Emile BESSON.OCTOBRE 1963.
LA PERFECTION
Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait. (Matthieu, V, 48).
Avant que les hommes aient parlé de l«Imitation de Jésus-Christ », le Christ a proposé à Ses disciples l'imitation de Dieu. « Soyez parfaits, leur a-t-Il dit, comme votre Père céleste est parfait ».
Il ne s'agit évidemment pas d'une perfection qui serait semblable à celle de Dieu. Il n'y a pas de commune mesure entre la créature et le Créateur. Il s'agit, pour le disciple, d'être dans le relatif ce que Dieu est dans l'absolu. Dieu, qui est parfait, a créé le monde et le genre humain, donc les hommes doivent devenir parfaits.
Au reste, cet ordre du Christ: « Soyez parfaits » éveille en l'âme humaine un profond écho. Tous, si misérables que nous soyons, nous sentons en nous le désir, la volonté de la perfection, quelque chose nous dit que nous sommes appelés à la perfection.
perfection de l'être, perfection de l'esprit, perfection du coeur, perfection des activités, toutes ayant leur source et leur inspiration dans la perfection du lien qui unit la créature à son Créateur.
C'est là un programme infini, plus vaste que les dimensions mêmes de la vie des hommes. Efforçons nous de l'envisager.
Ce qui nous est demandé, c'est l'obéissance à Dieu. Ceci est parfaitement clair. Mais nous sommes très habiles à masquer nos désobéissances en offrant à Dieu - souvent au prix de grands efforts -, ce qu'Il ne nous demande pas: nous pensons être ainsi justifiés de ne pas Lui donner ce qu'Il nous demande. Les devoirs imaginaires ne sauraient remplacer les devoirs réels, Ce que Dieu veut de nous est écrit dans l'Evangile, dans la conscience humaine. La perfection de l'obéissance, c'est l'obéissance elle même.
Ce qui nous est demandé, c'est la charité. « Aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». A la difficulté constamment renouvelée que nous éprouvons à accomplir ce devoir, nous mesurons son importance. La perfection de la charité, c'est la charité elle-même,
Ce qui nous est demandé, c'est l'humilité. Non pas le mépris de soi-même ou l'indifférence pour ce qui se passe en nous et pour ce que nous faisons; non pas l'abdication devant une décision à prendre ou une opinion à exprimer ; non pas le mépris des « talents » que Dieu nous a confiés; non pas la recherche de la mortification pour elle-même. Non pas non plus l'abaissement devant les riches et les puissants de la terre, devant la gloire humaine, même devant la supériorité du talent ou du savoir. L'enfant de Dieu attend tout de son Père, de son Père seul. « A genoux devant Dieu, debout devant les créatures et les événements ». La perfection de l'humilité, c'est l'humilité elle même.
Qu'est ce à dire, sinon que notre quête de la perfection nous rapproche toujours davantage de Dieu qui est cette Perfection, jusqu'à ce que ce divin transfigure notre vie et que cette vie soit réellement « par et pour le Christ et pour Dieu ».
Il y a deux vies : la vie naturelle, l'existence telle que l'homme la mène sur la terre, avec ses ambitions, ses passions, ses élans vers l'agrandissement de son moi et cette vie aboutit à la mort. Et il y a la vie surnaturelle, la force de combattre nos défauts, d'aimer notre prochain - et c'est, après cette vie, la mort qui n'est plus la mort, la vie dont le symbole est le sépulcre du Christ an matin de Pâques, la pierre roulée, le tombeau ouvert.
Ces choses là, on ne les sait pas tant qu'on se contente de les savoir; on ne les sait que lorsqu'elles sont devenues nôtres. Nous sommes devant Dieu comme une pierre devant un sculpteur de laquelle il veut faire une statue. Qu'Il veuille former en notre âme Sa parfaite image!