V

« Prêtre et saint prêtre »

 

Anglefort, bourgade d'un millier d'habitants est situé sur les bords du Rhône, pas bien loin du lac du Bourget. Pour aller de là au village d'Ars, il faut traverser les arrondissements de Belley et de Trévoux, c'est-à-dire le Bugey et le Pays des Dombes.

La longueur du voyage, la difficulté des chemins n'avaient pas arrêté Mme Cottin, qui, un jour de 1836, quittait Anglefort dans l'intention de consulter le saint Curé d'Ars. Elle ne cherchait pas à savoir la destinée de l'enfant dont elle attendait la venue ; elle désirait simplement implorer pour lui les bénédictions d'un saint.

Or M. Vianney la discerna au milieu de la foule et lui fit signe d'approcher.

« Je vous bénis, lui dit-il, vous et votre enfant. Il sera prêtre, et saint prêtre. Vous avez fait un long voyage... Tout le département pour venir jusqu'ici !... Retournez maintenant chez vous. »

 

La bénédiction du Curé d'Ars porta ses fruits.

Le jeune François Cottin, doux et pieux, parla bientôt d'entrer au séminaire. Il devint prêtre.

Soit comme professeur au petit séminaire de Belley où il gagna la confiance d’un grand nombre d'élèves, soit comme curé à Neuville-sur-Ain puis à Miribel, soit comme chanoine titulaire, il se ferait remarquer pour sa tendre et forte piété.

À Miribel, il instaura la visite publique au Saint-Sacrement, y attirant de nombreux adorateurs. Son vicaire d'alors, de qui nous viennent ces renseignements, et envers qui il fut toujours, pendant leurs cinq années de vie presbytérale, d'une sollicitude, d'une délicatesse presque maternelle, M. l'abbé Perrat (1), se souvient qu'à l'occasion d'un vol sacrilège des vases sacrés et des saintes Espèces, M. l'abbé Cottin versa longtemps des larmes ; il paraissait inconsolable. À Miribel encore, il eut la bonne fortune d'être secondé dans ses œuvres pies par une sainte fille du pays – comme le Curé d'Ars l'avait été par Mlle Catherine Lassagne. D'après ses conseils, Mlle Guillon fonda dans la paroisse un asile de vieillards, œuvre chère entre toutes au cœur du saint abbé Cottin. Son ancien vicaire aime à redire aussi qu'il excellait comme directeur d'âmes et qu'il en forma un très grand nombre à la piété solide.

 

À Belley, il remplit à la cathédrale les fonctions de maître des cérémonies avec un zèle et une compétence remarquables.

Par tous ces traits, et par bien d'autres que M. l'abbé Perrat aurait pu citer, il vérifia la parole du Curé d'Ars : « Il sera prêtre, et un saint prêtre. »

Et cette sainteté sacerdotale prophétisée par un grand saint n'a-t-elle pas rayonné même au foyer natal ? M. François Cottin appartenait à une famille patriarcale de douze enfants. Deux de ses sœurs furent religieuses de Saint-Joseph de Bourg. L'une d'elles, Mère Aline, morte supérieure d'un orphelinat de Marseillle, a laissé clans cette ville un souvenir qui dure encore. Son frère Eugéne, prêtre de la Société des Missions Étrangères de Paris, fut missionnaire au Se-tchoan occidental, puis rappelé au séminaire de la rue du Bac, il y devint directeur des Aspirants et professeur de droit canonique.

 

(1) Originaire du diocèse de Belley, ancien aumônier de l'Hôtel-Dieu à Marseille, M. Perrat est devenu vicaire à Saint-Cannat (Bouches-du-Rhône).