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Une pénitente trop pressée
Cela s'est passé en 1859, alors que M. Vianney n'avait plus que quelques mois à vivre.
Mme Guerries, qui habitait Usson-en-Forez (Loire), où l'on vénère en sa chapelle Notre-Dame de Chambria, avait quitté ses montagnes pour faire le pèlerinage d'Ars.
Mme Guerries était marchande de dentelles. Elle allait chaque vendredi c'était le jour du marché s'approvisionner dans la pittoresque ville de Saint-Bonnet-le-Château, si curieuse avec ses rues sombres et tortueuses bordées de maisons anciennes.
Quel jour de la semaine arriva-t-elle dans le village d'Ars ? On ne sait. Toujours est-il qu'elle se proposait d'être de retour pour le marché suivant. Or Saint-Bonnet-le-Château est distant d'Ars de toute la largeur des départements du Rhône et de la Loire.
Mme Guerries trouva l'église d'Ars archipleine. Un seul moyen de parvenir rapidement au confessionnal du saint Curé : payer d'audace, jouer des coudes, jouer des coudes encore... On eut beau protester, la dentellière d'Usson-en-Forez finit par atteindre le premier rang des pénitentes. Bientôt, elle s'agenouillait au confessionnal.
Or, avant même qu'elle pût ouvrir la bouche, le serviteur de Dieu, froid et sévère, lui dit : « Madame, vous avez écarté des femmes qui attendent leur tour depuis longtemps ; elles ont laissé des petits enfants à la maison et ont plus de motifs que vous de rentrer chez elles tout de suite. Allez donc à Saint-Bonnet-le-Château pour votre marché. Mieux préparée, vous reviendrez ensuite. »
Stupéfaction de Mme Guerries. Docile cependant à l'injonction du saint Curé, elle quitta immédiatement le confessionnal et retourna à ses affaires.
Sans rancune car elle avait compris combien M. Vianney avait eu raison, et elle, tort elle renouvela son pèlerinage et vint à son tour, sans bousculer personne, recevoir l'absolution du grand serviteur de Dieu (1).
(1) D'après un récit fait à Mgr Convert, à la cure d'Ars, le 16 août 1937, par M. l'abbé Faveyriat, curé de Briennion (Loire), qui l'avait entendu de Mme Guerries elle-même.