I

Sur les ancêtres de la sainte Vierge.


(Communiqué le 27 juin 1819)


Cette nuit, tout ce que j'avais vu si souvent pendant mon enfance, touchant la vie des ancêtres de la sainte vierge Marie, s'est présenté devant moi tout à fait de la même manière, dans une série de tableaux. Si je pouvais raconter tout ce que je sais et ce que j'ai devant les yeux, cela ferait certainement grand plaisir au pèlerin' ; moi-même j'ai été très consolée dans mes souffrances par cette contemplation. Quand j'étais enfant, j'avais une telle assurance relativement à ces choses, que si quelqu'un m'en racontait quelques circonstances d'une autre manière, je lui répondais sans hésiter : " Non, cela est de telle et telle façon " ; et je me serais fait tuer pour attester que la chose était ainsi et non autrement. Plus tard, le monde m'a rendue incertaine, et j'ai gardé le silence ; mais l'assurance intérieure m'est toujours restée, et, cette nuit, j'ai tout revu jusque dans les plus petits détails.


Note 1 : La soeur veut parler ici de l'écrivain, car elle le voyait toujours dans ses contemplations sous la figure d'un pèlerin, qui, suivant qu'il se montrait fidèle ou négligent dans le cours de son voyage vers la patrie, était béni, secouru, protégé et sauve, ou bien éprouvait des obstacles et des tentations, s'égarait hors de la voie, courait des dangers, et même était retenu en captivité. A cause de ces visions, elle l'appelait le pèlerin. Dans certaines circonstances, elle voyait les prières et les bonnes oeuvres qu'elle offrait à Dieu pour ce pèlerin sous la forme d'oeuvres correspondantes par lesquelles on peut aider les pèlerins, les prisonniers, les esclaves. Sa direction intérieure avait cela de particulier, qu'elle n'offrait jamais ses prières pour un seul homme, pas même pour elle seule, mais toujours pour subvenir a chacune des misères dont la circonstance qui occasionnait sa prière pouvait être la représentation ou le symbole. Aussi sommes-nous persuadés que sa prière, dans le cas dont il s'agit, a procuré des consolations à de vrais pèlerins et à de vrais captifs. Comme une pareille manière de prier semble devoir être sympathique à tous les coeurs chrétiens, vraiment pieux et charitables, nous pensons que le lecteur bienveillant ne trouvera peut-être pas indiscret le conseil d'en faire usage à l'occasion.


Dans mon enfance, je pensais sans cesse à la crèche, à l'enfant Jésus et à la mère de Dieu, et je m'étonnais souvent qu'on ne me racontât rien de la famille de cette divine Mère. Je ne pouvais pas comprendre pourquoi on avait si peu écrit sur ses ancêtres et ses parents. Dans ce grand désir que j'avais de les mieux connaître, j'eus un grand nombre de visions sur les ancêtres de la sainte Vierge. Je vis ses ascendants en remontant jusqu'à la quatrième ou cinquième génération, et je les vis toujours comme des gens merveilleusement pieux et simples, chez lesquels régnait un désir secret et tout à fait extraordinaire de l'avènement du Messie promis. Je voyais toujours ces bonnes gens demeurer parmi d'autres hommes qui, en comparaison d'eux, me paraissaient pleins de rudesse et comme des espèces de barbares. Quant à eux, je les voyais si calmes, si doux, si bienfaisants, que je m'inquiétais Souvent beaucoup pour eux, et que je me disais à moi-même : " Où pourraient résider ces excellentes gens s'ils parvenaient à échapper à ces méchants hommes si rudes' Je veux aller les trouver ; je serai leur servante ; je m'enfuirai avec eux dans quelque forêt où ils puissent se cacher. Ah ! je les trouverai certainement ". Je les voyais si distinctement, et je croyais si bien à leur existence, que j'étais toujours pleine d'inquiétude et de crainte pour eux.


Je les voyais toujours mener une vie de renoncement. Je voyais souvent ceux d'entre eux qui étaient mariés se promettre réciproquement de vivre séparés pendant un certain temps, et cela me réjouissait beaucoup sans que je puisse bien dire pourquoi. Ils observaient principalement cette pratique dans le temps qui précédait certaines cérémonies religieuses, où ils brûlaient de l'encens et faisaient des prières. Je connus par ces cérémonies qu'il y avait des prêtres parmi eux. Je les vis plus d'une fois émigrer d'un lieu à un autre, quitter des biens considérables pour de plus petits, afin de ne pas être troublés par de méchantes gens dans leur manière de vivre.


Ils étaient pleins de ferveur et soupiraient ardemment vers Dieu. Je les voyais souvent, pendant le jour ou même pendant la nuit, courir dans la solitude en invoquant Dieu et en criant vers lui avec un désir si violent, qu'ils déchiraient leurs habits pour mettre leur poitrine à nu, comme si Dieu eût dû pénétrer dans leur coeur avec les .ayons brûlants du soleil, ou comme si, avec la lumière de la lune et des étoiles, il eût dû désaltérer la soif ardente qu'ils avaient de l'accomplissement de la promesse. J'avais des visions de ce genre dans mon enfance ou mon adolescence lorsque je priais Dieu toute seule dans le pâturage, auprès du troupeau, ou lorsque j'étais agenouillée le soir sur les plus hautes plaines de notre campagne, ou bien encore lorsque, pendant l'Avent, j'allais à minuit, à travers la neige, à trois quarts de lieue de notre chaumière, pour assister aux prières du Rorate qui se faisaient à Coesfeld, dans l'église de Saint Jacques. Le soir d'avant, et aussi pendant la nuit, je priais ardemment pour les pauvres âmes qui, peut-être, pour n'avoir pas assez excité en elles-mêmes pendant leur vie le désir du salut, et pour s'être laissées aller à d'autres penchants vers les créatures et les biens de ce monde, étaient tombées dans bien des fautes, et maintenant languissaient de désir et soupiraient après leur délivrance. J'offrais à Dieu pour elles ma prière et le désir qui me portait vers le Sauveur comme pour payer leurs dettes. J'avais aussi à cela un petit intérêt personnel, car je savais que ces pauvres chères âmes, par reconnaissance et à cause de leur désir perpétuel d'être aidées par des prières, m'éveilleraient à l'heure voulue et ne me laisseraient pas dormir au delà. Elles venaient donc, sous la forme de petites lumières peu éclatantes, qui planaient autour de mon lit et m'éveillaient tellement à la minute, que je pouvais dire me prière du matin pour elles ; puis je jetais de l'eau bénite sur elles et sur moi, je m'habillais, je me mettais en route, et voyais les pauvres petites lumières m'accompagner rangées comme pour une procession. Alors tout en marchant, je chantais, le coeur plein de désir : " ciel envoyez votre rosée, et que les nuées pleuvent le juste " ; et je voyais de nouveau, dans le désert et dans la plaine, ces ancêtres de la sainte Vierge courir pleins d'un ardent désir et crier après le Messie. Je faisais comme eux, et j'arrivais toujours à temps à Coesfeld pour la messe du Rorate, quoique les chères âmes me fissent souvent faire un grand détour en me conduisant par toutes les stations du chemin de la Croix.


Quand je voyais ces bons ancêtres de la sainte Vierge prier ainsi Dieu comme affamés de lui, ils me paraissaient avoir quelque chose d'étrange dans leur costume et leur. manières ; et pourtant ils se montraient si distinctement et si près de moi, qu'encore maintenant j'ai devant les yeux leur contenance et les traits de leur visage. Je me demandais toujours à moi-même : " Qui sont ces gens. Tout cela n'est pas comme à présent ; pourtant ces gens sont là, et tout cela existe ". Puis j'espérais encore aller les trouver. Ces dignes personnages étaient pleins d'exactitude et de précision dans leurs actes, leurs paroles et le culte qu'ils rendaient à Dieu, et ils ne faisaient de plaintes sur rien, si ce n'est sur les souffrances de leur prochain.


II Les ancêtres de sainte Anne. Esséniens.


(Communiqué en juillet et en août 1821.)


J'ai eu une vision détaillée sur les ancêtres de sainte Anne, mère de la sainte Vierge. Ils vivaient à Mara, dans les environs du mont Horeb, et ils avaient des relations d'une nature spirituelle avec une classe de pieux Israélites sur lesquels j'ai vu beaucoup de choses. Je raconterai ce que j'en sais encore. Hier, j'ai été presque toute la journée parmi ces gens ; et si je n'avais pas été dérangée par tant de visites, je n'aurais pas oublié la plus grande partie de ce qui les concerne.


Ces pieux Israélites, qui avaient des rapports avec les ancêtres de sainte Anne, s'appelaient Esséniens ou Esséens. Ils ont eu trois autres noms : on les appela d'abord Escaréniens, puis Khasidéens, et enfin Esséniens. Le nom d'Escaréniens venait du mot Escara ou Askara, qui désignait la part du sacrifice attribuée à Dieu, et aussi la fumée odorante de l'encens dans les oblations de fleur de farine'.


Ceci fut écrit en août 1821, d'après ce qu'avait dit la soeur. Plus tard, en juin 1810, lorsque l'écrivain le relut pour le livrer à l'impression, il demanda à un théologien versé dans la connaissance des langues l'explication du mot askarah, et il reçut la réponse suivante : Askarah signifie commémoration, et c'est le nom de la part du sacrifice non sanglant qui était brûlée par le prêtre, sur l'autel, pour honorer Dieu et lui rappeler ses promesses de miséricorde. Les sacrifices non sanglants' ou oblations d'aliments, consistaient ordinairement en fleur de farine de froment mêlée avec de l'huile et présentée avec de l'encens. Le prêtre brûlait tout l'encens et une poignée de la farine arrosée d'huile ou de cette même farine cuite au four ; c'était là l'askarah (Lévit., II, 2, 9, 16). Pour les pains de proposition, l'encens seul était l'askarah (Lévit., XXIV, 7). Dans le sacrifice pour le péch6, où l'oblation de fleur de farine se faisait sans huile et sans encens, on ne brûlait comme askarah qu'une poignée de farine (Lévit., V, 12). Il en était de même dans le sacrifice de la femme suspecte d'adultère, où l'on offrait en outre seulement de la farine d'orge (Num., y, 16, 25, 26) Dans ce dernier passage (Num., V, 15), la Vulgate omet entièrement la traduction du mot askarah ; dans les autres, elle traduit alternativement memoriale, in memonam, in monurnentum. La soeur n'a pas dit clairement pourquoi les Esséniens avaient tiré leur premier nom de cet askarah : toutefois, quand on se rappelle que les Esséniens ne présentaient pas au temple de sacrifice sanglant mais envoyaient seulement des offrandes ; que d'ailleurs, menant une vie de renoncement et de mortification, ils s'offraient eux-mêmes en sacrifice d'une certaine manière, on est incliné à penser que ces hommes, qui ne vivaient pas selon la chair, ont reçu leur nom de l'askarah, la part réservée à Dieu dans le sacrifice non sanglant de la Mincha, parce que, peut-être, ce que nous ne savons pas maintenant avec certitude, il ; offraient réellement ce genre de sacrifice, ou parce qu'à raison de leur manière de vivre, ils étaient à quelques égards, par rapport aux autres Israélites, ce qu'était l'askarah par rapport aux autres parties des sacrifices.


Le second nom, celui de Khasidéens, signifie les miséricordieux. Je ne sais plus d'où vient le nom d'Esséniens. Cette classe d'hommes pieux remontait au temps de Moise et d'Aaron, et venait des prêtres qui portaient l'Arche d'alliance ; mais ce fut dans l'époque qui s'écoula entre Isaie et Jérémie qu'ils reçurent pour la première fois une règle de vie déterminée. Au commencement, ils étaient peu nombreux ; dans la suite, ils formèrent des réunions, qui habitaient dans la terre promise une contrée longue de quarante-huit lieues sur une largeur de trente-six. Ce ne fut que plus tard qu'ils vinrent dans la contrée du Jourdain. Ils habitaient principalement près du mont Horeb et près du mont Carmel, là où Élie avait séjourné.


A l'époque où vivaient ces aïeux de sainte Anne dont j'ai parlé, les Esséniens avaient un chef spirituel, un vieux prophète qui résidait sur le mont Horeb ; il s'appelait Archos ou Arcas. Leur organisation ressemblait beaucoup à celle d'un ordre religieux. Ceux qui voulaient être admis parmi eux devaient subir une épreuve d'un an, et ils étaient admis pour un temps plus ou moins long, suivant des inspirations prophétiques d'un ordre supérieur. Les membres proprement dits de l'ordre, qui vivaient en commun, ne se mariaient pas : ils vivaient dans la continence. Il y avait aussi des personnes sorties de l'ordre ou qui avaient des liens avec lui, lesquelles se mariaient et suivaient dans leurs familles, elles, leurs enfants et leurs domestiques, une règle de vie semblable à beaucoup d'égards à celle des Esséniens proprement dits. Il y avait entre elles et ceux-ci des rapports de même nature que ceux qui existent aujourd'hui entre les laïques du tiers ordre, ceux qu'on appelle les tertiaires, et les ordres religieux de l'Église catholique ; car ces Esséniens mariés, dans les circonstances importantes de leur vie, spécialement lors du mariage de leurs proches, demandaient des instructions et des conseils au supérieur des Esséniens, au vieux prophète du mont Horeb. Les aïeux de sainte Anne appartenaient à cette classe d'Esséniens mariés.


Il y eut aussi plus tard une troisième espèce d'Esséniens, qui exagérèrent tout et tombèrent dans de grandes erreurs. J'ai vu que les autres ne les souffraient pas parmi eux.


Les Esséniens proprement dits avaient des traditions prophétiques particulières, et leur chef du mont Horeb recevait souvent la, dans la grotte d'Élie, des révélations célestes qui se rapportaient à l'avènement du Messie. Il avait connaissance de la famille dont la mère du Messie devait sortir ; et, quand il rendait des réponses aux aïeux de sainte Anne, relativement aux affaires de mariage, il voyait aussi que le jour du Seigneur s'approchait. Toutefois, il ne savait pas combien de temps encore la naissance de la mère au Sauveur serait empêchée ou retardée par les péchés des hommes ; et à cause de cela, il exhortait toujours à la pénitence, à la mortification, à la prière et au sacrifice intérieur, actes agréables a Dieu, dont les Esséniens donnaient toujours l'exemple dans le même but.


Avant qu'Isaie les eût rassemblés et leur eût donné une organisation plus régulière, ils vivaient, chacun de leur côté. En Israélites pieux et adonnés à la mortification, ils portaient toujours les mêmes habits et ne les raccommodaient pas jusqu'à ce qu'ils tombassent en lambeaux. Ils luttaient principalement contre la sensualité et gardaient souvent la continence d'un commun accord pendant de longs intervalles : ils vivaient alors séparés de leurs femmes, dans des cabanes très éloignées. Quand ils vivaient dans les rapports du mariage, c'était seulement dans le but d'avoir une postérité sainte qui pût contribuer à préparer l'avènement du Messie. Je les voyais manger à part de leurs femmes : quand le mari avait quitté la table, la femme venait prendre son repas. Déjà à cette époque il y avait, parmi les Esséniens mariés, des ancêtres de sainte Anne et d'autres saints personnages.


Jérémie fut aussi en rapport avec eux, et ces hommes qu'on appelait enfants des Prophètes faisaient partie de leur association. Ils habitaient fréquemment dans le désert, autour des monts Carmel et Horeb : j'en vis aussi plus tard en Égypte. J'ai vu encore que, par suite d'une guerre, ils furent chassés pour un temps du mont Horeb, et que de nouveaux chefs les rassemblèrent postérieurement. Les Machabées furent aussi parmi eux.


Les Esséniens proprement dits, qui vivaient dans la virginité, étaient d'une pureté et d'une piété incroyables. Ils recevaient des enfants qu'ils élevaient pour les prédisposer à une grande sainteté. Pour devenir membre de l'ordre strict, il fallait avoir quatorze ans. Les gens déjà éprouvés faisaient une année de noviciat ; d'autres en faisaient deux. Ils n'exerçaient aucune sorte de trafic, et se contentaient d'échanger les produits de leurs champs contre les objets qui leur étaient nécessaires.


Je les voyais tous les ans aller trois fois au temple de Jérusalem. Ils avaient parmi eux des prêtres chargés particulièrement du soin des vêtements sacrés. Ils les nettoyaient, levaient des contributions pour leur entretien, et en préparaient aussi de nouveaux. Je les voyais élever des troupeaux, labourer la terre, mais surtout s'adonner au jardinage. Entre leurs cabanes du mont Horeb, il y avait des jardins et des arbres fruitiers. Je vis plusieurs d'entre eux tisser des étoffes, faire des nattes et aussi broder des vêtements sacerdotaux.


Ils avaient à Jérusalem un quartier séparé, et aussi une place à part dans le temple. Les autres Juifs avaient une sorte d'antipathie pour eux à cause de la sévérité de leurs moeurs. Je voyais qu'avant de partir pour leur voyage au temple, ils s'y préparaient toujours par la prière, le jeûne et la pénitence ; si dans leur voyage, ou à Jérusalem même, ils rencontraient sur le chemin un malade ou un homme ayant besoin de secours, ils n'allaient pas au temple qu'ils ne lui eussent donné toute l'aide possible.


Archos ou Arcas, le vieux prophète du mont Horeb, gouverna les Esséniens quatre-vingt-dix ans. Je vis la grand-mère de sainte Anne le consulter à l'occasion de son mariage. Ce qui me parut remarquable, c'est que ces prophètes annonçaient toujours des enfants du sexe féminin, et que les ancêtres de sainte Anne et elle-même n'eurent en général que des filles. Il semblait que le but de leurs prières et de leurs pieuses actions fût d'obtenir de Dieu une bénédiction pour les pieuses mères desquelles devaient tirer leur origine la sainte Vierge, mère du Sauveur, et les familles de son précurseur, de ses serviteurs et de ses disciples.


III La grand mère de sainte Anne consulte le chef des Esséniens. Son mariage. Sa famille.


La grand mère d'Anne était de Mara, dans le désert, où sa famille, qui faisait partie des Esséniens mariés, avait des propriétés. Son nom était quelque chose comme Morouni ou Emoroun. Il me fut dit que cela signifiait bonne mère ou mère auguste'.


Note : Telles sont les paroles d'Anne Catherine Emmerich, dites le 16 août 1821. Les noms sont reproduits comme l'écrivain les lui entendait prononcer. Il en est de même de l'explication "auguste mère".

Lorsqu'en mai 1840, ceci fut lu à un hébraïsant : il dit qu'en effet " emromo" signifiait auguste mère.

La soeur prononçait ce nom, comme tous les autres noms propres avec l'accent bas-allemand, et souvent en hésitant ; elle ne les donnait qu'approximativement, et on ne peut affirmer qu'ils soient reproduits ici bien exactement. Il est d'autant plus surprenant qu'on trouve ailleurs des noms semblables donnés aux mêmes personnes.

Il est vrai que les écrivains qui suivent la tradition appellent ordinairement Emerentia la mère de sainte Anne ; mais ils font aussi de cette Emerentia la femme de Stolanus, que la soeur Emmerich appelle Emoroun. La tradition dit qu'Emerentia, femme de Stolanus, donna naissance à Ismeria, mère de sainte Elisabeth, et à sainte Anne, mère de la sainte Vierge. Suivant ce qu'a dit la soeur, Anne ne serait pas la fille, mais la petite-fille de Stolanus. s'il y a là une erreur de sa part, elle pourrait venir de ce que l'humble voyante aurait mêlé avec ses propres visions ce qu'elle avait entendu dire dans sa jeunesse de la tradition relative à l'origine de sainte Anne. Peut-être le nom d'Emerentia n'est-il que celui d'Emoroun latinisé Comme elle n'en savait rien ou qu'elle l'avait oublié, et comme la tradition lui présentait toujours les noms d'Emerentia et d'Ismeria à côté de celui de Stolinus comme appartenant aux plus proches parents de sainte Anne avant son mariage, il est possible qu'elle en ait fait à tort des filles de Stolanus. Il était du reste très rare, quoiqu'elle mentionnât une si grande quantité de noms propres, qu'elle confondit les uns avec les autres, même lorsqu'elle était au dernier degré de maladie et de délaissement. Nous inclinons pourtant a croire qu'il y a ici quelque erreur, puisque la tradition dit communément que sainte Elisabeth était nièce de sainte Anne, tandis que, d'après les communications de la soeur Emmerich, eue serait nièce de la mère de sainte Anne : car alors, Anne étant désignée comme un enfant venu après de longues années de mariage, Elisabeth semblerait devoir être plus âgée que sa cousine. L'écrivain, n'étant pas en mesure d'expliquer l'erreur qui a pu se glisser ici, prie le lecteur bienveillant de prendre la chose en patience, et de compenser par là les fautes que l'écrivain a dû souvent commettre contre cette vertu chrétienne dans le cours du travail pénible et souvent troublé auquel il lui a fallu se livrer pour mettre en ordre ces communications.


Lorsqu'elle fut en âge de se marier, elle eut plusieurs prétendants, et je les vis aller trouver le prophète Archos pour qu'il décidât de son choix.


Il annonça à la vierge qui le consultait qu'elle devait se marier et épouser le sixième de ses prétendants ; elle devait mettre au monde un enfant marqué d'un certain signe, lequel devait être un instrument du salut qui était proche.


Emoroun épousa son sixième prétendant un Essénien qui s'appelait Stolanus. Il n'était pas du pays de Mara. Il prit à son mariage, et à cause des biens de sa femme, un autre nom que je ne puis pas bien reproduire : il se prononçait de différentes manières ; c'était quelque chose comme Garecha ou Sarzirius'.


Stolanus et Emoroun eurent trois filles. Je me souviens des noms d'Ismeria, d'Emerentia, et d'une autre fille née plus tard, qui s'appelait, je crois, Enoué. Ils ne restèrent pas longtemps à Mara, mais allèrent postérieurement à Ephron. Je vis pourtant encore leurs filles Ismeria et Emerentia se marier, d'après les réponses du prophète du mont Horeb. Je ne comprends pas comment il se fait que j'aie si souvent entendu dire qu'Emerentia fut la mère de sainte Anne, car j'ai toujours vu que ce fut Ismeria.


Emerentia épousa un certain Aphras ou Ophras, qui était Lévite. De ce mariage était issue Élisabeth, mère de saint Jean-Baptiste.


Ismeria épousa un certain Eliud. Ils habitaient dans les environs de Nazareth et menaient entièrement la vie des Esséniens mariés. Ils avaient hérité de leurs parents l'esprit de chasteté dans le mariage et de continence. Anne fut un de leurs enfants.


IV Naissance de sainte Anne. Son mariage. Sa première fille.


Ismeria et Eliud eurent une fille aînée appelée Sobé. Comme celle-ci ne portait pas le signe de la promesse, cela les troubla beaucoup, et ils allèrent consulter de nouveau le prophète du mont Horeb. Archos les exhorta à la prière, au sacrifice, et leur promit qu'ils seraient consolés. Ismeria resta ensuite stérile pendant environ dix-huit ans. Dieu l'ayant bénie de nouveau, je vis qu'elle eut pendant la nuit une révélation : elle vit prés de sa couche un ange traçant une lettre sur le mur. Je crois que c'était une M. Ismeria le dit à son mari, qui avait eu la même vision, et tous deux étant réveillés virent la lettre sur le mur. Trois mois après, elle enfanta sainte Anne, qui vint au monde avec le signe en question sur le creux de l'estomac.


Anne fut amenée à l'école du Temple dans sa cinquième année, ainsi que Marie le fut plus tard. Elle y passa douze ans et revint à dix-sept ans dans la maison paternelle, où elle trouva deux enfants, savoir : une petite soeur cadette appelée Maraha, et un jeune fils de sa soeur aînée Sobé, nommé Eliud.


Un an après, Ismeria eut une maladie mortelle. Sur son lit de mort, elle exhorta tous les siens, et désigna Anne comme devant lui succéder dans le gouvernement de la maison. Elle s'entretint ensuite seule avec Anne, lui dit qu'elle était un vase d'élection, qu'elle devait se marier et demander conseil au prophète du mont Horeb ; après quoi elle mourut.


Le bisaïeul d'Anne était un prophète. Eliud, son père, était de la tribu de Lévi ; sa mère, Ismeria, de celle de Benjamin. Anne était née à Bethléhem. Ses parents allèrent ensuite à Sephoris, situé à quatre lieues de Nazareth : ils avaient là une maison et un bien. Ils avaient aussi des terres dans la belle vallée de Zabulon, à une lieue et demie de Sephoris et à trois de Nazareth. Le père d'Anne, pendant la belle saison, était souvent, avec sa famille, dans la vallée de Zabulon, et il s'y fixa tout à fait après la mort de sa femme ; de là vinrent ses rapports avec les parents de saint Joachim, qui devint le mari de sainte Anne. Le père de Joachim s'appelait Matthat. C'était le second frère de Jacob, père de saint Joseph ; l'autre frère s'appelait Joses. Matthat s'était établi dans la vallée de Zabulon.


Je vis des ancêtres d'Anne, pleins de piété et de ferveur, parmi ceux qui portaient l'Arche d'alliance ; je vis qu'ils recevaient de l'objet sacré qui y était contenu des rayons qui s'étendaient à leur postérité, à sainte Anne et à la sainte vierge Marie. Je les vis dans une grande propriété rurale ; ils avaient beaucoup de bêtes à cornes ; mais ils ne possédaient rien pour eux seuls, ils donnaient tout aux pauvres. J'ai vu Anne dans son enfance ; elle n'avait pas une beauté remarquable, quoiqu'elle fût plus belle que beaucoup d'autres. Elle n'était pas à beaucoup près aussi belle que Marie, mais elle se distinguait par sa simplicité et sa piété naive. Elle avait plusieurs frères et soeurs qui étaient mariés. Pour elle, elle ne voulait pas encore se marier. Ses parents avaient pour elle une tendresse particulière. Elle avait six prétendants à sa main, mais elle les refusait. Comme ses ancêtres, elle alla prendre conseil chez les Esséniens, et il lui fut dit d'épouser Joachim, qu'alors elle ne connaissait pas encore, mais qui la rechercha en mariage lorsque son père Eliud se fut établi dans la vallée de Zabulon, où demeurait Matthat, père de Joachim.


Saint Joseph et Joachim étaient parents, et voici comment : Le grand-père de Joseph descendait de David par Salomon, et s'appelait Mathan. Il avait deux fils, Jacob et Joses. Mathan étant mort, sa veuve prit un second mari appelé Lévi, qui descendait de David par Nathan et elle eut de ce Lévi Matthat, père de Joachim, qui s'appelait aussi Héli.


Joachim et Anne furent mariés dans une bourgade où il n'y avait qu'une petite école. Un seul prêtre était présent. Anne avait alors dix-neuf ans. Ils habitèrent chez Eliud, le père d'Anne. Sa maison dépendait de la ville de Sephoris ; mais elle était à quelque distance, au milieu d'un groupe de maisons, dont elle était la plus grande. Ils vécurent là plusieurs années. Tous les deux avaient quelque chose de distingué dans leur manière d'être ; ils avaient bien l'air tout à fait juif, mais il y avait en eux je ne sais quoi qu'ils ne connaissaient pas eux-mêmes : leur gravite était merveilleuse. Je les ai vus rarement rire, quoique dans les commencements de leur mariage ils ne fussent pas précisément tristes. Leur caractère était tranquille et égal, et dès leur jeunesse ils ressemblaient déjà a de vieilles gens par leur air réfléchi. J'ai vu autrefois de semblables jeunes couples qui avaient l'air très réfléchi et je me disais alors : Ceux-ci sont comme Anne et Joachim.


Les parents avaient de l'aisance : ils possédaient de nombreux troupeaux, de beaux tapis et de beaux ustensiles ; ils avaient plusieurs serviteurs et servantes. Ils étaient pieux, sensibles, bienfaisants, pleins de droiture. Ils divisaient souvent en trois parts leurs troupeaux et tout le reste ; ils donnaient un tiers du bétail au temple, où ils le conduisaient eux-mêmes, et où les serviteurs du temple le recevaient ; ils donnaient le second tiers aux pauvres ou à des parents qui le demandaient, et dont quelques-uns, la plupart du temps, se trouvaient présents en ce moment. Ils gardaient pour eux la dernière part, qui était ordinairement la moindre. Ils vivaient très modestement et donnaient tout ce qu'on leur demandait. Etant enfant, je me suis dit souvent : " il suffit de donner : celui qui donne reçoit le double " ; car je voyais que la portion qu'ils s'étaient réservée allait toujours croissant, et que bientôt tout se trouvait tellement multiplié, qu'ils pouvaient de nouveau faire leur division en trois parts. Ils avaient beaucoup de parents qui se réunissaient chez eux dans toutes les occasions solennelles. Je ne vis pas qu'on y menât grande chère. Je les vis souvent dans le cours de leur vie donner à manger à quelques pauvres, mais je ne vis jamais de festins proprement dits. Quand ils étaient ensemble, je les voyais ordinairement assis par terre en rond ; ils pariaient de Dieu avec un vif sentiment d'espérance. Je vis souvent de méchants hommes de leurs parents qui se montraient pleins de mauvais vouloir et d'irritation lorsque, dans leurs entretiens, ils levaient au ciel des yeux pleins de désir ; mais ils étaient bienveillants pour ces gens si mal disposés, les invitaient chez eux dans toutes les occasions, et leur donnaient double part. Je vis souvent ces personnes exiger grossièrement et brutalement ce que l'excellent couple leur offrait avec affection.


Il y avait des pauvres dans leur famille, et je les vis souvent donner un mouton ou même plusieurs.


Le premier enfant qu'Anne mit au monde dans la maison de son père fut une fille, mais qui n'était pas l'enfant de la promesse. Les signes qui avaient été prédits ne se montrèrent pas à sa naissance, qui se trouva liée à quelques circonstances pénibles. Je vis, par exemple, qu'Anne, pendant sa grossesse, éprouva du chagrin de la part de ses gens. Une de ses servantes avait été séduite par un parent de Joachim. Anne, très troublée de voir ainsi violée la stricte discipline de sa maison, reprocha un peu vivement sa faute à cette fille. Celle-ci prit son malheur trop à coeur et accoucha avant terme d'un enfant mort. Anne fut inconsolable de cet accident ; elle craignit d'en avoir été la cause, et il s'ensuivit qu'elle-même accoucha avant terme ; mais sa fille vécut. Comme cette enfant n'avait pas le signe de la promesse et qu'elle était née prématurément, Anne vit là une punition de Dieu, et fut extrêmement troublée, car elle croyait s'être rendue coupable. Toutefois, les parents accueillirent avec une joie sincère la naissance de l'enfant, qui fut, elle aussi, appelée Marie. C'était une enfant aimable, pieuse et douce. Ses parents l'aimaient beaucoup ; mais il restait en eux quelque trouble et quelque inquiétude, parce qu'ils reconnaissaient qu'elle n'était pas ce fruit béni de leur union qu'ils avaient attendu.


Ils firent longtemps pénitence et vécurent séparés l'un de l'autre. Anne était devenue stérile, ce qu'ils regardaient comme le résultat de leurs fautes, et cela les portait à redoubler leurs bonnes oeuvres Je les vis souvent, chacun de leur côté, faire de ferventes prières, puis vivre à part l'un de l'autre pendant de longs intervalles, donner des aumônes et envoyer des victimes au temple.


V Joachim et Anne s'établissent à Nazareth. Stérilité de sainte Anne. Douleur des saints époux. Leur ardent désir de l'accomplissement de la promesse.


Ils vécurent ainsi sept ans chez Eliud, ce que je pus voir à l'âge du premier enfant, lorsqu'ils se décidèrent à se séparer de leurs parents et à s'établir dans une maison avec quelques terres attenantes, qui leur était venue des parents de Joachim, et qui était située dans les environs de Nazareth. Ils avaient l'intention d'y recommencer à nouveau, dans la solitude, leur vie conjugale, et d'attirer la bénédiction de Dieu sur leur union par une conduite qui pût être plus agréable encore à ses yeux. Je vis prendre cette résolution en famille, et les parents d'Anne faire leurs dispositions pour le nouvel établissement de leurs enfants. Ils partagèrent les troupeaux et mirent de côté, pour le nouveau ménage, des boeufs, des ânes et des montons qui étaient beaucoup plus grands que ne le sont ceux d'ici. On chargea les boeufs et les ânes, qui étaient devant la porte, de provisions, d'ustensiles et d'effets de toute espèce ; les bonnes gens s'entendaient très bien à empaqueter tout cela, de même que les bêtes se prêtaient au mieux à le recevoir et à le transporter. Ces gens chargeaient aussi habilement leur bagage sur ces animaux que nous pouvons le faire sur des voitures. Ils avaient de beaux ustensiles ; tous les vases étaient plus élégants qu'aujourd'hui : il semblait que l'ouvrier y eût travaillé avec amour et eût fait chacun d'eux avec une intention différente.


Quand tout fut prêt, les valets et les servantes se mirent en marche et poussèrent devant eux les troupeaux et les bêtes de charge jusqu'à la nouvelle habitation qu'était préparée à cinq ou six lieues de là ; je crois qu'elle venait des parents de Joachim. Anne et Joachim, après avoir pris congé de tous les amis et serviteurs avec toute sorte de remerciements et de recommandations, quittèrent le séjour qu'ils avaient habité jusqu'alors, pleins d'émotions et de pieuses résolutions. La mère d'Anne ne vivait plus, mais je vis pourtant les parents des deux époux les accompagner vers leur nouvelle demeure. Peut-être Eliud s'était-il remarié, ou y avait-il là en plus des parents de Joachim : Marie Héli, la petite fille d'Anne, âgée d'environ six ou sept ans, faisait aussi partie du cortège.


La nouvelle habitation était agréablement située, dans un pays de collines, entremêlé de prairies et d'arbres, à une lieue et demie ou à une forte lieue au couchant de Nazareth : elle était sur une hauteur, entre la vallée voisine de Nazareth et la vallée de Zabulon ; une gorge, que longeait une allée de térébinthes, conduisait de la maison vers Nazareth. Devant la maison était une cour fermée, dont le sol me parut être le roc nu ; elle était entourée d'un mur peu élevé, de quartiers de rochers ou de pierres brutes ; derrière ce mur ou au-dessus, était une haie vive. Sur l'un des côtés de cette cour étaient de petits bâtiments pour loger les gens et pour déposer beaucoup de choses ; il y avait aussi un hangar pour mettre le bétail et les bêtes de somme. Il y avait alentour plusieurs jardins, dans l'un d'eux, près de la maison, s'élevait un grand arbre d'une espèce particulière. Ses branches descendaient à terre, y prenaient racine et poussaient de nouveaux arbres qui faisaient de même, en sorte que tout cela formait un grand massif de verdure.


Quand les voyageurs arrivèrent à la maison, ils trouvèrent chaque chose à sa place et tous les arrangements déjà faits : car les vieux parents avaient envoyé d'avance des gens chargés de tout mettre en ordre. Les valets et les Servantes avaient défait les paquets et placé chaque chose où elle devait être avec autant d'adresse et de soin qu'ils en avaient mis pour charger les bagages, car ils étaient si soigneux et faisaient avec tant de calme et d'intelligence ce qu'ils avaient à faire, qu'on n'avait pas besoin, comme aujourd'hui, de tout leur commander en détail. Tout fut donc bientôt arrangé, et quand les parents eurent installé leurs enfants dans leur nouvelle demeure, ils prirent congé d'Anne et de Joachim, qu'ils embrassèrent et bénirent, et ils reprirent le chemin de leur maison, ramenant avec eux la petite fille d'Anne qui revenait avec ses grands parents. Dans ces sortes de visites et dans les occasions de même nature, je ne voyais jamais ces personnages faire de grands repas : ils se plaçaient en rond, ayant devant eux, sur un tapis, deux petits plats et de petites cruches ; ils ne parlaient la plupart du temps que des choses de Dieu et de leurs saintes espérances.


Je vis alors le saint ménage commencer une vie toute nouvelle. Ils voulaient sacrifier à Dieu tout le passé, et faire comme s'ils se réunissaient pour la première fois ; ils s'efforcèrent, dès lors, par une vie agréable à Dieu, de faire descendre sur eux cette bénédiction qui était le seul objet de leurs ardents désirs. Je les vis tous deux visiter leurs troupeaux et en faire trois parts, comme j'ai dit plus haut que faisaient leurs parents : pour le temple, pour les pauvres et pour eux-mêmes. Ils faisaient conduire au temple ce qu'il y avait de mieux ; les pauvres recevaient un bon tiers ; ils conservaient pour eux la moins bonne part, et ils faisaient ainsi pour tout. Leur maison était assez spacieuse ; ils vivaient et dormaient dans de petites chambres séparées où je les voyais très souvent, chacun de son côté, prier avec une grande ferveur. Je les vis vivre ainsi longtemps ; ils donnaient de grandes aumônes, et chaque fois qu'ils partageaient leurs troupeaux et le reste de leur avoir, tout se multipliait de nouveau rapide. ment. Ils vivaient modestement dans les privations et le renoncement. Je les voyais aussi, lorsqu'ils priaient, mettre des habits de pénitence ; et, plusieurs fois, je vis Joachim visitant ses troupeaux dans des endroits éloignés, et priant Dieu dans la prairie.


Ils persévérèrent dans cette vie austère menée en présence de Dieu, pendant dix-neuf ans après la naissance de leur premier enfant ; ils désiraient ardemment la bénédiction promise, et leur tristesse allait toujours croissant. Je vis des hommes pervers du pays, venir vers eux et les injurier, leur disant : " Qu'ils devaient être des méchants, puisqu'ils ne pouvaient pas avoir d'enfants ; que la petite fille ramenée chez les parents d'Anne n'était pas à eux ; qu'Anne était stérile ; qu'elle avait supposé cet enfant, qu'autrement elle l'aurait avec elle " ; et ainsi de suite. Ces paroles redoublaient l'abattement des pieux époux.


Anne avait la ferme croyance et à certitude intérieure que l'avènement du Messie était proche et qu'elle appartenait à la famille qui devait être selon la chair celle du Sauveur. Elle priait et appelait à grands cris l'accomplissement de la promesse, et continuait, ainsi que Joachim, à tendre vers une pureté de plus en plus parfaite. La honte de sa stérilité l'attristait profondément ; elle pouvait à peine se montrer à la synagogue sans y recevoir quelque affront.


Joachim, quoique petit et maigre, était pourtant robuste. Anne aussi n'était pas grande, et sa complexion était délicate ; le chagrin la consumait à tel point, que ses joues étaient devenues creuses, quoique toujours assez colorées. Ils conduisaient de temps en temps leurs troupeaux au temple ou chez les pauvres, dont ils avaient fait la part, et la portion qu'ils se réservaient allait toujours en diminuant.


VI Joachim reçoit un affront au temple.


Après que, pendant tant d'années, ils eurent vainement imploré la bénédiction de Dieu sur leur mariage, je vis Joachim faire le projet d'aller de nouveau offrir un sacrifice au temple. Tous deux se préparèrent par des exercices de pénitence ; je les vis la nuit, en habits de pénitents, prier prosternés contre terre ; puis Joachim, au point du jour, se rendit aux pâturages où étaient ses troupeaux, et Anne resta seule. Bientôt après je vis celle-ci envoyer à son époux des colombes, d'autres oiseaux et divers objets dans des cages et des corbeilles, car il voulait offrir tout cela au temple.


Il prit deux ânes, sur le des desquels il mit ces corbeilles ; il en ajouta d'autres, où se trouvaient au nombre de trois, si je ne me trompe, de jolis petits animaux blancs avec de longs cous ; je ne sais plus si c'étaient des agneaux ou des chevreaux. Il avait avec lui une lanterne sur un bâton : c'était comme une calebasse creuse où brillait une lumière. Je le vis arriver avec ses serviteurs et ses bêtes de somme à une belle prairie verdoyante, placée entre Béthanie et Jérusalem, et où je vis plus tard Jésus s'arrêter souvent. Ils montèrent au temple et mirent leurs ânes dans une auberge du temple voisine du marché, où ils logèrent plus tard, lors de la présentation de Marie. Ils portèrent leurs offrandes jusqu'au haut des degrés et passèrent, comme ils firent depuis, par les demeures des serviteurs du temple'. Ici les serviteurs de Joachim se retirèrent après qu'on eut reçu les offrandes.


Joachim entra dans la salle où se trouvait le bassin plein d'eau et où on lavait les victimes ; il se rendit ensuite par un long couloir dans une autre salle, à gauche de l'endroit où étaient l'autel des parfums, la table des pains de proposition et le chandelier à cinq branches. Plusieurs autres personnes, venues pour sacrifier, s'y trouvaient déjà, et Joachim fut soumis à une cruelle épreuve. Je vis un prêtre, appelé Ruben, mépriser ses offrandes ; au lieu de les placer avec les autres dans un endroit apparent, derrière les grilles. à droite de la salle, il les mit tout à fait de côté. Il injuria tout haut le pauvre Joachim, à cause de la stérilité de sa femme, ne le laissa pas approcher, et le relégua dans un coin pour lui faire affront.


Note : Que le lecteur ne s'étonne pas si la narration, ici et ailleurs, sa réfère à des événements qui, suivant l'ordre historique, n'ont pas encore eu lieu. Il doit faire attention que les visions tirées de l'histoire de la sainte Vierge, qui sont ici rangées suivant l'ordre des temps, étaient montrées annuellement à la soeur les jours de fêtes correspondantes. Racontant en juillet et août 1821, à propos des fêtes de sainte Anne et de saint Joachim, ce qu'elle a vu de la vie des parents de la sainte vierge, elle mentionne, pour se faire mieux comprendre, ce qu'elle a vu dans les années précédentes à l'occasion de la fête de la Présentation de Marie.


Je vis alors Joachim quitter le temple, accablé de tristesse, et gagner, en passant par Béthanie, les environs de Machéronte. Il y avait là une maison où se rassemblaient les Esséniens, et où il entra pour chercher des consolations et des conseils. Dans cette maison, et précédemment dans cette qui est près de Bethléhem, a habité le prophète Manahem, qui prédit à Hérode, dans sa jeunesse, qu'il deviendrait roi et commettrait de grands crimes. Joachim se rendit de là au plus éloigné de ses pâturages, près de la montagne d'Hermon ; le chemin qu'il prit passait par le désert de Gaddi, au delà du Jourdain. L'Hermon est une montagne élancée qui, du côté du midi, est toute verdoyante et parsemée de beaux arbres fruitiers, tandis que du côté opposé elle est couverte de neige.


VII Anne reçoit la promesse de fécondité, et se rend au temple.


Joachim était si triste et si honteux de l'affront reçu au temple, qu'il ne fit pas dire à Anne où il se trouvait ; mais Anne apprit par d'autres personnes qui s'étaient trouvées présentes ce que son mari avait eu à souffrir, et elle en fut affligée au delà de toute expression. Je la vis souvent pleurer la face contre terre, parce qu'elle ne savait pas où était son mari, qui resta caché pendant cinq mois entiers auprès de ses troupeaux de l'Hermon.


Vers la fin de ce temps, Anne eut un redoublement de souffrance par suite de la grossièreté d'une de ses servantes, qui lui reprochait souvent sa triste situation. Un jour, c'était au commencement de la fête des Tabernacles, cette servante demanda à aller ailleurs célébrer cette fête, et Anne le lui refusa. Alors cette fille lui reprocha si vivement sa stérilité et l'abandon de son mari, qui était, selon elle, une punition de Dieu à cause de sa dureté, qu'Anne ne put plus tolérer son séjour chez elle. Elle la renvoya chez ses parents avec des présents, et leur fit dire qu'ils eussent à reprendre leur fille, parce qu'il lui était impossible de la garder plus longtemps.


Quand Anne eut renvoyé sa servante, elle entra tout affligée dans sa chambre et se mit à prier. Le soir, elle jeta sur sa tête un grand drap, dans lequel elle s'enveloppa tout entière, et s'en alla vers le grand arbre déjà mentionné qui était dans sa cour, et qui formait une cabane de feuillage ; elle alluma une lampe qui était suspendue à l'arbre dans une espèce de boite, et lut des prières écrites sur un rouleau. Cet arbre était très grand et on y avait pratiqué des sièges et des berceaux ; ses branches tombaient à terre de l'autre côté du mur, où elles prenaient racine, repoussaient encore pour retomber de nouveau, et ainsi de suite, en sorte qu'elles formaient tonte une série de cabanes de verdure.


Anne, étant sous cet arbre, cria vers Dieu pendant longtemps, le suppliant, puisqu'il lui avait ôté la fécondité, de ne pas tenir en outre éloigné d'elle son pieux époux Joachim. Et voilà qu'un ange du ciel lui apparut : il descendit devant elle comme du haut de l'arbre et lui dit qu'elle devait se consoler, parce que le Seigneur avait exaucé sa prière ; il lui prescrivit de partir le lendemain pour le temple avec deux servantes, et de prendre avec elle des colombes pour le sacrifice. Il ajouta que la prière de Joachim était également exaucée, qu'il se rendrait de son côté au temple avec son offrande, et qu'ils se rencontreraient sous la porte dorée : le sacrifice de Joachim était accepté, tous deux devaient être bénis et elle devait bientôt connaître le nom de son enfant. Il lui dit encore qu'il avait porté à son époux un message semblable, et disparut.


Anne, pleine de joie, rendit grâce au Dieu de miséricorde. Elle rentra alors dans sa maison et prit avec ses servantes les dispositions nécessaires pour pouvoir se mettre en route le lendemain. Je la vis ensuite se coucher pour dormir, après avoir prié.


Quand Anne eut dormi quelque temps, je vis descendre du ciel vers elle un rayon de lumière qui, près de son lit, se transforma en un jeune homme resplendissant. C'était l'ange du Seigneur, qui lui dit qu'elle concevrait un saint enfant. Puis il étendit le bras au-dessus d'elle et écrivit sur le mur de grandes lettres lumineuses : c'était le nom de Marie. L'ange disparut ensuite et se perdit dans la lumière. Anne était pendant ce temps comme dans l'émotion d'un songe joyeux ; elle se releva à demi éveillée sur sa couche, pria avec une grande ferveur et se rendormit sans avoir rien vu bien clairement. Mais, après minuit, elle se réveilla toute joyeuse, comme par l'effet d'une impulsion intérieure, et elle vit l'écriture sur la muraille avec un mélange de crainte et d'allégresse. C'étaient comme des lettres rouges, dorées, lumineuses ; elles étaient grandes et en petit nombre : elle les contempla avec une joie et un attendrissement incroyables, jusqu'au moment où elles disparurent à l'aube naissante. Tout était devenu clair pour elle, et son contentement était tel, qu'elle paraissait toute rajeunie quand elle se leva.


Au moment où la lumière de l'ange vint sur Anne, je vis sous son coeur quelque chose de brillant, et je reconnus dans sa personne la mère choisie, le vase illuminé de la grâce qui s'approchait. Je ne puis exprimer cela qu'en disant que j'ai reconnu en elle un berceau orné, un lit couvert, un tabernacle préparé pour recevoir et conserver dignement une chose sainte. Je vis qu'Anne, par la grâce de Dieu, était préparée à recevoir la bénédiction. Je ne sais comment m'exprimer, mais je reconnus Anne comme le berceau du salut universel pour l'humanité, et en même temps comme un tabernacle d'église ouvert, devant lequel le rideau était retiré. Je reconnus cela aussi naturellement, et toute cette connaissance était à la fois naturelle et céleste. Anne avait alors, à ce que je crois, quarante-trois ans.


Anne se leva, alluma sa lampe, pria et se mit en routa pour Jérusalem avec ses offrandes. Tous ses domestiques étaient, ce matin-là, pleins d'une joie inaccoutumée quoiqu'elle seule eût connaissance de l'apparition de l'ange.


VIII Joachim, consolé par l'ange, vient de nouveau sacrifier au temple.


Je vis, dans ce même temps, Joachim, près de ses troupeaux de l'Hermon, adresser à Dieu des prières continuelles. Quand il voyait les jeunes agneaux sauter autour de leurs mères avec des bêlements joyeux, il était tout triste de ne pas avoir d'enfants ; toutefois, il ne parlait pas aux bergers de la cause de sa tristesse. On était au temps de la fête des Tabernacles, et il dressa avec ses bergers des cabanes de feuillage. Comme il faisait sa prière et se désespérait à l'idée d'aller, suivant sa coutume, sacrifier à Jérusalem pour la fête, parce qu'il pensait aux outrages qu'il y avait reçus, je vis l'ange lui apparaître et lui ordonner d'aller au temple et de prendre courage, parce que son sacrifice était accueilli et sa prière exaucée : il devait se réunir à sa femme sous la porte dorée. Je vis alors Joachim, tout joyeux, compter ses troupeaux,-oh ! quel beau et nombreux bétail il avait ! -il les divisa en trois parts ; il garda la moindre pour lui, en envoya une meilleure aux Esséniens, et conduisit la plus belle au temple avec ses serviteurs. Il arriva à Jérusalem le quatrième jour de la fête, et se rendit aussitôt au temple.


Anne arriva ce même jour à Jérusalem et logea près du marché aux poissons, chez des parents de Zacharie. Ce ne fut qu'à la fin de la fête qu'elle rencontra Joachim.


Je vis que, quoique l'offrande de Joachim n'eût pas été acceptée la dernière fois, par suite d'une indication donnée d'en haut, cependant le prêtre, qui, au lieu de le consoler, l'avait si rudement traité, reçut, à cause de cela, un châtiment divin que je ne m'en rappelle plus. Cette fois, les prêtres avaient été avertis d'en haut qu'ils devaient recevoir son offrande, et lorsqu'il fit annoncer son arrivée avec des victimes, j'en vis quelques-uns aller à sa rencontre devant le temple et recevoir ses dons. Le bétail qu'il amenait au temple comme présent n'était pas proprement son sacrifice ; ce qu'il destinait à être sacrifié consistait en deux agneaux, et en trois jolies petites bêtes que je crois être des chevreaux. Je vis aussi que plusieurs hommes qui le connaissaient le félicitaient de ce que son sacrifice était accueilli.


Dans le temple, à cause de la fête, je vis tout ouvert et entouré de guirlandes de fleurs et de fruits : il y avait aussi, dans un endroit, une tente de feuillage élevée sur huit colonnes isolées. Joachim fit donc dans le temple le même chemin que la première fois ; ses victimes furent immolées et brûlées à la place ordinaire : il y eut cependant quelque chose de brûlé dans un autre endroit, je crois que ce fut à la droite du vestibule où était la grande chaire '. Je vis des prêtres offrir de l'encens dans le sanctuaire ; on alluma aussi des lampes, et il y avait de la lumière sur le chandelier à sept branches, mais ne pas sur les sept branches à la fois. J'ai souvent vu que dans différentes occasions, diverses branches du chandelier étaient allumées.


Cette indication est confirmée par la note suivante. Suivant la tradition juive, même dans l'holocauste, plusieurs parties, notamment le nervus femoris, le nerf de la hanche, qui, dans la lutte de Jacob avec l'ange, fut touché par celui-ci et se dessécha (statim emarcuit, (Genèse, XXXII, 25), n'étaient pas brûlées sur l'autel, mais près de là, vers l'orient, sur ce qu'on appelait le monceau de cendres.


Lorsque la fumée de l'encens s'éleva, je vis comme un rayon de lumière tomber sur le prêtre qui l'offrait dans le sanctuaire, et aussi sur Joachim qui était dans la salle extérieure. Il y eut un temps d'arrêt dans la cérémonie, comme si l'on se fût aperçu d'une intervention surnaturelle. Je vis alors deux prêtres, comme poussés par un ordre divin, aller trouver Joachim dans la salle et le conduire, par des chambres latérales, à l'autel d'or des parfums. Alors le prêtre plaça quelque chose sur l'autel. Je vis cela non pas comme des grains d'encens séparés. mais comme une masse compacte ; et je ne sais plus de quoi elle se composait '. Cette masse se consuma, produisant une grande fumée et répandant un parfum agréable sur l'autel d'or de l'encens, devant le voile de Saint des saints. Je vis alors le prêtre quitter le sanctuaire, où Joachim resta seul.


Pendant que l'encens se consumait, je vis Joachim en extase, agenouillé et les bras étendus. Je vis une forme brillante, un ange paraître près de lui, comme plus tard auprès de Zacharie, après la promesse du Précurseur. Il lui donna un écrit sur lequel je lus, en lettres lumineuses, les trois noms d'Helia, d'Hanna et de Miriam
2, et, près de ce dernier nom, je vis l'image d'une petite arche d'alliance ou d'un tabernacle. Il plaça cet écrit sous ses habits, sur sa poitrine. L'ange lui dit que sa stérilité n'était pas pour lui une honte, mais une gloire, car ce que sa femme allait concevoir devait être le fruit immaculé de la bénédiction de Dieu sur lui, et le couronnement de la bénédiction d'Abraham.


1 C'était sans doute un mélange formé des ingrédients qui, suivant la tradition légale des Juifs, appartenaient au sacrifice journalier de l'encens, comme la myrrhe, la casse, le nard, le safran, le calmus odorant, la cannelle, le costus, le galbanum et l'encens mêlés avec du sel raffiné.


2 Au commencement, l'écrivain ne savait pas que ces trois mots n'étaient que d'autres formes des noms de Joachim, d'Anne et de Marie. Quand il apprit cela plus tard, il ne put s'empêcher d'en être frappé.


Comme Joachim ne pouvait pas comprendre cela, l'ange le conduisit derrière le rideau, qui était assez éloigné de la grille du Saint des saints pour qu'on pût s'y placer ; je vis l'ange s'approcher de l'Arche d'alliance, et il me sembla qu'il en retirait quelque chose. Je le vis alors présenter à Joachim un globe ou un cercle lumineux et lui ordonner d'y souffler et d'y regarder. Je vis, sous le souffle de Joachim, diverses images se montrer dans le cercle lumineux. Comme son haleine ne l'avait pas terni, l'ange lui dit que la conception d'Anne serait aussi pure que ce globe était resté pur sous son souffle.


Je vis ensuite l'ange élever le globe lumineux, qui resta suspendu en l'air, et j'y vis, comme par une ouverture' une série de tableaux liés ensemble et s'étendant de la chute de l'homme à sa rédemption. Il y avait là tout un monde où les choses naissaient les unes des autres : j'eus connaissance de tout, mais je ne puis plus donner les détails. Au haut, tout au sommet, je vis la très sainte Trinité ; au-dessous, d'un côté le paradis, Adam et Ève, la chute originelle, la promesse de la rédemption, toutes les figures qui l'annonçaient d'avance, Noé, le déluge, l'Arche, la bénédiction donnée à Abraham, la transmission de la bénédiction à son fils Isaac, et d'Isaac à Jacob ; puis, quand elle fut retirée à Jacob par l'ange avec lequel il lutta, comment elle passa à Joseph, en Égypte, et se montra dans lui et sa femme avec un plus haut degré de dignité ; puis comment la chose sainte où reposait la bénédiction, enlevée d'Égypte par Moise avec les reliques de Joseph et d'Asnath, sa femme, devint le Saint des saints de l'Arche d'alliance, le siège du Dieu vivant au milieu de son peuple ; puis je vis le culte et la vie du peuple de Dieu dans leurs rapports avec ce mystère, les dispositions et les combinaisons pour le développement de la race sainte, de la lignée de la sainte Vierge, ainsi que toutes les figures et les symboles de Marie et du Sauveur dans l'histoire et dans les prophètes. Je vis tout cela en tableaux symboliques, dans la circonférence lumineuse, je vis de grandes villes, des tours, des palais, des trônes, des portes, des jardins, des fleurs, et toutes ces images merveilleusement liées entre elles comme par des ponts de lumière : tout cela était comme attaqué et assailli par des bêtes furieuses et d'autres apparitions terribles. Tous ces tableaux faisaient voir comment la race de la sainte Vierge, de même que tout ce qui est saint, avait été conduite par la grâce de Dieu à travers beaucoup de combats et d'assauts. Je me souviens d'avoir vu, à un certain point de cette série de tableaux, un jardin entouré d'une forte haie d'épines, à travers laquelle une quantité de serpents et d'autres bêtes hideuses s'efforçaient en vain de passer. Je vis aussi une forte tour, à l'assaut de laquelle montaient de tous côtés des guerriers qui étaient précipités du haut des remparts. Je vis beaucoup d'images de ce genre qui se rapportaient à l'histoire de la sainte Vierge dans ses ancêtres : les passages et les ponts qui unissaient le tout signifiaient la victoire remportée sur des obstacles et des interruptions apportées à l'oeuvre du salut.


Il semblait qu'une chair sans tache, un sang de toute pureté, avaient été placés par Dieu au milieu de l'humanité, comme dans un fleuve d'eau trouble, et devaient, avec beaucoup de peine et d'efforts, réunir leurs éléments dispersés, pendant que le fleuve tâchait de les attirer à lui et de les ternir ; mais enfin, avec l'aide des grâces innombrables de Dieu et de la coopération fidèle des hommes, cela devait, après bien des obscurcissements et des purifications, subsister dans le fleuve, qui renouvelait sans cesse ses flots, et s'élever enfin hors de ce fleuve, sous la forme de la sainte Vierge, de laquelle est né le Verbe fait chair qui a habité parmi nous.


Parmi les images que je vis dans le globe lumineux, il y en avait beaucoup qui se trouvent mentionnées dans les Litanies de la sainte Vierge ; je les vois, je les comprends, et je les considère avec une profonde vénération quand je récite ces litanies. Ces tableaux se développaient ultérieurement jusqu'à l'accomplissement parfait de l'oeuvre de la miséricorde divine envers l'humanité tombée dans une division et un déchirement infinis : ils allaient du côté du globe lumineux opposé à celui où était le Paradis, aboutir à la Jérusalem céleste', au pied du trône de Dieu. Lorsque j'eus vu tout cela, le globe lumineux, lequel n'était autre chose que la série de tableaux, partant d'un point et y revenant après avoir formé un cercle de lumière, s'évanouit. Je crois que ce fut une révélation qui fut faite à Joachim par les anges, sous forme de vision, et dont j'eus aussi connaissance. Quand je reçois une communication de ce genre, elle m'apparaît toujours dans une circonférence lumineuse.


La vénérable Marie de Jésus, supérieure des Franciscaines d'Agreda, raconte, dans ses visions sur la vie de la sainte Vierge, comment il lui lut expliqué que la nouvelle ou céleste Jérusalem (Apoc., XXII) n'était autre que la sainte Vierge elle-même. voyez la Cité mystique de Dieu, 1ère partie, ch. 17 et 18.-Saint Jean Chrysostome, dans son discours pour la fête de l'Annonciation, fait ainsi parler Dieu à l'ange Gabriel : " va vers la cité vivante dont le Prophète dit : Des choses glorieuses ont été dites de toi, cité de Dieu ". ( Ps. LXXXVI.) Saint Georges, évêque de Nicomédie (septième siècle), dans son discours sur la Présentation de Marie, appelle la sainte Vierge la cité vivante de Dieu. etc. Dans le petit office de la très sainte Vierge, l'antienne du psaume LXXVI est ainsi conçue : Sicut loetantium omnium nostrûm habitatio est in te, sancta Dei genitrix, quoique ce verset, pris dans le sens littéral, s'applique à Jérusalem, etc.


IX Joachim reçoit la bénédiction de l'Arche d'alliance.


Je vis ensuite l'ange marquer ou oindre le front de Joachim avec le pouce et l'index, puis lui faire manger d'un aliment lumineux et lui faire boire d'un liquide transparent contenu dans une petite coupe brillante qu'il tenait avec deux doigts. Elle était de la forme du calice de la sainte Cène, mais n'avait pas de pied. Il me sembla qu'il lui entrait alors dans la bouche comme un petit épi de blé et une petite grappe de raisin lumineux, et je connus par là que la concupiscence et l'impureté, suite du péché, étaient sorties de lui.


Je vis ensuite l'ange communiquer à Joachim le plus haut degré et comme la plus sainte fleur de cette bénédiction que Dieu avait communiquée a Abraham. et qui plus tard était devenue l'objet le plus sacré de l'Arche d'alliance. Il donna cette bénédiction à Joachim de la même manière que dans une autre occasion j'avais vu Abraham la recevoir d'un ange, mais avec cette différence que pour Abraham l'ange avait semblé tirer la bénédiction de lui-même, comme de son sein, tandis que pour Joachim, il la prit dans le Saint des saints'.


Lors de la bénédiction d'Abraham, ce fut comme si Dieu mettait en lui la grâce de cette bénédiction, et bénissait par elle le père de son peuple futur, afin que les pierres dont son temple devait être bâti sortissent de lui ; mais lorsque Joachim la reçut, ce fut comme si l'ange tirait du tabernacle de ce temple le symbole sacré de la bénédiction et le donnait à un prêtre, pour faire de lui le vase saint dans lequel le Verbe devait être fait chair.


Il me fut révélé que Joachim, avec cette bénédiction, reçut le fruit définitif et l'accomplissement proprement dit de la promesse faite à Abraham, la bénédiction dont devait résulter la conception immaculée de la très sainte Vierge, destinée à écraser la tête du serpent.


L'ange reconduisit ensuite Joachim dans le sanctuaire et disparut. Joachim, ravi en extase, tomba sans connaissance. Les prêtres, en rentrant, le trouvèrent là, je visage rayonnant de joie. Ils le relevèrent avec respect, et le portèrent sur un siège où d'ordinaire les prêtres seuls s'asseyaient. Ils lui lavèrent là je visage, lui tinrent sous le nez quelque chose qui répandait une odeur fortifiante, lui donnèrent à boire, et firent pour lui ce qu'on fait pour quelqu'un qui a perdu connaissance. Quand Joachim fut revenu à lui, il parut lumineux, plein de force et comme rajeuni.


Note La narratrice qui, en communiquant ses nombreuses visions de l'Ancien Testament, a souvent parlé avec détail de l'Arche d'alliance, n'a jamais dit que la première arche ait été de nouveau, avec tout ce qu'elle contenait, dans le temple rebâti après la captivité de Babylone, ou, plus tard, dans celui qu'Hérode restaura. Cependant elle a dit que dans le Saint des saints du dernier temple, il y avait une nouvelle arche d'alliance où étaient conservés quelques restes des symboles sacrés de la première.


X Joachim et Anne se rencontrent sous la porte dorée


Joachim avait été conduit dans le sanctuaire par suite l'un avertissement d'en haut. Il fut conduit par suite d'une inspiration semblable dans un passage consacré qui conduisait sous le temple et sous la porte dorée. Il m'a été communiqué quelque chose sur la signification et l'origine de ce passage, et aussi sur sa destination, mais je ne puis plus le rapporter clairement. Je crois que l'usage de ce passage se rattachait à une cérémonie religieuse qui avait lieu pour la réconciliation et la bénédiction des personnes stériles. On était conduit par ce chemin, dans certaines circonstances, pour des purifications, des expiations, des absolutions et autres choses de ce genre.


Les prêtres conduisirent Joachim à ce passage par une petite porte voisine de la cour où l'on immolait les victimes ; après quoi ils s'en retournèrent. Joachim continua à Suive ce chemin, qui allait en descendant.


Anne était aussi venue au temple avec sa servante, qui portait les colombes du sacrifice dans des corbeilles à jour. Elle avait remis son offrande et fait connaître à un prêtre que l'ange lui avait ordonné d'aller trouver son mari sous la porte dorée. Je vis alors que les prêtres, en compagnie de femmes respectables, parmi lesquelles se trouvait, je crois, la prophétesse Anne, la conduisirent a une autre entrée du passage consacré, où ils la laissèrent seule.


Je vis la manière merveilleuse dont était disposé ce passage. Joachim entra par une petite porte après laquelle on allait en descendant. Le passage était d'abord étroit, puis il s'élargissait. Les murs brillaient d'un reflet doré et vert ; une lumière rougeâtre y entrait par en haut. J'y vis le belles colonnes semblables à des arbres et à des ceps de vigne ornés de guirlandes.


Quand Joachim fut arrivé au tiers à peu près de la longueur du passage, il s'arrêta à un endroit où s'élevait une colonne faite comme un palmier, avec ses branches pendantes et ses fruits ; ce fut là qu'Anne, toute rayonnante de joie, vint à sa rencontre. Ils s'embrassèrent dans un mouvement de sainte allégresse et se communiquèrent leur bonheur. Ils étaient ravis en extase et entourés d'une nuée brillante. Je vis cette lumière partir d'une troupe d'anges, qui, portant comme une haute tour lumineuse, planaient sur Anne et Joachim. Cette tour était faite comme la tour de David, la tour d'ivoire, etc., que je vois à l'occasion des Litanies de la sainte Vierge. Elle sembla disparaître entre Anne et Joachim, et une gloire lumineuse les entoura.


Je reconnus alors que, par l'effet d'une grâce toute particulière de Dieu, la conception de Marie avait été aussi pure que l'aurait été toute conception sans le péché originel. J'eus en même temps une intuition que je ne puis rendre. Le ciel s'ouvrit au-dessus d'eux ; je vis la joie de la sainte Trinité et des anges et la part qu'ils prenaient à la bénédiction mystérieuse accordée aux parents de Marie.


Anne et Joachim marchèrent en louant Dieu jusqu'à la sortie sous la porte dorée. Le chemin, à son extrémité, allait en remontant. Ils passèrent sous une grande et belle arcade, et se trouvèrent dans une espèce de chapelle où étaient plusieurs flambeaux allumés. Ils furent reçus là par des prêtres, qui les conduisirent dehors.


La partie du temple où était la salle du grand conseil se trouvait au-dessus du passage souterrain, un peu au delà du milieu ; au dessus de son extrémité étaient, je crois, des logements pour les prêtres chargés du soin des vêtements sacerdotaux.


Joachim et Anne arrivèrent à une espèce d'échancrure au bord extrême de la montagne du temple, vis-à-vis de la vallée de Josaphat. On ne pouvait pas aller plus loin dans cette direction ; le chemin tournait à droite ou à gauche' ils firent encore une visite dans la maison d'un prêtre ; puis je les vis avec leurs gens reprendre le chemin de leur demeure. Arrivé a Nazareth, Joachim fit un festin de réjouissance, donna à manger à beaucoup de pauvres et répandit de grandes aumônes. Je vis la joie, la ferveur des deux époux. leur reconnaissance envers Dieu en pensant à sa miséricorde envers eux ; je les vis souvent prier ensemble les yeux baignés de larmes.


Il me fut expliqué, à cette occasion, que les parents de la sainte Vierge l'engendrèrent dans une pureté parfaite et par l'effet de la sainte obéissance. Si ce n'eût été pour obéir à Dieu, ils auraient gardé perpétuellement la continence. J'appris en même temps comment la pureté, la chasteté, la retenue des parents et leur lutte contre le vice impur ont une influence incalculable sur la sainteté des enfants qu'ils engendrent. En général, je vis toujours dans l'incontinence et l'excès la racine du désordre et du péché.


XI Restauration de l'humanité montrée aux anges.


Ici viennent diverses visions de la soeur Emmerich, qu'elle communiqua à diverses époques lors de ses méditations annuelles pendant l'octave de la Conception de la sainte Vierge. Elles ne présentent pas une série continue sur la vie de Marie, mais elles jettent partout une lumière particulière sur l'élection et la préparation de ce vase de la grâce. Comme elle les a racontées au milieu de beaucoup de troubles et de souffrances, on ne sera pas étonné qu'elles paraissent sous forme de fragments.


Dans la nuit du 2 au 3 septembre l821, Anne Catherine, alors gravement malade, eut des visions très étendues sur la fête des Anges gardiens, ainsi que sur la nature des anges et les hiérarchies célestes en général. Mais, assaillie par beaucoup de souffrances, d'épreuves et de peines de toute espèce, elle n'en communiqua qu'une petite partie et à bâtons rompus. On donne ici ce qu'on a pu obtenir d'elle après des interrogations répétées.


Je vis un tableau merveilleux : c'était Dieu qui, après a chute de l'homme, montrait aux anges comment il roulait régénérer le genre humain. A la première vue, je ne compris pas ce tableau, mais bientôt il devint clair pour moi.

Je vis le trône de Dieu. la très sainte Trinité et comme un mouvement en Elle. Je vis les neuf choeurs des anges auxquels Dieu annonçait de quelle manière il voulait régénérer l'humanité déchue. Je vis, à cette annonce , une jubilation indicible parmi les anges.


Le développement des desseins de miséricorde de Dieu sur l'homme me fut montré dans divers tableaux symboliques. Je vis ces tableaux apparaître au milieu des neuf choeurs angéliques et se suivre comme une sorte d'histoire. Je vis les anges coopérer à ces tableaux, les protéger et les défendre. Je ne puis plus en rapporter la suite avec certitude ; je dirai avec l'aide de Dieu ce que j'en ai retenu.


Je vis devant le trône de Dieu une montagne comme de pierres précieuses : elle croissait et s'étendait sans cesse ; elle avait des degrés et ressemblait à un trône, puis elle prenait la figure d'une tour. Sous cette forme, elle renfermait dans son enceinte tous les trésors spirituels, tous les dons de la grâce. Les neuf choeurs des anges l'environnaient. Je vis à l'un des côtés de cette tour, comme sur un petit rebord formé par une nuée dorée, paraître des ceps de vigne et des épis de blé, qui s'entrelaçaient comme les doigts de deux mains jointes. Je ne pourrais pas bien déterminer à quel moment de la vision prise dans son ensemble, j'ai vu cela.


Je vis apparaître, dans le ciel, une figure semblable une vierge. qui entra dans la tour et se fondit pour ainsi dire avec elle. La tour était très large et aplanie par en haut ; il me sembla qu'il y avait par derrière une ouverture par laquelle entra la Sainte Vierge Marie dans le temps, c'était elle dans l'éternité en Dieu'. Je vis son apparition se produire devant la sainte Trinité de la même manière que l'haleine se condense devant la bouche en une petite vapeur '. Je vis aussi une apparition sortir de la sainte Trinité vers la tour. Dans ce moment, je vis au milieu des choeurs des anges paraître comme un tabernacle du saint Sacrement. Les anges semblaient tous y travailler, et il avait la forme d'une tour entourée d'images symboliques de toute espèce. Il y avait à côté deux figures qui se tendaient la main derrière lui. Ce vase spirituel paraissait s'accroître continuellement et devenait toujours plus magnifique et plus riche.


Je vis alors quelque chose sortir de Dieu et passer à travers les neuf choeurs des anges ; cela me parut semblable à une nuée lumineuse qui devenait de plus en plus distincte à mesure qu'elle approchait de ce tabernacle de sainteté dans lequel enfin elle entra.


Autant que je puis le comprendre, c'était une bénédiction substantielle de Dieu qui se rapportait à la continuité d'une lignée pure et sans péché et pour ainsi dire à la production de rejetons purs. Je vis enfin cette bénédiction, sous la forme d'une fève brillante. entrer dans le tabernacle, après quoi celui-ci se perdit lui-même dans la tour.


Voyez le capitule des vêpres de l'office de la très sainte Vierge, tiré de l'Ecclésiastique, XXIV : Ab initio et ante secula crenta sum, et jusque ad futurum secuium non desinam.


Comparez le texte consacré par l'application que l'Église en fait depuis longtemps à Marie : Ego ex ore Altissimi prodivi primogenita ante omnem creaturam ; ego feci in coelis ut oriretur lumen indeficiens. Thronus meus in columna nubis, etc. Eccli., XXIV, 7.


3 La narratrice, dans le cours de ses nombreuses contemplations, moitié historiques, moitié symboliques, sur l'Ancien et le Nouveau Testament, fit sur cette bénédiction plusieurs communications, dont nous présenterons ici quelques-unes dans un ordre chronologique. " " Ce fut, dit-elle, cette bénédiction avec laquelle et par laquelle Eve fut tirée du côte droit d'Adam. Je la vis retirée à Adam par la providence miséricordieuse de Dieu lorsqu'il était au moment de consentir au péché. Abraham la reçut de nouveau par le ministère des anges, après l'institution de la circoncision, en même temps que la promesse de la naissance d'Isaac. Elle fut transmise par lui dans une cérémonie solennelle et sacramentelle son premier-né Isaac, et par celui-ci à Jacob. Cette bénédiction fut enlevée à Jacob par l'ange qui lutta avec lui, et elle passa à Joseph, en Egypte. Enfin elle fut prise de nouveau par Moïse, dans la nuit de la sortie d'Egypte, enlevée avec les ossements de Joseph, et elle fut ensuite placée dans l'Arche comme le trésor sacré du peuple de Dieu ".

Ce n'était pas sans scrupule et sans inquiétude que nous avions rédigé, pour les livrer à l'impression, ces explications de la soeur, lorsque nous apprîmes que, dans le livre appelé Sohar (qui a été rédigé dans le second siècle de l'ère chrétienne, mais qui contient des paroles beaucoup plus anciennes), on retrouve, presque mot pour mot, ce qu'elle dit ici et ailleurs sur le mystère de l'ancienne arche d'alliance. Un lecteur familiarisé avec la langue chaldéenne peut s'en convaincre en lisant, par exemple, les textes suivants : Par Toledoth, p. 340 ; ibid., p. 335 ; Béreschith, p. 155 ; T'rurrab. 251, etc.


Je vis les anges jouer un rôle actif dans une partie de ces apparitions. Une série de tableaux s'éleva aussi de l'abîme ; c'étaient comme des images d'illusion et de mensonge : je vis les anges agir contre elles et les faire disparaître. J'ai vu et oublié beaucoup de choses de ce genre.


Il y avait dans tous ces tableaux une merveilleuse liaison ; l'ensemble de cette vision était singulièrement riche et significatif. Même les apparitions ennemies, fausses, mauvaises, de tours, de calices, d'églises qui étaient rejetées de côté, devaient servir au développement de l'oeuvre du salut.


Pendant ces récits, elle revenait toujours sur l'inexprimable joie des anges. L'ensemble de ces fragments n'a pas de conclusion proprement dite : cela semble une série de tableaux symboliques relatifs à l'histoire de la rédemption. Elle disait à ce sujet : " J'ai vu d'abord les représentations figuratives de l'oeuvre de la rédemption au milieu des neuf choeurs des anges, et ensuite une série de tableaux depuis Adam jusqu'à la captivité de Babylone ".


XII Elie voit une image figurative de la sainte Vierge.


Je vis toute la terre promise privée de pluie, desséchée et languissante, et je vis Élie monter au mont Carmel avec deux serviteurs, pour demander de la pluie à Dieu. Ils montèrent d'abord sur un haut escarpement, puis, par des degrés grossièrement taillés dans le roc, jusqu'à une terrasse, puis encore de nouveaux degrés, et ils arrivèrent enfin à une plate-forme assez grande, sur laquelle était un monticule de rochers où se trouvait une grotte. Elie monta jusqu'au haut de ce monticule. Il laissa ses serviteurs au bord de la plate-forme, et ordonna à l'un d'entre eux de regarder la mer de Galilée. Celui-ci parut tout consterné à cette vue, car le lac était entièrement desséché, plein de trous et d'excavations, couvert de vase et d'animaux pourris.


Elie s'accroupit, mit sa tête entre ses genoux, se voila, pria avec ardeur vers Dieu, et sept fois de suite il demanda à haute voix à son serviteur s'il ne voyait pas une nuée monter de la mer. A la septième fois, je vis le nuage monter, et quand le serviteur l'annonça au prophète, celui-ci l'envoya au roi Achab.


Je vis, au milieu de la mer, se former comme un tourbillon de couleur blanche, duquel sortait un petit nuage noir, qui se déploya et s'étendit. Dans ce petit nuage je vis, dès le commencement, une petite figure brillante, semblable à une vierge ; je vis aussi Élie l'apercevoir dans la nuée qui s'élargissait. La tête de cette vierge était entourée de rayons ; elle étendait ses bras en croix, et tenait à l'une de ses mains comme une couronne de victoire. Son long vêtement était comme attaché sous ses pieds. Elle parut dans le nuage qui grandissait, et sembla s'étendre sur toute la terre promise.


Je vis ce nuage se diviser ; en certains endroits sainte et sanctifiés, et là où habitaient des hommes pieux et aspirant au salut, il laissait comme de blancs tourbillons de rosée Ces tourbillons avaient sur leurs bords toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, et je vis au milieu la bénédiction se concentrer comme pour former une perle dans sa coquille. Il me fut expliqué que c'était une figure prophétique, et que dans les lieux bénis ou le nuage avait laissé ces tourbillons, il y eut réellement coopération à la manifestation de la sainte Vierge'.


L'humanité, avant Jésus-Christ, était comme un sol desséché qui aspirait après lui pour pouvoir donner des fruits Elle demandait que sa soif fut apaisée, non seulement par des grâces spirituelles, mais encore par la justice incarnée Jésus-Christ n'était pas seulement le fruit et le rejeton de Dieu et de la terre (Isaie, IV, 2 ; Jérém., XXIII 5 , XXXIII, 15 ; Zach., III, 8 ; VI, 12), il était aussi une pluie et une rosée destinée à faire naître des fruits semblables à lui. Car David prophétise en ces termes : "il descendra comme la pluie sur la prairie, comme les gouttes qui humectent la terre. Dans ces jours-là, les justes fleuriront : le moment sera épais dans le pays, sur la cime des montagnes (c'est-à-dire, d'après l'explication de la traduction chaldaique, dans l'Église) ; ils s'accroîtront dans les villes comme l'herbe de la terre. "(Ps. LXXI, 6, 18) Isaie s écrie aussi : " Cieux, répandez d'en haut 1rotre rosée, et que les nuées pleuvent le juste ". (Ps. LX, 8) Cette pluie se perpétue sous une autre forme par la communication multipliée du saint Sacrement, dont la manne était la figure. Aussi l'ancien commentaire hébraïque Breschith rabba, à propos du texte où Isaac promet à Jacob, comme bénédiction, la rosée du ciel. (Parasha 65, dans l'édition publiée à Constantinople sous Soliman), remarque que, par cette rosée, il faut entendre la manne, de même que par le froment et le vin (nourris par la rosée), il faut entendre une postérité de jeunes gens et de jeunes filles. (Sur la Genèse, XXVII, 28, comparez Zacharie, IX, 17). O ne doit point s'étonner si, dans les écrits juifs postérieurs le Messie est montré comme une rosée. Dans le Talmud (Tannith dist maimathi maskirin) Rabbi Barachia parle ainsi : "La maison d'Israël a adressé à Dieu une prière indiscrète : qu'il vienne à nous, a-t-elle dit, comme une pluie du matin, comme une pluie du soir qui recouvre la terre. (Osée, VI, 3.) Alors Dieu lui a dit : Tu demandes une chose qui tantôt est obtenue, tantôt ne l'est pas ; mais je serai pour toi une chose qui sera obtenue : je serai pour Israël une rosée, et il fleurira comme un lis (Osée, XIV, 4.) L'allusion au Messie est plus claire dans le Talmud de Jérusalem. (Tract. b'rachot., c. 5;), lorsqu'il rapporte à cette même idée le psaume sur le sacerdoce du Rédempteur. Il explique les paroles : La rosée de la naissance vient du sein de l'aurore (dans la Vulgate : Ex utero ante luciferum genui te, Ps. CIX, en les rapprochant du texte suivant de Michée : Comme une rosée qui vient du Seigneur, combien de gouttes d'eau sur l'herbe, que n'attendent pas l'homme et ne dépendent pas des enfants des hommes. (Michée, V, 7.) La nuée mystérieuse d'Elie, figure de la créature élue qui devait contenir et apporter cette pluie, laquelle, tombée d'abord de la croix et depuis s'épanchant à jamais du sacrement de l'autel, rafraîchit la terre desséchée, cette nuée monte de la mer de Galilée ; ce qui est parfaitement convenable, puisque c'est de cette mer et de ses bords que la rosée de la doctrine et des bienfaits de Jésus-Christ s'est répandue avec tant d'abondance et d'efficacité sur la pauvre humanité. Même alors, quand il enseignait à Capharnaum (Joan., VI) qu'il était la vraie rosée céleste, la vraie manne r le pain de vie dans le Saint Sacrement, il était immédiatement auparavant venu miraculeusement sur la mer comme une nuée, et il versait la bénédiction de la grande promesse dans les coeurs de ses auditeurs Nous nous souvenons d'avoir lu dans un vieil écrit rabbinique que le Messie devait monter de la nier de Galilée ; mais nous ne pouvons, pour le moment, citer exactement le passage, que nous reproduirons en son lieu quand nous l'aurons retrouve. Nous trouvons pourtant dans un vieux commentaire hébraïque sur les Psaumes (Midrach Thilim f 4 Lightfoot centur. chronogr., c. 70) les paroles suivantes : " J'ai crée sept mers, dit Dieu, mais je n'ai choisi entre toutes que celle de Genezareth ".


Je vis ensuite un songe prophétique où, pendant l'ascension de la nue, Élie apprit plusieurs mystères relatifs à la sainte Vierge ; malheureusement, au milieu de tant de choses qui nie troublent et me distraient' j'en ai oublié le détail exact, ainsi que bien d'autres choses. Élie connut, entre autres choses, que Marie devait naître dans le septième âge du monde ; c'est pour cela qu'il appela sept fois son serviteur. Il vit aussi de quelle race elle sortirait.


Je vis une autre fois Élie élargir la grotte au-dessus de laquelle il avait prié, et établir une organisation plus régulière parmi les enfants des prophètes : quelques-uns de ceux-ci priaient habituellement dans Cette grotte pour demander la venue de la sainte Vierge, et l'honoraient déjà avant sa naissance. Je Vis que cette dévotion à la sainte Vierge se perpétua sans interruption, qu'elle subsistait encore, grâce aux Esséniens, quand Marie était déjà sur la terre, et que plus tard elle continua à être pratiquée par des ermites, desquels sortirent enfin les religieux du Carmel.


XIII Eclaircissements sur la précédente vision d'Élie.


Quand la narratrice communiqua plus tard ses contemplations sur l'époque de saint Jean-Baptiste, elle vit de nouveau la vision relative à Elie, avec quelques détails sur l'état où se trouvaient alors le pays et ses habitants. Nous donnons ce qui suit comme pouvant éclaircir ce qui a été dit précédemment.


Je vis un grand mouvement à Jérusalem, près du temple ; c'étaient des gens qui délibéraient, qui écrivaient avec des plumes de roseau, qui envoyaient des messagers dans le pays. On priait, on invoquait Dieu pour avoir de la pluie ; on faisait chercher Elie partout. Je vis aussi Élie dans le désert, nourri et désaltéré par un ange. Je vis tous les rapports du prophète avec Achab, le sacrifice sur le Carmel, la mort des prêtres des idoles, sa prière pour la pluie et l'arrivée des nuages.


Je vis, outre la sécheresse de la terre, une grande stérilité chez les hommes et un certain abâtardissement. Je vis qu'Élie appela par sa prière la bénédiction qui produisit la nuée, et qu'il dirigeait et répartissait les nuages et la pluie d'après des intuitions intérieures, sans quoi il y aurait eu peut-être une inondation destructive. Il demanda sept fois à son serviteur s'il voyait la nuée : cela fait allusion à sept âges du monde et à sept générations qui devaient s'écouler jusqu'au temps où la bénédiction véritable, dont cette nuée de bénédiction n'était que la figure, prendrait fortement racine dans Israel ; il vit même dans la nuée qui s'élevait une image de la sainte Vierge et connut plusieurs mystères qui se rapportaient à sa généalogie et à sa venue'.


I Dans l'office de la Conception de Marie, et ailleurs, dans les livres liturgiques de l'Eglise, l'emploi du verset de l'Ecclésiastique (XXIV, 6) : Sicut nebula lexi omnem terram se trouve en parfaite concordance avec cette vision prophétique sur la mère de Dieu.


Je vis, par l'effet de la prière d'Élie, la bénédiction descendre d'abord sous forme de rosée.- La nuée s'abaissait ; il s'en détachait des flocons blancs, lesquels formaient des tourbillons dont les bords étaient de la couleur de l'arc-en-ciel, et se résolvaient enfin en gouttes d'eau qui tombaient sur la terre. Je reconnus aussi là quelque chose qui se rapportait à la manne du désert ; mais la manne, le matin, était par terre, compacte et cassante, et on pouvait l'empaqueter. Je vis ces tourbillons de rosée aller le long du Jourdain et s'arrêter, non pas partout, mais ça et là à certaines places. Je vis spécialement à Ainon, en face de Salem, et à l'endroit où eut lieu plus tard le baptême de Notre Seigneur, descendre de ces tourbillons brillants. Je demandai aussi ce que signifiaient leurs bords aux couleurs varices, et cela me fut expliqué par l'exemple d'une coquille marine, qui a aussi des rebords aux couleurs brillantes, et qui, s'exposant au soleil, attire à elle la lumière et la dégage des couleurs, jusqu'à ce qu'au milieu d'elle naisse la perle dans toute sa pureté et sa blancheur. Il me fut montré que cette rosée et la pluie qui lui succédait étaient quelque chose de plus que ce qu'on entend ordinairement par un rafraîchissement de la terre.


J'eus la perception distincte que sans cette rosée la venue de la sainte Vierge aurait été différée d'au moins un siècle, tandis que, par suite de l'amélioration et de la bénédiction de la terre, les races qui vivent de ses fruits furent aussi restaurées et ranimées, et la chair recevant la bénédiction s'ennoblit.


Je vis aussi comment alors la terre et la chair étaient altérées et aspiraient après la pluie, comme plus tard les hommes et l'esprit aspiraient au baptême de Jean. Tout ce tableau représentait à l'avance l'avènement de la sainte Vierge, et en outre l'état du peuple à l'époque de saint Jean-Baptiste. Leur anxiété d'alors, leur ardeur languissante, leur désir de la pluie et d'Élie, et pourtant la persécution de celui-ci, rappelaient l'ardeur avec laquelle, plus tard, le peuple cherchait le baptême et la pénitence, et aussi l'aveuglement de la synagogue et l'envoi de ses ambassadeurs auprès de Jean.


XIV Figure prophétique de la Sainte Vierge en Égypte.


Je vis en Égypte ce message de salut apporté de la manière suivante : je vis qu'Élie devait faire rassembler de trois contrées, à l'Orient, au Nord et au Midi, de pieuses familles dispersées, et qu'il chargea de cette mission trois disciples des prophètes. Il ne les envoya qu'après avoir reconnu par un signe demandé à Dieu quels étaient ceux qui convenaient pour cela, car c'était une tâche périlleuse, et il fallait choisir des messagers intelligents, afin qu'ils ne fussent pas mis à mort. L'un d'eux alla vers le Nord, l'autre vers l'Orient, le troisième vers le Midi. Celui-ci avait à faire un long voyage à travers l'Egypte, où les Israélites avaient des risques particuliers à courir. Ce messager suivit le chemin que la sainte Famille prit lors de sa fuite en Egypte ; je crois aussi qu'il passa dans le voisinage de la ville d'On, où l'enfant Jésus se réfugia. Je le vis, dans une grande plaine, arriver près d'un temple d'idoles, qui était dans une prairie, et entouré de diverses autres idoles. On adorait là un taureau vivant. Il y avait dans le temple une figure de taureau et plusieurs autres idoles. On faisait là d'horribles sacrifices et on immolait des enfants mal conformés.


Les habitants du pays saisirent le disciple des prophètes et le conduisirent devant leurs prêtres. Heureusement ils étaient très curieux, sans cela ils l'auraient égorgé. Ils lui demandèrent d'où il était et ce qui l'amenait chez eux. Il leur dit sans hésiter qu'il devait naître une vierge de laquelle sortirait le salut du monde, et qu'alors ils briseraient toutes leurs idoles'.


Saint Epiphane, dans son livre sur la Vie des Prophètes, dit de Jérémie : "Ce prophète donna un signe aux prêtres égyptienne, et Leur annonça que toutes leurs idoles tomberaient en morceaux quand une Vierge mère, avec son enfant divin, entrerait en Egypte. Et cela arriva ainsi ; c'est pourquoi, encore aujourd'hui, ils adorent une Vierge mère et un enfant couché dans une crèche. Quand le roi Ptolémée leur en demanda la cause, ils répondirent : " C'est un mystère que nous avons reçu de nos pères, auxquels il a été annoncé par un saint prophète' et nous en attendons l'accomplissement ". (Epiphan., t. II, p. 240.) Toutefois le disciple d'Elie, mentionné plus haut, ne peut pas être Jérémie, puisque celui-ci vécut trois siècles plus tard.


Ils s'étonnèrent de ce qu'il annonçait, en parurent très émus, et le laissèrent aller sans lui faire de mal. Je les vis ensuite tenir conseil et faire faire l'image d'une vierge, qu'ils placèrent au milieu du plafond du temple, étendue en l'air et comme planant. Cette figure' avait une coiffure pareille à celle de leurs idoles, dont un grand nombre étaient rangées à la suite les unes des autres, ayant le haut du corps d'une femme et le reste d'un lion. Sur le haut de la tète était un petit vase assez profond, semblable à ceux dont on se servait pour mesurer des fruits ; le haut des bras était appliqué le long du corps jusqu'au coude, les bras s'en séparaient et s'étendaient en se relevant ; elle tenait des épis de blé dans les mains ; elle avait trois mamelles, une plus grande, placée plus haut au milieu ; deux plus petites, plus bas, de chaque côté de la première.


Un archéologue a communiqué à l'écrivain un dessin fait d'après une antique statue égyptienne, qui est censée représenter Isis, et qui correspond de tout point à la description donnée par la soeur de cette singulière figure.


Le bas du corps était enveloppé d'un long vêtement ; les pieds étaient petits et effilés ; des espèces de houppes y pendaient. Aux deux épaules étaient attachées des espèces d'ailes comme de belles plumes en forme de rayons. Ces ailes étaient comme deux peignes de plumes jointes les unes aux autres. Des plumes croisées couraient le long des hanches et se repliaient par-dessus le milieu du corps. La robe n'avait pas de plis.


Ils honorèrent cette image et lui offrirent des sacrifices, la priant de vouloir bien ne pas briser leur dieu Apis et leurs autres dieux. Du reste, ils persévérèrent comme auparavant dans toutes les abominations de leur culte idolâtrique ; seulement, à dater de ce temps, ils invoquèrent par avance cette vierge, dont ils avaient composé l'image, à ce que je pense, d'après diverses indications tirées du récit du prophète et en essayant de reproduire la figure vue par Élie.


Je vis aussi comment, à cette époque, par un effet de la grande miséricorde de Dieu, il fut annoncé à de pieux paiens que le Messie naîtrait d'une vierge dans la Judée. Les ancêtres des trois rois mages, les Chaldéens, adorateurs des astres, reçurent cette connaissance au moyen de l'apparition d'une image dans une étoile ou dans le ciel. Ils prédirent l'avenir à ce sujet. J'ai vu les traces de ces annonces prophétiques de la sainte Vierge dans les représentations figurées qui ornaient leurs temples. J'en ai parlé ailleurs.


XV L'arbre généalogique du Messie.


Je vis la souche du Messie, à partir de David, se diviser en deux branches. A droite courait la ligne qui commençait par Salomon et finissait par Jacob, le père de saint Joseph. Je vis les figures de tous les ancêtres de saint Joseph mentionnés dans l'Evangile, sur les branches de ce rejeton de la souche de David par Salomon. Cette ligne généalogique, placée à droite, avait une signification supérieure : les figures étaient plus grandes, et en quelque sorte plus immatérielles que celles de la ligne de gauche. Chacune tenait à la main une tige longue à peu près d'une coudée, avec des feuilles pendantes semblables à celles de palmier ; au sommet de cette tige fleurissait la grande campanule en forme de lis, avec cinq étamines jaunes par en haut, qui répandaient une belle poussière. Ces fleurs différaient en grandeur, en vertu et en beauté. La fleur que portait saint Joseph, le père nourricier de Jésus, était la plus remarquable de toutes par sa beauté et la fraîcheur de ses feuilles. Trois membres de cette lignée, vers le milieu, avaient été rejetés ; ils étaient noircis et flétris. Il y avait plus d'une lacune dans cette ligne venant de Salomon, où les rejetons étaient très éloignés les uns des autres. La branche de droite et celle de gauche se touchaient quelquefois, et peu de degrés avant la fin elles se croisaient réciproquement. J'eus une explication sur la signification plus relevée de la ligne de Salomon. Elle provenait plus de l'esprit, moins de la chair. Elle avait quelque chose de la signification de Salomon lui-même. Je ne puis pas bien exprimer cela.


La ligne généalogique de gauche allait de David, par Nathan, jusqu'à Héli, qui est le vrai nom de Joachim, le père de Marie ; car il reçut plus tard ce dernier nom, de même qu'Abraham, qui s'était appelé d'abord Abram J'ai oublié la cause de ce changement ; mais je la retrouverai peut-être. Dans mes contemplations, j'entendis souvent nommer Jésus le fils d'Héli, selon la chair.


Le texte de saint Luc (III, 23) est ainsi donné par plusieurs interprètes anciens et nouveaux (par ex. Hilarius Diaconus, Quoest. uet. et nou., I, 56) et il, 6), spécialement d'après le texte grec : "il passait pour fils de Joseph, mais, dans le fait, il venait d'Héli. "Que Marie, dont la généalogie est pourtant donnée par saint Luc, ne soit pas nommée elle-même, cela s'explique par le principe des généalogiste juifs : Genus patris vocatur genus, genus matris non vocatur genus (Talmud, Baba bathra, f. 110) Le père de Marie était donc le premier membre qu'on pût citer dans la série des ancêtres du Christ selon la chair. Jésus-Christ, qui n'avait pas de père sur la terre, est appelé, à plus juste titre, le fils d'Héli selon la chair, que Laban, nommé fils de Nachor (Genes., XXIV, 5), et Zacharie, nommé le fils d'Iddos (Esdr., V, 1), bien qu'ils ne soient que les petits-fils des personnages en question.


XVI Tableau de la fête de la conception de Marie.

(raconté la 8 décembre 1819.)


Après avoir passé toute la nuit, jusqu'au matin, à contempler, dans une effrayante Vision, les péchés du monde entier, je m'endormis de nouveau et me trouvai transportée à Jérusalem, à l'endroit où avait été le temple, puis ensuite dans les environs de Nazareth, au lieu où s'était trouvée autrefois la maison d'Anne et de Joachim.

Je reconnus bien le pays.

Je vis là une belle colonne de lumière s'élever de terre comme la tige d'une fleur ; de même que le calice de la fleur ou la tête d'un pavot sortent d'un pédoncule, cette colonne portait une église octogone toute lumineuse'. La colonne montait jusque dans le centre de l'église comme un petit arbre dont les branches, régulièrement partagées, portaient des figures de la famille de la sainte Vierge, lesquelles étaient, dans cette représentation de la fête, l'objet d'une vénération particulière. Elles étaient comme sur les étamines d'une fleur. C'était sainte Anne, entre saint Joachim et un autre homme, peut-être son père Sous la poitrine de sainte Anne, je vis une cavité lumineuse à peu près de la forme d'un calice, et, dans cette cavité, la figure d'un enfant resplendissant qui se développait et grandissait ; ses petites mains étaient croisées sur sa poitrine ; sa petite tête était inclinée, et il en partait une infinité de rayons qui se dirigeaient vers une partie du monde. Il me semble que ce n'était pas dans toutes les directions. Sur d'autres rameaux environnants étaient plusieurs figures tournées vers le centre, dans une attitude respectueuse et, dans l'église, je vis un nombre infini de saints rangés tout autour, ou formant des choeurs, se tourner en priant vers cette sainte Mère.


La soeur voyait toutes les fêtes de l'Eglise, et celles mêmes qui ne sont plus célébrées sur la terre dans l'Église militante, célébrée dans l'Eglise triomphante. Elle voyait tous les saints qui avaient une relation particulière avec la fête en faire la solennité dans une église transparente qui était la plupart du temps de forme octogone. cette église lui apparaissait ordinairement planant en l'air. Il est digne de remarque que, dans les fêtes qui avaient rapport aux parents de Jésus-Christ suivant la chair ou Au : mystères de sa vie, elle ne voyait pas cette église suspendue en l'air, mais, de même qu'une fleur ou un fruit, placée sur une tige sortant de la terre comme sur une colonne et paraissant avoir poussé sur cette tige.


La plus douce ferveur et l'union la plus intime se manifestaient dans cette fête. On ne pourrait comparer le spectacle qu'elle offrait qu'à celui d'un champ de fleurs très variées qui, agitées par un vent léger, se tournent vers le soleil, comme pour lui offrir leurs parfums et leurs couleurs, vers ce soleil duquel toutes les fleurs ont reçu ces dons eux-mêmes, et jusqu'à leur vie.


Au-dessus de ce tableau symbolique de la fête de l'Immaculée Conception, s'éleva le petit arbre lumineux avec un nouveau rejeton à son extrémité, et je vis dans cette seconde couronne de branches célébrer un moment postérieur de la fête. Ici, Marie et Joseph étaient agenouillés, et, un peu plus bas, devant eux, sainte Anne. Ils adoraient l'enfant Jésus, qui, le globe impérial en main était assis au-dessus d'eux, au sommet de la tige, environné d'un éclat incomparable. Autour de cette représentation, les choeurs des rois mages, des bergers, des apôtres et des disciples étaient en adoration à très peu de distance, tandis que d'autres saints formaient des cercles moins rapprochés. Ensuite, je vis en haut, au milieu d'une grande lumière, des formes plus indistinctes de puissances célestes ; plus haut encore, comme un demi soleil rayonner à travers la coupole de l'église. Ce second tableau semblait faire allusion à la proximité de la fête de Noël, qui vient peu après celle de la Conception.


Lors de la première apparition du tableau, il me sembla que j'étais hors de l'église, sous la colonne, dans le pays environnant ; plus tard, j'étais dans l'intérieur de l'église que j'ai décrite. Je vis aussi la petite Marie se développer dans l'espace lumineux qui était sous le coeur de sainte Anne ; je me sentis en même temps convaincue, à un degré inexprimable, de l'absence de la tache originelle dans la conception de Marie. Je lus cela distinctement comme dans un livre, et je le compris. Il me fut dit qu'autrefois, il y avait eu dans ce lieu une église érigée en mémoire de cette grâce inestimable accordée par Dieu ; mais qu'ayant été l'occasion de luttes peu convenables sur ce saint mystère, elle avait été livrée à la destruction ; que toutefois l'église triomphante faisait toujours dans cet endroit la fête de l'Immaculée Conception.


XVII La sainte Vierge parle des mystères de sa vie.


Pendant ses contemplations sur les années de prédication de Notre Seigneur Jésus-Christ, la soeur raconta ce qui suit, le 26 décembre 1822 :

J'entends souvent la sainte Vierge raconter à des femmes qui ont sa confiance, par exemple, à Jeanne Chusa et à Suzanne de Jérusalem, divers mystères relatifs à Notre Seigneur et à elle-même, qu'elle a connus, soit par une illumination intérieure, soit par ce que lui en a dit sainte Anne. Ainsi, je l'ai souvent entendue raconter à Suzanne et à Marthe que, pendant qu'elle portait Notre seigneur dans son sein, elle n'avait jamais ressenti la moindre souffrance, mais une joie intérieure continuelle et un bonheur infini. Elle leur racontait aussi que Joachim et Anne s'étaient rencontrés sous la porte dorée à une heure dorée aussi ; qu'en ce lieu leur avait été départie cette plénitude de la grâce divine, en vertu de laquelle elle seule avait reçu l'existence dans le sein de sa mère par l'effet de la sainte obéissance et du pur amour de Dieu, sans aucun mélange d'impureté. Elle leur fit connaître aussi que, sans la chute originelle. La conception de tous les hommes aurait été également pure.


Je vis ensuite de nouveau tout ce qui concernait la grâce accordée aux parents de Marie, depuis l'apparition de l'ange à Anne et à Joachim, jusqu'à leur rencontre sous la porte dorée, de la manière que je l'ai toujours raconté. Sous la porte dorée, c'est-à-dire dans la salle souterraine qui était sous cette porte, je vis Joachim et Anne entourés d'une multitude d'anges qui brillaient d'une lumière céleste ; eux-mêmes resplendissaient, et ils étaient purs comme des esprits, se trouvant dans un état surnaturel où aucun couple humain n'avait été avant eux.


C'était, je crois, sous la porte dorée elle-même, que s'accomplissaient les épreuves et les cérémonies de l'absolution pour les femmes accusées d'adultère, ainsi que d'autres expiations.


Il y avait cinq passages souterrains de ce genre au-dessous du temple ; il y en avait aussi un sous l'endroit où demeuraient les vierges. On y était conduit pour certaines expiations déterminées '. Je ne sais pas si d'autres avant Joachim et Anne passèrent par ce chemin, mais, dans tous les cas, je crois que ce fut un cas très rare. Je ne me souviens pas bien non plus si c'était lu coutume lors des sacrifices offerts par des personnes stériles. Dans cette circonstance, il fut ordonné aux prêtres de régler ainsi les choses.


La soeur Emmerich est d'accord en ceci avec ce que disent les plus anciens livres juifs. (voyez, par exemple, Mischna. Tract. Tamid., c. v, et Sotah., c.I)


Il est bon de considérer qu'à cet endroit même du temple, au-dessus duquel les femmes accusées d'adultère étaient soumises au jugement de Dieu au moyen du breuvage amer appelé l'eau de jalousie (Num., V). puis punies ou justifiées, à cet endroit, disons-nous, où les impurs étaient purifiés, furent données la grâce et la bénédiction pour la Conception sans tache de la Mère de Jésus-Christ, dans l'union duquel avec l'Eglise le mariage est un grand sacrement (Eph., V, 32), et qui s'est offert en sacrifice expiatoire pour expier l'adultère de l'humanité d'avec son Dieu, et devenir le fiancé des âmes rachetées par lui.


XVIII Célébration de la fête de la Conception en divers lieux. Introduction. Détails personnels.


Le 8 décembre 1820, fête de l'1mmaculée conception de Marie, l'âme de la soeur, pendant le cours de ses contemplations et de ses prières, se trouva comme transportée à travers une grande partie de la terre. Nous plaçons ici quelque chose de ce qui nous fut communiqué à ce sujet, pour donner une idée de ces sortes de voyages en esprit.


Elle alla à Rome, se trouva près du saint Père, visita en Sardaigne une pieuse religieuse qu'elle aimait beaucoup, toucha Palerme, passa en Palestine, ensuite dans l'Inde. Elle alla aussi en Abyssinie, dans une ville de Juifs, située sur une haute chaîne de montagnes ; elle en visita la souveraine, qui s'appelait Judith ', et s'entretint avec elle du Messie, de la fête de la Conception de sa mère, du saint temps de l'Avent et de la fête prochaine de Noël. Dans le cours de ce voyage, elle fit tout ce que, dans un voyage de ce genre, aurait fait, suivant l'occasion, un consciencieux missionnaire : elle pria, enseigna, secourut, consola et s'informa.


Cette nuit, dit-elle, ayant fait en songe un voyage dans la ; terre promise, je vis tout ce que j'ai raconté de la Conception de la sainte Vierge. Je passai ensuite aux contemplations journalières des années de prédication de Notre Seigneur, et j'en étais aujourd'hui au 8 décembre de la troisième année. Je ne trouvai pas Jésus dans la terre promise ; mais je fus conduite par mon guide au delà du Jourdain, en Arabie, où le Seigneur, accompagné de trois disciples, se trouvait dans une ville de tentes des trois rois mages : c'était là qu'ils s'étaient établis à leur retour de Bethléhem.


Lorsque l'écrivain mit sur le papier le récit très circonstancié de ses rapports avec Judith et sa description des lieux, il avait conjecturé, d'après la direction de son voyage, qu'il s'agit de l'Abyssinie. Plusieurs années après la mort de la soeur, il trouva dans les voyages de Bruce et de Salt la mention d'une colonie juive établie sur la haute chaîne de Samen en Abyssinie, et dont le chef s'appelait toujours Gédéon, ou, lorsque c'était une femme, Judith. Ce dernier nom, comme on le voit, a été indiqué par la soeur Emmerich.


XIX Les rois mages fêtent la Conception de Marie.


Je vis que deux des trois rois mages qui vivaient encore, à dater d'aujourd'hui, 8 décembre, célébraient avec leur tribu une fête de trois jours. Quinze ans avant la naissance du Sauveur, ils avaient vu, pour la première fois, dans cette nuit, se lever l'étoile annoncée par Balaam (Num XXIV, 17), qu'eux et leurs ancêtres avaient attendue si longtemps en observant constamment le ciel. Ils y avaient aperçu l'image d'une vierge qui tenait d'une main un sceptre, de l'autre une balance ayant sur l'un de ses plateaux un bel épi de blé, sur l'autre une grappe de raisin faisant contrepoids. Depuis leur retour de Bethléhem, ils célébraient annuellement, à partir du 8 décembre, une fête de trois jours, etc.


Je vis qu'à la suite de cette connaissance qu'ils avaient eue le jour de la Conception de Marie, quinze ans avant la naissance de Jésus-Christ, ces adorateurs des astres a aient aboli une horrible coutume religieuse qui avait été depuis longtemps en usage parmi eux, par suite de révélations mal comprises et obscurcies par de malignes influences : savoir, un abominable sacrifice d'enfants. Ils avaient en différents temps sacrifié de diverses manières des hommes et des enfants.


Je vis que, dans l'époque antérieure à la Conception de Marie, ils avaient la coutume suivante : ils prenaient l'enfant d'une des plus chastes et des plus pieuses parmi les femmes de leur religion, laquelle se trouvait heureuse d'offrir ainsi son nourrisson. L'enfant était écorché et recouvert de farine destinée à absorber le sang. Ils mangeaient cette farine imprégnée de sang comme un aliment sacré, et recommençaient cet affreux repas jusqu'à ce que le sang fût épuisé. En dernier lieu, la chair de l'enfant était coupée en petits morceaux, distribuée et mangée',


Je les vis accomplir cette cérémonie abominable avec beaucoup de simplicité et de dévotion, et il me fut dit qu'ils en étaient venus à cette horrible coutume par suite de l'altération et de la fausse interprétation de certaines traditions prophétiques figuratives sur la sainte Cène.


Je vis ces abominations en Chaldée, dans le pays de Mensor, l'un des trois rois mages. Je le vis aussi le jour de la Conception de Marie recevoir dans une vision une illumination d'en haut, à la suite de laquelle l'horrible usage fut aboli.


Il est remarquable de voir les écrivains des premiers siècles de l'Eglise qui parlent des accusations portées par les paiens contre les chrétiens, et entre autres Minucius Félix, rapporter aussi ces calomnies. Les chrétiens, selon leurs accusateurs, présentaient à celui qu'ils initiaient à leur religion un enfant recouvert de farine pour mieux cacher le meurtre dont il avait été victime. Le néophyte devait percer plusieurs fois l'enfant avec un couteau. Ils buvaient avec avidité le sang qui ruisselait, coupaient l'enfant en petits morceaux et le mangeaient en entier. Ce crime, commis en commun, était devenu pour eux la garantie réciproque du silence et de l'observation du secret relativement à d'autres pratiques infâmes par lesquelles se terminaient leurs assemblées. L'origine de cette accusation ne viendrait-elle pas des sacrifices d'enfants attribués ici a ces adorateurs des astres qui furent des premiers à embrasser le Christianisme ? Quoi qu'il en soit, on peut conjecturer que des idées semblables à celles que nous trouvons ici chez les mages relativement a des prophéties mal comprises, ont été aussi le mobile secret qui a fait égorger par les Juifs des enfants chrétiens, et, s'il en est ainsi, ces ténébreuses abominations seraient une des nombreuses raison' qui doivent porter à plaindre le malheureux judaïsme plutôt qu'à le mépriser. Il y a là une aspiration vers le Sauveur, quoiqu'étrangement défigurée. Les faits de ce genre, qui semblent s'être si souvent reproduits, n'ont jamais été, que nous sachions, soigneusement recueillis et examinés sans prévention. Dans les temps modernes' on a généralement trouvé plus commode de les traiter légèrement, ainsi qu'on fait pour toutes les énigmes historiques dont l'origine se perd dans d'obscures profondeurs, et de ne voir là que des accusations portées par un aveugle fanatisme.


Je le vis sur une haute pyramide en bois occupé à observer les étoiles, ce que ces gens continuaient à faire depuis des siècles, poussés à cela par d'antiques traditions. Je vis le roi Mensor, pendant qu'il regardait le ciel, tomber tout à coup en extase : il avait perdu connaissance. Ses compagnons vinrent et le firent revenir à lui ; mais, au commencement, il ne paraissait pas les reconnaître. Il avait vu l'étoile avec la Vierge, la balance, l'épi, la grappe de raisin, et reçu un avertissement intérieur qui lui fit abolir ce culte abominable.


La nuit, pendant mon sommeil, ayant vu à ma droite l'horrible scène du meurtre de l'enfant, je me retournai de l'autre côté pleine d'effroi ; mais je le vis encore à ma gauche. Alors je priai Dieu de tout mon coeur afin qu'il me délivrât de cet affreux spectacle ; quand je me réveillais, j'entendis sonner l'heure, et mon fiancé céleste me dit : " Vois les traitements encore pires que me font subir tous les jours beaucoup de gens dans le monde entier ".


Et quand je regardai autour de moi, bien des choses encore plus horribles que ces sacrifices d'enfants passèrent devant mon âme ; je vis bien souvent Jésus lui-même cruellement immolé sur l'autel par la célébration indigne et criminelle des saints mystères. Je vis devant des prêtres sacrilèges la sainte hostie reposer sur l'autel comme un enfant Jésus vivant qu'ils coupaient en morceaux avec la patène et qu'ils martyrisaient horriblement. Leur messe, quoique accomplissant réellement le saint sacrifice, m'apparaissait comme un horrible assassinat.


La même cruauté me fut montrée dans les mauvais traitements exerces envers les membres de Jésus-Christ, envers ceux qui confessent son nom et que Dieu a adoptés pour enfants ; car je vis une foule innombrable de malheureux opprimés, tourmentés et persécutés de nos jours en plusieurs lieux, et je vis toujours qu'on maltraitait par là Jésus-Christ en personne. Nous sommes à une époque déplorable où il n'y a plus de refuge contre le Mal : un épais nuage de péchés pèse sur le monde entier, et je vois les hommes faire les choses les plus abominables avec une tranquillité et une indifférence complètes.


Je vis tout cela dans plusieurs visions pendant que mon âme était conduite à travers divers pays sur toute la terre à la fin, je revins aux contemplations relatives à la fête de la Conception de Marie.


I De même que le sacrifice du Calvaire fut accompli par les ordres cruels de prêtres impies et par les mains sanguinaires de bourreaux effrénés, de même le sacrifice de l'autel, quand il est célébré indignement, reste un vrai sacrifice, mais le consécrateur joue à la fois le rôle de prêtres juifs qui condamnèrent Jésus, et des soldats qui exécutèrent la sentence.


XX Sur l'histoire de la fête de la Conception de Marie.


Je ne saurais pas bien expliquer la façon merveilleuse dont j'ai voyagé cette nuit en songe. J'étais dans les contrées du monde les plus différentes, aux époques les plus diverses, et je vis souvent célébrer la tête de la Conception de Marie. Je me trouvai près d'Ephèse, et je vis célébrer cette fête dans la maison de la Mère de Dieu, qui servait encore d'église. Ce devait être à une époque très reculée, car je vis le chemin de la Croix érige par Marie elle-même parfaitement conservé ; le second fut érigé à Jérusalem, le troisième à Rome.


Les Grecs célébraient cette fête longtemps avant leur séparation de l'Eglise. Je me souviens encore un peu' quoique non bien distinctement, de ce qui y donna lieu. Je vis notamment un saint, saint Sabas, à ce que je crois, qui Put une apparition relative à immaculée Conception. Il vit l'image de la sainte Vierge, debout sur le globe terrestre, écrasant la tête du serpent, et il connut que la sainte vierge seule avait été conçue sans blessure et sans souillure de la part du serpent'.


I Le 5 juillet 1835, l'écrivain apprit par les notes de Baronius sur le martyrologue romain (8 décembre) qu'il y a dans la bibliothèque Sforza un manuscrit, n° 65, où se trouve un discours tenu à Constantinople par l'empereur Léon (monté sur le trône en 880), et duquel il résulte que la fête de la Conception est de beaucoup antérieure à son époque. Suivant Canisius (de Beatissima virgine Maria, lib I, c. 7.) et Galatinus (de Arcanis catholicoe veritatis, llb. VII, c. 5), cette fête est mentionnée dans le Martyrologe de saint Jean Damascène. Le saint abbé Sabas, dont parle la soeur Emmerich, est connu comme ayant été très dévot à Marie. Il mourut en 590.


Je vis aussi qu'une église des Grecs, ou qu'un évêque de leur nation ne voulut pas admettre cela ; cette image vint alors vers eux sur la mer. Je vis cette apparition planer sur les flots, se diriger vers leur église et se montrer au-dessus de l'autel ; après quoi ils commencèrent à célébrer cette fête. On possédait dans cette église un portrait de la sainte Vierge fait par saint Luc. Elle était représentée vêtue de blanc, avec un voile de la même couleur, et ressemblait beaucoup à ce qu'elle avait été de son vivant. Je crois vaguement qu'il venait de Rome, où l'on n'a d'elle qu'un portrait en buste. Ce portrait avait été placé sur un autel à la place où avait apparu l'image de l'Immaculée Conception. Je crois qu'il est encore à Constantinople, où je l'ai vu honorer à une époque ancienne.


Je me suis trouvée en Angleterre, et j'y ai vu introduire et célébrer cette fête à une époque très ancienne. Avant-hier, jour de Saint Nicolas, j'ai vu à ce sujet le miracle suivant : je vis un abbé d'Angleterre sur un navire pendant une tempête qui menaçait de l'engloutir. On y invoquait avec instance le secours de la mère de Dieu Je vis alors apparaître saint Nicolas de Myre, qui planait sur la mer près du navire ; il dit à l'abbé que Marie l'envoyait pour lui annoncer qu'il devait célébrer le 8 décembre la fête de la Conception, et que le navire arriverait au port. L'abbé lui ayant demandé quelles prières il fallait dire, il lui fut répondu qu'il fallait se servir de celles de la fête de la Nativité de la sainte Vierge. Lors de l'introduction de la fête, le nom d'Anselme fut aussi prononcé' ; mais j'ai oublié les détails. Je vis aussi l'introduction de cette fête en France, et comment saint Bernard s'y montra opposé, parce que la chose ne venait pas de Rome'.


Ici s'arrêtent les éclaircissements ajoutés par la soeur Emmerich à son récit de la Conception de Marie. Nous allons reprendre maintenant l'histoire de sa sainte Vie.


Il est remarquable qu'elle ne nomme pas saint Anselme comme étant l'abbé qui vit l'apparition, quoique Pierre de Natalibus, in Catalog Sanci, lib. I, c. 42, raconte de lui la même chose, ainsi que l'écrivain l'a lu eu juillet 1835. Ce que dit la soeur paraît confirmer l'allégation de Baronius dans ses notes sur le martyrologe romain, où il dit que cet avertissement fut donné dans des circonstances comme celles qui ont été décrites, non pas à saint Anselme, mais antérieurement : à l'abbé bénédictin Elfin ou Elpin, dans l'année 1070. J. Carlhagena, dans ses homélies de Arcanis Deipare, t. I, hom. 19, affirme la même chose d'après une lettre de saint Anselme aux évêques d'Angleterre. Ce saint archevêque de Cantorbéry fut le premier qui introduisit cette fête en Angleterre.


La fête fut introduite en 1175 par le chapitre de Lyon, auquel Saint Bernard écrivit pour s'y opposer.