XV
Le larcin de la fillette
La coutume s'était établie assez loin à la ronde de conduire à M. Vianney premiers communiants et prémières communiantes pour qu'il les bénit et leur distribuât ses conseils inspirés. Il se prêtait volontiers à cette cérémonie toute simple. On le priait de venir sur le perron de l'église, et le saint se détendait quelques minutes au milieu de la troupe enfantine.
C'est ainsi qu'à l'occasion du congé de première communion une religieuse institutrice des environs d'Ars y amena en pèlerinage un groupe de ses jeunes élèves.
Les fillettes firent leur prière dans l'église, puis en attendant l'audience tant souhaitée, elles descendirent vers un magasin d'objets de piété pour quelques modestes emplettes.
Or l'une de ces enfants fut fascinée par une médaille qui lui parut plus belle que toutes les autres. Elle n'osa pas en demander le prix, la croyant bien trop chère pour sa bourse. Cependant la tentation fut si forte, que la pauvre petite y succomba et glissa la rutilante médaille dans sa poche. Ensuite, comme toutes ses compagnes, elle acheta de menus objets.
Bientôt, l'aimable groupe se trouvait réuni autour de M. Vianney. Chaque enfant passa devant le saint, lui présentant ses objets de piété à bénir. Mais quand le tour de la jeune voleuse arriva, le Curé d'Ars lui dit avant de faire le geste de bénédiction :
« Je bénis ceci... et non cela. »
On vit ensuite remuer ses lèvres. L'enfant rougissait, honteuse de son péché. Elle seule du reste comprenait ce langage secret.
Contrite et courageuse, elle partit soudain restituer à la marchande la trop jolie médaille (1).
(1) Ce fait, a été raconté aux Surs de la Charité de Bourg par la parente de l'une d'elles qui en tenait les détails de l'héroïne elle-même.