Emile BESSON. avril 1962
LA SAINTE PAUVRETÉ
Une des paroles les plus prestigieuses que saint Paul ait prononcées est celle-ci: « Ayez les sentiments qui animaient Jésus-Christ; il était de condition divine et il s'est dépouillé lui-même en prenant la condition d'esclave... Il était riche, et il s'est fait pauvre, par amour pour vous, afin que vous soyez enrichis par sa pauvreté » .
« Dans les anciennes Écritures Dieu ne promet à ses serviteurs que de prolonger leurs jours, d'enrichir leurs familles, de multiplier leurs terres, leurs troupeaux et leurs héritages ». Le Christ promet à Ses amis des afflictions et des croix.
Les pauvres. Il a été l'un d'eux, Il a voulu être l'un d'eux.
Avant de descendre sur cette terre, Il était riche, Il était Dieu; Il S'est fait pauvre. Ici-bas Il est né dans la pauvreté; Il n'avait pas un lieu où reposer Sa tête; et Il a raconté à Ses amis que Dieu, voulant remplir Sa maison et ne voyant venir aucun de ceux qu'Il avait invités, envoya Ses serviteurs Lui chercher tous les misérables qu'ils pourraient trouver, les pauvres et les infirmes, les aveugles et les impotents, tous ceux qui, selon la parole de Bossuet, « portent son caractère, c'est-à-dire la croix et l'infirmité ».
Dans Sa première prédication, à Nazareth, Il rappelle la parole du prophète Isaïe: « Le Seigneur m'a envoyé pour annoncer l'Evangile aux pauvres », et Il ajoute: « Aujourd'hui s'accomplit ce passage de l'Ecriture ».
Voici les premières paroles du Sermon sur la Montagne: « Heureux êtes-vous, ô pauvres, car le Royaume de Dieu est à vous ».
Ce sont les pauvres qui L'ont suivi; Ses premiers disciples furent des pêcheurs du lac de Galilée. Les grands de ce monde, les riches ne L'ont pas aimé; s'il s'en est trouvé parmi eux qui ont voulu Le connaitre, ils venaient Le voir de nuit, en cachette.
jésus a été pauvre. Il a été « le Pauvre de l'éternelle Pauvreté » -. Au moment de donner Sa vie sur la croix, Il réunit Ses disciples et Il fait le geste de l'esclave: Il leur lave les pieds l'un après l'autre. Et puis Il leur rappelle le devoir primordial d'aimer et. d'assister les pauvres, les pauvres qui, leur dit-Il, sont Lui-même
Des millions d'êtres ont admiré le Christ. Toutefois le Christ n'a que faire d'admirateurs; ce qu'Il veut, ce sont des imitateurs: « je vous ai donné un exemple pour qu'à votre tour vous fassiez comme j'ai fait ». Mais «l'imitation de Jésus Christ » pauvre, mais la pauvreté volontaire est un idéal vraiment difficile à imaginer, vraiment surhumain à atteindre ! Et pourtant, comme le Christ, le disciple du Christ est nécessairement un Pauvre. Les richesses de cet univers sont sans attrait pour lui. Au reste, le Prince de ce monde s'est vanté que tous les trésors que renferme la terre lui appartiennent et qu'il les garde pour ses féaux. Le disciple du Christ ne saurait conserver de fortune que celle que lui dispense chaque jour l'éternel Ami qui chemine à ses côtés.
François d'Assise a pris dans son sens littéral, dans son sens absolu la parole du Christ an jeune homme riche: « Si tu veux être parfait, vends tout ce que tu as et le donne aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel; puis viens et suis-moi ». Cette 'parole a été la règle constante de sa vie et il a élu la divine Pauvreté comme sa Dame.
Envoyant ses disciples prêcher l'Evangile, il leur (lit: « Considérons que Dieu dans sa bonté ne nous a pas seulement appelés pour notre salut, mais aussi pour celui de beaucoup de gens, afin que nous allions par le monde, exhortant les hommes, plus par notre exemple que par nos paroles, à faire pénitence de leurs péchés et à se souvenir des commandements... Vous trouverez des hommes pleins de foi, de donceur et de bonté, qui vous recevront avec joie, vous et vos paroles; mais vous en trouverez d'autres et en plus grand nombre, sans foi, orgueilleux, blasphémateurs, (lui vous injurieront et qui résisteront à vous et à vos paroles. Soyez donc résolus à tout supporter avec patience et humilité ».
Voici quelques lignes de son Testament.
« Quand le Seigneur m'eut donné des frères, personne ne me montrait ce que je devais faire, mais le Très-Haut lui même me révéla que je devais vivre selon le modèle du saint Evangile ».
« Ceux qui se présentaient pour embrasser ce ,genre de vie distribuaient aux pauvres tout ce qu'ils pouvaient avoir... je travaillais de mes mains et veux continuer, et je veux aussi que tous les autres frères travaillent à quelque métier honorable. Que ceux qui n'eu ont point en apprennent un non dans le but (le recevoir le prix de leur travail, mais pour le bon exemple et pour fuir l'oisiveté. Et quand on ne nous donne pas le prix du travail, ayons recours à la table du Seigneur, en demandant l'aumône de porte en porte. Le Seigneur me révéla la salutation que nous devions faire: « Dieu vous donne la paix ».
« Que les Frères aient grand soin de ne rien recevoir... que si tout est comme il convient à la sainte pauvreté dont nous avons fait vu.
« S'ils ne sont pas reçus quelque part, qu'ils aillent ailleurs pour faire pénitence avec la bénédiction de Dieu.
« ... Que quiconque aura observé ces choses soit comblé au ciel des bénédictions du Père céleste et sur la terre de celles de son Fils bien-aimé et du Saint-Esprit consolateur... Et moi, petit frère François, votre serviteur, je vous confirme autant que je puis cette très sainte bénédiction ».
Le jeudi 1° octobre 1226, avant-veille de sa mort, il se fit dépouiller de ses vêtements et demanda qu'on l'étendît par terre, car il voulait mourir entre les bras de sa Dame la Pauvreté. Il embrassa d'un regard les vingt ans qui s'étaient écoulés depuis leur union; puis il dit aux Frères: « J'ai fait mon devoir, que le Christ maintenant vous enseigne le vôtre! ».
Et le samedi, à la nuit tombante, il ferma les yeux, tandis qu'un vol d'alouettes venait s'abattre en chantant sur le chaume de sa cellule.