VIII
Une guérison et deux prophéties
Ceci se passa encore dans les derniers mois de la vie du saint Curé.
Une nuit, vers trois heures, une mère de famille, Mme Veuillet, entrait dans l'église d'Ars, tenant dans ses bras son petit garçon. Elle habitait Bellefontaine, dans les montagnes du Jura. Dès qu'elle s'était aperçue que son fils tombait du haut mal, elle avait pris la résolution de le porter au saint Curé. Partie la veille à pied, elle avait marché presque sans trêve, son cher fardeau contre son cur, fortifiée par cette pensée unique : le Saint le guérira.
Elle arrivait, épuisée du voyage, dans cette église inconnue où M. Vianney confessait depuis deux longues heures. Il y avait là une file interminable de pénitentes. Écroulée sur une chaise, Mme Veuillet se redisait avec angoisse qu'elle ne pourrait pas aborder le saint Curé de tout le jour. Et alors comment faire reposer l'enfant ?...
Soudain, des personnes lui font signe d'approcher. C'est M. le Curé qui, sans l'avoir aperçue, la réclame. Elle le trouve debout devant la porte entr'ouverte de son confessionnal :
« Madame, lui dit-il, avant qu'elle ait pu articuler une parole, je sais pourquoi vous venez. Soyez tranquille, désormais votre fils ne tombera plus... Vous avez laissé à la maison une fille. Elle sera religieuse et missionnaire. »
En effet, Mme Veuillet avait laissé à la maison, sous la garde du père, sa fille Marie, alors âgée de huit à neuf ans.
Le garçon fut guéri instantanément.
Quant à la fille, le 2 janvier 1875, elle entrait chez les Religieuses Franciscaines de l'Immaculée Conception de Lons-le-Saunier. En mars 1882, elle partit pour la mission des Révérends Pères Capucins de Mésopotamie où elle résida, soit à Mardin, soit à Diarbékir, jusqu'en janvier 1915. Elle était à cette époque brutalement expulsée avec les Pères et ses Surs en religion par les Turcs entrés en guerre contre la France. Marie Veuillet, devenue Mère Jean-Baptiste, est morte à La Tronche, prés de Grenoble, le 25 septembre 1925 (1).
(1) Nous tenons ces détails si intéressants du R. P. Colomban de Giromagny qui, missionnaire à Diarbékir, y connut Mère Jean-Baptiste et obtint d'elle toutes ces précisions.