Emile BESSON. Avril 65
LA MISSION DES APÔTRES
Vous êtes la lumière du monde.
Que votre lumière brille devant les hommes. (MATTHIEU V, 14-16)
Le Christ a dit, en parlant de Lui-même: « Je suis la Lumière du monde » et cette parole n'a pas besoin d'explication.
Ici, S'adressant à Ses disciples, Il leur déclare « Vous êtes la lumière du monde ».
Cette affirmation est déconcertante. Que le Christ, qui est le Fils unique de Dieu, ait dit qu'Il est la Lumière du monde, cela ne soulève aucune question. Mais qu'Il adresse cette même parole à quelques pauvres artisans sans instruction et sans influence, citoyens d'un petit peuple vaincu et méprisé, cela semble véritablement extraordinaire.
Si encore Il leur avait dit : « je vous ai apporté la lumière et cette lumière, vous la porterez au monde ». Mais: « Vous êtes, vous, la lumière du monde » !
Ce que le Christ est de droit divin et absolument, Ses disciples le sont en puissance. Ils le seront en réalité lorsqu'ils auront atteint leur stature achevée de disciples, Selon qu'il est écrit « Tout disciple parfait sera comme son Maître ». (Luc VI, 40. - Cf. 1 JEAN 111, 2: Ce que nous serons n'a pas encore été manifesté, mais nous savons ceci: au jour où ce que nous devons être sera manifesté, nous serons semblables à Lui.)
Et comment le disciple fera t-il briller sa lumière devant les hommes ?
Remarquons d'abord que c'est seulement lorsqu'il fait obscur que l'on peut présenter une lumière. Or l'obscurité est partout dans le monde au sein duquel nous vivons.
C'est un crépuscule que le déclin des forces, l'activité qui se ralentit, la maladie. C'est un crépuscule que l'insuccès, les plans avortés, les rêves évanouis. C'est un crépuscule que le doute, la foi qui tiédit, emportant l'enthousiasme, le courage. C'est un crépuscule que l'épreuve, les revers de toutes sortes, les chagrins, la mort de ceux que l'on aime, la mort qui se profile à notre horizon. Et comme en ces circonstances l'on éprouve le besoin d'une présence qui éclaire, qui console, qui aide à vivre !
Le Christ est la Lumière du monde. Il a apporté la paix, la consolation, l'espérance. Mais il veut que cette paix, cette consolation, cette espérance, Ses disciples la donnent au monde jusqu'au jour où l'humanité tout entière aura fait retour dans la Maison paternelle. C'est là la Mission des apôtres.
L'unique façon pour le disciple de faire briller sa lumière, c'est de présenter aux hommes Celui qui est la Lumière du monde. Non pas une théorie sur le Christ, non pas une doctrine, mais le Christ Lui même. Et cela, en reproduisant dans sa propre vie la vie du Christ, en redisant les paroles du Christ. Car l'Evangile n'est pas un événement historique qui a eu lieu, une fois pour toutes, il y a 20 siècles; il est un drame qui se renouvelle à chaque époque de l'histoire du monde. Le remède qui, il y a deux mille ans, guérissait les corps et les coeurs, les guérira dans mille, dans deux mille ans et la puissance qui ressuscitait les morts les ressuscitera jusqu'à la fin de la création.
Quand il fait nuit et que l'on présente une lumière à ceux qui sont dans les ténèbres, point n'est utile de tenir des discours; la lumière n'a besoin d'aucun auxiliaire pour remplir son office; elle est là pour éclairer, elle éclaire.
C'est ce que doit faire le disciple. Il se rend auprès d'un être qui est dans la nuit; il s'efface derrière la lumière qu'il apporte; il la présente du mieux qu'il peut pour qu'elle éclaire le plus complètement possible.
Le disciple ne veut être que l'esclave de son Maître. Son désir le plus cher est que le Maître puisse parler par sa bouche, regarder par ses yeux, guérir par ses mains, aimer par son coeur son vu le plus ardent est de pouvoir dire comme l'apôtre Paul : « Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi ».
Ceci suppose obligatoirement un travail constant de purification. Le disciple veut être un instrument parfait entre les mains de son Maître.
Pour cela il doit purifier non seulement son esprit et son coeur, mais ses yeux et ses mains et son corps. Que ce qui reste d'humain en lui n'obscurcisse pas la lumière dont il est porteur, n'entrave pas l'élan qui le pousse vers ceux qui ont besoin de secours.
Il s'efforce constamment de donner à ses auditeurs l'exemple vivant de l'idéal qu'il leur dévoile.
Il se présente en effet non pas même comme un ambassadeur du Christ, mais comme une présence du Christ; il disparaît devant Celui qu'il apporte. Chacun de ses gestes est une communion avec son Maître et Ami; chacune de ses paroles est un écho du Verbe éternel; chacun de ses silences est riche d'une richesse surnaturelle; chacun de ses renoncements l'attache plus étroitement à Celui qui a tout subi et tout accompli et qui « sera en agonie jusqu'à la fin du monde » ; ses repentirs et ses réparations rendent possibles chez ceux à qui il s'adresse le remords et le désir des expiations; chacune de ses offrandes à un malheureux devient véritablement pour celui-ci la chair du Christ qui est une nourrititre et Son sang qui est un breuvage; il offre sa vie en un holocauste constamment renouvelé, selon la parole de Thérèse d'Avila à soit confesseur: « Mon père, si vous saviez ce que c'est qu'une âme, voit donneriez votre vie pour elle ». La présence du Verbe remplit sa solitude; elle allume en son coeur un feu qui ne s'éteint point; elle lui donne la force de convaincre, d'entraîner, d'apporter la certitude, la force aussi de sécher les larmes et de faire venir l'espérance.
Quant à lui, son être tout entier, esprit, âme et corps, est tourné vers le Christ. Aucun insuccès ne peut le troubler. Il sait que la lumière qu'il apporte petit n'être pas accueillie. Il redouble alors d'humilité, de ferveur; il se met plus profondément à l'école du berger qui cherche la brebis égarée jusqu'à ce qu'il l'ait trouvée. Il sait que son Seigneur aura la victoire finale et cette certitude lui suffit pour qu'il n'éprouve ni amertume excepté pour sa pauvreté, ni regret excepté pour son insuffisance.
La vie éternelle, ce sera le doit enfin total du disciple au service de Celui qui est la Lumière du monde.