LXII. LE SOIR D'AVANT LA RESURRECTION


Quand le sabbat fut terminé, Jean vint trouver les saintes femmes, pleura avec elles, et leur donna des consolations. Il les quitta au bout de quelque temps : alors Pierre et Jacques le Majeur vinrent les voir dans le même but, mais eux aussi ne restèrent pas longtemps avec elles. Les saintes femmes se retirèrent encore à part, exprimèrent encore leur douleur, en s'enveloppant dans leurs manteaux de deuil et en s'asseyant sur des cendres.

Pendant que la sainte Vierge priait intérieurement, pleins d'un ardent désir de revoir Jésus, un ange vint à elle, et lui dit de se rendre à la petite porte de Nicodème, parce que le Seigneur était proche. Le coeur de Marie fut inondé de joie : elle s'enveloppa dans son manteau, et quitta les saintes femmes, sans dire à personne où elle allait. Je la vis aller en toute hâte à cette petite porte percée dans le mur de la ville, par laquelle ses compagnons et elle étaient rentrés en revenant du tombeau.

Il pouvait être neuf heures du soir : la sainte Vierge approchait, à pas pressés, de cette porte, lorsque je la vis s'arrêter tout à coup en un lieu solitaire. Elle regarda avec un air de ravissement en haut du mur de la ville, et je vis l'âme du Sauveur, toute lumineuse et sans aucune marque de blessures, descendre jusqu'à Marie, accompagnée d'une troupe nombreuse d'âmes des patriarches. Jésus, se tournant vers eux, et montrant la sainte Vierge, prononça ces paroles : “  Marie, ma mère ”, me sembla qu'il l'embrassait, puis il disparut. La sainte Vierge tomba sur ses genoux, et baisa la terre à la place où il avait apparu.

Ses genoux et ses pieds restèrent empreints sur la pierre, et elle revint, pleine d'une consolation ineffable, vers les saintes femmes qu'elle trouva occupées à préparer des onguents et des aromates. Elle ne leur dit pas ce qu'elle avait vu, mais ses forces étaient renouvelées ; elle consola toutes les autres et les fortifia dans la foi.

Lorsque Marie revint, je vis les saintes femmes près d'une longue table dont la couverture pendait jusqu'à terre. Il y avait là plusieurs paquets d'herbes qu'elles arrangeaient et mêlaient ensemble ; elles avaient aussi des flacons d'onguent et d'eau de nard, et en outre des fleurs fraîches parmi lesquelles étaient, je crois, un iris rayé ou un us. Elles enveloppaient le tout dans des linges. Pendant l'absence de Marie, Madeleine, Marie, fille de Cléophas, Salomé, Jeanne, et Marie Salomé, étaient allées acheter tout cela à la ville. Elles voulaient le lendemain en couvrir le corps enseveli du Sauveur. Je vis les disciples en prendre une partie chez la marchande et le remettre à la porte de la maison où étaient les saintes femmes, sans y entrer eux-mêmes.