XI

 

La vocation d'un « petit polisson »

 

 

Mme Gouton, de Saint-Genest-Lerpt (Loire), fit vers 1850 le pèlerinage d'Ars. Comme elle était légèrement sourde, elle dut aller à la sacristie, où le saint Curé la reçut. « Soyez heureuse, lui dit-il. Le bon Dieu choisira un jour l'un de vos enfants pour le sacerdoce ; mais vous ne le verrez pas prêtre. »

 

Elle eut deux garçons. L'aîné était doux et gentil ; il aimait à prier avec sa mère ; le second, Joseph, était éveillé, pétulant, grand ami du bruit et du grand air. « Ce n'est pas, pensait la mère, ce petit polisson qui réalisera la prédiction du Curé d'Ars ! » Or l'aîné mourut âgé de sept ans.

L'approche de la première communion impressionna Joseph. Il fit une fervente retraite. « Maman, déclara-t-il le soir de ce beau jour, je serai missionnaire.

— C'est une belle vocation, se contenta de répondre la mère. Si le bon Dieu t'en fait la grâce, il faut t'y bien préparer. »

 

Joseph grandit, commença l'étude du latin avec le vicaire de la paroisse et finalement, pour raison de santé, entra au séminaire de Kouba, en Algérie. Mme Gouton vivait encore lorsqu'il reçut le sous-diaconat. Mais, déjà malade et obligée de garder la chaise-longue, la suprême consolation de cette mère chrétienne fut de revoir son grand fils ; elle aimait surtout à l'avoir assis près d'elle, récitant son bréviaire. Elle lui fit part alors de la prédiction dont jadis il avait été l'objet. Elle s'éteignit doucement le 8 septembre suivant, en la fête de la Nativité de la Sainte Vierge.

 

M. l'abbé Joseph Gouton, devenu curé d'une des principales paroisses du diocèse d'Alger, a lui-même raconté ces choses à Mgr Convert, le 12 juillet 1921.