Vous êtes actuellement sur : livres-mystique.com © de Roland Soyer 01/01/2009

NOTICE

SUR LE CARDINAL DE DIEPENBROCK.1798 - 1853.

Melchior de Diepenbrock naquit le jour des Rois 1798, à Bocholt, petite ville de la principauté de Salm-Salm, incorporée, en 1810, à l'empire français, et, depuis 1815, à la Westphalie prussienne. L'éducation profondément chrétienne que le jeune Melchior reçut de sa famille, ne put que difficilement réprimer la fougue de son caractère; sa jeunesse fut plus d'une fois signalée par des écarts regrettables qui ne permettaient pas de supposer ce qu'il devait être un jour. Obligé de quitter le service militaire où il avait passé plusieurs années en qualité d'officier, il était rentré sous le toit paternel. " Son âme énergique souffrait d'un mal moral que les désœuvrés de notre époque appellent souvent mélancolie. Vivant témoignage de la misère de l'existence terrestre, vague pressentiment de la vie future, ce mal, à la fois doux et poignant, n'est, chez les âmes fortes et libres qui combattent courageusement le combat de la vie humaine, qu'une aspiration incessante vers la véritable patrie : c'est la nostalgie des élus d'en-haut. Combien de jeunes gens qui, pour vaincre ces aspirations importunes et mystérieuses de leur âme immortelle, se sont jetés volontairement dans la dissipation et le désordre ! Combien de grandes intelligences se sont peut être enfouies ainsi par lâcheté dans la matière et

l'abjection, en mentant à leur vocation. Tous n'ont pas eu, il est vrai, un père, une mère, un ami pour les forcer doucement à écouter et à suivre le cri de leur conscience; Melchior fut plus heureux, Dieu lui fit faire la connaissance d'un saint prêtre qui devait exercer une influence décisive sur son caractère et sur son avenir. "

En 1817, Sailer, alors professeur à l'université de Landshut, vint, avec son ami Clément Brentano, passer une partie de ses vacances en Westphalie. Brentano, parent éloigné de madame de Diepenbrock, avait annoncé qu'il amènerait son ami à Bocholt. Melchior ne cachait pas ses préventions contre l'illustre professeur. Malgré les prières de sa mère, il avait résolu de s'éloigner avant l'arrivée des visiteurs; mais Brentano déjoua son projet sans le savoir, en arrivant un peu plus tôt qu'il ne l'avait annoncé.

" La physionomie de Sailer, que le docteur Gall, le grand physionomiste, admirait tant, exerçait sur tous ceux qui l'approchaient, un prestige irrésistible. Melchior ne put y échapper. " Quand je regardai pour la première fois, dit-il plus tard, les yeux purs et limpides de cet homme, il me sembla que je m'élevais au-dessus de la terre à une telle hauteur que toutes les choses de ce monde me devenaient indifférentes. Sailer me toucha de la baguette magique de charité, et sa charité conduisait en haut. "

" Pendant le dîner, Melchior n'adressa pas une seule fois la parole à l'hôte de ses parents. Au dessert, Sailer, se levant subitement, dit au sombre jeune homme : Allons, mon cher Melchior, faisons ensemble un petit tour de promenade. De cette promenade, date la transformation morale du jeune homme; il l'avoua plus tard. Après le départ de Sailer, nous dit-il, je me sentis seul et délaissé comme un enfant perdu dans une forêt épaisse. Mes regrets, croissant de jour en jour, s'emparèrent tellement de mon âme, que je serais mort si je n'avais pu donner un libre cours aux sympathies, puissantes qui étaient nées dans mon âme. "

Heureusement son père lui permit d'aller suivre des cours de sciences financières et de Mathématiques à l'université de Landshut, où il passa deux ans dans l'étude, le calme et la société, de Sailer. Après avoir achevé ses études universitaires, il revint chez ses parents; c'était en 1819. Peu de temps après, et peut-être sous l'influence d'une visite mystérieuse qu'il fit avec Brentano à la soeur Emmerich (1), il prit la résolution de se consacrer à l'état ecclésiastique. Il fit ses études théologiques à Mayence, à Munster, et à Ratisbonne enfin ou Sailer, nommé chanoine de la cathédrale, puis coadjuteur de Monseigneur Wolf, résidait depuis 1821. Le 27 décembre 1824, il fut ordonné prêtre par Sailer lui-même. Après son ordination, il demeura à Ratisbonne et y vécut, pour ainsi dire, dans la maison de Sailer, auprès duquel il remplit les fonctions de secré taire. " Depuis le jour où il avait fait la connaissance de cet ho mme éminent, Diepenbrock avait mis l'étude de son propre coeur au rang de ses premières préoccupations. Guidé par les leçons et excité par l'exemple du sage et savant évêque de Ratisbonne, il acheva rapidement la merveilleuse transformation de son caractère, sans rien perdre de son goût pour les études littéraires et scientifiques. Les principaux fruits de ses loisirs à cette époque, furent la traduction en allemand moderne du grand mystique allemand, Henri Suso, qu'il publia avec une introduction de Gôrres, et un recueil de vers qui, malgré certains défauts de forme, lui donne une place distinguée parmi les poètes de l'Allemagne moderne. "

En 1829, Sailer, étant devenu évêque titulaire de Ratisbonne, à l'âge de près de quatre-vingts ans, Diepenbrock fut chargé par lui de faire sa première lettre pastorale ; elle excita un enthousiasme extraordinaire. Quelque temps après, il fut nommé chanoine de la cathédrale ; il continua cependant à exercer les fonctions de secrétaire de l'évêque jusqu'à sa mort, qui arriva en 1832. Diepenbrock recueillit son dernier soupir. Le lendemain de sa mort, il écrivit à Clément Brentano : " Hélas ! mon cher Clément, la plume me tombe des mains, quand je pense que l'homme le plus digne d'être vénéré n'est plus: cette pensée me déchire les yeux et le coeur... Je ne puis y croire, je suis comme étourdi... Adieu. Puisse la charité de Sailer demeurer au milieu de nous tous qui l'avons chéri ! "

Nommé depuis plusieurs années doyen du chapitre de Ratisbonne, Diepenbrock partageait son temps entre les devoirs du saint ministère, les travaux littéraires et la société de quelques amis de choix, lorsque, en 1845, le chapitre de Breslau porta ses voix sur lui pour le siège princier et épiscopal de cette ville. En vain l'humble chanoine voulut-il décliner, comme il l'avait déjà fait, l'honneur de l'épiscopat : un ordre exprès du Souverain Pontife l'obligea à se charger de la direction d'un des diocèses les plus vastes et les plus peuplés de la catholicité. Cette tâche difficile dans tous les temps l'était surtout alors par suite du schisme des prétendus catholiques allemands, Ronge et Gerske, lequel avait pris naissance dans le diocèse de Breslau et y avait séduit un certain nombre de prêtres ignorants ou corrompus. Le nouvel évêque fut à la hauteur de sa mission.

" On écrirait un volume, dit l'un de ses biographes que nous avons déjà cité, si l'on voulait parler des travaux de Diepenbrock pour la moralisation des classes ouvrières et la multiplication des établissements d'instruction primaire confiés à sa direction et à son inspection. Il suffira de citer ici les Sociétés de tempérance, répandues sous son épiscopat dans toute la Silésie, et les Fondations scientifiques, qu'il créa de son vivant et enrichit par son testament...

" Les événements de 1848 ne surprirent pas l'évêque de Breslau : depuis plusieurs mois il se multipliait comme un autre saint Charles Borromée, pour combattre les fièvres typhoïdes qui décimaient les populations de la basse Silésie... Un serment était pour lui chose sacrée; il se rappela les siens lorsque le contre-coup de la révolution de février se fit sentir en Allemagne. Sans entrer dans la discussion des questions politiques à l'ordre du jour, il recommanda à ses diocésains de rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. En même temps, il défendait. énergiquement les droits de la société et de l'Eglise. Les principes politiques de l'évêque de Breslau étaient simples comme le christianisme dont ils émanaient : fidélité aux serments, honneur, tolérance, respect de la loi et de l'autorité légitime. En 1848, quelqu'un disait au bon chanoine Schmid : " Nous avons maintenant deux partis qui crient toujours, l'un : En avant ! et l'autre : En arrière ! " Le bon vieillard repartit doucement : " J'en connais un troisième qui crie : En haut ! je crois qu'il nous faut le suivre. " Sursum corda, telle était aussi la devise de monseigneur de Diepenhrock.

En 1849, il prit une part importante aux délibérations des évêques autrichiens réunis à Vienne. Ce fut cette réunion qui porta le dernier coup au système de Joseph II, et qui prépara les voies au concordat autrichien. La déclaration des prélats fut rédigée par l'évêque de Breslau. (Une partie du territoire du diocèse de Breslau appartient à l'empire d'Autriche.)

" Quelque temps après, il fut nommé vicaire apostolique de l'armée prussienne, puis il fut décoré de la pourpre romaine aux applaudissements de l'Allemagne entière.

" Il mourut dans la nuit du 19 au 20 janvier 1853, après dix mois d'atroces souffrances, supportées avec une résignation angélique. Peu de temps auparavant, il avait eu la consolation de recevoir l'abjuration de la célèbre comtesse Hahn-Hahn (aujourd'hui religieuse du Bon-Pasteur à Mayence, sous le nom de Marie-Emmanuelle), connue par ses beaux ouvrages de Babylone à Jérusalem, les Martyrs, les Pères du désert, etc. "

Nous renvoyons le lecteur désireux de connaître plus en détail le saint et aimable cardinal Diepenbroek, à la Biographie intéressante publiée par son successeur sur le siège de Breslau , le docteur Forster (Breslau, 1859, 1 vol. in-12), ou à la notice publiée par M. P. de Haulleville, dans le Correspondant, avril 1860, p. 649-679. C'est cette notice que nous avons le plus souvent reproduite en abrégé.


Notes :

(1) Voici, à peu près, ce que son illustre biographe dit de cette visite : " En 1819, Brentano reçut à Dulmen la visite du jeune Melchior. Quoi de plus naturel pour lui que de présenter son jeune hôte à celle dont il était l'admirateur et l'ami ? Plus tard, lorsque Clément parlait de cette visite, c'était toujours d'une façon mystérieuse et singulière qui disait beaucoup et laissait encore plus à deviner. D'après ce qu'on a pu en savoir, Melchior avait accompagné Brentano jusqu'à la porte de la maison de la soeur, afin d'attendre le retour de son ami. Apercevant Brentano seul, Anne-Catherine lui dit : " Pourquoi laissez-vous ce jeune homme à la porte ? faites-le entrer. " Melchior, appelé par son ami , était à peine entré que les stigmates de la pieuse fille commençant à suinter, elle salua, avec une sorte d'inspiration prophétique, le nouveau venu comme un instrument merveilleux de la grâce. Clément donnait aussi à entendre qu'une prophétie était venue se joindre à ce salut extraordinaire, et que Melchior avait été tellement impressionné de cette scène, qu'il avait dû s'appuyer sur son ami, et qu'il avait quitté, pâle comme la mort, la chambre de la stigmatisée. Sailer et Diepenbrock ont toujours évité de s'expliquer sur cette visite; et, quand celui-ci était amené, malgré lui, à dire quelque chose des phénomènes qu'il avait observés dans la soeur Emmerich, on pouvait facilement conclure de son langage qu'il avait reçu à Dulmen une impression profonde et sérieuse. Est-ce à cette impression, ou bien à l'influence que Brentano ne pouvait manquer d'exercer sur sa nature ardente, ou encore à la direction que Sailer lui avait imprimée depuis le commencement de leurs rapports, qu'il faut attribuer la résolution qu'il prit tout à coup de recevoir l es ordres, c'est ce qu'il est assez difficile de dire. Quoi qu'il en soit, cette résolution prise et communiquée à ses parents, qu'elle combla de joie, il la poursuivit avec autant de générosité que de persévérance. " (Cardinal und Furstbischof Melchior von Diepenbrock, ein Lebensbild, von seinem Nachfolger. Breslau, 1859, p. 28-31).

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