Emile BESSON. janvier 1960.


LE COMMANDEMENT NOUVEAU


Peu de temps avant de mourir, le Christ a dit à Ses disciples : « Je vous donne un commandement nouveau : « que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jean XIII, 34).

Ce commandement était-il vraiment nouveau ? La Loi de Moïse ordonnait déjà l'amour pour Dieu; et dans Ses entretiens Jésus avait déclaré que le commandement d'aimer le prochain est semblable au commandement d'aimer Dieu. Dans le Sermon sur la Montagne Il va même jusqu'à dire : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent ».

Oui, le commandement de l'amour est un commandement ancien; mais ce qu'il renferme ici d'original, ce sont les mots « comme je vous ai aimés ». Dans la formule ancienne, l'égoïsme donne la mesure du dévouement : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même »; dans le commandement nouveau, c'est à l'Amour du Christ que se mesure l'amour : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ».

Comme Je vous ai aimés. Il nous est totalement impossible de comprendre, d'imaginer même l'amour du Christ, cet amour qui l'a fait descendre de la Maison du Père dans le monde misérable où nous sommes, cet amour qui a englobé tous les êtres et toutes les choses, des moins laides aux plus abjectes, qui s'est donné à tous, indifférents, amis et ennemis, et qui a culminé dans le sacrifice de Sa vie. En vérité, en Jésus-Christ le commandement ancien est dépassé; le Christ n'a pas aimé les hommes comme Lui-même, Il les a aimés plus que Lui-même.

Tel est dans sa splendeur le commandement nouveau. Le Christ, qui est Dieu, propose à Ses disciples un idéal à Sa mesure. Il l'avait fait précédemment lorsqu'Il leur avait dit : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ».

Il est bien évident que jamais une créature n'aimera comme Dieu a aimé. Mais le Christ veut obliger Ses disciples à se dépasser constamment eux mêmes, à aller toujours plus loin, toujours plus haut sur la voie sans terme de l'amour puisqu'il est écrit : Dieu est amour.

Les premiers disciples ont fait leur cette merveilleuse parole de leur Maître. C'est saint Jean qui écrit : «Voici comment nous avons connu l'amour : Jésus-Christ a donné sa vie pour nous; nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères »; c'est saint Paul qui déclare : « J'achève de souffrir en ma chair le reste des souffrances du Christ ».

Les vrais disciples du Christ sont ceux qui portent en leur coeur la Croix de leur Maître; ils suivent le chemin du renoncement, le chemin du sacrifice; ils aiment le prochain comme eux-mêmes et plus qu'eux-mêmes. Ils disent comme leur Seigneur : « Il n'y à pas de plus grand amour que de donner sa vie ».

Or le Christ n'est pas seulement notre modèle, comme Il l'a notamment proclamé le soir où Il a lavé les pieds de Ses disciples; Il est aussi et surtout la force qui nous fait vivre, qui nous transforme et nous soulève au-dessus de nous-mêmes.

La parole que saint Paul écrivait à ses amis de Corinthe est vraie pour nous tous: « Si quelqu'un est dans le Christ, il est une créature nouvelle; le monde ancien est passé, un monde nouveau est là ».