécialiste d'une moralité assurée et d'un tact parfait, peut rendre des services, dans le domaine des affections mentales. Ici encore, nous la voyons tantôt réussir, tantôt échouer. Dans ce domaine où l'équation personnelle et les impressions subjectives de l'homme de l'art jouent un si grand rôle, l'erreur peut se glisser à chaque pas, inextricablement enlacée à la vérité. Il n'est pas non plus sans danger de replonger le patient dans le passé, à la recherche d'un affect parfois problématique. Le passé, c'est le domaine du Destin.

     Il n'est pas toujours bon de se remettre sous la coupe de ce maître exigeant... « Souviens-toi du passé ! » crie Méphisto à Marguerite, lorsqu'il veut l'amener à désespérer de la Providence. L'obsession du « libido » peut également, dans bien des cas, fausser l'interprétation des symptômes et, par conséquent, influer défavorablement sur la cure entreprise.

     Notons aussi que, bien souvent, des méthodes toutes différentes peuvent arriver au même résultat que les procédés psychanalytiques, avec peut-être moins de dangers. Qu'il me suffise d'évoquer la richesse de la matière médicale homéopathique en signes psychiques. L'action curative indiscutable de remèdes tels que Platina, Hélonias, Stramonium, Ignatia, etc., dans les psycho-névroses, n'est plus à nier. Dans nombre de cas, justiciables indifféremment de la psychanalyse ou du traitement homéopathique, ce dernier s'est montré suffisant pour déraciner le mal. Ajoutons-y une saine hygiène psychique et morale, qui n'a pas attendu Freud pour être utilisée par les médecins, et nous réduirons les cas où la méthode psychanalytique joue le rôle principal, pour ne pas dire unique.

     Je conclurai : doctrine partiellement juste, encore que restreinte, partiellement inexacte en ce qui a trait à l'importance donnée à la sexualité, la psychanalyse peut rendre des services aux spécialistes. Sa diffusion, sa vulgarisation, menacent, au contraire, d'en faire une plaie sociale.

     La tendance nettement matérialiste de ses promoteurs, leur soif de généralisation, qui les pousse à appliquer à la vie religieuse et à ses symboles les méthodes d'explication des manifestations de l'inconscient inférieur, sont également dangereuses pour des esprits non avertis. L'atmosphère érotique, dans laquelle baignent les concepts freudiens, est également néfaste pour les esprits faibles, les dévoyés, les tarés, la légion, l'immense légion, de ceux que la vie trépidante actuelle a psychiquement affaiblis.

     Pour le spiritualiste digne de ce nom, le bouclier magique contre les coups de Jarnac de l'inconscient c'est, avant tout, la foi, la prière, l'exercice de la charité et de fréquents et sévères examens de conscience.

     Les troubles des névropathes peuvent avoir bien des causes : surcharge de certains plexus nerveux aux dépens des autres, fatigue ou traumatismes des organes, chocs émotifs violents ou répétés, conséquences de vies antérieures, hérédité morbide, etc. La psychanalyse ne s'applique qu'à une catégorie de ces causes. Pour le spiritualiste chrétien, la maladie est une conséquence directe ou indirecte du péché. J'ai déjà parlé ailleurs (Du Menhir à la Croix) de ceci. De plus, certains cas très graves d'obsession et de « possession », comme on disait autrefois, sont d'origine purement spirituelle : larves des occultistes, élémentals des Qabbalistes, démons des théologiens peuvent, dans certains cas, nous visiter. Pour reprendre une boutade fameuse : autrefois on appelait les hystériques des possédées et on les guérissait ; aujourd'hui on appelle les possédées des hystériques et on les détraque davantage ! Mais, en dehors des causes que nous venons de passer en revue, que d'autres causes encore, dont le thérapeute moderne ne tient pas compte, faute de les avoir définies, et qui peuvent influer aussi bien sur notre santé physique que sur notre santé psychique. On commence seulement à soupçonner le rôle des influences solaires et lunaires, des radiations de la terre, des taches de la photosphère, de mille autres vibrations dont l'accord ou le désaccord avec le rythme vital du malade, peuvent créer des troubles extérieurement semblables à ceux auxquels s'attaque la psychanalyse, mais inguérissables par ses méthodes. Au surplus, rappelons que celles-ci ne sont pas toujours sans danger et qu'elles jouent, comme l'a montré dernièrement M. Jacques Heugel (La Mésaventure du Dr Jekyll et les Dangers du Freudisme), le rôle d'une initiation prématurée. Tous ceux qui ont lu Zanoni me comprendront. Certes, c'est un bien minuscule « dragon du seuil » que celui que peuvent évoquer les rites psychanalytiques, mais... ne sommes-nous pas, nous, l'immense foule de ceux qui n'ont ni le bouclier de la sainteté, ni le glaive de la puissance magique, ne sommes-nous pas également de bien minuscules « dompteurs »... Aussi retenons plutôt de cette étude sommaire, quoique déjà trop longue, la leçon de prudence et d'humilité qui s'en dégage ; sachons surtout nous hausser jusqu'au plan des réalités spirituelles, si nous voulons éviter la chute, toujours possible, dans le gouffre ténébreux des instincts.
 

A. SAVORET.

NOTE COMPLÉMENTAIRE




     Ayant pris le symbolisme à rebours, la psychanalyse, pénétrant dans un domaine qui n'est pas le sien, s'est attaquée successivement aux extases des mystiques, aux rites maçonniques, aux œuvres des écrivains et aux mythes et dogmes religieux. « Freud, écrit le professeur Claparède, devient le père d'une critique artistique et littéraire d'un genre tout nouveau et qui va bien plus profond dans l'analyse des chefs-d'œuvre, que cela n'avait jamais été le cas jusqu'ici. Le mérite de cette nouvelle forme de critique c'est d'être essentiellement compréhensive. Le bizarre, l'inédit, prennent un sens à ses yeux. »

     Rien de plus partial et de moins convaincant que ce sens... Nous sommes, encore une fois, devant la tare du « spécialiste », hypnotisé par son abstraction. C'est ainsi que, passant devant un olivier, le marchand d'huile ne s'y intéresse qu'en fonction de son commerce, tandis que l'artiste y voit un sujet de tableau et le charbonnier un poids X de bois de chauffage.

     Prenons un exemple. Voici deux ans, paraissait une traduction du traité de métaphysique taoïste : Le Secret de la Fleur d'Or du Suprême Un. Un des maîtres de la psychanalyse, le Dr Jung, de Zurich, s'est empressé d'en faire une critique aussi « profonde » qu'inadéquate, et qui débute d'ailleurs par cette déclaration monumentale : « Mon admiration des grands penseurs orientaux est aussi indubitable, que mon attitude à l'égard de leur métaphysique est peu respectueuse. Je les soupçonne notamment d'être des psychologues s'exprimant par symboles et auxquels on ne saurait faire de plus grand tort que de les prendre au mot. SI C'EST RÉELLEMENT DE MÉTAPHYSIQUE QU'ILS ONT VOULU PARLER, ALORS IL N'Y A PLUS AUCUN ESPOIR DE LES COMPRENDRE. »

     Tel est, dépouillé de tout artifice, l'oracle d'un des pontifes de la critique psychanalytique, réputée « essentiellement compréhensive »

     Dans le Voile d'Isis d'Avril 1931, M. André Préau, au cours d'une critique très fouillée de l'exégèse du Dr Jung, prouvait, document à l'appui, que ce dernier avait dû constamment forcer le sens du texte, gêné par les limites de son propre système. M. Jung prétendait expliquer les symboles obscurs du Taoïsme, mais, dit M. Préau, « chaque pas fait dans la direction des mystiques et des taoïstes éloigne M. Jung de sa théorie ; et chaque retour à sa théorie l'éloigne des taoïstes et des mystiques ». Force nous est de conclure avec André Préau que le professeur de Zurich nous offre un taoïsme... sans Tao, comme il nous offrirait éventuellement un christianisme sans Christ, ou un pédantisme « purifié » de toute métaphysique.

     Mais ici perce le bout de l'oreille. Alors que le Tao lui-même (premier feuillet) dit clairement : « pour atteindre l'essence du Tao, il faut supprimer tout désir personnel », ce que confirme le douzième feuillet : « Les 5 couleurs aveuglent l'homme. Les 5 sons le rendent sourd. Les 5 saveurs émoussent le goût. La course et la chasse affolent son cœur. La recherche des richesses lui est nuisible. C'est pourquoi le Sage doit s'occuper de sa vie intérieure et non des objets de ses sens : il abandonne ceci et s'attache à cela », M. Jung en tire toujours sous l'empire de son système, des maximes comme celle-ci : « quiconque vit ses instincts peut se séparer d'eux, et d'une façon aussi naturelle qu'il les a vécus ».

     Ici, nous ne sommes plus en face du visage austère de la science, nous sommes en présence d'un doctrinaire inversif, d'un moraliste à rebours, dont les théories hasardeuses risquent de pervertir les consciences, en leur fournissant l'excuse « scientifique » (?) de leurs pires capitulations morales.

     Il est regrettable que le Freudisme, tel qu'il est employé par M. Jung et ses émules, apparaisse si manifestement comme une machine de guerre montée contre la morale chrétienne et même la morale tout court. Lorsqu'on évoque les ravages causés dans la cervelle de tant de pauvres adolescents - et dans leur existence, - par l'idée de « vivre leur vie », on doit regretter la disparition de certaines censures. Quels garde-fous pourra opposer la société à ceux et à celles qui, pour justifier des actes essentiellement répréhensibles, déclareront « J'ai voulu « vivre mes instincts », afin d'éviter le refoulement ! » Ces malheureux dévoyés pourraient dès à présent se couvrir de l'autorité des super-psychanalystes en vérité, ils n'auraient que l'embarras du choix !
Comment pouvoir fermer les yeux devant certaines évidences, devant l'appui mutuel que se prêtent les théories aujourd'hui en vogue sur la libération des instincts, la relativité du bien et du mal, la religion considérée comme une simple survivance des superstitions de l'enfance de l'humanité, la marche de l'humanité vers le progrès et le « confort » (bel idéal de porcs à l'engrais !), etc...

     Comment ne pas voir qu'un puissant effort est actuellement tenté, qui aboutira à la destruction de la dignité humaine, de la responsabilité morale, de toutes les valeurs liées, qu'on le veuille ou non, à notre sensibilité et à nos institutions ?

     Parmi ces béliers qui battent en brèche les dernières forteresses de la conscience chrétienne et de la civilisation séculaire de l'Occident, la psychanalyse, telle que l'entendent bon nombre de ses adeptes, joue aussi son rôle (2).

     Pour nous, spiritualistes, nous devons jeter le cri d'alarme et nous souvenir des paroles de Jésus, seul Maître des consciences et des cœurs « Prenez garde que vous ne soyez séduits ! »
 

A. SAVORET.


(1) La localisation des « roues » (çakras) et du serpent de feu dans l'être humain, ce sont les sept plexus nerveux, Le serpent s'enroule et se déroule, monte et descend, le long de la moelle épinière. Or, la base, nous trouvons les plexus prostatiques et sacré, d'où les désordres psychiques et érotiques qui peuvent naître d'une brusque condensation du feu vital mal dirigé dans ces centres, liés aux fonctions de reproduction.
(2) À tout seigneur, tout honneur : au nombre de ces psychanalystes nettement anti chrétien, il faut compter en première ligne le Dr Freud lui-même. Dans « L'Avenir d'une Illusion » il manifeste sa sympathie pour l'athéisme bolcheviste, quoiqu'il déclare prudemment qu'il est loin « de vouloir porter un jugement sur la grande expérience culturelle qui se poursuit actuellement dans la vaste contrée étendue entre l'Europe et l'Asie. » Et plus loin, c'est au nom même de ses théories qu'il attaque à fond la religion considérée par lui comme une illusion apparentée au fameux « complexe d'Œdipe » et qu'il traite (p. 181) de « névrose obsessionnelle universelle ».
Retenons sa thèse pernicieuse qui se résume dans cette phrase (p.132) « l'essai d'une éducation non-religieuse vaut d'être tenté. » « Si la tentative échoue, ajoute-t-il, je serais prêt à abandonner toute réforme...
On voit que le trop célèbre docteur traiterait volontiers les enfants en cobayes. Si l'expérience échoue, si elle amène des résultats contraires à ses prévisions, on reviendra aux vieilles méthodes, voilà tout. Mais les milliers de jeunes âmes perverties par cette douteuse « expérience », les ruines morales qu'elle aurait accumulées, cela ne compte guère à ses yeux ! À chacun de conclure...