V
La paix dans un ménage
Un jour de l'année 1857, une demoiselle Julie Raynaud, étant de passage à Ars, se rencontra à la porte de la petite sacristie la sacristie qui existe encore en même temps qu'une dame qui venait d'y arriver après avoir fait environ deux cents lieues de chemin. L'une et l'autre étaient également pressées de parler à M. Vianney. On leur permit d'entrer ensemble.
À peine entrée, la dame s'écria : « Ô mon Père ! » et elle saisit le Curé d'Ars par une manche de son rochet.
« Mon enfant, répliqua aussitôt l'homme de Dieu, repartez tout de suite. On vous cherche. Vos parents sont sur vos traces. »
Mlle Raynaud se taisait, étonnée d'une scène si inattendue. Quant à sa compagne d'audience, se croyant prise pour une autre ou s'imaginant que M. Vianney ne comprenait pas, elle reprit :
« Mon Père, mon Père !... Il faut absolument que je vous parle... J'en ai tant sur le cur !
Mon enfant, ce que vous avez sur le cur, c'est la conduite de votre mari. Il changera. Tout ira mieux. Mais retournez tout de suite chez vous. Votre mari est dans l'embarras. »
La visiteuse n'insista plus. Elle se retira.
Mlle Julie Raynaud, après s'être entretenue brièvement avec l'homme de Dieu sur une affaire de conscience, se retrouva dehors avec la pauvre fugitive.
« Tout ce que m'a dit le saint est parfaitement vrai, lui avoua cette dame. Il ne pouvait cependant d'aucune manière me connaltre, ni savoir les difficultés qui ont surgi entre mon mari et moi. Je suis accourue ici pour ainsi dire après une discussion pénible... Si le Curé d'Ars m'a dit qu'on me cherche, c'est que c'est vrai. À présent, on regrette là-bas... Et moi aussi !... Je m'en retourne signer la paix (1) ! »
(1) Documents Ball, n° 125
