SAGESSE 11 à 19

Sg11.1 Elle fit réussir leurs entreprises grâce à un saint prophète.

Sg11.2 Ils traversèrent un désert inhabité et plantèrent leurs tentes en des lieux jamais foulés;

Sg11.3 ils tinrent tête à des ennemis et repoussèrent des adversaires.

Sg11.4 Ils souffrirent de la soif et ils t'invoquèrent; alors un rocher abrupt leur donna de l'eau, une pierre dure étancha leur soif.

Sg11.5 Ainsi les réalités mêmes qui avaient servi à châtier leurs ennemis devinrent pour eux un bienfait dans leur détresse.

Sg11.6 Au lieu du jaillissement continu d'un fleuve troublé par un sang boueux

Sg11.7 en châtiment du décret infanticide, tu leur as donné à eux, contre tout espoir, une eau abondante,

Sg11.8 après leur avoir montré par la soif subie alors comment tu avais puni leurs adversaires.

Sg11.9 En effet, par cette épreuve, bien que corrigés avec miséricorde, ils surent quels tourments subissaient les impies jugés avec colère.

Sg11.10 Les tiens, tu les as mis à l'épreuve en père qui avertit, mais à ceux-là, tu as demandé des comptes en roi sévère qui condamne.

Sg11.11 Loin comme près des tiens, ils souffraient pareillement:

Sg11.12 une double tristesse les saisit avec un gémissement au souvenir du passé,

Sg11.13 car en apprenant que par l'instrument même de leur châtiment les autres avaient été favorisés, ils sentirent l'intervention du Seigneur.

Sg11.14 Celui qu'ils avaient rejeté jadis en l'exposant, puis congédié avec moquerie, les remplit de stupeur au terme des événements car ils avaient souffert de la soif autrement que les justes.

Sg11.15 Et à cause des pensées stupides inspirées par leur injustice, qui les égarèrent jusqu'à leur faire rendre un culte à des reptiles sans raison et à des bêtes viles, tu leur envoyas en châtiment une multitude d'animaux sans raison,

Sg11.16 pour qu'ils sachent qu'on est puni par où l'on a péché.

Sg11.17 Elle n'était pas embarrassée, ta main toute-puissante, elle qui a créé le monde à partir d'une matière informe, pour envoyer contre eux une multitude d'ours ou de lions féroces,

Sg11.18 ou des monstres inconnus créés tout exprès, pleins de fureur et pouvant exhaler un souffle embrasé, ou répandre une fumée infecte, ou lancer de leurs yeux de terribles éclairs;

Sg11.19 non seulement leur malfaisance aurait pu les anéantir d'un seul coup, mais leur vue aurait déjà suffi à les faire périr d'effroi.

Sg11.20 D'ailleurs, même sans ces bêtes, ils pouvaient être renversés d'un seul souffle, poursuivis par la justice et dispersés par le souffle de ta puissance; mais tu as tout disposé avec mesure, nombre et poids.

Sg11.21 Ta grande force est toujours à ta disposition, et qui résistera à la vigueur de ton bras?

Sg11.22 Oui, le monde entier est devant toi comme le poids infime qui déséquilibre une balance, comme la goutte de rosée matinale qui descend vers le sol.

Sg11.23 Mais tu as pitié de tous parce que tu peux tout, et tu détournes les yeux des péchés des hommes pour les amener au repentir.

Sg11.24 Tu aimes tous les êtres et ne détestes aucune de tes oeuvres: aurais-tu haï l'une d'elles, tu ne l'aurais pas créée.

Sg11.25 Et comment un être quelconque aurait-il subsisté si toi, tu ne l'avais voulu, ou aurait-il été conservé sans avoir été appelé par toi.

Sg11.26 Tu les épargnes tous, car ils sont à toi, Maître qui aimes la vie,

Sg12.1 et ton esprit incorruptible est dans tous les êtres.

Sg12.2 Aussi tu reprends progressivement les coupables et tu les avertis, leur rappelant en quoi ils pèchent, afin qu'ils renoncent au mal et qu'ils croient en toi, Seigneur.

Sg12.3 Il en fut ainsi pour les anciens habitants de ta terre sainte

Sg12.4 que tu avais pris en haine à cause de leurs pratiques détestables: oeuvres de magie, rites impies,

Sg12.5 meurtres cruels d'enfants, festin de chair et de sang humains où l'on mange jusqu'aux entrailles; ces véritables initiés surpris en pleine orgie,

Sg12.6 ces parents meurtriers d'êtres sans défense, tu avais voulu les faire périr par la main de nos pères,

Sg12.7 afin qu'elle reçut une digne colonie d'enfants de Dieu, cette terre qui t'est chère entre toutes.

Sg12.8 Pourtant, même ceux-là, tu les as épargnés parce qu'ils restaient des hommes et tu as envoyé comme avant-coureurs de ton armée des guêpes qui ne les extermineraient que peu à peu.

Sg12.9 Certes, tu aurais pu dans une bataille livrer les impies aux mains des justes, ou encore les détruire en un instant par des bêtes redoutables ou par une parole tranchante.

Sg12.10 Mais en exerçant progressivement ta justice tu offrais une occasion de repentir, sans ignorer pourtant que leur nature était viciée, leur perversité innée, et que leur mentalité ne changerait jamais;

Sg12.11 car c'était une race maudite dès l'origine. Ce n'est pas davantage par peur de quelqu'un que tu leur avais offert l'impunité de leurs péchés.

Sg12.12 Qui donc en effet osera te dire: Qu'as-tu fait? Qui s'opposera à ta décision? Qui encore te citera en justice pour la ruine de peuples que tu as toi-même créés? Qui viendra déposer contre toi comme défenseur d'hommes injustes?

Sg12.13 Il n'y a pas de Dieu en dehors de toi, qui prenne soin de tout, auquel tu devrais prouver que tu n'as pas jugé injustement.

Sg12.14 Il n'y a non plus ni roi ni souverain qui puisse te braver pour défendre ceux que tu as châtiés.

Sg12.15 Parce que tu es juste, tu gouvernes l'univers avec justice, et condamner un homme ne méritant pas d'être châtié te paraît incompatible avec ta puissance.

Sg12.16 Car ta force est la source de ta justice et ta maîtrise sur tous te fait user de clémence envers tous.

Sg12.17 Il fait montre de sa force, celui dont le pouvoir absolu est mis en doute, et il confond l'arrogance de ceux-là mêmes qui reconnaissent ce pouvoir.

Sg12.18 Mais toi qui maîtrises ta force, tu juges avec sérénité, et tu gouvernes avec tant de ménagements. Le pouvoir d'agir est à ta disposition quand tu le veux.

Sg12.19 En agissant ainsi tu as appris à ton peuple que le juste doit être ami des hommes et tu as rempli tes fils d'espérance puisque tu offres le repentir pour les péchés.

Sg12.20 Si tu as puni les ennemis de tes enfants et des hommes voués à la mort avec un tel souci d'indulgence, en leur donnant le temps et l'occasion de renoncer au mal,

Sg12.21 avec combien plus de précautions as-tu jugé tes fils, après avoir offert à leurs pères des serments et des alliances aux promesses magnifiques.

Sg12.22 Ainsi, pour nous éduquer, tu flagelles nos ennemis avec modération, afin que nous songions à ta bonté quand nous avons à juger, et que nous comptions sur ta miséricorde quand tu nous juges.

Sg12.23 Voilà pourquoi ceux qui dans leur folie avaient mené une vie injuste, tu les as tourmentés par leurs propres abominations.

Sg12.24 En effet ils avaient erré au-delà des chemins de l'égarement: ils considéraient comme des dieux les plus vils et les plus méprisables des animaux, se laissant abuser comme de petits enfants privés de raison.

Sg12.25 Alors comme à des enfants déraisonnables tu leur as envoyé un châtiment pour te moquer.

Sg12.26 Mais ceux qui n'ont pas compris ces punitions pour enfants subiront un digne jugement de Dieu.

Sg12.27 Exaspérés par ces bêtes qui les faisaient souffrir et se voyant châtiés par celles qu'ils prenaient pour des dieux, ils reconnurent à l'expérience le Dieu véritable qu'ils refusaient jadis de connaître. Pour cette raison la condamnation suprême s'abattit sur eux.

Sg13.1 Vains sont tous ceux-là, des hommes par nature, chez qui l'ignorance de Dieu s'est installée: à partir des biens visibles, ils n'ont pas été capables de connaître Celui qui est, pas plus qu'ils n'ont reconnu l'Artisan en considérant ses oeuvres.

Sg13.2 Mais c'est le feu, le souffle ou l'air léger, le cycle des astres ou l'eau impétueuse, ou les luminaires du ciel réglant le cours du monde, qu'ils ont pris pour des dieux.

Sg13.3 Sont-ils séduits par leur beauté quand ils les considèrent comme des dieux, qu'ils sachent combien le Maître de ces choses leur est supérieur, car Celui qui est à l'origine de la beauté les a créés.

Sg13.4 Sont-ils frappés par leur puissance et leur efficacité, qu'ils comprennent à partir de ces réalités combien est plus puissant Celui qui les a faites.

Sg13.5 Car la grandeur et la beauté des créatures conduisent par analogie à contempler leur Créateur.

Sg13.6 Cependant ces hommes méritent un moindre blâme: peut-être ne s'égarent-ils que dans leur façon de chercher Dieu et de vouloir le trouver.

Sg13.7 Plongés dans ses oeuvres, ils scrutent et ils cèdent alors à l'apparence, car il est beau le spectacle du monde!

Sg13.8 Toutefois même eux ne sont pas excusables pour autant.

Sg13.9 S'ils sont devenus assez savants pour pouvoir conjecturer le cours éternel des choses, comment n'ont-ils pas découvert auparavant le Maître de celles-ci?

Sg13.10 Mais misérables, avec leur espérance placée en des objets sans vie, ceux-là qui ont appelé dieux les oeuvres de mains humaines de l'or et de l'argent ouvragés avec art et représentant des êtres vivants, ou une pierre inutilisable travaillée par une main antique.

Sg13.11 Tel encore ce bûcheron qui a scié un arbre facile à transporter. Il en racle toute l'écorce avec savoir-faire, le traite comme il se doit et fabrique un ustensile destiné aux besoins de la vie.

Sg13.12 Quant aux rebuts de son travail, il les fait brûler pour préparer sa nourriture, et il se rassasie;

Sg13.13 reste un déchet qui ne peut servir à rien, car c'est un bois tordu et noueux: il le prend, le sculpte pour occuper son loisir, le taille avec la compétence des moments de détente et le fait représenter une image d'homme

Sg13.14 ou le rend semblable à un vil animal, après l'avoir enduit de vermillon, fardé son teint de rouge et recouvert toutes ses taches.

Sg13.15 Il lui aménage une demeure appropriée, l'installe dans le mur et le fixe avec du fer:

Sg13.16 il a donc pris ses précautions pour qu'il ne tombe pas, le sachant incapable de s'aider par lui-même car c'est une image qui a besoin d'aide.

Sg13.17 Mais quand il prie pour avoir biens, mariages et enfants, il ne rougit pas de s'adresser à cet objet sans vie; pour la santé il invoque ce qui est sans force,

Sg13.18 pour la vie il implore ce qui est mort, pour sa protection il supplie ce qui n'est d'aucun secours, pour ses voyages, ce qui est incapable de faire un pas,

Sg13.19 et pour ses moyens d'existence, son travail et la réussite de ses mains, il demande une aide vigoureuse à des mains sans vigueur.

Sg14.1 Cet autre va appareiller, se disposant à parcourir les flots cruels, et il invoque un bois plus vermoulu que le bateau qui l'emmène.

Sg14.2 Car celui-ci a été conçu dans le désir d'acquérir des ressources et il a été construit par la sagesse artisane.

Sg14.3 Mais c'est ta providence, ô Père, qui tient la barre: tu as tracé un chemin sur la mer, un sentier assuré parmi les flots,

Sg14.4 montrant par là que tu peux sauver de tout danger, même si l'on prend la mer sans aucune compétence.

Sg14.5 Tu ne veux pas que les oeuvres de ta Sagesse demeurent improductives, c'est pourquoi les hommes confient leurs vies à un bois infime et ont pu traverser la mer houleuse sur un radeau en échappant à tout danger.

Sg14.6 Ainsi, aux origines, lorsque périssaient les géants orgueilleux, l'espoir du monde se réfugia sur un radeau et, dirigé par ta main, conserva pour l'avenir une semence de génération.

Sg14.7 Béni est le bois devenu instrument de justice!

Sg14.8 Mais maudite l'idole fabriquée, elle et son auteur, celui-ci pour l'avoir façonnée, et elle, une chose corruptible, pour avoir été nommée dieu.

Sg14.9 Car Dieu déteste également l'impie et son impiété,

Sg14.10 et l'oeuvre sera châtiée avec l'ouvrier.

Sg14.11 Oui, l'intervention divine s'étendra aux idoles des nations, car elles sont devenues une abomination dans la création de Dieu, un scandale pour les âmes des hommes, un piège sous les pas des insensés.

Sg14.12 A l'origine de cette prostitution, il y a l'idée de fabriquer des images, et leur découverte a entraîné la corruption de la vie.

Sg14.13 Elles n'existaient pas au commencement pas plus qu'elles ne subsisteront indéfiniment.

Sg14.14 A cause du jugement superficiel des hommes elles ont fait leur entrée dans le monde, aussi une prompte fin leur a-t-elle été assignée.

Sg14.15 Affligé par un deuil prématuré, un père a fait exécuter une image de son enfant enlevé à l'improviste, et à ce qui n'était plus qu'un cadavre d'homme il rend maintenant des honneurs comme à un dieu et transmet aux siens des mystères et des rites;

Sg14.16 puis, fortifiée par le temps, cette coutume impie fut observée comme une loi. De même encore, sur l'ordre des souverains, les images taillées devinrent l'objet d'un culte;

Sg14.17 comme on ne pouvait honorer ceux-ci en leur présence, à cause de la distance, on reproduisit leur apparence vue de loin et on fit faire une image visible du roi vénéré afin de témoigner une adulation empressée à l'absent comme s'il était présent.

Sg14.18 Même chez ceux qui ne le connaissaient pas, l'extension du culte fut stimulée par l'ambition de l'artiste.

Sg14.19 Celui-ci, voulant sans doute plaire au souverain, força son art pour faire plus beau que ressemblant;

Sg14.20 alors la foule fut séduite par le charme de l'oeuvre, et cet homme auquel naguère on rendait des honneurs devint un objet d'adoration.

Sg14.21 Ainsi la vie humaine se laissa prendre au piège lorsque des hommes, victimes du malheur ou du pouvoir, attribuèrent à la pierre et au bois le nom incommunicable.

Sg14.22 Ils ne se sont même pas contentés d'errer dans la connaissance de Dieu, mais, vivant dans le vaste conflit qu'engendre l'ignorance, ils osent donner à de tels fléaux le nom de paix.

Sg14.23 Avec leur rites infanticides, leurs mystères occultes ou leurs processions frénétiques aux coutumes extravagantes,

Sg14.24 ils ne respectent plus ni les vies, ni la pureté des mariages, mais l'un supprime l'autre traîtreusement ou l'afflige par l'adultère.

Sg14.25 Tout est mêlé: sang et meurtre, vol et fourberie, corruption, déloyauté, troubles, parjure,

Sg14.26 confusion des valeurs, oubli des bienfaits, souillure des âmes, inversion sexuelle, anarchie des mariages, adultère et débauche.

Sg14.27 Car le culte des idoles impersonnelles est le commencement, la cause et le comble de tout mal,

Sg14.28 soit qu'on s'abandonne à une joie délirante ou qu'on profère de faux oracles, soit qu'on vive dans l'injustice ou qu'on se parjure immédiatement.

Sg14.29 Pour s'être fiés à des idoles inertes, ils sont sûrs, après leurs serments malhonnêtes, de ne subir aucun dommage.

Sg14.30 Mais un double châtiment les frappera, parce qu'ils se sont mépris sur Dieu en recourant aux idoles et qu'ils ont fait avec ruse de faux serments par mépris de la sainteté.

Sg14.31 Ce n'est pas la puissance des objets pris à témoin, mais la justice réagissant contre les pécheurs qui sanctionne toujours la transgression des coupables.

Sg15.1 Mais toi, notre Dieu, tu es bon et fidèle, tu es patient et gouvernes tous les êtres avec miséricorde.

Sg15.2 Même si nous péchons, nous restons à toi car nous reconnaissons ta souveraineté, mais nous ne pécherons pas, sachant que nous sommes comptés comme tiens.

Sg15.3 Savoir qui tu es conduit à la justice parfaite et reconnaître ta souveraineté est la racine de l'immortalité.

Sg15.4 Elle ne nous a pas égarés, cette invention humaine d'un art mauvais, ni le labeur stérile des peintres d'illusion, qui produisent une forme barbouillée de couleurs variées

Sg15.5 dont la vue finit par éveiller la passion des insensés et leur fait désirer la forme inerte d'une image morte.

Sg15.6 Amants du mal et dignes de pareils espoirs, tels sont ceux qui les fabriquent, les désirent ou les adorent!

Sg15.7 Ainsi ce potier qui pétrit laborieusement de la terre molle et qui façonne chacun de nos objets domestiques. Avec la même glaise il modèle et les ustensiles destinés aux emplois propres et ceux qui servent à des usages opposés, le tout pareillement; mais quelle sera alors la fonction de chacun de ces objets, c'est le potier qui en décide.

Sg15.8 Puis, se livrant à un méchant travail, il utilise la même glaise pour façonner un dieu illusoire, alors que, tout juste né de la terre, il retournera bientôt à cette terre d'où il a été tiré, quand on lui demandera de restituer son âme.

Sg15.9 Au lieu de songer à sa mort inéluctable et à la brièveté de sa vie, il rivalise avec les orfèvres et les fondeurs d'argent, imite ceux qui coulent le bronze, et se fait gloire de fabriquer du faux.

Sg15.10 Son coeur n'est que cendre, son espérance est plus misérable que la terre, et sa vie plus méprisable que la glaise.

Sg15.11 Car il ignore Celui qui l'a façonné, qui a soufflé en lui une âme active et insufflé un esprit qui fait vivre.

Sg15.12 A ses yeux, notre vie est un jeu, l'existence, une foire d'empoigne: il faut, dit-il, tirer profit de tout, même du mal.

Sg15.13 Cet homme-là sait mieux que personne qu'il pèche en fabriquant avec une matière terreuse des vases fragiles et des idoles.

Sg15.14 Mais ils se révèlent tous complètement insensés et plus infortunés qu'une âme infantile, les ennemis et oppresseurs de ton peuple.

Sg15.15 Ils ont même pris pour dieux toutes les idoles des nations, qui n'ont ni l'usage de leurs yeux pour voir, ni des narines pour aspirer l'air, ni des oreilles pour écouter, ni des doigts aux mains pour palper, et dont les pieds ne savent pas marcher.

Sg15.16 Car c'est un homme qui les a faites, un être au souffle d'emprunt qui les a façonnées, or aucun homme ne peut façonner un dieu qui lui soit semblable.

Sg15.17 Mortel, il ne peut produire de ses mains impies qu'une oeuvre morte; encore vaut-il mieux que les objets de son adoration: lui, il a reçu la vie, mais eux ne l'auront jamais.

Sg15.18 Et ils adorent aussi les bêtes les plus odieuses; en fait de stupidité, elles sont les pires de toutes

Sg15.19 et, à leur vue, on ne trouve rien de cette beauté qui peut séduire chez d'autres animaux. Elles ont échappé à l'approbation de Dieu et à sa bénédiction.

Sg16.1 Voilà pourquoi ils furent châtiés à juste titre par des animaux semblables et tourmentés par une multitude de bêtes.

Sg16.2 Au lieu de ce châtiment, tu as accordé un bienfait à ton peuple: pour satisfaire l'ardeur de son appétit, c'est une nourriture à la saveur merveilleuse, des cailles, que tu lui as préparée.

Sg16.3 Ainsi les premiers, malgré leur besoin de nourriture, écoeurés par les bêtes envoyées contre eux, perdraient toute envie de manger, tandis que les seconds, après une courte disette, auraient en partage une saveur merveilleuse.

Sg16.4 Il fallait que les oppresseurs voient s'abattre sur eux une disette implacable, il suffisait aux autres de constater comment leurs ennemis avaient été tourmentés.

Sg16.5 Et même quand la fureur terrible des bêtes venimeuses se déchaîna contre les tiens et qu'ils périssaient sous la morsure des serpents sinueux, ta colère ne dura pas jusqu'au bout.

Sg16.6 En guise d'avertissement ils furent effrayés quelque temps, tout en ayant un gage de salut qui leur rappelait le commandement de ta Loi.

Sg16.7 En effet, quiconque se retournait était sauvé, non par l'objet regardé, mais par toi le Sauveur de tous.

Sg16.8 Et ainsi tu as prouvé à nos ennemis que c'est toi qui délivres de tout mal.

Sg16.9 Eux périrent mordus par les sauterelles et les mouches, sans qu'on trouvât de remède pour préserver leur vie, car ils méritaient d'être châtiés par de telles bêtes.

Sg16.10 Tes fils, en revanche, la dent même des serpents venimeux ne put les réduire, car ta miséricorde vint à leur rencontre et les guérit.

Sg16.11 Pour qu'ils se rappellent tes paroles, ils recevaient des coups d'aiguillon, mais ils étaient vite délivrés, de peur que, tombés dans un oubli profond, ils ne soient soustraits à ton action bienfaisante.

Sg16.12 Et ni herbe ni pommade ne vint les soulager, mais ta Parole, Seigneur, elle qui guérit tout.

Sg16.13 Tu as pouvoir sur la vie et la mort, tu fais descendre aux portes de l'Hadès et en fais remonter;

Sg16.14 l'homme, lui, peut tuer par méchanceté, mais il ne fait pas revenir le souffle qui est sorti et ne délivre pas l'âme qui a été recueillie.

Sg16.15 Il est impossible d'échapper à ta main.

Sg16.16 Les impies qui refusaient de te connaître furent fouettés par ton bras vigoureux: des pluies et des grêlons inhabituels, des averses impitoyables s'acharnaient contre eux, le feu les dévorait.

Sg16.17 Fait extraordinaire, dans l'eau qui éteint tout, le feu gagnait en énergie, car l'univers combat pour les justes.

Sg16.18 Tantôt la flamme se calmait pour ne pas consumer les animaux envoyés contre les impies, mais pour qu'à ce spectacle ils se sachent poursuivis par un jugement de Dieu;

Sg16.19 tantôt, au sein même de l'eau, elle brûle au-delà de la puissance du feu, afin de détruire les récoltes d'une terre injuste.

Sg16.20 A l'opposé, tu as distribué à ton peuple une nourriture d'anges, tu lui as procuré du ciel, sans effort de sa part, un pain tout préparé, ayant la capacité de toute saveur et adapté à tous les goûts.

Sg16.21 La substance que tu donnais manifestait ta douceur pour tes enfants, mais elle se pliait au désir de celui qui la consommait en se modifiant au gré de chacun.

Sg16.22 Neige et glace résistaient au feu et ne fondaient pas, pour faire savoir que les récoltes des ennemis avaient été détruites par le feu qui flambait dans la grêle et lançait des éclairs au milieu de la pluie.

Sg16.23 Ce même feu, en revanche, pour permettre aux justes de se nourrir, oubliait même son pouvoir propre.

Sg16.24 La création, docile à te servir, toi, son Auteur, se tend pour le châtiment des injustes, mais se détend pour le bien de ceux qui se sont confiés à toi.

Sg16.25 Et c'est ainsi qu'en se prêtant à tout changement, elle était au service de ce don venu de toi et qui devenait toute nourriture au gré de ceux qui le demandaient.

Sg16.26 Par là, tes fils que tu as aimés, Seigneur, devaient apprendre que ce n'est pas la production de fruits qui nourrit l'homme, mais bien ta parole qui fait subsister ceux qui croient en toi.

Sg16.27 Ce que le feu ne détruisait pas fondait simplement à la chaleur d'un bref rayon de soleil,

Sg16.28 pour qu'on sache qu'il faut devancer le soleil pour te rendre grâce et te rencontrer au lever du jour.

Sg16.29 Mais l'espoir de l'ingrat fondra comme le givre hivernal, il s'écoulera comme une eau inutilisable.

Sg17.1 Tes jugements sont grands et difficiles à comprendre. Aussi des âmes incultes se sont-elles égarées.

Sg17.2 Ces impies qui avaient voulu asservir la nation sainte, ils gisaient, prisonniers des ténèbres et enchaînés à une longue nuit, enfermés sous un toit, bannis de la providence éternelle.

Sg17.3 Alors qu'ils pensaient rester cachés, avec leurs péchés secrets, grâce au voile opaque de l'oubli, ils furent dispersés, en proie à une frayeur terrible et bouleversés par des hallucinations.

Sg17.4 L'antre qui les contenait ne les gardait nullement de la peur, des bruits fracassants résonnaient autour d'eux et ils voyaient apparaître des spectres mornes à la face lugubre.

Sg17.5 Le feu le plus puissant ne parvenait pas à faire jaillir de la lumière et la lueur étincelante des étoiles ne consentait pas à éclairer cette nuit horrible.

Sg17.6 Seul leur apparaissait un brasier qui s'allumait de lui-même et répandait l'épouvante; lorsque cette vision disparaissait à leurs yeux, ils restaient terrifiés et ils estimaient pire encore ce qu'ils voyaient.

Sg17.7 Les artifices de la magie avaient été frappés d'impuissance et sa prétention au savoir recevait un démenti humiliant.

Sg17.8 Ceux qui se faisaient fort de chasser d'une âme malade les frayeurs et les troubles étaient eux-mêmes malades d'une crainte risible.

Sg17.9 Et même s'il n'y avait rien de troublant pour leur faire peur, le passage des bêtes et le sifflement des serpents suffisaient à les effrayer:

Sg17.10 ils mouraient de peur, refusant même de regarder cet air auquel il n'y avait pas moyen d'échapper.

Sg17.11 La méchanceté témoigne de sa lâcheté quand elle est condamnée par son propre témoin; toujours elle ajoute aux difficultés lorsque la conscience l'oppresse.

Sg17.12 Car la peur n'est rien d'autre que l'abandon des secours de la raison.

Sg17.13 Moins on espère intérieurement de cette aide, plus on ressent l'ignorance de ce qui provoque le tourment.

Sg17.14 Mais eux, durant cette nuit vraiment insupportable et sortie des profondeurs de l'insupportable Hadès, dormant du même sommeil,

Sg17.15 ils étaient à la fois poursuivis par des fantômes monstrueux et paralysés par la démission de leur âme; une peur soudaine et inattendue s'était déversée en eux.

Sg17.16 De même aussi, quiconque se trouvait là-bas, tombait et était retenu enfermé dans une prison sans grilles.

Sg17.17 Fût-il laboureur, berger ou employé à de durs travaux au désert, saisi à l'improviste, il subissait la nécessité inéluctable,

Sg17.18 car tous étaient liés par une même chaîne de ténèbres. Le sifflement du vent, le chant mélodieux des oiseaux dans les rameaux touffus, la cadence de l'eau coulant avec violence,

Sg17.19 le bruit sec des pierres qui dégringolent, la course invisible d'animaux bondissants, le rugissement des bêtes les plus sauvages ou l'écho renvoyé par le creux des montagnes, tout cela les paralysait de peur.

Sg17.20 Car le monde entier était éclairé d'une lumière éclatante et poursuivait sans entraves ses activités.

Sg17.21 Sur eux seuls, une nuit pesante s'était étendue, image des ténèbres destinées à les recevoir, mais ils étaient pour eux-mêmes un poids plus lourd que les ténèbres.

Sg18.1 Pour tes saints, au contraire, il y avait une très grande lumière, et les autres entendaient leur voix sans distinguer leur silhouette; ils les proclamaient heureux de n'avoir pas eu aussi à souffrir,

Sg18.2 ils les remerciaient de ne pas chercher à nuire après tous les torts subis et ils demandaient pardon pour leur hostilité.

Sg18.3 Mais au lieu des ténèbres, tu as donné aux tiens une colonne flamboyante, guide pour un itinéraire inconnu et soleil inoffensif pour une glorieuse migration.

Sg18.4 Quant à ceux-là, ils méritaient d'être privés de lumière et emprisonnés par les ténèbres, pour avoir retenu captifs tes fils par qui devait être donnée au monde la lumière incorruptible de la Loi.

Sg18.5 Ils avaient décidé de faire périr les nouveau-nés des saints, et seul un enfant fut sauvé après avoir été exposé; pour les châtier, tu leur as enlevé une multitude d'enfants et tu les as détruits ensemble dans une eau tumultueuse.

Sg18.6 Cette nuit-là fut connue à l'avance par nos pères afin que, sachant à quels serments ils s'étaient fiés, ils puissent se réjouir en toute sûreté.

Sg18.7 Elle fut attendue par ton peuple, comme salut pour les justes et ruine pour les ennemis.

Sg18.8 En effet, ce qui te servit à punir les adversaires devint pour nous un titre de gloire, car tu nous appelais vers toi.

Sg18.9 Dans le secret, les pieux descendants des justes offraient des sacrifices, et ils convinrent ensemble de cette loi divine que les saints partageraient également avantages et dangers; et déjà ils entonnaient les cantiques des pères.

Sg18.10 La clameur discordante des ennemis leur répondait et la voix plaintive de ceux qui pleuraient leurs enfants se répandait au loin.

Sg18.11 Esclave et maître étaient frappés d'une même peine, l'homme du peuple souffrait comme le roi.

Sg18.12 Tous à la fois, par le même genre de mort, ils avaient des cadavres innombrables; et les vivants ne suffisaient pas à les ensevelir car leur descendance la plus précieuse avait été anéantie en un instant.

Sg18.13 Eux qui étaient restés complètement incrédules en pensant à des maléfices, ils reconnurent, devant la perte de leurs premiers-nés, que ce peuple était fils de Dieu.

Sg18.14 Un silence paisible enveloppait tous les êtres et la nuit était au milieu de sa course;

Sg18.15 alors ta Parole toute-puissante, quittant les cieux et le trône royal, bondit comme un guerrier impitoyable au milieu du pays maudit,

Sg18.16 avec, pour épée tranchante, ton décret irrévocable. Se redressant, elle sema partout la mort; elle touchait au ciel et foulait la terre.

Sg18.17 Aussitôt les visions de songes terribles les bouleversèrent et des frayeurs inattendues les assaillirent.

Sg18.18 Chacun était projeté ici ou là, à demi-mort en révélant la raison de sa mort,

Sg18.19 car les rêves qui les avaient affolés l'indiquaient d'avance, afin qu'ils ne périssent pas en ignorant pourquoi ils subissaient cette peine.

Sg18.20 Certes l'expérience de la mort atteignit aussi les justes et une multitude fut massacrée au désert, mais la colère ne dura pas longtemps.

Sg18.21 En effet un homme irréprochable se hâta pour les protéger: muni des armes propres à son ministère, la prière et l'encens qui apaise. Il affronta la fureur et mit fin à la calamité, montrant qu'il était bien ton serviteur.

Sg18.22 Il triompha du courroux, non par la force physique ou l'efficacité des armes, mais c'est par la parole qu'il maîtrisa l'exécuteur du châtiment en rappelant les serments et les alliances patriarcales.

Sg18.23 Alors que déjà les cadavres s'entassaient, il s'interposa, brisa l'assaut et lui barra le chemin qui menait aux vivants.

Sg18.24 Sur la longue robe de l'éphod était figuré l'univers entier, les noms glorieux des pères étaient gravés sur les 4 rangées de pierres et ta majesté sur le diadème de sa tête.

Sg18.25 A cette vue, l'Exterminateur recula et fut même saisi de peur. Ainsi la simple expérience de la colère avait suffi.

Sg19.1 Mais contre les impies sévit jusqu'à son terme un courroux sans pitié, car Dieu savait d'avance ce qu'ils feraient encore:

Sg19.2 après avoir donné congé au peuple et l'avoir renvoyé en hâte, ils changeraient d'avis et le poursuivraient.

Sg19.3 En effet, alors qu'ils célébraient encore leurs deuils et se lamentaient sur les tombes des morts, ils conçurent une autre idée, absurde: ceux qu'ils avaient fait partir en les suppliant, ils se mirent à les poursuivre comme des fugitifs.

Sg19.4 La nécessité à juste titre, les poussait vers cet extrême et provoquait l'oubli du passé, afin qu'ils achèvent de recevoir le châtiment qui manquait à leurs tourments:

Sg19.5 ton peuple ferait alors l'expérience d'une traversée extraordinaire, eux, au contraire, trouveraient une mort étrange.

Sg19.6 Car la création tout entière, selon chaque espèce, était modelée à nouveau, obéissant à tes ordres, afin que tes enfants soient gardés de tout mal.

Sg19.7 On vit la nuée recouvrir le camp, et la terre sèche surgir là où il y avait de l'eau; la mer Rouge devint une route sans obstacle, les flots impétueux une plaine verdoyante,

Sg19.8 par où tout un peuple passa, protégé par ta main et témoin de prodiges merveilleux.

Sg19.9 Ils se répandirent comme des chevaux au pâturage, ils bondirent comme des agneaux, en te célébrant, Seigneur, toi qui les délivrais.

Sg19.10 Car ils se rappelaient encore les événements de leur exil, comment la terre, remplaçant la génération animale, produisit des moustiques, comment le Fleuve, se substituant aux animaux aquatiques, vomit une multitude de grenouilles.

Sg19.11 Plus tard aussi ils virent une toute nouvelle génération d'oiseaux lorsque, poussés par le désir, ils réclamèrent des mets délicats

Sg19.12 et que, pour leur réconfort, des cailles montèrent de la mer.

Sg19.13 Et les châtiments s'abattirent sur les pécheurs non sans avoir eu pour signes précurseurs des éclairs foudroyants. C'est en toute justice qu'ils étaient punis à cause de leur méchanceté, car ils avaient manifesté pour l'étranger une haine particulièrement cruelle.

Sg19.14 D'autres n'avaient pas accueilli les inconnus qui venaient d'arriver. Mais eux, ils réduisirent en esclavage des hôtes qui étaient leurs bienfaiteurs.

Sg19.15 Ce n'est pas tout: une inspection attend les premiers parce qu'ils recevaient avec hostilité les étrangers.

Sg19.16 Mais eux, après avoir fêté dans la joie la venue de ceux qui avaient déjà part aux mêmes droits, les accablèrent de travaux terribles.

Sg19.17 Ils furent aussi frappés de cécité, tout comme ceux-là à la porte du juste lorsque, enveloppés de ténèbres sans fond, ils cherchaient tous le chemin de leur porte.

Sg19.18 Les éléments permutaient entre eux, comme sur la harpe la variation des notes change la nature du rythme, en gardant toujours leur sonorité. Ceci apparaît clairement quand on examine ce qui s'était produit:

Sg19.19 en effet des êtres terrestres devenaient aquatiques, ceux qui nagent marchaient sur la terre,

Sg19.20 le feu dans l'eau redoublait de puissance et l'eau oubliait son pouvoir d'éteindre;

Sg19.21 en revanche les flammes ne consumaient pas les chairs des frêles animaux qui allaient et venaient au milieu d'elles, et elles ne faisaient pas fondre cette sorte d'aliment divin, pareil à la glace qui fond facilement.

Sg19.22 En tout, Seigneur, tu as exalté et glorifié ton peuple, tu n'as pas manqué de l'assister à tout moment et en tout lieu.