XI

Un petit péché

 

Voilà ce que raconta, un soir de 1859, un instituteur d'Estezargues, dans le Gard, au Frère Jérôme, sacristain de l'église d'Ars.

 

« Je suis venu ici pour m'édifier auprès de M. Vianney, dont j'ai entendu raconter des merveilles si étonnantes.

Bon chrétien – je le dis par souci de la vérit頖 j'avais préparé avec grand soin ma confession, que je désirais aussi complète que possible. Or voyez ce qui m'est arrivé.

Tout en m'accusant, il me vint à l'esprit le souvenir d'une faute, à mes yeux si légère que je ne jugeai pas utile de l'accuser. Et je terminai mes aveux, tels que je les avais préparés.

« N'avez-vous plus rien à dire ? me demanda alors M. Vianney.

— Non, mon Père ?

— Mais cette faute ? (Et il désignait clairement le péché volontairement omis.)

— Oui, mon Père, je l'ai commise, cette faute. Mais croyez-vous qu'elle soit grave ?

— Oh! non, mon enfant, elle ne l'est pas ».

 

Après cela, continuait l'instituteur, je vous assure, mon Frère, que je n'en reviens pas de la clairvoyance de votre saint Curé. Rien n'a pu lui faire connaître cette faute légère ni avant ni pendant mes accusations. Quand j'y ai pensé au cours de ma confession, je n'ai pas hésité un millième de seconde. Cela, c'est du surnaturel. Je repars, convaincu que le Curé d'Ars avait la vue intuitive de ma conscience. » (1)

 

(1) Documents Ball, n° 143