4ème dimanche après la Pentecôte

Sur l'Espérance

 

Diliges Dominant Deum tuum.
Vous aimerez le Seigneur votre Dieu.
(S.Matthieu, XXII, 37.)

Il est vrai, M.F., que saint Augustin nous dit que, quand il n'y aurait point de ciel à espérer, point d'enfer à craindre, il ne laisserait pas que d'aimer le bon Dieu, parce qu'il est infiniment aimable et qu'il mérite d'être aimé ; cependant le bon Dieu, pour nous encourager à nous attacher à lui et à l'aimer par-dessus toutes choses, nous promet une récompense éternelle. Si nous nous acquittons dignement d'une si belle fonction, qui fait tout le bonheur de l'homme sur la terre, nous préparons notre félicité et notre gloire dans le ciel. Si la foi nous apprend que Dieu voit tout, et qu'il est témoin de tout ce que nous faisons et souffrons, la vertu d'espérance nous fait endurer nos peines avec une entière soumission à sa sainte volonté, par la pensée que nous en serons récompensés pendant toute l'éternité. Nous voyons aussi que ce fut cette belle vertu qui soutint les martyrs au milieu de leurs tourments, les solitaires dans les rigueurs de leurs pénitences, et les saints infirmes et malades dans leurs maladies. Oui, M.F., si la foi nous découvre partout Dieu présent, l'espérance nous fait faire tout ce que nous faisons dans la seule vue de plaire au bon Dieu, par la pensée heureuse d'une récompense éternelle. Puisque, M.F., cette vertu adoucit tant nos maux, voyons tous ensemble en quoi consiste cette belle et précieuse vertu d'espérance.


Si, M.F., nous avons le bonheur de connaître par la foi, qu'il y a un Dieu qui est notre Créateur, notre Sauveur et notre souverain Bien, qui ne nous a créés que pour le connaître, l'aimer, le servir et le posséder ; l'espérance nous apprend que, quoique indignes de ce bonheur, nous pouvons l'espérer par les mérites de Jésus-Christ. Pour rendre, M.F., nos actions dignes d'être récompensées, il faut trois choses, que voici : la foi, qui nous y fait voir Dieu présent ; l'espérance, qui nous les fait faire dans la seule vue de lui plaire, et l'amour, qui nous attache à lui comme à notre souverain Bien. Oui, M.F., nous ne connaîtrons jamais le degré de gloire que chaque action nous procurera dans le ciel, si nous la faisons bien purement pour le bon Dieu ; les saints mêmes qui sont dans le ciel ne le comprennent pas. En voici un exemple bien frappant. Nous lisons dans la vie de saint Augustin, qu'écrivant à saint Jérôme pour lui demander de quelle expression il fallait se servir pour mieux faire sentir la grandeur du bonheur dont les saints jouissent dans le ciel ; dans le moment qu'il mettait, selon sa coutume, au commencement de toutes ses lettres : « Salut en Jésus-Christ Notre-Seigneur », sa chambre fut éclairée d'une lumière tout extraordinaire qui était plus belle que le soleil dans son midi et très odoriférante ; il en fut si charmé, qu'il manqua mourir de plaisir. Dans le même instant, il entendit sortir de cette lumière une voix qui lui dit : « Ah ! mon cher ami Augustin, tu me crois encore sur la terre ; grâce à Dieu, je suis dans le ciel. Tu veux me demander de quel terme l'on pourrait se servir pour mieux faire sentir le bonheur dont jouissent les saints ; sache, mon cher ami, que ce bonheur est si grand, et si au-dessus de tout ce qu'une créature peut penser, qu'il te serait plus facile de compter toutes les étoiles qui sont au firmament, de mettre l'eau de toutes les mers dans une fiole, et de tenir toute la terre dans ta main, que de pouvoir comprendre la félicité du moindre des bienheureux dans le ciel. Il m'est arrivé ce qui arriva à la reine de Saba ; elle avait conçu une grande idée du roi Salomon d'après le bruit de sa réputation ; mais, après avoir vu par elle-même le bel ordre qui régnait dans son palais, la magnificence sans égale, la science et les connaissances de ce roi, elle en fut si étonnée et si ravie, qu'elle s'en retourna chez elle en disant que tout ce qu'on lui avait dit n'était rien en comparaison de ce qu'elle avait vu elle-même. J'en ai fait de même pour la beauté du ciel et le bonheur dont jouissent les saints ; je croyais avoir compris quelque chose de ces beautés qui sont renfermées dans le ciel et du bonheur dont les saints y jouissent ; malgré toutes les pensées les plus sublimes que j'ai pu produire, tout cela n'est rien en comparaison de ce bonheur qui est le partage des bienheureux. »


Nous lisons dans la vie de sainte Catherine de Sienne, que le bon Dieu lui fit voir quelque chose de la beauté du ciel et de sa félicité. Elle en fut si ravie qu'elle tomba en extase. Étant revenue à elle-même, son confesseur lui demanda ce que le bon Dieu lui avait fait voir. Elle lui dit que le bon Dieu lui avait fait voir quelque chose de la beauté du ciel et du bonheur dont les saints y jouissent ; mais qu'il était impossible d'en dire la moindre chose, tant cela surpassait tout ce que nous pouvons penser. Eh bien ! M.F., voilà où nous conduisent nos bonnes actions si nous les faisons dans la vue de plaire à Dieu ; voilà les biens que la vertu d'espérance nous fait désirer et attendre.


2° Nous avons dit que la vertu d'espérance nous console et nous soutient dans les épreuves que le bon Dieu nous envoie. Nous en avons un bel exemple dans la personne du saint homme Job, sur son fumier, couvert d'ulcères depuis les pieds jusqu'à la tête. Il avait perdu tous ses enfants, qui avaient été écrasés sous les ruines de sa maison. Lui-même se vit traîné de son lit sur un fumier dans le coin des rues, abandonné de tout le monde ; son pauvre corps était tout couvert de pourriture ; les vers le mangeaient tout vivant ; il était obligé de les ôter avec des morceaux de pots cassés ; insulté même de sa femme qui, au lieu de le consoler, l'accablait d'injures, en lui disant : « Le vois-tu, ton Dieu que tu sers avec tant de fidélité ? Vois-tu comment il te récompense ? Demande-lui donc la mort ; au moins tu seras délivré de tes maux. » Ses meilleurs amis ne semblaient venir le voir que pour augmenter ses douleurs. Cependant, malgré cet état si pitoyable où il est réduit, il ne laisse pas de toujours espérer en Dieu. « Non, mon Dieu, disait-il, je ne cesserai jamais d'espérer en vous ; quand vous m'ôteriez même la vie, je ne laisserais pas d'espérer en vous, et d'avoir une grande confiance en votre charité. Pourquoi, mon Dieu, voudrais-je me décourager et m'abandonner au désespoir ? J'accuserai devant vous mes péchés qui sont la cause de mes maux ; mais j'espère que vous serez vous-même mon Sauveur. Mon espérance est que vous me récompenserez un jour des maux que j'endure pour votre amour. » Voilà, M.F., ce que nous pouvons appeler une véritable espérance : puisque, malgré qu'il lui semblât que toute la colère de Dieu fût tombée sur lui, il ne laissait pas que d'espérer en Dieu. Sans examiner pourquoi il souffrait tant de maux, il se contente seulement de dire que ce sont ses péchés qui en sont la cause. Voyez-vous, M.F., les grands biens que là vertu d'espérance nous procure ? Tout le monde le trouve malheureux, et lui seul, sur son fumier, abandonné des siens et méprisé des autres, se trouve heureux, parce qu'il met toute sa confiance en Dieu. Ah ! si, dans nos peines, nos chagrins et nos maladies, nous avions cette grande confiance en Dieu, que de biens nous ramasserions pour le ciel ! Hélas ! que nous sommes aveugles, M.F. ! Si, au lieu de nous désespérer dans nos misères, nous avions cette ferme espérance que le bon Dieu nous envoie tout cela comme autant de moyens pour nous faire mériter le ciel, avec quelle joie ne les souffririons-nous pas !


Mais, me direz-vous, que veut dire ce mot : espérer ? – Le voici, M.F. C'est soupirer après quelque chose qui doit nous rendre heureux dans l'autre vie ; c'est désirer ardemment la délivrance des maux de cette vie, et désirer la possession de toutes sortes de biens capables de nous contenter pleinement. Lorsque Adam eut péché et qu'il se vit accablé de tant de misères, toute sa consolation était que, non seulement ses souffrances lui mériteraient le pardon de ses péchés, mais encore lui procureraient des biens pour le ciel. Quelle bonté de Dieu, M.F., de récompenser de tant de biens la moindre de nos actions, et cela, pendant toute l'éternité ! Mais, pour nous faire mériter ce bonheur, le bon Dieu veut que nous ayons une grande confiance en lui, comme des enfants envers un bon père. C'est pour cela que nous le voyons, dans plusieurs endroits de l'Ecriture sainte, prendre le nom de Père, afin de nous inspirer une plus grande confiance. Il veut que nous ayons recours à lui dans toutes nos peines, soit de l'âme, soit du corps. Il nous promet de nous secourir toutes les fois que nous aurons recours à lui. S'il prend le nom de père, c'est pour nous inspirer une plus grande confiance en lui. Voyez combien il nous aime : il nous dit par son prophète Isaïe, qu'il nous porte tous dans son sein. « Une mère, nous dit-il, qui porte son enfant dans son sein, ne peut pas l'oublier et, quand même elle serait assez barbare que de le faire, pour moi, je n'oublierai jamais celui qui met sa confiance en moi (
IS. XLIX, 15.). » Il se plaint même que nous n'avons pas assez confiance en lui ; il nous avertit de « ne plus mettre notre confiance dans les rois et les princes, parce que notre espérance sera trompée (PS. CXLV, 2.). » Il va plus loin, puisqu'il nous menace de sa malédiction, si nous n'avons pas grande confiance en lui ; il nous dit par son prophète Jérémie : « Maudit soit celui qui ne met pas sa confiance en son Dieu ! » et plus loin, il nous dit : « Béni soit celui qui a confiance au Seigneur (JER. XVII, 5, 7.)! » Voyez la parabole de l'Enfant prodigue, qu'il nous cite avec tant de plaisir, afin de nous inspirer une grande confiance en lui. « Un père, nous dit-il, avait un enfant qui lui demanda ce qui pouvait lui revenir de son héritage. Ce bon père lui donna son bien. Ce fils abandonne ce bon père, part dans un pays étranger, et là, se livre à toutes sortes de désordres. Mais, quelque temps après, ses débauches l'avaient réduit à la plus grande misère ; sans argent et sans aucune ressource, il aurait voulu se nourrir des restes des pourceaux ; mais personne ne lui en donnait. Se voyant accablé de tant de maux, il se rappela qu'il avait abandonné un bon père, qui n'avait cessé de le combler de toutes sortes de bienfaits tout le temps qu'il avait été auprès de lui ; il se dit en lui-même : « Je me lèverai et j'irai, les larmes aux yeux, me jeter aux pieds de mon père ; il est si bon, j'espère qu'il aura encore pitié de moi. Je lui dirai : « Mon tendre père, j'ai péché contre vous et contre le ciel, je n'ose plus vous regarder ni le ciel ; je ne mérite plus d'être placé au nombre de vos enfants ; mais je serai trop heureux si vous voulez bien me mettre parmi vos esclaves. » Mais que fait ce bon père ? nous dit Jésus-Christ, qui est lui-même ce tendre père ; bien loin d'attendre qu'il vienne se jeter à ses pieds, d'aussi loin qu'il le voit, il court pour l'embrasser. L'enfant veut avouer ses péchés ; mais le père ne veut plus qu'il lui en parle. « Non, non, mon fils, il n'est plus question de péchés, ne pensons qu'à nous réjouir. » Ce bon père invite toute la cour céleste à remercier le bon Dieu de ce que son fils qui était mort, est ressuscité, de ce qu'il l'avait perdu et l'a retrouvé. Pour lui témoigner combien il l'aime, il lui rend tous ses biens et son amitié (LUC. XV.).


Eh bien ! M.F., voilà la manière dont Jésus-Christ reçoit le pécheur toutes les fois qu'il revient à lui : il le pardonne et lui rend tous les biens que le péché lui avait ravis. D'après cela, M.F., qui de nous n'aura pas une grande confiance en la charité du bon Dieu ? Il va plus loin, puisqu'il nous dit que quand nous avons le bonheur de quitter le péché pour l'aimer, tout le ciel se réjouit. Si vous lisez plus loin, voyez avec quel empressement il court chercher sa brebis égarée ? Une fois qu'il l'a trouvée, il en a tant de joie qu'il veut même la prendre sur ses épaules pour lui éviter la peine de voyager (
Ibid.). Voyez avec quelle bonté il reçoit Madeleine à ses pieds (Ibid. VII.), voyez avec quelle tendresse il la console ; non seulement il la console, mais encore, il la défend contre les insultes des pharisiens. Voyez avec quelle charité et quel plaisir il pardonne à la femme adultère ; elle l'offense, et c'est lui-même qui veut être son protecteur et son sauveur (JOAN. VIII.). Voyez son empressement à courir après la Samaritaine ; pour sauver son âme, il va lui-même l'attendre auprès du puits de Jacob ; il veut lui adresser le premier la parole, afin de lui faire voir d'avance combien il est bon ; il fait semblant de lui demander de l'eau, pour lui donner sa grâce et le ciel (Ibid. IV.).


Dites-moi, M.F., quelles excuses aurons-nous pour nous excuser, lorsqu'il nous fera voir combien il était bon à notre égard, et comment il nous aurait reçus, si nous avions voulu revenir ? avec quel plaisir il nous aurait pardonné et rendu sa grâce ? Ne pourra-t-il pas nous dire : Ah ! malheureux, si tu as vécu et si tu es mort dans le péché, c'est bien parce que tu n'as pas voulu en sortir ; moi qui désirais tant te pardonner ! Voyez, M.F., combien le bon Dieu veut que nous venions à lui avec confiance dans nos maux spirituels. Il nous dit, par son prophète Michée, que quand nos péchés seraient aussi nombreux que les étoiles du firmament et que les gouttes d'eau de la mer, que les feuilles des forêts et que les grains de sable qui bordent l'Océan, si nous nous convertissons sincèrement, il nous promet de les oublier tous ; et il nous dit que, quand ils auraient rendu notre âme aussi noire que le charbon, « aussi rouge que l'écarlate, il nous la rendra aussi blanche que la neige (
ISAI, I, 18.). » Il nous dit qu'il jette nos péchés dans les chaos de la mer, afin qu'ils ne paraissent jamais plus. Quelle charité, M.F., de la part de Dieu ! Avec quelle confiance ne devons-nous pas nous adresser à lui ! Mais quel désespoir pour un chrétien damné, de savoir combien le bon Dieu aurait désiré le pardonner, s'il avait voulu lui demander pardon ! Dites-moi, M.F., si nous sommes damnés, ce sera bien parce que nous l'aurons voulu, puisque le bon Dieu nous a tant de fois dit qu'il voulait nous pardonner. Hélas ! M.F., combien de remords de conscience, combien de bonnes pensées, combien de désirs cette voix n'a-t-elle pas fait naître en nous ! O mon Dieu ! que l'homme est malheureux de se damner, tandis qu'il peut si bien se sauver ! Hélas ! M.F., pour nous confirmer dans tout cela, nous n'avons qu'à examiner ce qu'il a fait pour nous, pendant les trente-trois ans qu'il a vécus sur la terre.


En deuxième lieu, je dis que nous devons avoir une grande confiance en Dieu, même pour nos besoins temporels. Pour nous exciter à nous adresser à lui avec une grande confiance pour ce qui regarde le corps, il nous assure qu'il aura soin de nous ; et nous voyons nous-mêmes combien il a fait de miracles, plutôt que de nous laisser manquer du nécessaire. Nous voyons dans l'Écriture sainte qu'il a nourri son peuple pendant quarante ans, dans le désert, avec de la manne qui tombait tous les jours avant le soleil levé. Pendant les quarante ans qu'ils restèrent dans le désert, leurs habits ne s'usèrent rien du tout. Il nous dit dans l'Évangile de ne pas nous mettre en peine pour ce qui regarde la nourriture et le vêtement : « Considérez, nous dit-il, les oiseaux du ciel ; ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils ne mettent rien dans les greniers ; voyez avec quel soin votre Père céleste les nourrit ; n'êtes-vous pas plus qu'eux ? vous êtes les enfants de Dieu. Gens de peu de foi, ne vous mettez donc pas en peine de ce que vous mangerez et de quoi vous vous vêtirez. Considérez les lys des champs, comment ils croissent ; et cependant ils ne labourent point ni ne filent : voyez comme ils sont vêtus ; je vous déclare que Salomon, dans toute sa gloire, n'a jamais été vêtu comme l'un d'eux. Si donc, conclut ce divin Sauveur, le Seigneur prend tant de soin de vêtir une herbe qui est aujourd'hui et que demain on jette dans le four, à combien plus forte raison prendra-t-il soin de vous, qui êtes ses enfants ? Cherchez donc premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné avec abondance (
MATTH. VI.)» Voyez encore combien il veut que nous ayons confiance : « Quand vous me prierez, nous dit-il, ne dites pas : Mon Dieu, mais Notre Père ; parce que nous voyons qu'un enfant a une confiance sans borne à son père. » Lorsqu'il fut ressuscité, il apparut à sainte Madeleine, et lui dit : « Allez trouver mes frères, et dites-leur que je vais monter à mon Père, qui est aussi votre Père (JOAN. XX, 17.). » Dites-moi, M.F., ne conviendrez-vous pas avec moi que si nous sommes si malheureux sur la terre, cela ne peut venir que de ce que nous n'avons pas assez de confiance en Dieu ?


En troisième lieu, nous disons que nous devons avoir une grande confiance en Dieu dans nos peines, nos chagrins et nos maladies. Il faut, M.F., que cette grande espérance du ciel nous soutienne et nous console ; voilà ce qu'ont fait tous les saints. Nous lisons dans la vie de saint Symphorien, qu'étant conduit au martyre, sa mère, qui l'aimait véritablement pour le bon Dieu, monta sur un mur pour le voir passer, et élevant la voix autant qu'elle put : « Mon fils, mon fils, lui cria-t-elle, regarde le ciel ; mon fils, courage ! que l'espérance du ciel te soutienne ! mon fils, courage ! Si le chemin du ciel est difficile, il est bien court. » Cet enfant, animé par le langage de sa mère, endura les tourments et la mort avec une grande intrépidité. Saint François de Sales avait une si grande confiance en Dieu, qu'il semblait être insensible aux persécutions qu'on lui faisait ; il se disait à lui-même : « Puisque rien n'arrive que par la permission de Dieu, les persécutions ne sont donc que pour notre bien. » Nous lisons dans sa vie, qu'une fois il fut horriblement calomnié ; malgré cela, il ne perdit rien de sa tranquillité ordinaire. Il écrivit à un de ses amis que quelqu'un venait de l'avertir qu'on le déchirait d'une belle façon ; mais qu'il espérait que le bon Dieu arrangerait tout cela pour sa gloire et pour le salut de son âme. Il se contenta de prier pour ceux qui le calomniaient. Voilà, M.F., la confiance que nous devons avoir en Dieu. Lorsque nous sommes persécutés ou qu'on nous méprise, ce sont là les marques que nous sommes véritablement chrétiens, c'est-à-dire, enfants d'un Dieu méprisé et persécuté.


En quatrième lieu, M.F., je vous disais que, si nous devons avoir une confiance aveugle envers Jésus-Christ, parce que nous sommes sûrs que jamais il ne manquera de venir à notre secours dans toutes nos peines, si nous allons à lui comme des enfants à leur père ; je dis aussi que nous devons avoir une grande confiance envers sa sainte Mère, qui est si bonne, qui désire tant nous aider dans tous nos besoins spirituels et temporels, mais surtout, lorsque nous voulons revenir au bon Dieu. Si nous avons quelque péché qui nous donne de la honte à l'accuser, allons nous jeter à ses pieds, nous sommes sûrs qu'elle nous obtiendra la grâce de bien le confesser, et, en même temps, elle ne manquera pas de demander notre pardon. Pour vous le prouver, en voici un exemple admirable. Il est rapporté dans l'histoire qu'un homme, pendant longtemps, avait mené une vie assez chrétienne, de manière à espérer le ciel. Mais le démon, qui ne travaille qu'à notre perte, le tenta si souvent et si longtemps, qu'il le fit tomber dans un péché grave. Étant ensuite rentré en lui-même, il comprit toute l'énormité de son péché, et sa première pensée fut de recourir au remède salutaire de la pénitence. Mais il conçut tant de honte de son péché, qu'il ne put jamais se déterminer à le confesser. Bourrelé par les remords de sa conscience, qui ne lui laissaient pas un moment de repos, il prit la résolution insensée d'aller se noyer, espérant par là mettre fin à ses peines. Mais, quand il fut arrivé au bord de la rivière, il frémit à la vue du malheur éternel où il allait se précipiter, et s'en retourna en pleurant à chaudes larmes, et priant le Seigneur de lui pardonner sans qu'il fût obligé de se confesser. Il crut recouvrer la paix de l'âme en visitant plusieurs églises, en faisant des prières et des pénitences ; mais, malgré toutes ses prières et ses pénitences, ses remords le poursuivaient toujours. Le bon Dieu ne voulait lui accorder son pardon que par la protection de sa sainte Mère. Une nuit qu'il était plongé dans une grande tristesse, il se sentit fortement inspiré d'aller se confesser, et, pour cela, il se leva de grand matin et se rendit à l'église ; mais quand il fut près de se confesser, il se sentit tourmenté plus que jamais par la honte de son péché, et n'eut jamais la force de faire ce que la grâce du bon Dieu lui avait inspiré. Quelque temps après, la même chose lui arriva ; il se rendit à la même église ; mais il fut encore arrêté par la honte, et, dans ce moment de désespoir, il prit la résolution de mourir plutôt que de jamais déclarer son péché à un confesseur. Cependant, il lui vint en pensée de se recommander à la sainte Vierge. Avant de rentrer chez lui, il alla se prosterner au pied de l'autel de la Mère de Dieu ; il lui représenta le grand besoin qu'il avait de son secours, et la conjura avec larmes de ne le pas abandonner. Quelle bonté de la part de la Mère de Dieu, quel empressement à le secourir ! A peine se fut-il mis à genoux, que toutes ses peines disparurent, son cœur fut tout changé, il se leva plein de courage et de confiance, alla trouver son confesseur, lui déclara tous ses péchés en versant des torrents de larmes. A mesure qu'il déclarait ses péchés, il lui semblait ôter un poids énorme de dessus sa conscience. Il avoua ensuite que, quand il reçut l'absolution, il éprouva plus de contentement que si on lui eût fait présent de tout l'or de l'univers. Hélas ! M.F., quel malheur pour cet homme, s'il n'avait pas eu recours à la sainte Vierge ! Il brûlerait maintenant en enfer.


Oui, M.F., après le bon Dieu, dans toutes nos peines, soit de l'âme, soit du corps, il nous faut une grande confiance envers la sainte Vierge. En voici un autre exemple, qui va nous inspirer une tendre confiance envers la sainte Vierge, surtout quand nous voulons avoir une grande horreur du péché. Le bienheureux Liguori rapporte qu'une grande pécheresse appelée Hélène, étant entrée dans une église, le hasard, ou plutôt la Providence, qui dispose de tout pour le bien de ses élus, voulut qu'elle entendît un sermon sur la dévotion au saint Rosaire. Elle fut si frappée de tout ce que le prédicateur dit de l'excellence et des admirables effets de cette sainte pratique, qu'elle prit envie d'avoir un chapelet. Elle fut l'acheter après le sermon ; mais, pendant quelque temps, elle avait soin de bien le cacher, de peur qu'on ne le vît et qu'on ne la tournât en ridicule. Elle commença ensuite à le réciter, mais sans guère (
Avec peu de dévotion) de dévotion ni de plaisir. Quelque temps après, la sainte Vierge lui fit trouver tant de dévotion et de plaisir, qu'elle ne pouvait plus se lasser de le dire ; et, par cette pratique de piété, qui est si agréable à la sainte Vierge, elle en mérita un regard de compassion qui lui fit concevoir une telle horreur de sa vie passée, que sa conscience devint pour elle un enfer, ne lui donnant de repos ni jour ni nuit. Déchirée continuellement par ses remords cuisants, elle ne pouvait plus résister à la voix intérieure qui lui disait que le sacrement de Pénitence était le seul remède pour avoir la paix qu'elle désirait tant, qu'elle cherchait partout et qu'elle ne trouvait pas ; que le sacrement de Pénitence était le seul remède pour les maux de son âme. Invitée par cette voix, conduite et pressée par la grâce, elle va se jeter aux pieds du ministre du Seigneur, et lui fait l'aveu de toutes les misères de son âme, c'est-à-dire, de tous ses péchés ; ce qu'elle fit avec tant de contrition et avec une si grande abondance de larmes, que le confesseur était dans un étonnement admirable, ne sachant à quoi attribuer ce miracle de la grâce. La confession étant finie, Hélène alla se prosterner au pied d'un autel de la sainte Vierge, et là, pénétrée des sentiments de la plus vive reconnaissance : « Ah ! très-sainte Vierge, il est vrai que j'ai été un monstre jusqu'ici ; mais vous, dont le pouvoir est si grand auprès de Dieu, aidez-moi, s'il vous plaît, à me corriger ; je veux employer le reste de mes jours à faire pénitence. » Dès ce moment, elle rentra chez elle, et brisa pour jamais les liens des funestes compagnies qui l'avaient retenue dans ses désordres ; elle donna tous ses biens aux pauvres, et se livra à toutes les rigueurs de la pénitence que son amour pour Dieu et le regret de ses péchés purent lui inspirer. Le bon Dieu, pour marquer sa reconnaissance de la grande confiance que cette fille avait eue envers sa très sainte Mère... dans sa dernière maladie, ils lui apparurent tous les deux (c'est-à-dire, le bon Dieu avec la sainte Vierge) ; elle rendit entre leurs mains sa belle âme, qu'elle avait si bien purifiée par la pénitence et par les larmes, de sorte que, après le bon Dieu, c'est à la protection de la très sainte Vierge que cette grande pénitente dut son salut.


Voici un autre exemple de confiance envers la sainte Vierge, qui n'est pas moins admirable, et qui montre combien la dévotion à la sainte Vierge est favorable pour nous aider à sortir du péché. Il est rapporté dans l'histoire qu'un jeune homme, qui avait été bien instruit par ses parents, eut le malheur de contracter une habitude criminelle, qui devint pour lui la source d'une infinité de péchés. Comme il avait encore la crainte de Dieu et désirait renoncer à ses désordres, il faisait de temps en temps quelques efforts pour en sortir ; mais le poids de ses mauvaises habitudes l'entraînait toujours. Il détestait son péché, et, malgré cela, il y retombait à chaque instant. Voyant qu'il ne pouvait pas se corriger, il s'abandonna au découragement et prit la résolution de ne plus se confesser. Son confesseur, qui ne le voyait plus venir au temps marqué, voulut faire un nouvel effort pour ramener cette pauvre âme au bon Dieu. Il va le trouver dans un moment où il était seul à travailler. Ce pauvre jeune homme, voyant venir le prêtre, se mit à pousser des soupirs et des cris lamentables. « Qu'avez-vous, mon ami, lui dit le prêtre ? – Oh ! jamais je ne me corrigerai, et j'ai résolu de tout abandonner. – Que dites-vous, mon cher ami ? je sais, au contraire, que si vous voulez faire ce que je vais vous dire, vous vous corrigerez et vous obtiendrez votre pardon. Allez, dès ce moment, vous jeter aux pieds de la sainte Vierge pour lui demander votre conversion et venez ensuite me trouver. Le jeune homme va dans ce moment se jeter, c'est-à-dire se prosterner aux pieds d'un autel de la sainte Vierge, et arrosant le pavé de ses larmes, il la supplia d'avoir pitié d'une âme qui a coûté tout le sang de Jésus-Christ, son divin Fils, et que le démon veut entraîner en enfer. Dans ce moment, il sentit naître en lui une si grande confiance, qu'il se leva et alla se confesser. Il se convertit sincèrement ; toutes ses mauvaises habitudes furent entièrement détruites, et il servit le bon Dieu toute sa vie. Convenons tous ensemble que, si nous restons dans le péché, c'est bien parce que nous ne voulons pas prendre les moyens que la religion nous présente, ni avoir recours avec confiance à cette bonne Mère, qui aurait aussi bien pitié de nous que tous ceux qui l'ont priée avant nous.


En cinquième lieu, nous avons dit que la vertu d'espérance nous fait faire toutes nos actions dans la seule vue de plaire à Dieu, et non au monde. Nous devons, M.F., commencer à pratiquer cette belle vertu, en nous éveillant, en donnant notre cœur au bon Dieu avec amour, avec ferveur, pensant combien sera grande la récompense de notre journée si nous faisons bien tout ce que nous faisons dans la seule vue de plaire au bon Dieu. Dites-moi, M.F., si, dans tout ce que nous faisons, nous avions le bonheur de penser à la grande récompense que le bon Dieu attache à chacune de nos actions, de quels sentiments de respect et d'amour pour le bon Dieu ne serions-nous pas pénétrés ! Voyez combien nous aurions des intentions pures en faisant toutes nos aumônes. – Mais, me direz-vous, quand je fais quelque aumône, c'est bien pour le bon Dieu et non pour le monde. – Cependant, M.F., nous sommes bien contents quand on nous voit, quand on nous en loue, nous aimons même à le dire aux autres. Dans notre cœur nous aimons à y penser, nous nous applaudissons au dedans de nous-mêmes ; mais si nous avions cette belle vertu dans l'âme, nous ne chercherions que Dieu seul, le monde n'y serait pour rien, ni nous-mêmes. Ne soyons pas étonnés, M.F., de ce que nous faisons si mal nos actions. C'est que nous ne pensons pas véritablement à la récompense que le bon Dieu y attache si nous les faisons bien pour lui plaire. Lorsque nous rendons service à quelqu'un qui, bien loin d'être reconnaissant, nous paie d'ingratitude, si nous avions cette belle vertu d'espérance, nous en serions bien contents en pensant que notre récompense sera bien plus grande auprès du bon Dieu. Saint François de Sales nous dit que, si deux personnes se présentaient à lui pour recevoir quelque bienfait, et qu'il ne pût rendre service qu'à une, il choisirait celle qu'il penserait lui être la moins reconnaissante, parce que le mérite serait plus grand auprès du bon Dieu. Le saint roi David disait que quand il faisait quelque chose, il le faisait toujours en la présence de Dieu, comme s'il devait être jugé de suite après pour en recevoir la récompense ; ce qui le portait à bien faire, tout ce qu'il faisait pour plaire à Dieu seul. En effet, ceux qui n'ont pas cette vertu d'espérance font tout ce qu'ils font pour le monde, ou pour se faire aimer et estimer, et, par là, en perdent toute la récompense.


Nous disons que nous devons avoir une grande confiance en Dieu dans nos maladies et nos chagrins ; c'est précisément là où le bon Dieu nous attend pour voir si nous lui montrerons une grande confiance. Nous lisons dans la vie de saint Elzéar, que les gens du monde faisaient publiquement une raillerie de sa dévotion, et les libertins en faisaient un jeu. Sainte Delphine lui dit un jour que le mépris qu'on faisait de sa personne rejaillissait sur sa vertu. « Hélas ! lui dit-il en pleurant, quand je pense à tout ce que Jésus-Christ a souffert pour moi, je suis si touché, que, quand on me crèverait les yeux, je n'aurais point de paroles pour me plaindre, en pensant à la grande récompense de ceux qui souffrent pour l'amour de Dieu : c'est là toute mon espérance et ce qui me soutient dans toutes mes peines. » Ce qui est bien facile à comprendre. Qu'est-ce qui peut consoler dans ses maux une personne malade, sinon la grandeur de la récompense que le bon Dieu lui promet dans l'autre vie ?


Nous lisons dans l'histoire, qu'un prédicateur étant allé prêcher dans un hôpital, son sermon fut sur les souffrances. Il montra combien les souffrances nous acquièrent de grands mérites pour le ciel, et combien une personne qui souffre avec patience est agréable au bon Dieu. Dans ce même hôpital, il y avait un pauvre malade qui, depuis bien des années, souffrait beaucoup, mais, malheureusement, toujours en se plaignant ; il comprit par ce sermon combien il avait perdu de biens pour le ciel, et, après le sermon, il se mit à pleurer et à sangloter d'une manière extraordinaire. Un prêtre qui le vit, lui demanda pourquoi il se livrait à un tel chagrin, si quelqu'un lui avait fait quelque peine, ajoutant que, en sa qualité d'administrateur, il pouvait lui faire rendre justice. Ce pauvre homme lui dit : « Oh ! non, monsieur, personne ne m'a fait tort, mais c'est moi-même qui me suis fait grandement tort. – Comment ? lui dit le prêtre. – Ah ! monsieur, que de biens j'ai perdus depuis tant d'années que je souffre, où j'aurais tant mérité pour le ciel, si j'avais eu le bonheur de souffrir les maladies avec patience. Hélas ! que je suis malheureux ! moi qui me croyais si à plaindre ; si j'avais bien compris mon état, j'étais le plus heureux du monde. » Hélas, M.F., que de personnes vont tenir le même langage à l'heure de la mort, et que leurs peines, si elles avaient eu le bonheur de les souffrir bien pour le bon Dieu, auraient conduites au ciel ; au lieu qu'elles n'ont servi qu'à les perdre par le mauvais usage qu'elles en ont fait. L'on demandait un jour à une pauvre femme qui, depuis bien longtemps, était dans un lit où elle souffrait des maux affreux, et qui cependant paraissait toujours contente, on lui demandait ce qui pouvait la soutenir dans un état si pitoyable, elle répondit : « Quand je pense que le bon Dieu est témoin de mes souffrances et qu'il m'en récompensera pour l'éternité, j'en ai tant de joie, je souffre avec tant de plaisir, que je ne changerais pas mon état avec tous les empires du monde ! » Convenez avec moi, M.F., que ceux qui ont le grand bonheur d'avoir cette belle vertu dans le cœur, ont bientôt changé leur douleur en douceur.


Hélas ! M.F., si nous voyons tant de personnes malheureuses dans le monde, maudire leur existence, et passer leur pauvre vie dans une espèce d'enfer, par les chagrins et le désespoir qui les poursuivent partout ; hélas ! tous ces malheurs ne viennent que de ce qu'elles ne mettent pas leur confiance en Dieu et ne pensent pas à la grande récompense qui les attend dans le ciel. Nous lisons dans la vie de sainte Félicité que, craignant que le plus jeune de ses enfants n'eût pas le courage de souffrir le martyre, elle lui cria : « Mon fils, regarde le ciel qui sera ta récompense ; encore un moment, et tes souffrances seront finies. » Ces paroles, sorties de la bouche d'une mère, fortifièrent tellement ce pauvre enfant qu'il livra, avec une joie incroyable, son pauvre petit corps à tous les tourments que les bourreaux voulurent lui faire souffrir. Saint François Xavier nous dit qu'étant chez les Barbares, il eut à souffrir, sans recevoir aucune consolation de personne, tout ce que ces idolâtres pouvaient inventer mais qu'il avait tellement mis sa confiance en Dieu, qu'il avait reconnu que le bon Dieu l'avait toujours secouru d'une manière visible.


Jésus-Christ, pour nous montrer combien nous devons avoir confiance en lui, et ne jamais craindre de lui demander tout ce qui nous est nécessaire pour l'âme et pour le corps, nous dit dans l'Évangile, qu'un homme étant allé pendant la nuit, demander à un de ses amis trois pains pour donner à un homme qui était venu le voir ; l'autre lui répondit qu'il était couché avec ses enfants, qu'il ne fallait pas le déranger. Mais le premier continua de le prier, en disant qu'il n'avait point de pain pour son ami. L'autre lui donna ce qu'il lui demandait, non parce que c'était son ami, mais pour se délivrer de son importunité. De là, conclut Jésus-Christ « Demandez, et l'on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez, et l'on vous ouvrira ; et vous êtes sûrs que toutes les fois que vous demanderez à mon Père en mon nom, vous obtiendrez. »


En sixième lieu, je dis qu'il faut que notre espérance soit universelle, c'est-à-dire, qu'il faut avoir recours au bon Dieu dans tout ce qui peut nous arriver. Si nous sommes malades, M.F., ayons une grande confiance en lui, puisque c'est lui-même qui a guéri tant de malades pendant qu'il était sur la terre, et si notre santé peut contribuer à sa gloire et au salut de notre âme, nous sommes sûrs de l'obtenir ; si, au contraire, la maladie nous est plus avantageuse, il nous donnera la force de la souffrir avec patience, pour nous en donner la récompense pendant l'éternité. Si nous nous trouvons dans quelque danger, imitons les trois enfants que le roi avait fait jeter dans la fournaise de Babylone ; ils mirent tellement leur confiance en Dieu, que le feu ne fit que brûler les cordes qui les liaient, de sorte qu'ils se promenaient tranquillement dans la fournaise comme dans un jardin de délices. Sommes-nous tentés, M.F. ? Mettons notre confiance en Jésus-Christ, et nous sommes sûrs de ne pas succomber. Il nous a, ce tendre Sauveur, mérité la victoire dans nos tentations en se laissant tenter lui-même. Sommes-nous, M.F., plongés dans quelque mauvaise habitude, craignons-nous de ne pas pouvoir en sortir ? ayons seulement confiance en Dieu, puisqu'il nous a mérité toutes sortes de grâces pour vaincre le démon. Voilà bien, M.F., de quoi nous consoler dans les misères qui sont inséparables de la vie. Mais voici ce que nous dit saint Jean Chrysostome : « Pour mériter ce bonheur, il ne faut pas avoir de présomption, en nous exposant volontairement au danger de pécher. Le bon Dieu ne nous a promis sa grâce qu'autant que, de notre côté, nous ferons tout ce que nous pourrons pour éviter les dangers du péché. II faut encore prendre garde de ne pas abuser de la patience du bon Dieu en restant dans le péché, sous prétexte que le bon Dieu nous pardonnera, quoique nous retardions de nous confesser. Prenons bien garde, M.F., tant que nous sommes dans le péché, nous sommes en grand danger de tomber en enfer, et tout le repentir que nous avons à la mort, quand nous sommes restés volontairement dans le péché, ne nous assure guère notre salut ; parce que, pouvant en sortir, nous ne l'avons pas fait. Ah ! malheureux que nous sommes ; comment osons-nous rester dans le péché, puisque nous n'avons pas une minute de sûreté pour notre vie ? Notre-Seigneur nous dit qu'il viendra dans le moment que nous y penserons le moins.


Je dis que si nous ne devons pas trop espérer, il ne faut pas désespérer de la miséricorde de Dieu, puisqu'elle est infinie. Le désespoir est un plus grand péché que tous les péchés que nous avons commis, puisque nous sommes sûrs que jamais le bon Dieu ne nous refusera notre pardon, si nous revenons à lui avec sincérité. Ce n'est pas la grandeur de nos péchés qui doit nous faire craindre de ne pas pouvoir obtenir notre pardon, puisque tous nos péchés sont moins envers la miséricorde de Dieu, qu'un grain de sable envers une montagne. Si Caïn, après avoir tué son frère, avait voulu demander pardon au bon Dieu, il était sûr de son pardon. Si Judas s'était jeté aux pieds de Jésus-Christ, pour le prier de lui pardonner, Jésus-Christ lui aurait remis son péché aussi bien qu'à saint Pierre.


Mais, en finissant, voulez-vous que je vous dise pourquoi l'on reste si longtemps dans le péché, et que l'on se tourmente tant pour le moment qu'il faut s'en accuser ? C'est, M.F., que nous sommes des orgueilleux, et rien autre. Si nous avions l'humilité pour partage, nous ne resterions jamais dans le péché, nous ne craindrions nullement de les accuser. Demandons au bon Dieu, M.F., le mépris de nous-mêmes, nous craindrons le péché et nous le confesserons aussitôt que nous l'aurons commis. Je conclus en vous disant qu'il nous faut souvent demander au bon Dieu cette belle vertu d'espérance, qui nous fera faire toutes nos actions dans l'intention de plaire à Dieu seul. Prenons bien garde dans nos maladies, dans nos chagrins, de jamais nous désespérer. Pensons que toutes ces choses sont des biens que le bon Dieu nous envoie pour être la matière de notre récompense éternelle. Je vous la souhaite...