SERMON
SUR LA RELIGION

 

 

Dixit insipiens in corde suo : non est Deus.
L'impie a dit dans son cœur : Non, il n'y a point de Dieu.
(
Ps. xiii, 1.)

 

Le pécheur, M.F., séduit par le démon et aveuglé par : ses passions, s'écrie : « Non, non, il n'y a point de Dieu. » Il voudrait qu'il n'y en eût point, afin de pouvoir s'abandonner avec plus de liberté à la fureur de ses penchants corrompus ; car s'il admettait l'existence d'un Dieu, il faudrait qu'il admit aussi la justice de ce Dieu, et, par conséquent, que le péché est puni et la vertu récompensée. Cet insensé ne fait pas attention que le nom de Dieu est gravé dans son cœur avec le doigt même de son Créateur. C'est en vain qu'il nie l'existence de son Dieu ; sa conscience le démontrera toujours. D'où viennent donc ces mots, que l'on dit même sans y penser ? « Mon Dieu ! que j'ai du malheur ! Mon Dieu ! ayez pitié de moi !... »

Si Dieu n'existait pas, ne serait-ce pas le plus grand de tous les malheurs ? A quoi serviraient donc toutes les larmes, les pénitences et les sacrifices de tant de chrétiens ? Non, non, M.F., loin de nous une pensée aussi désespérante. Il y a un Dieu qui nous voit et qui nous jugera, pour nous récompenser si nous avons fait le bien et évité le mal ; pour nous punir, si nous nous sommes abandonnés au gré de nos passions. Oui, il y a une religion sainte, qui fait tout le bonheur de celui qui observe ce qu'elle lui commande. Laissons, laissons crier les impies dans leur frénésie et leur démence ; reposons-nous tranquillement dans le sein de notre religion divine, et à l'ombre de notre Créateur. O mon Dieu ? faites descendre un rayon de votre lumière dans le cœur de ces pauvres aveugles, et ils verront ce qu'ils n'ont pas encore vu, et ils connaîtront ce qu'ils n'ont pas encore voulu connaître. Vouloir vous prouver, M.F., qu'il y a un Dieu, ce serait, je crois, vous faire affront ; je parle à de bons chrétiens et non à des athées, c'est-à-dire à des personnes qui ne croient à rien, et qui nient tout. Si par malheur il s'en trouvait quelqu'un parmi vous, ce que je ne crois pas, et dont la bouche fût assez impie pour vomir de tels blasphèmes, ne serait-ce que dans un moment de désespoir, aussitôt, il entendrait les cris de sa conscience lui donner le démenti. Oui, M.F., soyons bien convaincus que s'il y a des impies assez malheureux pour le dire, ils ne le croient pas : je vous le ferai voir dans la suite.

 

I. – La religion dans laquelle nous avons eu le bonheur de naître, est très ancienne. C'est Dieu lui-même qui nous l'a apportée du ciel pour la donner à Adam notre premier père, lorsque, le plaçant dans le paradis terrestre, il lui promit des biens infinis s'il était fidèle à ses commandements, et le menaça, s'il venait à les transgresser, d'une punition rigoureuse pour lui et tous ses descendants. Adam pécha, le Seigneur le condamna lui et sa race, à toutes sortes de maux. Adam se repentit et fit pénitence, Dieu le pardonna, et lui rendit son amitié ainsi qu'à toute sa postérité. Puis, cette sainte religion nous a été transmise de génération en génération, par les patriarches et les prophètes, jusqu'à la venue du Messie ; depuis le Sauveur, par les apôtres et leurs successeurs ; et ainsi continuera-t-elle jusqu'à la fin des siècles. Jésus-Christ nous a dit qu'elle durerait autant que le monde durera, malgré la fureur de l'enfer, des idolâtres et des mauvais chrétiens, qui sont ses plus cruels ennemis ; Jésus-Christ nous a promis qu'elle se conserverait parmi nous sans être interrompue jusqu'à la consommation des siècles[1]. Elle[2] est une, sainte, catholique, apostolique et romaine ; elle a toujours cru ce qu'elle croira jusqu'à la fin du monde, elle a toujours commandé et défendu ce qu'elle commandera et défendra ; elle n'ajoutera ni ne changera rien de ce qu'elle a déjà établi : qualités qui ne se trouvent que dans la seule religion catholique, bâtie sur Jésus-Christ même, et, comme lui, à jamais invariable.

Mais une preuve qui n'est pas moins forte et moins convaincante, à l'appui de cette vérité, c'est l'hommage qu'ont rendu à la religion catholique presque tous ses plus cruels persécuteurs, en désapprouvant publiquement, à l'heure de la mort, toutes les horreurs et les blasphèmes qu'ils avaient vomis contre elle pendant leur vie. Si cela était nécessaire, je vous en citerais un nombre infini. Mais non, laissons les d'Alembert, les Diderot, les Jean-Jacques Rousseau, et tant d'antres qui ont vécu si près de nous : contentons-nous d'un seul trait, qui suffira pour vous convaincre parfaitement. C'est la fin tragique de cet impie du dernier siècle, je veux dire Voltaire, que peut-être vous n'avez que trop connu, par les écrits infâmes et infernaux qu'il a répandus pendant plus de trente ans. Dans ses écrits, toute son occupation fut d'étaler tout ce que la fureur put lui suggérer, pour noircir et détruire la religion. Il ne craint pas de dire dans la préface d'un de ses ouvrages, que la jeune personne qui lirait son livre, n'aurait pas encore achevé, que son cœur serait perverti. Quand il écrivait à ses amis, c'est-à-dire à des impies, il ne manquait presque jamais d'y mettre ces mots horribles : « Écrasons l'infâme ! », il parlait de notre sainte religion ! voulant dire par ces mots : Faisons tout ce que nous pourrons pour détruire une religion qui nous fait une guerre cruelle et continuelle ? Si vous l'aviez entendu, vous auriez peut-être dit en vous-mêmes : « Voilà un homme qui sait lire, écrire, qui est savant, riche et noble ; pourrait-il donc se perdre ? » Ah ! mes amis, suivez-moi un instant auprès de cet homme.

Il est malade, nous allons lui parler ; demandez-lui si maintenant il n'a point de crainte ; s'il croit que quand il sera mort tout sera fini, comme il l'a si souvent répété pendant sa vie : demandez-lui si sa conscience est bien en paix ; s'il pense qu'après ce monde, il y en a un autre où nous serons punis ou récompensés selon le bien ou le mal que nous aurons fait. Demandez-lui s'il serait plus content maintenant d'avoir aimé, respecté et observé tout ce que la religion catholique nous commande, au lieu de l'avoir méprisée et avilie autant qu'il a pu. Mon Dieu ! que de regrets !... que de désespoirs dévorent sa pauvre âme à ce dernier moment ! Restez un instant auprès de son lit, avant qu'il ne vomisse son âme dans les enfers. Écoutez ce que sa bouche, guidée par sa conscience, va vous dire. Ses amis sont réunis auprès de lui. Ces impies ont prêté serment que si l'un d'eux tombe malade, on n'appellera auprès de lui aucun prêtre. Or, entendez-vous ce misérable : « Mon Dieu ! mourir abandonné !... Ah ! mes amis, n'ayez pas égard à ce que j'ai dit !... De grâce, faites venir au plus tôt un ministre du Seigneur. Oh ! je me repens de tout ce que j'ai dit et fait contre Dieu et la religion ! Mon Dieu, mon Dieu, n'aurez-vous pas encore pitié de moi ? Ah ! de grâce, faites-moi venir un prêtre ! » Le bon Dieu voulut que Monsieur l'abbé Gauthier pût pénétrer jusqu'auprès du malade, non pour le salut de cette âme, mais seulement pour qu'il pût affirmer d'une manière plus authentique que le malheureux se repentait de tout ce qu'il avait fait dans ses jours de frénésie et de fureur. Voltaire fait donc une rétractation par écrit ; on la porte à l'archevêque de Paris. Mais Dieu ne permit pas qu'un tel impie, après avoir passé sa vie à vomir contre la religion tout ce que la corruption de son cœur avait pu engendrer ; il ne permit pas, dis-je, qu'il pût en profiter. Ses amis l'emportèrent dans une maison de campagne...

Voyez-vous, M.F., comme cet athée a bientôt trouvé un Dieu et une religion ? Il invoque Dieu et il demande un prêtre : il vous prouve ainsi l'existence de Dieu et la nécessité de la religion. Écoutez-le encore un instant, et il va vous enseigner qu'il y a, pour le pécheur, un jugement à subir et un enfer à craindre. Etroitement gardé par ses amis ou plutôt par ses bourreaux, perdant tout espoir de revoir jamais l'abbé Gauthier, il s'écrie : « Hélas ! je suis donc abandonné ? il faut que j'aille me présenter devant mon Juge ! il me faudra donc aller en enfer ?... O belle religion, que j'ai tant persécutée pendant ma vie, toi qui fais le bonheur de celui qui suit le chemin que tu lui traces !... Adieu, beau ciel, je ne te verrai jamais !... » Il se livre au désespoir, et meurt en réprouvé[3].

Eh bien ! M.F., que pensez-vous de cela ? Avez-vous bien fait attention comment cet impie vous a prouvé l'existence de Dieu, la vérité de notre sainte religion, et la certitude d'un jugement que nous devons tous subir à l'heure de notre mort ? Avez-vous vu comment il vous a prouvé la vérité d'un enfer pour les pécheurs, et le certitude d'un ciel pour les gens de bien ? Croirez-vous maintenant ce que vous disent les athées quand vous les entendez vomir leurs impiétés ? Savez-vous ce qu'il faut leur répondre ? – Non, me direz-vous peut-être. Le voici : « Va, pauvre aveugle, tu feras bien comme les autres ; quand la mort te serrera d'un peu près, tu changeras bien de langage et de sentiment. » Savez-vous, M.F., pourquoi ces malheureux débitent toutes ces impiétés ? ce n'est pas qu'ils les croient ; vous venez de voir qu'à la mort ils les désavouent publiquement ; mais c'est qu'ils voudraient que cela fût, car s'il y a un Dieu et une religion sainte, assurément il faut que le péché soit puni : voilà ce qui les jette au dernier des désespoirs. Voulez-vous savoir, M.F., ce que je pense ? C’est que malgré tout ce que pourront dire les libertins, je suis sûr que si j'observe tout ce que la religion me commande, j'aurai le bonheur d'aller un jour dans le ciel, pour être heureux à jamais ; voilà toute ma croyance. « II n'y a point de Dieu !... » un tel blasphème peut-il bien sortir de la bouche d'un chrétien !... Dites-moi, malheureux impies, s'il y en a qui m'écoutent, ce que je ne crois pas, dites-moi, qui vous a donc créés ? – Ce sont nos pères et nos mères. – Ce sont vos pères et mères ? Eh bien ! qui donc a créé vos pères et mères ? – Ce sont leurs pères et mères. – Qui a donc créé Adam ? Il n'avait ni père ni mère ; est-il venu au monde par hasard ? Qui donc a créé le ciel et la terre et tout ce qu'ils contiennent ? Personne ? – Sans doute... il a été un temps que cela n'était pas. – Baissez les yeux, vieux impies, et allez vous cacher dans le fond des forêts, où jamais les rayons du soleil n'ont pu pénétrer. Ces monstres-là voudraient se faire passer pour savants ; tandis qu'ils affichent publiquement qu'ils ont la cervelle renversée, et qu'ils sont pétris de l'ignorance la plus crasse que le péché puisse engendrer !... O mon Dieu ! peut-on bien tenir un tel langage ?...

 

II. – Venons, M.F., à une autre preuve plus forte et plus satisfaisante, qui nous montrera, qui nous prouvera on ne peut mieux, la sainteté, la divinité de notre religion. Ce sont les travaux et les souffrances qu'ont endurés ceux dont le bon Dieu s'est servi pour l'établir. Vous conviendrez avec moi qu'il n'y a pas un homme sur la terre, qui eût voulu donner sa vie pour soutenir une chose fausse. – Cela est très-certain, me direz-vous. -Eh bien ! je vais vous donner un petit aperçu de ce qu'ont enduré ceux qui ont fondé ou maintenu notre religion. Je n'ai pas besoin de vous prouver que Jésus-Christ est venu sur la terre, qu'il a souffert et est mort pour nous. Si je parlais à des idolâtres, je commencerais à leur faire comprendre tout ce que les prophètes ont prédit touchant le Messie, et ils verraient qu'il n'y a pas une lettre qui n'ait eu son accomplissement ; mais, parlant à des chrétiens, ce serait temps perdu. Je vais seulement vous mettre devant les yeux, la force, le courage que cette sainte religion donne à ceux qui la professent de tout leur cœur, afin de réveiller un peu en vous cette foi presque éteinte.

Je dis donc que rien ne prouve mieux la divinité de notre sainte religion, que cette foule de martyrs livrant leurs corps à la fureur des tyrans ; se présentant et montant sur les échafauds avec plus de joie et de plaisir que des rois sur leur trône. Nous en voyons aussi bien dans l'Ancien Testament que dans le Nouveau. Nous lisons dans l'Écriture sainte[4] que les Juifs revenus de la captivité de Babylone passèrent leurs jours dans la paix et la tranquillité, jusqu'à ce que l'impie Antiochus montât sur le trône. Ce prince cruel et barbare leur fit éprouver tout ce que sa rage put lui inspirer ; le dessein de ce prince cruel était d'anéantir, s'il le pouvait, le culte du vrai Dieu. Il ordonna de profaner tous les jours consacrés au Seigneur, d'élever des autels d'idoles, même dans le saint temple, et de faire brûler toutes les Saintes Écritures. Cette triste nouvelle répandit la frayeur dans, tout le royaume. Presque tous prirent la fuite à l'instant même. Les villes furent abandonnées de leurs habitants, le temple fut désert, les fêtes se changèrent en tristesse et en deuil ; cependant, malgré toutes ces menaces, plusieurs prirent la résolution de tout souffrir plutôt que de violer la loi du Seigneur, et de ce nombre fut un bon vieillard nommé Éléazar[5].

Il fallait, M.F., que ce vieillard fût bien sûr de l'existence d'un Dieu, de la vérité d'une religion sainte, et d'une autre vie où les justes seront récompensés pour toujours et les pécheurs punis pour jamais, pour endurer des tourments si longs et si rigoureux ? Quel est l'impie qui voudrait mourir pour soutenir ses impiétés ? Pas un, M.F., non, pas un. Rien ne nous prouve mieux la vérité de notre religion, que le courage et la constance des martyrs de l'un et de l'autre sexe, dans les tourments qu'ils ont endurés pour ne pas déplaire à Dieu. Un impie, tant qu'il n'a rien à craindre, débitera bien ses impiétés ; mais, dès que le moindre danger approche, aussitôt il désavoue ce qu'il a dit. Jamais un chrétien, je ne veux pas dire un chrétien lâche, qu'un malheureux respect humain fera transgresser les lois de Dieu et de l'Église autant de fois que l'occasion se présentera, qui, crainte d'être méprisé et raillé, ou dans l'espérance d'avoir quelque service d'un voisin se prêtera à tout ce qu'il voudra, malgré ses remords de conscience ; ce n'est pas un bon chrétien, mais seulement un fantôme de chrétien, que la colère de Dieu punira par les flammes ; je veux dire un bon chrétien qui aime Dieu et son âme plus que lui-même, celui-là ne désavouera jamais ce qu'il a dit ; au contraire, vous le verrez monter sur l'échafaud avec un courage et une joie incroyable. Non, jamais il ne se repentira d'avoir observé ce que sa sainte religion lui a commandé. Allons, M.F., d'échafaud en échafaud, et nous nous convaincrons de plus en plus de la vérité de la religion dont nous faisons si peu de cas, ou, pour mieux dire, que nous semblons abandonner et mépriser.

Après que le même empereur eut fait mourir le saint vieillard Éléazar, on vint lui annoncer qu'une femme et ses enfants méprisaient publiquement ses ordres et portaient un grand nombre d'autres à faire de même. Antiochus ordonna, d'amener devant son tribunal cette mère avec tous ses enfants…(sermon sur le martyr des Machabées). Ils étaient donc bien persuadés ces martyrs, de l'existence d'un Dieu qui les voyait, qui les punirait ou les récompenserait selon qu'ils auraient bien ou mal fait ? Ils étaient donc bien sûrs que leur religion était sainte et divine ? C'est cependant la même que nous professons. O belle religion des chrétiens, que ceux qui te connaissent sont heureux !... Que de grands biens tu nous prépares pour l'autre vie !...

Si nous passons de l'Ancien Testament au Nouveau, les persécutions, les bourreaux et les martyrs ne sont pas moins nombreux. Parcourez le monde, M.F., depuis la venue du Sauveur ; partout vous trouverez des supplices préparés et des chrétiens pour les subir avec joie, donnant leur vie afin de soutenir la religion qu'ils professent. Oui, toutes ces potences, tous ces instruments de tortures sont autant de monuments qui nous affirment la sainteté de notre religion. Voyez ce que le cruel Néron fit endurer aux premiers chrétiens : tantôt il les faisait coudre dans des peaux de bêtes, on les portait ainsi dans les bois pour les faire servir d'appât aux loups ; tantôt il les faisait revêtir d'une robe trempée dans la poix, les pendait aux arbres le long des grandes routes, et y faisait mettre le feu pour éclairer les passants. II porta la cruauté si loin, qu'il planta dans son jardin des arbres où il attacha à chacun un chrétien, couvert également de poix et y faisait mettre le feu, afin d'avoir le barbare plaisir de marcher pendant la nuit à la lueur de ces flambeaux. Si vous allez plus loin, vous voyez un saint Ignace dévoré par les bêtes, un saint Barthélemy écorché tout vif, un saint Pierre et un saint André cloués sur une croix, un saint Vincent étendu sur le chevalet où on lui arrache les entrailles avec des crochets de fer. Pourquoi tant de tourments, M.F., sinon pour soutenir la vérité de la religion qu'ils avaient le bonheur de professer ? O mon Dieu ! peut-on bien entendre sans frémir, les impiétés que l'on vomit avec tant de fureur contre une religion si sainte et si consolante ? « O belle religion, s'écrie saint Augustin, que tu rends heureux celui qui a eu le bonheur de suivre le chemin que tu lui traces ! »

Voyez aussi, M.F., la différence qu'il y a entre un peuple qui connaît, qui pratique ce qu'elle commande, et un autre qui ne vit pas selon ses règles. Voyez une mère qui a cette religion bien gravée dans son cœur voyez le soin qu'elle prend de ses enfants ; ils sont encore dans son sein, qu'elle les a déjà mille fois donnés au bon Dieu ; voyez son empressement à leur faire recevoir le saint baptême. Voyez son attention, dès qu'ils commencent à parler, comme elle est attentive à leur apprendre à prier le bon Dieu, à leur parler de la grandeur de leur destinée, de ce que leur Dieu a souffert pour eux, de la grandeur de la récompense réservée à celui qui évite le péché et fait le bien ; elle ne cesse de leur souhaiter toutes sortes de bénédictions. Cet enfant fera un jour la consolation et le bonheur de ses parents, par sa soumission, son amour et son obéissance. Un bon chrétien n'est point jaloux des bénédictions que le bon Dieu répand sur son voisin et sur ses biens ; au contraire, ils s'unissent tous ensemble pour bénir le bon Dieu de ses dons. Si nous avions le bonheur de bien observer ce que notre sainte religion nous commande, nous commencerions vraiment notre paradis en ce monde. Voyez dans une autre contrée, un royaume, une paroisse ou même une famille qui ne veut pas suivre les règles que nous prescrit notre sainte religion, combien ils sont malheureux ! Une mère aura déjà mille fois maudit son enfant, avant de lui avoir donné le jour ; voyez ces haines entre voisins, entre parents ; écoutez ces médisances, ces calomnies ; combien d'enfants vont jusqu'à souhaiter la mort de leur père, de leur mère, pour avoir le peu de bien qu'ils possèdent Oh ! quel malheur pour un chrétien de ne pas connaître sa religion ou de ne pas la pratiquer, c'est un véritable enfer en ce monde !

Je vous avoue, M.F., que je me suis grandement trompé en vous faisant cette instruction ; je vous ai prouvé qu'il y a un Dieu. Quel est celui de tous ceux qui m'écoutent qui en doutait ? – Personne, me direz-vous. – Vous avez raison ; je vous ai prouvé que nous verrions à l'heure de notre mort qu'il y a un ciel pour ceux qui auront combattu leurs penchants et le démon, et un enfer pour ceux qui auront suivi la route de leurs passions ; personne ne doute de cela, s'il s'en trouvait quelqu'un pour avoir quelque doute là-dessus, ce ne pourrait être qu'un impudique ou un ivrogne, et personne ne croit ce que disent ces sortes de monstres ; on les fuit, on les méprise !...

Oui, je me suis trompé en vous faisant cette instruction ; il fallait plutôt vous mettre sous les yeux ce que votre religion exige de vous et ce que vous faites, et vous auriez vu que votre vie est entièrement opposée à votre croyance. Touchons ceci d'un peu plus près, et vous verrez que vous vous comportez comme si vous ne croyiez à rien. Vous savez très bien que votre religion vous dit que le premier mouvement de votre cœur doit être de penser à Dieu, et votre premier ouvrage, de faire votre prière ; cependant ce n'est pas ce que vous faites. Votre religion vous dit de ne pas jurer le nom de Dieu, vous défend les blasphèmes, vous ne vous en abstenez pas pour cela ; elle vous défend de travailler le saint jour du Dimanche, en vous commandant de le passer dans la prière et les bonnes œuvres. Vous faites-vous le moindre scrupule de travailler ou de passer ce saint jour à la danse, au jeu, à faire des ventes ou des achats ? En faites-vous moins que si votre religion était fausse ? Elle vous dit que si vous avez honte de paraître chrétien, vous serez rejetés de la face du bon Dieu pendant toute l'éternité. Eh bien ! dites-moi : n'est-ce pas qu'une simple compagnie vous fait rougir, au point que vous n'osez dire ni votre benedicite ni vos grâces devant le monde. Votre religion vous défend de manger de la viande certains jours de la semaine, et vous dit que, si vous le faites, vous vous rendez coupables d'un péché qui vous perd pour une éternité. Ne faites-vous pas le contraire autant de fois que vous en trouvez l'occasion ? Elle vous dit de ne pas laisser occuper votre esprit de pensées de haine, de vengeance, d'impureté, etc... ; n'y prenez-vous pas plaisir presque autant de fois que le démon vous les présente ? Elle vous dit de ne pas faire tort à votre prochain, soit dans ses biens, soit dans sa réputation ; le faites-vous ? N'êtes-vous pas toujours à le tromper dans vos ventes, vos achats, à médire de lui et souvent même à le calomnier avec un certain plaisir malin ? Elles vous dit que tant que vous restez dans le péché, vous tenez Jésus-Christ cloué sur la croix de votre cœur, et que votre pauvre âme est toujours prête à tomber en enfer ; cependant vous ne faites pas difficulté de rester des années et même des dix et vingt ans sans même vous confesser...

Vous voyez donc bien que vous ne croyez pas tout ce que votre religion vous enseigne. D'après les enseignements de cette religion, vos enfants sont un dépôt que le bon Dieu vous a confié, et dont il doit un jour vous demander un compte bien rigoureux ; s'ils sont damnés et que ce soit de votre faute, vous êtes sûrs de l'être aussi. Vous comportez-vous comme si cela était ? Ils ne font ni pâques, ni confessions, et pour ne pas vouloir les aider à se sauver ou, pour mieux dire, pour les aider à se damner, vous consentez à faire comme eux. Vous voyez donc clairement que vous vous comportez comme si vous étiez convaincus que tout ce que la religion vous enseigne n'est que farce et mensonge. – Oh ! me direz-vous, cela n'est pas tout à fait vrai. – Mon ami, examinez bien la chose de près. Que feriez-vous donc de moins si vous croyiez tout le contraire de ce que la religion vous enseigne ?

De tout cela, M.F., il faut conclure que, si nous sommes sûrs de la vérité de ce que la religion nous enseigne, s'il est vrai que tous ceux qui ont voulu aller au ciel ont fait ce qu'elle leur a commandé, nous devons, nous aussi, faire de même. O mon Dieu ! quel malheur que l'aveuglement au sujet du salut de notre pauvre âme ! Être certains et très certains qu'en vivant comme nous vivons, nous n'aurons jamais le ciel, et, malgré cela, continuer à faire toujours de même !... Revenons, M.F., de nos égarements ; il en est encore temps : le bon Dieu nous offre sa miséricorde, son amitié et les grâces nécessaires pour quitter le péché et revenir à lui. Évitons les regrets de ces pauvres malheureux dont nous avons parlé en commençant ; et puisque la religion seule fait notre bonheur sur la terre, attachons-nous fortement à elle, et faisons tout ce qu'elle nous commande : ainsi nous serons heureux non seulement dans ce monde, mais encore dans l'autre. C'est ce que je vous souhaite.

 

 



[1] Matth. XXVIII, 20.

[2] Le Saint passe sans transition de la religion de Jésus-Christ à son Église, et attribue à la religion les marques de la véritable Eglise de Jésus-Christ.

[3] Le Saint a déjà raconté la mort de Voltaire dans un sermon précédent.

[4] I Mach. I.

[5] Trait raconté dans les mêmes termes au Sermon sur le Martyre des Machabées.