Emile BESSON.AVRIL 64


LA DEMEURE DE JÉSUS

Maître, où demeures tu ? (JEAN 1, 38).

Ces deux hommes étaient des disciples de Jean Baptiste. Ils se trouvaient avec leur maître. Jésus vint à passer. Et jean déclara : « Voici l'Agneau de Dieu ». Les deux disciples, l'entendant parler ainsi, suivirent Jésus. Et Jésus se retourna, et, voyant qu'ils Le suivaient, leur dit : « Que cherchez vous ? » Ils Lui répondirent : « Maître, où demeures tu ? ». Et Jésus dit : « Venez et vous le verrez ».

Il y aurait beaucoup à dire sur la richesse merveilleuse de l'Evangile qui renferme en quelques lignes un monde de pensées et de sentiments. je voudrais seulement arrêter nos réflexions sur la demeure de jésus.

Qu'était cette maison? Où était elle? Que racontèrent à Jésus les disciples de Jean ? L'Evangile dit simplement - Ils vinrent, ils virent, ils restèrent. Tout un univers en trois mots.
« Maître, où demeures tu ? ».

La première demeure terrestre du Christ fut une étable.

Ensuite Il demeura dans la maison de la Vierge Sa Mère et de Joseph le charpentier et là Il prépara la venue des temps où Il devait manifester au monde le Père qui est aux cieux.

Quand Il partit pour accomplir son ministère, à un homme qui Lui disait : « je te suivrai partout où tu iras », Il déclara : « Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel ont des nids, niais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête ».

Il fut le Pèlerin sans trêve. Seul parmi les siens qui ne Le comprenaient pas ; seul parmi Ses disciples qui attendaient de Lui la royauté messianique alors qu'Il leur annonçait les épreuves qui ouvrent l'accès du Royaume des cieux ; seul parmi Ses amis, seul parmi Ses ennemis. Puis Il mourut de la mort des esclaves, dans l'abandon de tous.

Et maintenant, « Maître, où demeures tu ? ».

Sédir a intitulé « La Maison spirituelle (1)» un chapitre de son livre Le Sermon sur la Montagne « I1 y a plusieurs demeures » dans cette Maison et c'est le pardon des offenses, le renoncement, la charité, la confiance, la sincérité. C'est là la maison où le Christ, notre Maître, veut établir Sa demeure. « Je me tiens à la porte, dit-I1, et je frappe ; si

quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai et Je dînerai avec lui et lui avec moi »

Il se tient à la porte du palais comme des mansardes, à la porte de ces habitations que nous prenons pour des maisons de plaisance alors qu'elles sont souvent des prisons où notre âme est à la torture. Il voudrait dissiper le Vide où nous nous complaisons et le remplacer par Sa plénitude ; mais Il attend notre bon vouloir.

Il se tient à la porte ; Il est près de ceux qui souffrent, quelles que soient leur souffrance et la raison de leur souffrance ; Il est près de ceux qui pleurent, de ceux qui se désespèrent. Il y a vingt siècles, Il était dans le soupir de l'humanité qui attendait le Sauveur. Jusqu'à la fin des temps, Il sera ce soupir, cette attente, cette angoisse.

Il se tient à la porte et Il frappe. Combien (le portes demeurent fermées ? Il est là et Il ne Se lasse pas ; Il sait que l'habitant de la maison n’ouvrira que lorsqu'Il aura compris que tout ce à quoi il s'attache : connaissance, théories, plaisirs de ce monde, ambitions et gloires humaines n'est en réalité que vanité et poussière et que cela n'engendre que déception, lassitude et dégoût. Il attend, I1 a l'éternité pour Lui ; Il sait par avance le regret de ceux qui un jour pleureront de ne Lui avoir pas ouvert plus tôt la porte.

Les pauvres que nous sommes ont besoin de Lui plus que de tout au monde. Sans doute avons-nous dans notre souvenir des êtres qui nous ont parlé du Christ, qui nous ont fait sentir le Christ, la beauté du Christ,  l’amour du Christ, Il me rappelle le propos d'une dame de la haute société que j'ai connue à Paris : « Quand Sédir parle du Christ, Il est présent ».

Le Christ ne laisse seule aucune créature ; près de toutes Il met quelqu'un qui les rattache à Lui. Sédir a été pour nous cet ami qui, nous a amenés au Christ et qui a fait jaillir de notre coeur la parole de la certitude et de l'amour: Seigneur, à qui irions nous qu'à Toi ? Seigneur, apprends-nous à prier ! Seigneur, apprends-nous à aimer !

« Maître, où demeures-tu ? ».

Le Christ est là où il y a de la pitié et le désir de l'amour. Le Christ est là où il y a des coeurs qui aiment. Chaque offense pardonnée, chaque aide apportée, chaque consolation donnée à un être qui souffre, c'est une présence du Christ. Il l'a dit : « Toutes les fois que vous avez fait un geste de charité en faveur d'un malheureux, c'est à Moi même que vous l'avez fait ».

Nous croyons que telle est la vraie religion, que tel est le véritable Evangile. Nous essayons d'aimer notre prochain comme nous-mêmes. Cela est bien difficile, nous essayons de l'aimer ; peut-être un jour l'aîmerons-nous autant que nous nous aimons nous-mêmes ; il y en a qui sont arrivés à aimer le prochain plus qu'eux-mêmes.


(1). « Comme des pierres vivantes, édifiez-vous vous-mêmes en maison spirituelle ». PIERRE 11, 5).