Maintenant ces trois choses demeurent la foi, l'espérance et la charité. (st Paul aux Corinthiens ‑ 1 ‑ XIII ‑ 13)
Dans une de ses Tapisseries, Péguy fait ainsi parler Dieu : La foi que j'aime le mieux, c'est l'espérance. La foi ne m'étonne pas : la création la proclame, et la créature et le travail de la créature. La charité ne m'étonne pas : les êtres créés sont si malheureux que la charité est le premier mouvement du coeur. Mais l'espérance m'étonne : voir comme tout se passe et croire que demain cela ira mieux ! (Le Porche du Mystère de la deuxième Vertu.)
Et nous, pauvres humains, nous nous rendons compte que, sans l'espérance, nous ne pourrions pas vivre. Nous sentons bien, nous savons pour reprendre une autre parole de Péguy que, si la Foi ne voit que ce qui est, si la Charité n'aime que ce qui est, l'Espérance aime ce qui sera.
Regardons ce qui est.
Depuis que le monde existe, ce que l'on appelle pompeusement l'Histoire montre que l'homme le roi de la création est le plus souvent un loup pour l'homme, et qu'en dépit des déclamations et des programmes, c'est surtout la violence qui fait la loi.
Et n'en va t‑il pas de même dans nos existences individuelles ? A côté de quelques clartés, que nous nommons le bonheur, que de peines, que de souffrances de l'âme et du corps, que de problèmes et d'incertitudes, que de rêves avortés !
Comme aux jours de Noé, les hommes travaillent, s'amusent, vont à leurs affaires, ferment les yeux sur tout ce qui serait de nature à les déranger. Mais aussi, autour de nous et souvent en nous, il y a de la haine; autour de nous et en nous tout se dégrade et va vers la ruine, et nos faiblesses, nos méfaits facilitent et hâtent cette destruction. Les négateurs s'affirment, ils traînent après eux leur philosophie du désespoir; l'obsession de la démesure hante les esprits ; toute autorité est battue en brèche, la mode est à la contestation. Nous avons assisté, venant de ceux qui sont l'avenir, à une volonté de démolition, à une volonté de nihilisme qui a fait dire à un philosophe qui était aussi un grand moraliste . « La jeunesse a l'âme malade ». La vie passe comme un torrent et la perspective qu'elle nous montre, c'est la mort de ce que nous aimons et notre propre mort: La merveille, c'est que, malgré les déceptions perpétuellement renouvelées, l'homme continue à désirer autre chose, à attendre autre chose et qu'il poursuive la recherche éperdue d'une stabilité, d'une félicité même qui pourtant semble reculer devant lui à mesure qu'il tend les mains pour la saisir. Nous avons connu et nous connaissons encore des êtres qui ont éprouvé toutes les angoisses, tous les bonheurs, toutes les détresses de la condition humaine et qui cependant gardent, fixés sur l'avenir, un regard serein parce qu'ils ont l'espérance.
Nous avons en nous l'espérance parce que Dieu est l'espérance. L'homme est la plus extraordinaire espérance de Dieu. Quand Dieu a lancé l'homme dans la Création pour qu'au travers du créé il remonte jusqu'au Ciel, Il espérait que la créature reviendrait à son Créateur, que l'enfant retournerait à son Père. En vérité, lorsque Dieu a formé l'homme de la poussière et qu'Il l'a créé à Son image, ce jour là, à l'aurore des siècles, Dieu a été le premier des croyants.
Saint Paul a écrit aux chrétiens d'Éphèse cette parole inouïe : « Soyez les imitateurs de Dieu ». En effet, il nous est possible de ressembler à Dieu. De même que Dieu est l'Espérance, nous pouvons, nous devons être des hommes et des femmes d'espérance.
Une étoile a guidé les mages vers la Crèche où venait de naître l'Enfant Jésus. Levons les yeux au ciel de notre âme; l'étoile est encore là, la même étoile, l'étoile de l'Espérance et elle veut nous conduire au Sauveur.
Toute la vie du Christ, tout ce qu'Il a dit et fait et enduré est tourné vers l'espérance. Aux créatures qui n'avaient jamais espéré Il a apporté une espérance éternelle. Par delà les épreuves, les soucis, par delà les joies, par delà la vie même Il nous dit : « Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie ».
« O crux ave, spes unica », disaient les premiers chrétiens ‑ ô croix, salut, l'unique espérance. La Croix est l'espérance du monde, car elle est la rédemption du monde. La Croix n'est pas la plus grande espérance, la plus belle espérance. elle est l'unique espérance. Tout au monde passe, seule l'espérance demeure à jamais. Et le Maître de Sédir a déclaré « L'espérance ne déçoit pas. »
Le Royaume de Dieu, c'est l'espérance. C'est sur la porte de l'Enfer qu'il est écrit : Vous qui entrez, laissez toute espérance.
Une immense espérance a traversé la terre, a chanté Alfred de Musset.
Cette espérance, elle est pour chacun de nous.
Emile BESSON. Juillet 69