XI

 

L'accueil à l'inconnu

 

Nous entendrons ici M. Ball, l'enquêteur officiel des faits et gestes du Curé d'Ars. (1)

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Pendant que M. l'abbé Alliot était curé d'Ambérieux-en-Dombes (2), il recevait un jour chez lui M. de la Barge, de Cézeriat, son ami. Au milieu des divers entretiens qu'ils eurent ensemble dans cette circonstance, la conversation tomba sur le vénérable Curé d'Ars et les merveilles que la renommée publique rapportait de lui. Comme M. de la Barge ne le connaissait pas du tout, n'étant jamais allé à Ars et qu'il écoutait avec un intérêt marqué ce que M. Alliot lui en racontait, celui-ci lui proposa de l'y conduire, ce qui fut accepté avec grand plaisir.

Parvenus dans le village et avant d'avoir vu M. Vianney, ils se rendirent l'un et l'autre chez les missionnaires où, quelques moments après, se rendit également le vénérable Curé pour faire sa visite quotidienne à ses collaborateurs. (3)

Tous se lèvent à son arrivée, mais quel n'est pas l'étonnement de M. de la Barge quand, après les saluts ordinaires donnés et reçus, il voit M. Vianney s'approcher de lui, lui prendre la main avec amitié, l'appeler par son nom comme une vieille connaissance !

Or le gentilhomme savait pertinemment n'avoir jamais encore rencontré M. le Curé d'Ars, n'avoir jamais eu avec lui le moindre rapport ni par correspondance ni autrement. Et personne n'avait pu donner vent au vénérable M. Vianney de l'arrivée de ce nouveau pèlerin. M. de la Barge n'en revenait pas de surprise.

C'est qu'en effet M. Vianney venait de donner un nouveau témoignage du don d'intuition surnaturelle dont le ciel l'avait enrichi à un si haut degré, et le fait qui venait d'avoir lieu ne put être envisagé différemment par tous ceux qui en furent témoins.

 

M. Alliot, actuellement curé de Rancé, qui m'a fait cette relation à Ars dans le courant de l'année 1880, la certifie entièrement conforme à la vérité.

 

(1) Documents, N° 82

(2) Ambérieux-en-Dombes est une paroisse de l'Ain située à quelque six kilomètres d'Ars et remarquable par les ruines d'une haute tour qui se dresse tout près de l'église

(3) Lorsque, en 1853, M. Toccanier, missionnaire de Pont-d'Ain, fut nommé par Mgr Chalandon auxiliaire-résidant du saint, il s'installa à la Providence, dans la partie attenante à la chapelle, là où M. Vianney lui-même projeta un moment de se retirer. Le saint Curé prit l'habitude de visiter chaque jour, à la fin de leur déjeuner, M. Toccanier et ceux de ses confrères de Pont-d'Ain qui venaient l'aider à titre de confesseurs et de prédicateurs