Emile BESSON. (Bul. des .A.S. OCTOBRE 1958)
UN MESSAGE DU PASSÉ
Les premières communautés chrétiennes étaient composées de pauvres gens, d'affranchis, d'esclaves de quelques rares grands selon le monde. Mis en dehors de la société, sans influence, ils vivaient entre eux dans l'amour des uns pour les autres.(1)
La pensée que le Fils de Dieu était venu pour tous, riches et malheureux, par conséquent pour eux, illuminait leur pauvre vie. Ils ne se trouvaient pas seuls puisque le Christ avait pensé à eux ; ils n'étaient pas abandonnés parce qu'ils savaient qu'un jour Il les recevrait dans Son Royaume et qu'Il leur donnerait un bonheur qui ne passerait pas.
Les cités où ils besognaient et où régnait l'attrait du plaisir étaient pour eux des déserts. Ils s'y sentaient incompris, inconnus. Mais dans leurs coeurs ils portaient leur trésor, un trésor dont ils étaient certains que «les vers ni la rouille ne pouvaient les atteindre ni les voleurs les dérober ». Eux, qui avaient entendu l'appel de l'Amour, ils s'accommodaient: de leur condition parce qu'ils pensaient que c'est Dieu qui les avait mis où ils étaient et que, pour être dignes un jour de leur place dans les demeures du Ciel, il fallait qu'ils eussent tenu leur place dans les professions de la terre. Au reste n'avaient-ils pas tout en Jésus-Christ, leur Sauveur et leur Ami ?
Ils recherchaient « l'esprit de pauvreté », le détachement des biens de ce monde. Ils pensaient avec sérénité à leurs maîtres du moment, même à leurs persécuteurs ; ils pensaient sans envie aux riches possédants qui bientôt devraient tout quitter pour s'en aller, par delà le fleuve de l'oubli, dans le pays d'où l'on ne revient pas; ils priaient pour ceux qui ne vivaient que pour le plaisir parce qu'un jour le hochet tant recherché leur tomberait des mains.
Ils n'ont jamais demandé que leur situation fût améliorée; ils n'ont jamais revendiqué. Ils étaient contents de leur sort. L'évolution sociale, la révolution sociale s'est faite d'elle-même parce qu'elle était renfermée dans les paroles du Fils de l'Homme et que la transformation de la condition humaine sur la terre est la conséquence naturelle de la prédication du Royaume de Dieu. Assurément il est de ces changements qui ont été obtenus par la force, par la violence. Mais la volonté du Christ aurait été qu'elles fussent gagnées dans la compréhension et l'entente.
Le Royaume de Dieu annoncé par jésus réunit ceux qui ont reçu le Christ pour leur Maître et l'Evangile pour leur Loi. Il vient du Ciel, mais il s'établira sur la terre et il apportera avec lui ce que nous appelons la justice sociale.
Pas plus aujourd'hui qu'au premier siècle cette justice sociale ne s'établira par des revendications, par des manifestations de lutte de classes. Elle ne viendra que par une transformation des coeurs et des esprits. Les améliorations - incontestables - dont bénéficient les classes modestes de la société n'ont amené de changement dans les dispositions ni de ceux qui en ont été les objets ni de ceux à qui elles ont été arrachées. Elles sont uniquement un mieux être matériel. Ni la lutte civile ni les conquêtes sociales n'engendrent l'amour mutuel. Celui ci a une origine surnaturelle.
Ces mêmes améliorations, si elles étaient venues de l'amour des possédants pour les non-possédants, de la pitié des riches pour les pauvres, auraient apporté avec elles compréhension et affection, et elles auraient été suivies de bien 'd'autres perfectionnements, qui auraient mûri sous le soleil de l'amour.
Le Christ ne veut pas démolir l'édifice social présent pour construire un autre édifice social. Il ne demande pas à Ses disciples d'édifier un royaume sur la terre; Il leur demande de préparer l'avènement du Royaume de Dieu « qui n'est pas de ce monde » mais qui sera aussi sur la terre. Et ce Royaume sera « un ciel nouveau et une terre nouvelle où la justice habite ».
En face de ceux qui prêchent la haine de classes., génératrice des pires misères morales et matérielles, ne nous lassons pas de prêcher par nos vies et par nos paroles la religion de l'amour. « Aimez-vous les uns les autres ». « Ce que tu ne veux pas qui te soit fait, ne le fais pas à autrui ». « Le riche et le pauvre se rencontrent: c'est Dieu qui les a faits l'un et l'autre ».
Le Christ n'a jamais dit que le but de la vie était d'être heureux en ce monde. Ses disciples ont proclamé que « c'est par beaucoup d'épreuves que l'on parvient au Royaume des Cieux ». Mais Il a demandé à Ses disciples d'aider le prochain fatigué à franchir l'étape, de nourrir les affamés, de chasser les démons, de soigner les malades, de donner l'espérance aux désespérés.
Là est la Loi et les Prophètes.