CHAPITRE QUATRIEME Du baptême de Jésus au commencement du jeûne des quarante jours.
- Jésus visite les lieux où s'est arrêtée Marie dans son voyage (28 septembre.) Jésus, marchant plus vite que Lazare, arriva deux heures avant lui au lieu où Jean baptisait. Le jour commençait à poindre lorsqu'il se trouva dans le voisinage de ce lieu, au milieu d'une troupe de gens qui allaient aussi au baptême. Il faisait route avec eux et ils ne le connaissaient pas : toutefois ils le regardaient attentivement, car il y avait en lui quelque chose qui les frappait. Quand ils arrivèrent, il était tout à fait jour. une multitude considérable était rassemblée et Jean prêchait avec beaucoup de feu sur l'approche du Messie, sur la pénitence et sur ce qu'il devait se retirer bientôt. Jésus se tenait au milieu de la foule des auditeurs. Jean eut le sentiment de sa présence ; il le vit et fut rempli d'une joie et d'une ardeur inaccoutumées : mais il n'interrompit pas son discours et se mit ensuite à baptiser. Le Sauveur Suivit donc Jean et deux de ses disciples André et Saturnin (André était venu ici de Capharnaum avec les neuf disciples et compagnons du Seigneur dont il a été parlé plus haut) il se rendit sur l'île en passant le pont et entra dans une petite tente dressée au côté oriental de la fontaine baptismale pour qu'on pût s'y déshabiller et s'y rhabiller. Les disciples vinrent avec lui sur l'île, mais les hommes se tinrent au bout du pont pendant qu'une grande foule se pressait sur le rivage. Trois hommes environ pouvaient se tenir sur le pont à côté les uns des autres : Lazare était l'un de ceux qui se trouvaient le plus en avant. La fontaine baptismale était dans une excavation octogone, descendant en pente douce, au fond de laquelle un rebord également octogone entourait la fontaine elle même : celle ci était en communication avec le Jourdain par cinq conduits souterrains. L'eau entourait le rebord tout entier et entrait dans la fontaine par des brèches qu'on y avait laissées. Trois de ces coupures étaient visibles au côté septentrional de la fontaine par où l'eau entrait, les deux autres par où l'eau s'écoulait, placées au côté méridional, étaient recouvertes, car c'était là le lieu de la cérémonie et celui par lequel on avait accès à la fontaine : c'est pourquoi l'on n'y voyait pas l'eau circuler autour du rebord. De ce côté, des marches recouvertes de gazon conduisaient jusqu'à la fontaine en descendant la pente de l'excavation qui avait à peu près trois pieds de hauteur. Au sud est, sur le bord de l'eau était une pierre triangulaire d'un rouge brillant encastrée dans le rebord de la fontaine : un des côtés était tout contre l'eau et la pointe était tournée vers la terre. Ce côté du rebord auquel les marches conduisaient était un peu plus élevé que celui du nord où étaient les trois ouvertures pour laisser arriver l'eau. Du côté du sud ouest on descendait par une marche sur l'autre partie du rebord qui était un peu plus basse et c'était par là seulement qu'on pouvait y arriver. Dans la fontaine même, devant la pierre triangulaire, s'élevait un arbre verdoyant à la tige élancée. L'île n'était pas parfaitement unie, mais un peu plus élevée au milieu : elle était en partie sur fond de rocher ; il y avait aussi des places où le sol était moins dur. Elle était couverte de gazon. Au milieu s'élevait un arbre dont les branches s'étendaient au loin ; les douze arbres plantés autour de l'île s'unissaient par le sommet aux branches de cet arbre qui était au centre, et entre ces douze arbres il y avait une haie formée de plusieurs petits arbustes. Les neuf disciples de Jésus qui avaient toujours été avec lui dans les derniers temps descendirent a la fontaine et se tinrent sur le rebord. Jésus ôta son manteau dans la tente, puis sa ceinture et une robe de laine jaunâtre, ouverte par devant et qui se fermait avec des lacets, puis cette bande de laine étroite qu'on portait autour du cou, croisant sur la poitrine et qu'on roulait autour de la tête la nuit et par le mauvais temps. Il lui restait encore sur le corps une chemise brune faite au métier avec laquelle il sortit et descendit au bord de la fontaine où il l'ôta en la retirant par la tête. Il avait autour des reins une bande d'étoffe qui enveloppait chacune des jambes jusqu'à la moitié des pieds. Saturnin reçut tous ces vêtements et les donna à garder à Lazare, qui se tenait au bord de l'île. Alors Jésus descendit dans la fontaine où l'eau lui venait jusqu'à la poitrine. Il avait le bras gauche passé autour de l'arbre, et il tenait la main droite sur sa poitrine ; la bandelette qui ceignait les reins était détachée aux extrémités, et flottait sur l'eau. Jean était debout au bord méridional de la fontaine : il tenait un plat avec un large rebord, à travers lequel couraient trois cannelures : il se baissa, puisa de l'eau et la fit couler en trois filets sur la tête du Seigneur. un filet coula sur le derrière de la tête, un autre sur le milieu, le troisième sur le front et le visage. Je ne sais plus bien les paroles que Jean prononçait en administrant le baptême, mais c'étaient à peu près celles ci : "Que Jéhova, par les chérubins et les séraphins, répande sa bénédiction sur toi, avec la sagesse, l'intelligence et la force. "Je ne sais pas bien si ce furent précisément ces trois derniers mots ; mais c'étaient trois dons pour l'esprit, l'âme et le corps ; et là dedans était aussi compris tout ce dont chacun avait besoin pour rapporter au Seigneur un esprit, une âme et un corps renouvelés. Pendant que Jésus sortait de la fontaine, André et Saturnin, qui se tenaient auprès de la pierre triangulaire, à la droite du précurseur, l'enveloppèrent d'un drap, pour qu'il s'essuyât, et lui passèrent une longue robe baptismale de couleur blanche (1) ; et, quand il fut monté sur la pierre rouge triangulaire qui était à droite de la fontaine, ils lui mirent la main sur les épaules pendant que Jean la lui mettait sur la tête. Quand cela fut fait, au moment où ils se préparaient à remonter les degrés, la voix de Dieu se fit entendre au dessus de Jésus, qui se tenait, seul, en prière, sur la pierre. Il vint du ciel un grand bruit, comme le bruit du tonnerre, et tous les assistants tremblèrent et levèrent les yeux en haut. une noce blanche et lumineuse s'abaissa, et je vis au dessus de Jésus une forme ailée resplendissante, dont la lumière l'inonda comme un fleuve. Je vis aussi comme le ciel ouvert, et l'apparition du Père céleste sous sa forme accoutumée, et j'entendis, dans la voix du tonnerre, ces paroles : " C'est mon Fils bien aimé en qui je me complais ". Note 1 : Auparavant on ne mettait sur les baptisés qu'un drap blanc de petite dimension, mais à partir du baptême de Jésus, on en employa un plus grand. Jésus était tout inondé de lumière, et on pouvait à peine le regarder : toute sa personne était transparente ; je vis aussi des anges autour de lui. Je vis, à quelque distance, Satan paraître au dessus des eaux du Jourdain : c'était une forme noire et ténébreuse, semblable à un nuage, et, dans ce nuage, je vis s'agiter des dragons noirs et d'autres bêtes hideuses qui se pressaient autour de lui. Il semblait que, pendant cette effusion de l'Esprit Saint, tout ce qu'il y avait de mal, de péché, de venin dans le pays tout entier, se montrât sous des formes visibles, et se retirât dans cette figure ténébreuse comme dans sa source. C'était un spectacle horrible, mais rehaussant l'éclat indescriptible, la joie et la clarté qui se répandaient sur le Seigneur et sur l'île. La sainte fontaine brillait jusqu'au fond, et tout était transfiguré. On vit alors les quatre pierres sur lesquelles l'arche d'alliance avait reposé, resplendir joyeusement au fond de la fontaine : sur les douze pierres où s'étaient tenus les lévites, se montrèrent des anges en adoration ; car l'esprit de Dieu avait rendu témoignage, devant tous les hommes, à la pierre vivante et fondamentale, à la pierre angulaire de l'Eglise, pierre choisie et précieuse, autour de laquelle nous devons être posés comme des pierres vivantes pour former un édifice spirituel, un sacerdoce saint, afin de pouvoir offrir à Dieu, par son fils bien aimé en qui il se complaît, un sacrifice spirituel qui lui soit agréable. Cependant Jésus remonta les degrés et se rendit sous la tente voisine de la fontaine ; Saturnin lui porta ses habits que Lazare avait gardés, et Jésus s'en revêtit. Il sortit alors de la tente, et, entouré de ses disciples, il alla sur la partie découverte de l'île, près de l'arbre du milieu. Pendant ce temps, Jean parlait au peuple, en faisant éclater sa joie, et il rendait témoignage de Jésus, proclamant qu'il était le Fils de Dieu et le Messie promis. Il rappela toutes les promesses faites aux patriarches et aux prophètes, lesquelles se trouvaient accomplies maintenant ; il parla de ce qu'il avait vu, de la voix de Dieu que tous avaient entendue, et déclara qu'il se retirerait bientôt, lorsque Jésus reviendrait ; il dit encore que l'arche d'alliance s'était reposée en ce lieu, lorsque Israël avait pris possession de la Terre Promise, et qu'en ce même lieu, celui qui était le sceau à l'alliance avait reçu le témoignage de son Père, le Dieu tout puissant, Il dit à tous d'aller à lui désormais, et proclama bienheureux le jour où l'attente d'Israël avait été remplie. Pendant ce temps, il était encore venu beaucoup de personnes parmi lesquelles se trouvaient des amis de Jésus ; je vis dans la foule Nicodème, Obed, Joseph d'Arimathie, Jean Marc et d'autres encore. Jean invita André à annoncer dans la Galilée que le Messie avait reçu le baptême. Jésus, déclara simplement que Jean avait dit la vérité ; il ajouta qu'il allait s'éloigner pour un peu de temps ; qu'ensuite tous les malades et les affligés pourraient venir à lui ; qu'il voulait les consoler et les secourir ; jusque là, ils devaient se préparer, puis il entrerait dans le royaume que lui avait donné son Père céleste. Jésus dit cela sous forme de parabole, prenant pour comparaison un fils de roi, qui avant de prendre possession de son trône, se retire à l'écart, demande l'assistance de son père, et se recueille, etc. Il y avait parmi les assistants quelques pharisiens qui interprétaient ces paroles de la façon la plus ridicule. Ils disaient : " Il n'est peut être pas le fils du charpentier, mais l'enfant substitué de quelque roi, qui maintenant va partir, rassembler ses gens et entrer à Jérusalem. " Cela leur paraissait étrange et extravagant, etc. Jean continua, ce jour là, à baptiser tous les assistants sur l'île, dans la fontaine baptismale de Jésus. La plupart étaient des gens qui plus tard se réunirent aux disciples de Jésus. Ils se mettaient dans l'eau qui entourait le rebord de la fontaine, et Jean, debout sur ce rebord, les baptisait. Quant à Jésus, il quitta ce lieu avec les neuf disciples et quelques autres qui se joignirent à lui ici. Lazare, André et Saturnin le suivirent. Ils avaient, par son ordre, rempli une outre d'eau de la fontaine où il avait été baptisé, et ils la portaient avec eux. Les assistants se jetèrent aux pieds de Jésus, et le supplièrent de rester avec eux. Il leur promit de revenir et s'en alla. ( 29 et 30 septembre. ) Jésus, avec ses compagnons, fit encore ce jour là environ deux lieues dans la direction de Jérusalem, et il arriva à un petit endroit dont le nom ressemblait à Bethel. Il y avait là une espèce d'hôpital où se trouvaient beaucoup de malades, et où Jésus entra. Je le vis prendre là de la nourriture avec ceux qui l'accompagnaient. Il vint aussi plusieurs gens âgés. On salua Jésus très solennellement, en qualité de prophète, car on savait déjà par des gens venus du baptême, ce que Jean avait dit de lui. Jésus alla avec ses disciples dans la chambre de tous les malades. Il les consola tous et leur dit qu'il reviendrait les guérir, s'ils croyaient en lui. Je crois qu'il en guérit un. il était tout décharné, il avait en outre des ulcères à la tête, et une lèpre blanche. Jésus le bénit et lui commanda de se lever ; il se leva et s'agenouilla devant Jésus. Plusieurs personnes furent baptisées ici par le ministère d'André et de Saturnin. Jésus fit placer sur un escabeau, dans une pièce de la maison, un grand bassin plein d'eau dans lequel un enfant aurait pu tenir couché ; qu'il bénit cette eau et y fit une aspersion avec une branche. C était, je crois, avec de l'eau baptismale prise dans l'outre apportée par les disciples. Les néophytes se dépouillaient jusqu'à la poitrine, courbaient la tête au dessus du bassin, et Saturnin les baptisait. Je crois qu'il se servait d'une formule indiquée par Jésus, et qui était autre que celle de Jean, mais je ne m'en souviens pas bien clairement. Jésus célébra le sabbat en ce lieu : le lendemain André partit pour la Galilée. Quant à Jésus, il se rendit dans une ville nommée Luz. Il alla à la synagogue, et fit un long discours où il expliqua le sens mystérieux de plusieurs anciennes figures des Ecritures. Je me souviens qu'il parla des enfants d'Israël, rappela qu'après avoir traversé la mer Rouge, ils errèrent longtemps dans le désert, à cause de leurs péchés ; qu'ensuite, ayant traversé le Jourdain, ils possédèrent la Terre Promise. Maintenant, disait il, le temps était venu où cela devait arriver réellement par le baptême dans le Jourdain : ce n'avait été alors qu'une figure, mais maintenant, s'ils étaient fidèles et observaient les commandements de Dieu, ils entreraient en possession de la Terre Promise et de la cité de Dieu. Il entendait cela spirituellement de la Jérusalem céleste. Mais eux croyaient toujours qu'il s'agissait d'un royaume de ce monde et de leur affranchissement du joug des Romains. Il parla de l'arche d'alliance et de la rigueur de la loi ancienne, sous laquelle celui qui s'approchait je l'arche pour la toucher, était puni de mort : mais maintenant la loi était accomplie, et la grâce était venue dans la personne du Fils de l'homme il dit encore que le temps était arrivé où l'ange devait ramener Tobie dans la Terre Promise, après la longue captivité où il avait langui, toujours fidèle aux préceptes divins. Il parla encore de Judith, la veuve qui avait tranche la tète à l'Assyrien Holopherne pendant son ivresse, et délivré Bethulie réduite à l'extrémité : mais maintenant c'était la vierge qui, ayant été dès l'éternité ; allait croître et grandir, et beaucoup de têtes orgueilleuses qui menaçaient Bethulie, allaient tomber. Il entendait parler de l'Eglise et de sa victoire sur le prince de ce monde. Jésus parla encore de beaucoup de symboles du même genre, qui maintenant trouvaient tous leur accomplissement. Toutefois il ne disait jamais : " C'est moi ", mais parlait toujours comme d'une tierce personne. Il parla en outre de ce qu'il fallait pour le suivre, dit qu'on devait tout quitter et ne pas s'inquiéter outre mesure de sa subsistance ; car c'était chose plus importante d'être régénéré que de trouver à se nourrir ; que s'ils renaissaient de l'eau et du Saint Esprit, celui là les nourrirait qui les aurait régénérés. Il ajouta que ceux qui voulaient le suivre devaient quitter tous les leurs et s'abstenir du mariage, car ce n'était pas le temps de semer, mais le temps de récolter. Il parla aussi du pain céleste. Ses auditeurs étaient saisis d'admiration et de respect, mais ils entendaient tous ses enseignements dans un sens matériel et terrestre. Lazare le quitta ici : les autres amis de Jérusalem l'avaient déjà quitté près du Jourdain. Les saintes femmes, qui étaient chez Suzanne à Jérusalem, se sont mises en route par le désert. Je crois qu'elles vont à Thébez, où Jésus doit les retrouver. (1er octobre.) Jésus quitta Luz et traversa le désert. Il alla dans la direction du midi avec ses disciples, dont une douzaine à peu près était avec lui. Il y en a deux, outre Saturnin, qui l'ont suivi après le baptême. Le fils de Véronique est déjà parti hier, peut être pour porter des nouvelles aux saintes femmes. Dans la suite de ce voyage, je vis une fois Jésus et les disciples marcher entre deux rangées de dattiers, et comme les disciples hésitaient à ramasser les fruits tombés par terre et à les manger, Jésus leur dit qu'ils pouvaient manger ces fruits en toute sécurité ; il ajouta que dorénavant ils ne devaient pas être si scrupuleux, qu'ils devaient chercher la pureté dans les affections de leur âme et dans leurs discours, et non la faire dépendre de ce qui entre dans la bouche. Je vis Jésus sur la route visiter une dizaine de malades dans une rangée de maisons isolées, les consoler et en guérir quelques uns. Plusieurs personnes se mirent là à sa suite. Il vint après cela dans un petit endroit appelé Ensemès, dont les habitants allèrent à sa rencontre. On avait déjà annoncé l'arrivée prochaine du nouveau prophète. Il vint beaucoup de gens tenant des enfants par la main, qui le saluèrent et se prosternèrent devant lui. Jésus les accueillit avec bonté. C'étaient des gens considérables de l'endroit qui le conduisirent chez eux ; mais les pharisiens l'emmenèrent de là à l'école. Ils étaient bien disposés et se réjouissaient d'avoir un prophète chez eux ; mais quand ils apprirent par les disciples que Jésus était le fils de Joseph, le charpentier de Nazareth, ils trouvèrent dans leur for intérieur bien des choses à blâmer en lui. Ils avaient cru avoir affaire à un autre prophète. Comme Jésus parla du baptême, ils lui demandèrent quel baptême était le meilleur, le sien ou celui de Jean' Jésus répéta ce que Jean avait dit de son baptême et de celui du Messie, mais il ajouta que ceux qui méprisaient le baptême du précurseur tiendraient également peu de compte du baptême du Messie. Il ne dit pourtant jamais : " C'est moi " mais parla toujours à la troisième personne, de même que nous le voyons, dans l'Evangile, dire : " le Fils de l'homme . " Il prit encore un repas dans la maison où il était entré, et fit la prière en commun avec ses disciples avant qu'on ne se retirât pour dormir. De Luz à Ensemès, Jésus allait dans la direction du midi. Près d'Ensemès coulait le torrent de Cédron : il vient de la vallée où Judas se pendit ; il coule le long de la vallée de Josaphat, au pied de la montagne des Oliviers, puis ensuite va à l'orient se jeter dans la mer Morte. Il y avait ici beaucoup de montagnes : la chaîne s'étend jusqu'au mont Amon, près du désert de Giah, où Jésus se trouvait le soir qui précéda son arrivée à Bethanie. (2 octobre.) Le jour suivant je vis Jésus avec ses compagnons quitter Ensemès et entrer dans la Judée en traversant le torrent de Cédron. Il va le plus souvent par des chemins détournés ; il me semble qu'il veut passer par les bourgades situées à un certain rayon autour du lieu où Jean baptise, et suivre les vallées où la sainte Vierge s'est arrêtée dans son voyage à Bethléem avec saint Joseph. Il veut visiter Bethléem même, et aussi quelques lieux où la sainte Vierge a passé la nuit lors de la fuite en Egypte. Il veut enseigner et guérir dans tous ces endroits, puis, en revenant, passer devant le lieu du baptême. Le temps est nébuleux et assez frais : je vois parfois de la neige ou de la gelée blanche dans les vallées profondes ; mais du côté exposé au soleil tout est vert et riant. Partout on voit encore des fruits sur les arbres. Le Seigneur et les disciples en mangent sur leur chemin. Jésus maintenant n'entre pas dans les villes, parce que déjà partout on parle beaucoup de son baptême, de ce qui s'y est passé et de ce qui a été dit par Jean à Jérusalem aussi il n'est bruit que de cela. Jésus veut aussitôt après son retour du désert, prendre la Galilée pour point de départ, et il ne parcourt maintenant ce pays ci que dans le désir charitable de décider encore quelques personnes à aller au baptême il ne va pas toujours avec tous les disciples ensemble ; souvent il n'y en a que deux avec lui. Ils se dispersent dans des maisons de bergers isolées et écartées de la route, et ils redressent les idées de ces gens ; car tous ont une si haute opinion de Jean, qu'ils regardent Jésus comme n'étant que l'un de ceux qui l'assistent, et ils le nomment seulement l'Assistant. Les disciples leur font connaître l'apparition du Saint Esprit et les paroles qui se sont fait entendre pendant le baptême. Ils leur disent ce que Jean a déclaré, qu'il n'est que celui qui prépare les voies du Seigneur, et que c'est pour cela aussi qu'il fraye le chemin avec tant d'ardeur et de véhémence Alors les bergers et les tisserands, qui sont ici en grand nombre dans les vallées, viennent à Jésus, et écoutent sous des arbres et des hangars ses courtes instructions : ils se prosternent devant lui : il les bénit et les exhorte. Pendant qu'ils étaient en route, il expliqua aussi aux disciples, dont quelques uns avaient entendu les paroles proférées lors du baptême : " C'est mon Fils bien aimé" ; que son Père céleste a dit cela de tous ceux qui ont reçu sans péché le baptême du Saint Esprit. Cette contrée est celle par laquelle passèrent Joseph et Marie allant à Bethléhem. Joseph avait appris ici que son père avait possédé des pâturages dans les environs. Il avait fait un détour d'une journée et demie environ du côté de Jérusalem ; il avait évité toutes les villes, et avait préféré passer par ici en faisant de petites journées de deux heures, parce que les maisons de bergers étaient très rapprochées les unes des autres : car la sainte Vierge ne pouvait ni marcher ni rester longtemps assise sur sa selle sans se fatiguer beaucoup. Les deux stations principales dé Jésus furent aujourd'hui deux maisons de bergers où ses parents s'étaient adressés alors Il arriva avant midi à cette maison où Marie avait été mal accueillie, et il enseigna la foule qui s'était rassemblée. Le maître de la maison en question était un vieillard grossier ; il ne voulut pas non plus recevoir Jésus, et il se comporta brutalement, à la façon de certains de nos paysans qui disent souvent : " Qu'ai je à faire de ceci ou de cela ? Je paie mes redevances et je vais à l'église ", vivant du reste comme il leur plaît. Les gens de cette maison disaient aussi : " Qu'avons nous besoin de cela ? Nous avons notre loi qui date de Mo'se ; c'est Dieu même qui nous l'a donnée ; il ne nous faut rien de plus. "Alors Jésus leur parla de l'hospitalité et de la miséricorde que tous les anciens patriarches avaient exercée, car où serait cette bénédiction et ce qui la conserve, si Abraham avait repoussé les anges qui la lui apportèrent ? Le Seigneur leur dit encore en paraboles : que celui qui a repoussé la mère portant son enfant dans son sein, lorsqu'elle frappait à la porte, épuisée par la fatigue du voyage ; celui qui s'est moqué de son mari cherchant un gîte hospitalier, repoussait aussi le fils et le salut venant de lui et apporté par lui. Il leur dit cela en termes expressifs, que je vis ses paroles entrer dans le coeur de cet homme comme un coup de foudre : car c'était là la maison où l'on avait refusé d'accueillir Joseph et Marie lors de leur voyage à Bethléem, et où on l'avait repoussés avec des paroles injurieuses. Je reconnus bien la maison, et les plus vieux parmi ceux qui étaient présents furent frappés de stupeur : car sans nommer ni lui même ni sa mère, ni Joseph, il avait dit sous forme de parabole tout ce qu'ils avaient fait. Alors l'un d'eux se jeta à ses pieds et le pria de vouloir bien entrer chez lui et y prendre de la nourriture ; car il était certainement prophète, puisqu'il savait tout ce qui s'était passé en ce lieu trente ans auparavant. Mais Jésus ne voulut rien accepter de lui. il enseigna encore les bergers assemblés ; il leur dit que toutes les actions étaient la figure et le germe de celles qui leur succédaient ; que le repentir et la pénitence extirpaient les vieilles racines, et que l'homme qui se convertissait renaissait dans le baptême du Saint Esprit, et portait des fruits pour la vie éternelle. Je les vis aller plus loin à travers les vallées, et enseigner ça et là ; il y avait des possédés qui le poursuivaient de leurs cris, et se taisaient à son commandement. Dans l'après midi, Jésus arriva à une seconde maison de bergers, placée sur une hauteur, et où la sainte Vierge avait aussi logé. Le maître était à la tête de plusieurs troupeaux. Des bergers et des gens qui fabriquaient des tentes habitaient de longues rangées de maisons situées dans ces vallées. Ils tenaient de longues bandes d'étoffe déployées et travaillaient les uns en face des autres. Il y avait dans ces parages beaucoup de troupeaux de montons et aussi beaucoup d'animaux sauvages. Les colombes se promenaient en troupes comme des poulets, ainsi qu'une autre espèce de gros oiseaux à longue queue. On voyait aussi courir dans le désert des animaux avec de petites cornes, qui ressemblaient à des chevreuils. Ils n'étaient pas timides et se mêlaient aux troupeaux. Ici, Jésus fut accueilli très amicalement Les gens de la maison ainsi que les voisins et les enfants allèrent joyeusement à sa rencontre et se prosternèrent devant lui. La sainte Vierge et Joseph avaient reçu dans cette maison une hospitalité très bienveillante. Il s'y trouvait deux jeunes gens, enfants du maître du logis qui vivait encore, et un petit vieillard tout courbé, portant une petite houlette. Jésus prit de la nourriture : c'étaient des fruits et des herbes qu'on trempait dans une sauce, et des petits pains cuits sous la cendre. Ces gens étaient pieux et éclairés. Ils conduisirent Jésus dans la chambre où la sainte Vierge avait passé la nuit. Ils en avaient fait depuis longtemps un oratoire. Ce n'était autrefois qu'une division de la pièce où ils habitaient, mais plus tard ils l'avaient séparée du reste, et y avaient fait une entrée particulière. Ils avaient coupé les quatre angles de la chambre qu'ils avaient ainsi rendue octogone et surmonté la toiture d'une pointe tronquée. Au milieu, était suspendue une lampe ; on pouvait aussi ouvrir un jour dans le toit. Devant la lampe, était une espèce de table étroite comme nos tables de communion, ou ils pouvaient s'appuyer en priant. C'était joli et propre comme une chapelle. Le vieillard y conduisit Jésus et lui montra l'endroit où sa sainte Mère avait reposé ; il lui montra encore un endroit où avait dormi sa grand mère, sainte Anne, qui, elle aussi, s'était arrêtée là, lorsqu'elle avait été visiter la sainte Vierge à Bethléem. Ces gens avaient connaissance de la nativité de Jésus, de l'adoration des rois, des prédictions de Siméon et d'Anne dans le temple, de la fuite en Egypte et du merveilleux enseignement de Jésus au temple. Ils avaient fête plusieurs de ces anniversaires par des prières dans leur oratoire, et, dès le commencement, ils avaient fidèlement cru, espéré et aimé. Ils interrogèrent Jésus en toute simplicité et à la façon des gens de la campagne : " Que se passe t il donc maintenant, dirent ils, à Jérusalem, chez les grands personnages ? " Beaucoup de personnes entrèrent avec Jésus dans l'oratoire et je crois qu'il y enseigna. Il a aussi guéri ici. Le vieux berger le conduisit chez une voisine que la goutte retenait au lit depuis des années. Jésus la prit par la main et lui ordonna de se lever ; elle se leva aussitôt, remercia le Seigneur à genoux, et le reconduisit jusqu'à la porte. Elle marchait toute courbée, comme la belle mère de Pierre. Jésus se fit ensuite conduire par ces gens dans une vallée très profonde, où il y avait beaucoup de malades. Il en guérit plusieurs et donna des consolations à tous. Il guérit au moins dix personnes. Ici je ne vis plus rien. Jésus a passé la nuit chez les bergers. Jean continue toujours à baptiser. L'affluence est de plus en plus grande. L'arbre de la fontaine baptismale de Jésus a été placé dans le grand bassin qui sert pour le baptême, et il est d'un très beau vert. On descend dans ce bassin par des degrés ; il y entre plusieurs langues de terre sur lesquelles les gens viennent à la suite les uns des autres. Ils arrivent par un côté et s'en vont par l'autre. ( 3 octobre. ) Lorsque Jésus quitta la maison des bergers, qui est à environ cinq lieues de Bethléem, ces gens l'accompagnèrent. Ils étaient en relations intimes avec les bergers qui avaient visité Jésus dans la crèche ; voilà pourquoi ils étaient si bien disposés. Le Seigneur et les disciples firent hier beaucoup de détours ; des troupes de bergers et d'ouvriers se rassemblaient ça et là autour de lui, et il les instruisait par des comparaisons tirées de leur profession. Il les exhortait encore au baptême et à la pénitence, et parlait de l'approche du Messie et des jours de salut. Sur le chemin de Jésus, je vis au penchant de la montagne, dans une situation favorable, beaucoup de gens occupés de divers travaux dans les champs. Dans quelques endroits, je vis des vignes et des gens qui y travaillaient : je vis aussi serrer le grain entassé : je vis labourer, semer et planter. La fertilité était grande ici, quoique dans d'autres parties de ces y allées il y eût de la gelée blanche ou de la neige. Le blé n'était pas en gerbes : on le coupait à un demi pied environ au dessous de l'épi, et on attachait ensemble par le milieu deux faisceaux d'épis, de façon à ce que la tête des épis fît saillie des deux côtés. Ces faisceaux étaient entassés les uns sur les autres. On ne les rapportait pas comme si la moisson eût été faite tout récemment, car elle était faite depuis longtemps : les épis étaient restés accumulés en meules larges et élevées, semblables à des collines ; et maintenant que la saison des pluies arrivait, et qu'on préparait de nouveau la terre, on les couvrait avec de la paille. On coupait les épis avec une faucille ; la paille était ensuite arrachée et jetée en tas. Je vis qu'on rentrait le grain sur des civières portées par quatre hommes : la paille était aussi rangée et mise en faisceaux pour être brûlée, à ce que je crois. Dans d'autres endroits on labourait. La charrue n'avait pas de roues, et elle était tirée par des hommes. La charrue que je vis ressemblait à un traîneau avec trois lames tranchantes, entre lesquelles était l'attelage. Ordinairement elle était tirée par des hommes ou des ânes, et personne ne la tenait par derrière. On labourait en long et en large. Leur herse que je vis était triangulaire, la pointe était en arrière. Tout cela marchait très bien. Là où le fond était rocailleux, on jetait un peu de terre pardessus et la semence y poussait aussi. Les semeurs portaient leur sac sur le cou, avec les deux extrémités sur la poitrine. Les plantes que je vis mettre en terre étaient de l'ail et une autre plante qui avait de grandes feuilles ; je crois que c'était un légume : il y en avait un qu'on appelait dourra. Les disciples rassemblaient ces gens près du chemin, et Jésus les enseigna en paraboles où il était question de charrues, de semence et de moisson il parla avec les disciples de la semence qu'ils devaient répandre par le baptême. Il en désigna deux, dont l'un était Saturnin, pour baptiser dans quelque temps près du Jourdain. Il leur dit que c'étaient là les semailles, et que comme les laboureurs d'ici, ils récolteraient aussi dans deux mois. Il parla encore de la paille qui devait être jetée au feu. Pendant que Jésus enseignait, une troupe de travailleurs, venant de Sichar, passa tout près du chemin. Ils avaient des pelles, des pioches et de longues perches : ils ressemblaient à des esclaves, et je crois qu'ils revenaient chez eux après avoir travaillé à des édifices publies ou à des routes. Ils se tinrent timidement à quelque distance ; ils n'osaient pas s'approcher près des Juifs et ils écoutaient. Jésus les fit venir et dit que son Père céleste appelait tous les hommes à lui par son ministère : il parla de l'égalité de tous ceux qui font pénitence et se font baptiser. Ces pauvres gens étaient tellement touchés de sa bonté qu'ils se jetèrent à ses pieds pour le prier de venir aussi les visiter et de les assister à Samarie. Il répondit qu'il irait les voir, mais que maintenant il devait se retirer à part pour se préparer à entrer dans son royaume, suivant la mission qu'il avait reçue de son Père céleste. Les bergers conduisirent encore Jésus par divers chemins où sa mère axait passé, et il connaissait ces lieux mieux que ses conducteurs, en sorte qu'ils s'écriaient pleins d'admiration : " Seigneur, vous êtes un prophète et un fils pieux, puisque vous reconnaissez et suivez les traces de votre heureuse mère "Après avoir enseigné et exhorté tout ce monde, Jésus alla à la petite ville de Betharaba. Il y arriva dans l'après midi sur une place découverte, et il monta sur une chaire en pierre qui était sous des arbres. Beaucoup d'auditeurs se rassemblèrent autour de lui et il les enseigna. C'étaient des gens bien disposés. Ici je cessai de voir cette scène. (1 octobre.) Jésus quitta cet endroit accompagné de plusieurs de ses auditeurs, et marcha dans la direction de la vallée des Bergers, qui est à environ trois lieues et demie d'ici. Je ne sais pas où il passa la nuit ; je le vis une fois seul avec les disciples sous un hangar ouvert : ils mangeaient des fruits, des baies rouges qu'ils avaient cueillies et des épis, et ils buvaient de l'eau. La nuit, ils vont chacun de leur côté ; Jésus leur désigne un lieu où il se trouvera à tel ou tel moment, et ils se répandent au loin dans le pays, font des rapports sur lui, et exhortent au baptême et à la pénitence ceux qui ne sont pas encore réalises : ces gens viennent pour la plupart avec eux aux endroits où ces instructions doivent être faites. Jésus aussi fait de longs circuits : je le vois souvent monter seul sur des collines et prier, en sorte que tout le temps du voyage trouve son emploi. J'entendis les disciples de Jésus, à cause de sa vie austère, de son habitude d'aller pieds nus, de ses jeûnes et de ses veilles nocturnes dans cette saison froide et humide, l'engager à ménager un peu son corps. Mais il les éconduisit avec bonté et continua à faire comme auparavant. Le matin, au crépuscule, je vis Jésus avec ses disciples descendre par une pente escarpée dans la vallée des Bergers. Les bergers qui habitaient là savaient déjà qu'il allait venir. Ils avaient tous été baptisés par Jean. Il s'en trouvait même parmi eux qui avaient eu des songes et des visions sur l'approche du Seigneur. Quelques uns veillaient et regardaient toujours du côté par où il devait venir. Ils le virent tout entouré de lumière descendre dans la vallée : car plusieurs de ces gens simples étaient favorisés de grâces particulières. Aussitôt ils soufflèrent dans un cornet pour réveiller et convoquer ceux qui demeuraient à distance. Ils avaient coutume de faire ainsi dans les occasions de quelque importance. Tous accoururent au devant du Seigneur et se prosternèrent devant lui, allongeant humblement le cou et ayant leurs longs bâtons sous le bras. Plusieurs avaient la face contre terre. Ils avaient des jaquettes courtes, le plus souvent en peau de mouton, les unes ouvertes sur la poitrine, les autres tout à fait fermées, et qui leur allaient jusqu'aux genoux : ils portaient des sacs jetés en travers sur les épaules. Ils saluèrent Jésus avec des passages des psaumes qui se rapportent à l'avènement du Sauveur, et expriment la reconnaissance d'Israël pour l'accomplissement de la promesse. Jésus fut très affectueux avec eux, et il leur parla du bonheur de leur condition. Il enseigna ça et là dans les cabanes qui étaient rangées tout autour de la large vallée des prairies : ce fut le plus souvent en paraboles tirées de la vie pastorale. Il s'avança ensuite avec eux dans la vallée, dans la direction de Bethléem, jusqu'à la tour des Bergers (2). Il leur parla de la visite qu'il leur faisait maintenant, à eux qui l'avaient salué dans son berceau, et qui s'étaient montrés charitables envers lui et ses parents. Il enseigna aussi en paraboles, où il parlait de pasteur et de troupeau, disant que lui aussi serait un pasteur, rassemblerait le troupeau, le guérirait et le conduirait jusqu'à la fin des temps. Les bergers firent des récits sur l'apparition des anges, sur la sainte Famille et l'Enfant ; ils racontèrent comment, eux aussi, avaient vu l'image de l'Enfant dans l'Etoile au dessus de la grotte de la crèche. Note 2 : Cette tour a été décrite en détail dans la Vie de la sainte Vierge. Ils parlèrent aussi des rois mages qui avaient vu la tour des Bergers dans les astres, et des nombreux présents que les rois leur avaient faits en partant. Parmi ces présents, il y avait de grosses étoffes pour les tentes dont ils s'étaient servis ici, à la tour des Bergers et dans leurs cabanes. Il se trouvait là quelques vieillards qui avaient été à la crèche dans leur jeunesse. Ils redirent à Jésus tout ce qui s'était passé alors. (5 octobre.) Le jour d'après, Jésus et les disciples furent conduits par les bergers plus près de Bethléem, à l'endroit où demeuraient les fils survivants des trois vieux bergers auxquels les anges étaient apparus d'abord, lors de la nativité du Christ, et qui lui avaient présenté leurs hommages les premiers. Ils étaient enterrés à peu de distance de l'habitation qui était à peu près à une lieue de la grotte de la crèche. Trois fils de ces vieux bergers étaient vivants et déjà avancés en âge. Les autres les respectaient beaucoup. Cette famille de bergers jouissait d'une certaine prééminence parmi les autres, comme les trois rois parmi leurs compagnons. Ils accueillirent Jésus avec beaucoup de joie et d'humilité, et le conduisirent à la sépulture de leurs pères C'était une colline où il y avait un vignoble : elle était isolée et entourée par le bas d'une toiture sous laquelle était l'entrée de divers celliers et de plusieurs grottes. Plus haut, sur la colline, était la grotte sépulcrale des vieux bergers. Le jour y entrait par en haut. Les tombeaux étaient disposés dans le sol suivant la direction indiquée par ces lignes : I I. Il y avait des portes qui étaient fermées Les bergers les ouvrirent pour Jésus, et je vis les corps emmaillotés avec leur visage noirâtre. On avait comblé les places vides autour des cercueils en y jetant une quantité de petits fragments de pierre. Les bergers montrèrent aussi à Jésus leur trésor : c'était ce qui était resté à leurs pères des présents des trois rois : ils le conservaient enfoui dans la grotte. Il consistait en petites barres d'or natif, enveloppées dans des pièces d'étoffe très précieuse brochée d'or. Ils demandèrent à Jésus s'ils devaient donner tout cela au temple. Il leur dit de le conserver pour la communauté qui serait le nouveau temple. Il leur dit aussi qu'un jour on élèverait une église au dessus de ce tombeau ( ce qui fut fait par sainte Hélène ). à cette colline commençaient des vignobles qui s'étendaient jusqu'à Gaza. C'était le cimetière commun des bergers. Ils conduisirent ensuite le Seigneur à la grotte de la crèche(3), lieu de sa nativité, qui était environ à cinq lieues de là. On suivait, pour y aller, une vallée charmante que longeaient trois sentiers passant entre des groupes d'arbres fruitiers taillés. Ils parlaient en chemin du cantique des anges, et je vis de nouveau toutes ces scènes. Les anges apparurent en trois endroits : d'abord aux trois bergers ; dans la nuit suivante, à la tour des Bergers, et, enfin, près de la fontaine où Jésus avait été reçu hier matin par les bergers. Ils se montrèrent en plus grand nombre à la tour des bergers. C'étaient de grandes figures qui n'avaient pas d'ailes. Sur le chemin de la grotte de la crèche, les bergers firent entrer le Seigneur dans la grotte du tombeau de Maraha, nourrice d'Abraham, près du grand térébinthe. Note 3 : Ce qui concerne cette grotte se trouve tout au long dans la Vie de la sainte Vierge. Ils conduisirent ensuite Jésus à la grotte de la crèche. De ce côté, qui était celui du levant, il n'y avait pas de chemin par lequel on pût aller directement à Bethléhem : on pouvait à peine de là voir la ville, qui était séparée de la vallée des Bergers par des remparts écroulés et toutes sortes de décombres, au milieu desquels passaient des chemins creux. L'entrée de la ville la plus rapprochée était la porte du midi, laquelle conduisait à Hébron. En sortant de cette porte, il fallait contourner la ville au levant pour se rendre aux environs de la crèche qui se liaient à la vallée des Bergers. On y arrivait, de cette vallée, sans toucher Bethléhem. La grotte de la crèche et les grottes adjacentes appartenaient aux bergers ; de tout temps ils s'en étaient servis pour y loger du bétail et y déposer toutes sortes d'objets, et aucune personne de Bethléhem n'avait rien à y faire. Joseph, dont la maison paternelle était dans la partie méridionale de la ville, y était souvent venu dans son enfance, et y était entré en rapport avec les bergers ; il s'y était aussi caché de ses frères et s'y était retiré pour prier. Les bergers allèrent avec Jésus à la grotte, où beaucoup de choses avaient été changées : ils en avaient fait comme un petit oratoire. Pour que personne ne mît le pied sur ce sol sacré, ils avaient entouré d'un grillage la place de la crèche ; ils avaient fait un passage autour et agrandi la grotte à cet effet. Le long de ce passage, étaient des cellules creusées dans le rocher, comme autour d'un cloître. Les parois et le sol avaient été tapissés avec des couvertures laissées par les rois mages ; elles étaient de diverses couleurs, et des pyramides étaient dessinées dans le tissu même, en plusieurs endroits. (C'étaient vraisemblablement des triangles de couleur différente dont on ornait souvent les murs chez les Juifs ; la Soeur mentionne souvent ce genre d'ornement, notamment en décrivant la chambre à coucher de Marie au temple.) Ils avaient, en outre, pratiqué deux escaliers conduisant, du passage dont on vient de parler, au haut de la grotte de la crèche ; au dessus de la grotte proprement dite, ils avaient enlevé le plafond avec ses ouvertures étroites pour laisser passer le jour, et construit à la place une espèce de coupole par où la lumière tombait d'en haut. On pouvait, par l'un des escaliers, monter sur la colline, et de là gagner Bethléhem. Ils avaient pu faire tous ces changements, grâce à ce que les rois mages avaient laissés. On était au vendredi soir, à l'ouverture du sabbat, lorsqu'ils conduisirent là Jésus ; ils avaient allumé des lampes dans la grotte de la crèche. La crèche elle même était restée à son ancienne place Jésus leur montra l'endroit où il était né, qu'ils ne connaissaient pas. Il leur fit une instruction, et ils célébrèrent le sabbat. Il leur dit comment son Père céleste avait désigné ce lieu par avance, lors de la conception de Marie, et j'eus aussi connaissance de divers événements figuratifs de l'Ancien Testament, qui s'étaient passés en cet endroit Abraham y était venu ainsi que Jacob. Seth, l'enfant de la promesse, y avait été engendré après une pénitence de sept années, et Eve l'y avait mis au monde. C'était là qu'un ange avait dit à Eve que Dieu lui donnait ce rejeton à la place d'Abel. Il y avait été longtemps caché aussi bien que dans la grotte du tombeau de la nourrice Maraha, parce que ses frères en voulaient à sa vie comme les fils de Jacob à la vie de Joseph. Les bergers conduisirent encore Jésus dans la grotte voisine, où la sainte Famille avait habité quelque temps. Ils avaient enclos avec soin la fontaine qui avait jailli là à la naissance du Christ, et ils faisaient usage de son eau dans leurs maladies. Jésus fit prendre de cette eau pour l'emporter. ( 7 octobre ) Remarque. A cette époque, la narratrice était devenue malade à la mort, par suite de la douleur que lui causait la corruption des hommes, et les visions sur la vie de Jésus, qui se rapportaient à ces jours là paraissaient tout à fait perdues. Le 8 octobre au soir, elle tendit la main à l'écrivain, et lui dit comme pour le consoler : J'ai tout vu ; il est encore chez les bergers. C'est toujours dans la souffrance qu'elle est le plus affectueuse. Elle communiqua les fragments qui suivent. Jésus visita aujourd'hui avec les disciples les différentes habitations des bergers qui se trouvent dans les environs ; il y consola et enseigna. Les disciples allaient parfois seuls dans quelques unes d'entre elles, les unes après les autres ; ils expliquaient les enseignements de Jésus et racontaient ce qui s'était passé à son baptême. Saturnin baptisa plusieurs vieillards qui n'étaient pas en état d'aller au baptême de Jean. On mêlait pour cela de l'eau de la fontaine baptismale de Jésus, dans l'île du Jourdain, avec celle de la source qui était dans la grotte voisine de ha crèche. Au baptême de Jean, on confessait ses péchés en général, mais ceux qui recevaient le baptême de Jésus confessaient individuellement leurs péchés les plus graves, témoignaient leur repentir et recevaient l'absolution. Les gens âgés s'agenouillaient ; leur corps était nu jusqu'à la ceinture. Il y avait devant eux un grand bassin au dessus duquel ils courbaient la tète, et on les baptisait. à ce baptême, comme dans la formule dont Jean fit usage en baptisant Jésus, on prononçait le nom de Jehovah, et on faisait mention des trois dons célestes, mais on parlait aussi au nom de l'envoyé de Dieu. Jésus, le plus souvent, passait les nuits, seul, en prière sur les collines. A la fin de son séjour chez lest bergers, il dit aux disciples, qu'il voulait aller seul visiter des gens qui l'avaient accueilli avec bienveillance, lui et ses parents, lors, de leur fuite en Egypte, ajoutant qu'il avait là des malades à guérir et un pécheur à convertir. Aucune trace de ses saints parents ne devait rester sans bénédiction. Il allait rechercher, pour les mettre dans la voie du salut, tous ceux qui, autrefois, s'étaient montrés hospitaliers et charitables envers eux. Toute bonne oeuvre, toute oeuvre de miséricorde avait été ici une participation à l'oeuvre du salut, et devait l'être pour toujours ; de même qu'il visitait tous ceux qui, autrefois, s'étaient montrés charitables envers lui et envers les siens, de même, son Père céleste se souviendrait de tous ceux qui auraient témoigné de la charité et fait du bien au moindre de ses frères. Il donna rendez vous à ses disciples à un certain endroit voisin d'une ville ou d'une montagne d'Ephraim, près d'une grotte où ils devaient l'attendre les jours suivants. Le 8 octobre, je vis Jésus, seul, à la frontière du territoire d'Hérode, se diriger vers le désert, près d'Anim ou Engannim, à deux lieues de la mer Morte, dans un pays sauvage, mais assez fertile. (Elle dit plus tard de cette ville, qu'elle était habitée par des gens rejetés de la société. La fuite en Egypte eut lieu par la partie orientale de la Judée, le retour par le côté qui longe la mer Méditerranée, par Gaza.) On voyait, dans Et` pays, plusieurs chameaux qui paissaient ; il y en avait bien une quarantaine, et ils étaient parqués. J'avais déjà vu Jésus sur la route, passer au milieu de semblables troupeaux. Il y avait une espèce d'hôtellerie pour les gens qui allaient au désert vers lequel Jésus se dirigeait. On voyait plusieurs cabanes et hangars à côte les uns des autres ; ces gens avaient beaucoup de chameaux et ils étaient, je crois, chameliers de profession. Les maisons étaient adossées à une hauteur. Il se trouvait à l'entour des fruits sauvages. Cet endroit avait été le dernier du territoire d'Hérode où la sainte Famille s'était arrêtée, lors de la fuite en Egypte. Ceux qui habitaient là, quoique ce fussent de méchantes gens qui souvent exerçaient le brigandage, avaient pourtant bien reçu la sainte Famille. La ville voisine était aussi habitée par des hommes de vie irrégulière qui s'y étaient établis à la suite de quelques guerres. Jésus entra dans la maison et demanda l'hospitalité. Le maître s'appelait Ruben, il avait environ cinquante ans et se trouvait déjà ici lors de la fuite en Egypte. Lorsque Jésus lui adressa la parole et fixa les yeux sur lui, il en partit comme un rayon qui lui entra dans la poitrine ; il fut tout bouleversé. Les paroles et la salutation de Jésus furent comme une bénédiction, et cet homme, tout ému, lui répondit : " Seigneur, c'est comme si la Terre Promise venait avec vous dans ma maison. "Jésus lui dit que s'il croyait à la promesse et n'en repoussait pas loin de lui l'accomplissement, il aurait aussi part à la Terre Promise. Il parla aussi des bonnes oeuvres et de leurs conséquences, lui dit qu'il venait à lui pour lui annoncer le salut, parce que, trente ans auparavant, sa mère et son père nourricier, fugitifs, avaient été bien accueillis dans sa maison ; que cette bonne action portait son fruit ; que chaque oeuvre portait le sien, bon ou mauvais. Alors cet homme, tout bouleversé, se prosterna par terre et lui dit : " Seigneur, comment peut il se faire que vous entriez dans la maison d'un misérable réprouvé comme moi ? " Jésus lui expliqua qu'il était venu pour ramener les pécheurs et les purifier. Cet homme ne cessait de parler de la réprobation qui le poursuivait ; il disait que tous les gens de ce lieu étaient une race maudite et le rebut de l'humanité. Il dit encore que ses petits enfants étaient malades, et dans un triste état. Jésus lui répondit que s'il croyait en lui et voulait se faire baptiser, il rendrait la santé à ses petits enfants. Il lava les pieds de Jésus, et lui donna ce qu'il avait pour sa réfection. Les voisins vinrent alors, et il leur dit qui était Jésus et ce qu'il lui avait promis. Il y avait là un de ses parents qui s'appelait Issachar. Il conduisit aussi Jésus à ses petits enfants malades. Ils étaient ou lépreux ou perclus, et dans un état de rachitisme complet. Jésus alla aussi voir les femmes qui étaient malades et affligées de pertes de sang. Il commanda aux enfants de se lever et ils furent guéris : il donna l'ordre de leur apprêter un bain. On plaça un grand vase plein d'eau sous une tente, et Jésus y versa un peu de l'eau baptismale du Jourdain qu'il portait à son côté sous sa longue robe dans deux flacons attachés avec des courroies, puis il bénit l'eau. Les malades s'y lavèrent : tous en sortirent guéris et remercièrent le Seigneur. Il ne les baptisa pas lui même, mais cette ablution fut comme un ondoiement, et il les exhorta à aller au Jourdain recevoir le baptême. Ils lui demandèrent si le Jourdain avait donc une vertu particulière, et il leur répondit que la voie du Jourdain avait été mesurée et établie, et que tous les lieux saints de la Terre Promise avaient été marqués par son Père céleste avant qu'il y eût des habitants, bien plus, avant que cette terre et le Jourdain existassent. Il dit à ce sujet d'admirables choses que j'ai oubliées. Il parla en outre du mariage, s'entretint avec les femmes, recommanda la chasteté et continence, et représenta l'abaissement des gens de cet endroit et l'état misérable des enfants, comme étant la suite d'unions contraires à la règle, qui avaient lieu dans cette contrée : il parla de la part qu'avaient les parents à l'état misérable des enfants, des moyens d'arrêter le mal, qui étaient la pénitence et la satisfaction, et de la renaissance par le baptême. Il parla de tout ce qu'ils avaient fait pour la sainte Famille lors de sa fuite, et enseigna dans les endroits ou elle avait pris sa nourriture et s'était reposée. Joseph et Marie avaient avec eux, pendant la fuite en Egypte, un âne et une ânesse. Il leur montra tous leurs actes d'alors comme des figures prophétiques de ce qu'ils faisaient actuellement pour passer de l'état de péché à l'état de grâce. Ils apprêtèrent pour le Seigneur un repas aussi bon que cela leur fut possible. Il se composait d'une espèce de laitage épais semblable à du fromage blanc, de miel, de petits pains cuits sous la cendre, de raisins et d'oiseaux. (9 octobre.) Aujourd'hui j'ai vu Jésus revenir d'Anim en compagnie de quelques uns de ces hommes, mais par un autre chemin. Il arriva vers le soir près d'un endroit situé sur les deux côtés d'une montagne ; il y avait là une vallée sauvage venant de l'orient, et coupée de ravins profonds. Cet endroit ou cette montagne avait un nom qui ressemblait à Ephraim ou Ephron. La direction des montagnes était vers Gaza. Jésus était venu par le pays d'Hébron On voyait aussi à quelque distance du chemin qu'il avait suivi un bourg en ruines, avec une tour dont le nom ressemblait à Malaga (vraisemblablement Malada, que Flavius Josèphe, XVIII, 7, 2, appelle Malatha). A une lieue d'ici à peu près était le bois de Mambré ou les anges apportèrent à Abraham la promesse qu'il aurait un fils. La double caverne qu'il avait achetée d'Ephron, l'Héthéen, et où était sa sépulture, n'était pas éloignée de là non plus que le lieu du combat de David contre Goliath. Jésus, que ses compagnons avaient quitté, fit le tour d'un côté de la ville, divisée en deux parties, et ses disciples, auxquels il avait assigné cet endroit, le trouvèrent dans la vallée, suivant un sentier escarpé. Laissant de côté cette gorge, il les conduisit à une grotte située dans un endroit tout à fait sauvage et d'un accès difficile, mais très spacieuse. Ils y passèrent la nuit. C'était là qu'avait été la sixième station de la sainte Famille lors de la fuite en Egypte. Voici ce qu'elle dit de cet endroit, le 18 octobre : " La grotte où s'était réfugiée Marie, près d'Ephraim, fut appelée dans la suite lieu du séjour de Marie(4), et des pèlerins la visitaient sans qu'on sût exactement le fait qui s'y rattachait. Plus tard. il ne demeurait là que de pauvres gens." Note 4 : Dans le Voyage à Jérusalem du franciscain Ant. Gonzalez, Anvers, 1673, on lit première partie, page 556 ; qu'à un mille d'Hébron, dans la direction de Jérusalem, à gauche du chemin, il est allé dans un village appelé Village de Marie, où la sainte Vierge s'est arrêtée lors de faite en Egypte. Il est situé sur une hauteur et il y a encore une église entière avec trois arcades et trois portes. Sur le mur on voit encore une peinture représentant Marie avec l'Enfant, montée sur un âne et conduite par saint Joseph : au bas de la montagne sur laquelle sont l'église et le village, se trouve une belle fontaine appelée la fontaine de Marie. Jésus raconta cela aux disciples, qui, à l'aide d'une mécanique avec laquelle on fait tourner rapidement un morceau de bois dans un autre. avaient allumé du feu. Il leur parla de la sainteté de ce lieu. un prophète, Samuel, si je ne me trompe, y était souvent venu prier. David avait gardé les troupeaux de son père dans les environs ; il avait prié dans cette grotte et y avait reçu des ordres de Dieu, apportés par les anges : ce fut là aussi qu'il lui fut commandé d'aller tuer Goliath. J'ai vu là d'autres choses dont je ne me souviens plus. (10 octobre.) Ce matin, Jésus quitta la grotte, et ils se dirigèrent vers Bethléhem, en contournant l'autre côté de la montagne et de la bourgade. Ils arrivèrent près de quelques maisons isolées et entrèrent dans une hôtellerie où ils prirent un peu de nourriture et où on leur lava les pieds. Les gens étaient bons et curieux. Jésus enseigna sur la pénitence, sur l'approche du salut` et sur ce qu'il fallait faire pour le suivre. On lui demanda pourquoi sa mère avait fait le long voyage de Nazareth à Bethléhem, lorsqu'elle aurait pu rester chez elle où elle aurait été si bien. Alors Jésus parla de la promesse, dit qu'il avait dû naître dans la pauvreté, à Bethléhem, et parmi les bergers, comme étant lui même un berger qui devait rassembler le troupeau : c'était pour cela qu'il avait voulu parcourir ces contrées habitées par des bergers, aussitôt après que son Père céleste avait rendu témoignage de lui. D'ici il alla vers la partie méridionale de Bethléhem, qui n'était guère qu'à deux lieues, suivit quelque temps la vallée des Bergers, là où elle se dirigeait vers le midi, et contourna la partie occidentale de Bethléhem. Il laissa à droite la maison paternelle de Joseph, et arriva le soir à Maspha, petite ville aujourd'hui, et située à quelques lieues de Bethléhem. On pouvait voir Maspha de loin. Autour de la ville brillaient des feux allumés dans des lanternes de fer, placées sur les routes principales. La ville avait des remparts et des tours, et plusieurs grandes routes la traversaient. Elle avait été longtemps un chef lieu religieux. Judas Macchabée (Macch.,III,46) y avait présidé à des prières solennelles avant le combat, et rappelé à Dieu ses promesses et l'injure que lui faisaient les édits de ses ennemis ; il avait aussi déposé, en présence du peuple, ses vêtements sacerdotaux. Alors cinq anges lui apparurent devant la ville et lui promirent la victoire. C'est ici aussi que les Israélites s'assemblèrent pour combattre contre la tribu de Benjamin, à cause des outrages faits à la femme d'un lévite qui voyageait, et de la mort de cette femme qui en avait été la suite. Ce crime fut commis près d'un arbre ; l'endroit était encore entouré d'un mur et personne n'en approchait. Samuel aussi a jugé à Maspha ; et c'est là qu'était le couvent des Esséniens, où habitait Manahem, qui, dans son enfance, avait prédit la royauté à Hérode. Il avait été bâti par un Essénien du nom de Kharioth. Il vivait environ cent ans avant Jésus Christ. C'était un homme marié des environs de Jéricho. Il s'était séparé de sa femme, et tous deux avaient fondé plusieurs communautés pour les Esséniens, l'une pour les hommes, l'autre pour les femmes. Il avait aussi établi un autre couvent à peu de distance de Bethléhem, et il était mort. Il avait été un si saint homme, qu'à la mort du Christ, il fut un des premiers qui sortirent de leur tombeau et apparurent. Il y avait en cet endroit un grand nombre d'hôtelleries, et on y savait très promptement quand un étranger était arrivé. Jésus était à peine dans l'hôtellerie, que beaucoup de gens se pressèrent autour de lui. On le conduisit à la synagogue, où il expliqua la loi. Il y avait là des espions dont les intentions n'étaient pas droites et qui voulurent lui tendre des pièges, parce qu'ils avaient entendu dire qu'il voulait amener les pa'ens eux mêmes au royaume de Dieu, et qu'il avait parlé des trois rois chez les bergers. Jésus prêcha en termes très sévères : il dit que le temps de l'accomplissement de la promesse était venu, que tous ceux qui renaîtraient par le baptême, qui croiraient à celui que le Père avait envoyé et observeraient ses préceptes, auraient part au royaume de Dieu ; mais que si les juifs ne croyaient pas, la promesse leur serait retirée et passerait aux gentils. Je ne sais pas bien m'exprimer, mais il dit qu'il n'ignorait pas qu'on l'espionnait, que du reste ils pouvaient aller à Jérusalem y rapporter ce qu'ils venaient d'entendre. Jésus dit aussi quelque chose de Judas Macchabée, et d'autres événements arrivés ici. Comme on lui parlait de la magnificence du temple et de la prééminence des Juifs sur les gentils, il leur expliqua que le but de l'élection du peuple juif et de son temple était atteint : car celui que le Seigneur avait promis par la bouche des prophètes, était venu pour fonder le royaume et le temple du Père céleste, etc. Après avoir ainsi enseigné, Jésus quitta Maspha et alla à une lieue plus à l'est. Il passa d'abord à travers un groupe de maisons et arriva à une ferme isolée, chez des gens alliés à saint Joseph ; un beau fils du père de saint Joseph, fils d'une veuve qu'il avait épousée, s'était marié ici et ses descendants y habitaient. Ils avaient eux mêmes des enfants, ils étaient baptisés et ils accueillirent Jésus avec une bienveillance respectueuse. il vint aussi chez eux plusieurs voisins. Jésus leur fit une instruction et prit un repas chez eux. Après le repas, il sortit seul avec deux de ces hommes qui s'appelaient Aminadab et Manassé. Ils lui demandèrent s'il connaissait leurs relations de famille, et s'ils devaient le suivre dès à présent. Il leur dit que non ; qu'ils devaient se borner maintenant à être ses disciples en secret. Ils se mirent à genoux et il les bénit`. ils se réunirent ouvertement aux disciples avant sa mort. Il passa ici la nuit. (1er octobre. ) Le 1er octobre, Jésus alla deux lieues plus loin avec ses disciples, et arriva près d'une ferme qui avait été l'avant dernier séjour de Marie avant Bethléhem, dont elle pouvait être éloignée d'environ quatre lieues. Des hommes de cette maison vinrent à sa rencontre et se prosternèrent devant lui sur le chemin, pour l'inviter à venir chez eux. On l'y accueillit avec beaucoup de joie. Ces gens allaient presque journellement à 1a prédication de Jean. et ils savaient ce qui s'était passé de merveilleux au baptême de Jésus. On lui prépara un repas et un bain chaud ; ils lui avaient aussi préparé une belle couche. Jésus enseigna ici comme à l'ordinaire. La femme qui, trente ans auparavant, reçut ici la sainte Famille, vivait encore. Elle habitait seule dans le bâtiment principal, ses enfants demeuraient près de là, et lui envoyaient sa nourriture. Quand Jésus se fut baigné, il alla visiter cette femme, elle était aveugle et tout à fait courbée depuis plusieurs années. Jésus parla de la miséricorde et de l'hospitalité, des oeuvres incomplètes et de l'amour propre. Il lui représenta le triste état où elle était, comme un châtiment de péchés de ce genre. Elle fut très émue, se confessa coupable, et Jésus la guérit. Il lui prescrivit de se mettre dans l'eau où il s'était lavé. Alors elle recouvra la vue, et redevint droite et bien portante. Il lui défendit de parler de cela à personne. Ces gens lui demandèrent en toute simplicité quel était le plus grand de lui ou de Jean. Il répondit : " celui auquel Jean rend témoignage. " Ils parlèrent aussi de l'énergie et du zèle de Jean, puis de la belle taille et de la robuste apparence de Jésus. Jésus leur dit que, dans moins de quatre ans, ils ne verraient plus rien d'apparent en lui, et ne le reconnaîtraient plus, tant ce corps serait défiguré. Il parla de l'ardeur et du zèle de Jean, le comparant à un homme qui frappe à la porte de ceux qui dorment avant l'arrivée du maître, à un ouvrier qui fraye le chemin à travers le désert pour que le roi puisse passer, à un torrent d'eau qui nettoie le lit du fleuve. ( 12 octobre. ) Le matin, dès l'aube du jour, Jésus partit avec ses disciples et une troupe de gens qui s'étaient réunis ici à lui ; il se dirigea vers le Jourdain, qui pouvait être à trois lieues de distance, si ce n'est davantage. Le Jourdain coule dans une large vallée qui s'étend bien à une demi lieue de chaque côté. La pierre de l'arche d'alliance, placée dans l'endroit clos de murs où l'on avait célébré la fête dont il a été parlé, se trouvait à une lieue à peu près en avant de l'endroit où Jean baptisait, quand on allait directement vers Jérusalem. La cabane de Jean, près des douze pierres, était dans la direction de Bethabara, un peu plus au nord que la pierre de l'arche d'alliance. Les douze pierres elles mêmes étaient à une demi lieue de l'endroit où l'on baptisait, dans la direction de Galgala. Galgala est sur le côté occidental de la hauteur à un point où elle s'abaisse un peu. Du bassin baptismal de Jean, on avait une belle vue sur les deux rives en amont du fleuve, où la fertilité était très grande. Le district le plus renommé par les agréments du paysage, l'abondance des fruits et la richesse du sol se trouvait au bord de la mer de Galilée ; ici et ; autour de Bethléem, c'étaient plutôt des champs de blé des prairies. des plantations de dourra, d'ail et de concombres. Jésus avait déjà passé la pierre de l'arche d'alliance, et, se trouvant à un quart de lieue de la cabane de Jean, où celui ci enseignait, il passa devant une ouverture de vallée, à un endroit d'où l'on pouvait ` voir Jean dans le lointain. Jésus ne fut en vue du précurseur que pendant deux minutes. Mais Jean fut saisi de l'esprit. Il montra Jésus du doigt et s'écria `' Voici l'agneau de Dieu, qui efface les péchés du monde. etc. "Jésus passa outre ; ses disciples étaient en groupes séparés, en avant et en arrière. La troupe qui s'était adjointe à lui en dernier lieu, venait ensuite. On était au commencement de la matinée. Beaucoup de personnes ayant entendu les paroles de Jean coururent de ce côté, mais Jésus était déjà passé. Ils le suivirent de leurs acclamations, mais ils ne lui parlèrent pas autrement. ( Note de l'écrivain. Comme le lundi suivant, 17 octobre, Jésus arriva le soir à Dibon pour la fête des Tabernacles, ce soir du 15 octobre est nécessairement le commencement du 15 du mois de Tisri où s'ouvrait ; la fête des Tabernacles ; le jour d'aujourd'hui est alors le 11 Tisri ou le second jour de la fête expiatoire, dans laquelle le grand prêtre maudissait dans le temple un bouc chargé de ses péchés et de ceux de tout le peuple, et le faisait chasser dans le désert. La co'ncidence de cette cérémonie avec les paroles du précurseur, jette une lumière sur les mots : " Voici l'agneau de Dieu qui porte les péchés du monde ! " ) Lorsque ces gens revinrent, ils dirent à Jean qu'il allait bien du monde avec Jésus. Ils avaient aussi entendu dire que ses disciples avaient déjà baptisé ; qu'allait il advenir de tout cela ? Jean leur répéta encore une fois qu'il quitterait bientôt ce lieu pour faire place à Jésus, car il n'était que le précurseur et le serviteur. Cela ne plaisait pas beaucoup à ses disciples ; ils étaient un peu jaloux des disciples de Jésus. Jésus dirigea sa marche vers le nord ouest, laissa Jéricho à droite, et alla vers Galgala, qui était à environ deux lieues de Jéricho. Sur son chemin, il s'était arrêté dans plusieurs endroits, où les enfants l'accompagnaient en chantant des cantiques de louange, ou bien couraient dans les maisons pour faire venir leurs parents. On appelait Galgala toute la plaine située à une certaine élévation au dessus du niveau de la vallée du Jourdain, et elle est entourée dans une circonférence de cinq lieues, de ruisseaux qui vont se jeter dans le fleuve. Mais l'endroit nommé Galgala, dont Jésus s'approcha avant le soir, s'étend sur une longueur d'environ une lieue dans la direction de la contrée où séjournait le précurseur. Les maisons sont disséminées et il y a des jardins dans les intervalles. Jésus entra d'abord en avant de la ville, dans un lieu considéré comme saint, où l'on menait les prophètes et les docteurs renommés. Ce fut là que Josué communiqua aux enfants d'Israël quelque chose que Mo'se, avant de mourir, avait fait connaître à Eléazar et à lui. C'étaient six malédictions et six bénédictions. La colline où les Israélites furent circoncis était voisine de ce lieu et entourée d'un mur. Je vis à cette occasion la mort de Mo'se. Il mourut sur une petite colline escarpée, qui est au milieu des montagnes de Nébo, entre l'Arabie et Moab. Le camp des Israélites s'étendait au loin à l'entoure : seulement quelques postes s'avançaient dans la vallée qui tournait autour de la colline. Cette colline était toute recouverte d'une plante verte comme le lierre, qui venait en touffes assez semblables à celles du genévrier. Mo'se s'en servait pour s'aider à monter. Josué et Eléazar étaient près de lui. Je ne sais plus bien tout ce qui se passa là. Je crois qu'il eut une vision de Dieu que les autres ne virent pas. Il donna à Josué un rouleau où étaient écrites six malédictions et six bénédictions, qu'il devait faire connaître au peuple lorsqu'il serait entré dans la Terre Promise. Ensuite, les ayant embrassés, il leur ordonna de se retirer sans regarder derrière eux. Alors il se mit à genoux les bras étendus, et il tomba mort sur le côté. Je vis la terre s'ouvrir pour ainsi dire sous lui, et se refermer après l'avoir reçu comme dans une belle sépulture. Lorsque Mo'se apparut sur le Thabor au moment de la transfiguration de Jésus, je le vis venir de cet endroit. Josué lut au peuple les six bénédictions et les six malédictions. Plusieurs amis de Jésus étaient venus l'attendre ici ; c'étaient Lazare, Joseph d'Arimathie, Obed, le fils d'une des veuves de Nazareth, et d'autres encore. Il y avait ici une hôtellerie. On lava les pieds au Seigneur et ses compagnons, et on leur offrit quelque chose à manger. Jésus fit une instruction devant une grande foule d'auditeurs, parmi lesquels il y en avait plusieurs qui voulaient aller au baptême de Jean ; c'était près du bras du fleuve, où l'on avait ménage, contre la rive qui s'élevait en terrasse et qui était coupée par des marches, un emplacement pour se baigner ou faire ses ablutions. un pavillon était étendu au dessus, et il y avait à l'entour des jardins d'agrément avec des arbres, des massifs de verdure et du gazon. Saturnin et, je crois, deux autres disciples auxquels Jean se joignit, baptisèrent ici après une instruction de Jésus sur le Saint Esprit. Il parla de ses divers attributs, et dit à quels signes on pouvait reconnaître qu'on l'avait reçu. Le baptême de Jean était précédé d'une exhortation générale à la pénitence, puis d'une protestation de repentir et d'une promesse de ne plus pécher. Au baptême de Jésus, il n'y avait pas seulement confession des péchés en général, mais chacun s'accusait à part et confessait ses vices dominants, puis Jésus adressait des exhortations et disait souvent leurs péchés en face à ceux que l'orgueil ou la mauvaise honte retenait, afin de les porter par là à la contrition. Jésus enseigna encore sur le passage du Jourdain et sur la circoncision oui avait eu lieu ici, ajoutant que le baptême s'y donnait maintenant pour ce motif, afin qu'il opérât la circoncision du coeur chez ceux qui le recevaient ; il parla aussi de l'accomplissement de la loi, etc. Ceux qu'on baptisait ici n'entraient pas dans l'eau ; ils courbaient seulement la tête au dessus ; on ne les revêtait pas non plus d'une robe baptismale, on se bornait .`l leur mettre un drap blanc sur les épaules. Les disciples n'avaient pas une écuelle avec trois rainures comme Jean, mais ils puisaient trois fois avec la main dans un bassin placé devant eux Jésus avait béni l'eau et y avait versé de celle de son baptême. Lorsque les baptisés, qui étaient bien au nombre de trente, sortirent de là, ils étaient très émus et très joyeux, et disaient qu'ils sentaient bien maintenant qu'il avaient reçu le Saint Esprit. Jésus alla à Galgala pour le sabbat, suivi des acclamations de la foule. Dans l'école d'en bas, où tout était particulièrement bien disposé, il y avait, à l'extrémité qui correspondait à l'emplacement du Saint des Saints dans le temple, une colonne octogone autour de laquelle étaient des tablettes avec des rouleaux d'écritures. Plus bas s'étendait une table qui entourait la colonne, et au dessous se trouvait un caveau ou l'Arche d'alliance avait reposé. Je ne sais pas si cette colonne était déjà là à cette époque : je crois qu'elle fut placée plus tard pour indiquer la sainteté de ce lieu qui était encore révéré. Cette colonne était d'une belle pierre blanche polie. Jésus enseigna dans l'école d'en bas, devant le peuple, les prêtres et les docteurs. Il dit, entre autres choses, que le royaume promis avait d'abord été fondé ici, qu'on y avait pratiqué plus tard une idolâtrie abominable, si bien qu'il s'y trouvait a peine sept justes. Ninive était cinq fois plus grande, et il n'y avait que cinq justes. Galgala avait été épargnée par Dieu ; mais maintenant il ne fallait pas qu'ils repoussassent la promesse d'un envoyé de Dieu au moment où elle s'accomplissait ; il fallait faire pénitence et renaître par le baptême, etc. Il ouvrit alors les écrits qui étaient devant la colonne, et y lut des textes qu'il commenta., Il enseigna ensuite les jeunes gens au second étage, et puis les enfants au troisième. Etant descendu, il enseigna encore les femmes, sous une halle qui était sur la place, et il s'entretint ensuite avec les jeunes filles. Il traita ici de la chasteté et de la discipline, de la curiosité qu'il fallait surmonter, de la décence dans les habillements, dit qu'il fallait cacher sa chevelure et porter un voile sur la tête, au temple et à l'école. Il parla de la présence de Dieu et de celle des anges dans les lieux sanctifiés, et dit que les anges eux mêmes voilaient leur visage. Il dit encore qu'au temple ou à l'école, ils étaient présents parmi les hommes ; il expliqua en outre pourquoi les femmes devaient avoir la tête voilée. Je l'ai oublié. Jésus fut très affectueux envers les enfants : il les bénit et les prit dans ses bras : ils montraient beaucoup de penchant pour lui. Sa présence ici causa en général beaucoup de satisfaction et de joie ; lorsqu'il quitta l'école, le peuple faisait entendre devant lui et derrière lui des acclamations dont le sens était à peu près celui ci : " Que la promesse s'accomplisse, qu'elle reste avec nous, qu'elle ne nous quitte pas. " Le 14, après que Jésus eut enseigné à Galgala, on voulait lui amener des malades, mais il s'y refusa, disant que ce n'était pas le lieu ni le moment, qu'il devait s'en aller, qu'il était appelé ailleurs. Lazare et les amis de Jérusalem étaient retournés chez eux. Il fit dire à la sainte Vierge en quel endroit il irait la trouver avant de s'en aller au désert, je crois que c'était à Coroza'm. Les saintes femmes n'étaient plus à Thébez, elles étaient déjà en route pour l'endroit où elles devaient se rencontrer avec Jésus. Mais elles n'allèrent pas à Capharnaum, parce qu'on y tenait beaucoup de propos sur leurs fréquents voyages. ( 14 octobre. ) à Jérusalem, il y avait de grandes contestations touchant Jésus, dont on avait entendu beaucoup parler : car ils avaient partout des gens à leurs gages qui leur faisaient des rapports. Il y eut une longue délibération sur Jésus dans un tribunal appelé le sanhédrin, qui se composait de soixante et onze prêtres et docteurs : l'affaire fut traitée dans un comité de vingt personnes, qui se divisaient encore cinq par cinq pour consulter et discuter. Ils firent des recherches dans les registres généalogiques, et il leur fut impossible de nier que Joseph et Marie fussent de la race de David, et la mère de Marie de la race d'Aaron ; mais, disaient ils, ces familles étaient tombées dans l'obscurité la plus complète, et Jésus allait ça et là avec des gens de bas étage ; il se souillait en frayant avec des publicains et des pa'ens et caressait les esclaves. Ils avaient ou' dire que, tout récemment, dans les environs de Bethléem, Jésus s'était entretenu familièrement avec les Sichémites qui revenaient de leur travail : ils supposaient qu'il pourrait bien avoir le dessein de soulever la populace. Quelques uns prétendaient que c'était peut être un enfant supposé, puisqu'il s'était une fois donné pour un fils de roi. C'était une fausse interprétation de sa parabole. Il devait avoir été instruit secrètement, croyaient ils, et ce ne pouvait être que par le diable ; car il se retirait souvent à part et passait les nuits, seul, dans des lieux déserts ou sur des collines. Ils avaient déjà pris des informations sur tout cela. Parmi ces vingt personnes, il s'en trouvait plusieurs qui connaissaient mieux Jésus et ses adhérents, qui avaient été fort touchées de ses discours, et qui étaient au nombre de ses amis secrets. Mais ils ne contredisaient pas les autres, afin de rester en position de rendre des services à Jésus et à ses disciples auxquels, dans la suite, ils envoyèrent fréquemment des informations. On finit par répandre dans Jérusalem la décision suprême des vingt ; c'est ainsi qu'on qualifiait leur opinion que Jésus devait avoir été instruit par le diable. Le baptême qui avait eu lieu à Galala fut annoncé à Jean par ses disciples et représenté comme une usurpation sur ses droits. Mais il continua à déclarer, comme toujours, en s'humiliant profondément, qu'il céderait bientôt la place à son Seigneur, dont il avait été le précurseur, et auquel il avait préparé la voie. Toutefois, ses disciples ne le comprirent pas. Le 14, Jésus, accompagné d'une vingtaine de personnes, s'avança à deux lieues vers le nord, dans la plaine de Galgala : ils passèrent un cours d'eau à l'aide d'un tronc d'arbre, après quoi ils traversèrent un bois et se dirigèrent au levant, par un chemin qui menait au Jourdain. Ils passèrent le fleuve sur un radeau dirigé par des rameurs. Il y avait des bancs le long de ce radeau ; au milieu se trouvaient de grands baquets où l'on plaçait les chameaux qui, autrement, auraient pu enfoncer leurs pieds dans l'eau, entre les poutres. Il y avait place pour trois chameaux. En ce moment, il n'y en avait point ; le Seigneur et ses disciples étaient seuls. C'était le soir, et le passage se faisait aux flambeaux. Jésus raconta la parabole du semeur, qu'il expliqua encore le lendemain. Le passage durait bien un bon quart d'heure, car le fleuve était très rapide en cet endroit ; il fallait d'abord remonter à une certaine hauteur, puis se laisser porter parle courant. Le lieu où ils abordèrent n'était pas tout à fait en face de celui d'où ils étaient partis. Le Jourdain est un singulier fleuve : en beaucoup d'endroits on ne peut pas le passer, et il n'y a pas de chemin le long de ses rives escarpées. Souvent il tourne très court, et semble couler vers un point autour duquel il fait un détour. Souvent il est hérissé de rochers où ses eaux se brisent en mille endroits ; il y a aussi beaucoup d'îles. Il est tantôt trouble, tantôt limpide, selon la nature du sol. A l'endroit où ils débarquèrent, il y avait des maisons de publicains. Il passait là une grande route qui descendait du pays de Cédar, vers lequel se dirigeait une vallée. Jésus entra chez des publicains qui avaient déjà reçu le baptême de Jean. Plusieurs de ses compagnons furent choqués de ce qu'il en agissait si familièrement avec ces gens méprisés, et ils se tinrent à l'écart. Jésus et ses disciples passèrent ici la nuit ; les publicains les hébergèrent avec beaucoup d'humilité. Leurs maisons étaient dans le fond de la vallée, tout contre le Jourdain ; un peu plus loin étaient les hôtelleries pour les marchands et les chameaux. Il y en avait un grand nombre pour le moment : ils se trouvaient arrêtés là, parce qu'ils ne pouvaient pas se mettre en route à cause de la fête des Tabernacles qui commençait le lendemain. La plupart étaient pa'ens, mais ils étaient obligés d'observer le repos des jours de fête. Les publicains demandèrent à Jésus ce qu'ils devaient faire du bien mal acquis. Jésus répondit qu'il fallait le porter au temple : il entendait cela dans le sens spirituel, et voulait parler de la communauté chrétienne qui se forma par la suite. On devait acheter de cet argent un champ pour de pauvres veuves, près de Jérusalem. Il leur expliqua aussi pourquoi ce devait être un champ : cela se liait à un développement de la parabole du semeur. Le jour suivant, Jésus alla avec eux dans les environs, sans quitter les bords du fleuve. Il parla encore là du semeur et de la moisson à venir. C'était probablement à cause de la fête des Tabernacles, qui est en même temps la fête de la récolte des fruits et du vin. Quand le Seigneur eut marché quelque temps avec les publicains, et leur eut donné des enseignements dont j'ai oublié une grande partie, je le vis, ce même jour, continuer sa route en suivant la vallée jusqu'à un endroit peu éloigné où s'élevaient des deux côtés des rangées de maisons qui bordaient le chemin pendant une demi lieue en bas et en haut des montagnes. On allait par là à Dibon, dont cet endroit semblait être un faubourg. Dans toutes ces maisons on célébrait la fête des Tabernacles ; à côté des maisons étaient dressées des cabanes de feuillage, ornées de bouquets, de guirlandes de fruits et de grappes de raisin. Je vis d'un côté du chemin les cabanes de feuillage, et à part des cabanes plus petites pour les femmes : de l'autre côté, celles où l'on tuait les animaux. Dés gens portant toute espèce d'aliments traversaient le chemin, ainsi que des troupes d'enfants, allant d'une cabane à l'autre. Ils faisaient de la musique et chantaient ; ils étaient couronnés de guirlandes et avaient des instruments triangulaires avec des anneaux ; ils les faisaient sonner. Ils avaient aussi des triangles où étaient tendues des cordes, et un instrument à vent auquel étaient adaptés plusieurs tuyaux roulés comme des serpents. Jésus s'arrêtait ça et là et enseignait : on lui offrit à manger ainsi qu'aux disciples, notamment des grappes de raisin portées par deux personnes sur des bâtons. Le soir, le Seigneur logea dans une hôtellerie, à l'extrémité de cette rangée de maisons, non loin de la grande et belle synagogue de Dibon, qui était située entre Dibon et ces habitations, sur une large place au milieu du chemin ; elle était entourée d'arbres. Jésus fut aussi hébergé dans une cabane de feuillage et il y enseigna. Le jour d'après, Jésus enseigna dans la synagogue. Il raconta encore la parabole du semeur, il enseigna sur le baptême et sur l'approche du royaume de Dieu, parla aussi de la fête des Tabernacles et de la manière dont on la célébrait ici. Il reprocha à ces gens de mêler des choses pa'ennes à leur culte, car il y avait encore ici des Moabites, et les habitants avaient contracté des alliances avec eux. Lorsque Jésus sortit de la synagogue, il trouva sur la place beaucoup de malades qu'on avait apportés dans des litières. Ils criaient : " Seigneur, vous êtes un prophète ! vous êtes l'envoyé de Dieu, vous pouvez nous secourir. Secourez nous, Seigneur ? " Il en guérit plusieurs. Le soir, on lui donna, ainsi qu'aux siens, un grand repas dans l'hôtellerie. Il y avait dans le voisinage beaucoup de marchands pa'ens qui écoutaient. Il parla de la vocation des gentils, de l'étoile qui avait paru dans le pays des rois mages, et du voyage qu'avaient fait les rois pour visiter l'Enfant. Il quitta cet endroit pendant la nuit, et alla seul prier sur une montagne. Il donna rendez vous à ses disciples pour le jour suivant sur la route du côté du Dibon. Dibon est à six lieues de Galgala ; c'est un endroit où il y a beaucoup de sources et de prairies ; on y voit beaucoup de jardins et de terrasses. Remarque. Aujourd'hui, 17 octobre et les jours suivants, la narratrice, qui était très souffrante, fut tellement gênée et dérangée par des visites, qu'elle oublia beaucoup de choses, et fit peut être plus d'une confusion dans son récit. Jésus ne fit que le traverser, mais sur le chemin, il parla aux disciples des jugements terribles qui devaient venir, d'une époque de détresse et de dépravation où la mère mangerait son propre enfant. Je vis alors une scène de la destruction de Jérusalem ; je vis une femme qui alors n'était pas encore née, sortir de cette ville, et, poussée a bout par le désespoir, faire rôtir son enfant et le manger. Il alla encore dans une petite ville où il enseigna ; mais les habitants étaient mal disposés pour lui. Il se trouvait là des espions de Jérusalem qui le contredisaient et lui reprochaient ce qu'il disait de son Père céleste. Il s'arrêta là quelque temps, et quitta cet endroit. Je le vis traverser une petite rivière. Vers le soir il arriva à Sukkoth. La ville n'était pas très grande ; mais il vint à lui une foule extraordinairement nombreuse où se trouvaient plusieurs malades. Il enseigna dans la synagogue, et fit donner le baptême. Outre Saturnin, quatre autres disciples baptisaient. Lorsque Jésus passa devant Jean, il se trouva entre autres, parmi ceux qui le suivirent, deux frères, neveux de Joseph d'Arimathie par leur mère : l'un s'appelait Aram, le nom de l'autre était comme Thémé ou Théméni. Ils étaient de Jérusalem et orphelins. C'était principalement à cause d'eux que Joseph, qui était leur tuteur, était venu d'Arimathie. Ils avaient une part de propriété dans le jardin où Jésus fut enseveli. Leur souvenir m'est revenu à la fête de saint Luc. Ils furent disciples de saint Luc, qu'ils avaient connu antérieurement, lorsqu'il voyageait encore en qualité de médecin et de peintre, et auquel ils communiquaient fréquemment des nouvelles de toute espèce. Ils furent aussi avec saint Paul, mais alors ils avaient reçu d'autres noms. Ils allèrent avec Luc en Egypte, et aussi en Bithynie, ou il fut martyrisé : c'est un pays par rapport auquel la Judée est très élevée. à Sukkoth, le baptême se donnait près d'une fontaine située dans une grotte creusée dans le roc, et tournée au couchant vers le Jourdain. Toutefois, on ne pouvait pas voir le fleuve de là, à cause d'une colline qui interceptait la vue. L'eau de la fontaine venait pourtant du Jourdain ; elle était très profonde. La lumière y arrivait d'en haut par des ouvertures : devant la grotte était un lieu de plaisance spacieux, élégamment arrangé, avec des arbustes, des touffes de plantes aromatiques et du gazon. Il y avait là une ancienne pierre monumentale qui avait rapport à une apparition de Melchisédech à Abraham. Jésus enseigna ici sur le baptême de Jean : c'était un baptême de pénitence qui devait bientôt cesser et être remplacé par le baptême du Saint Esprit pour la rémission des péchés. Il leur fit faire une confession de leurs péchés en général, après quoi ils s'accusèrent individuellement de leurs principales transgressions les plus graves et de leurs passions dominantes. Il en terrifia plusieurs en leur disant les péchés dont ils s'étaient rendus coupables. Il leur imposa les mains pour les absoudre. Ils ne furent pas plongés dans l'eau. Près de la pierre commémorative d'Abraham, il y avait un grand bassin au dessus duquel ceux qui devaient être baptisés se courbaient, les épaules nées. Celui qui administrait le baptême leur versait trois fois de l'eau sur la tête avec la main ; un grand nombre de personnes furent baptisées ici. Abraham a habité à Sukkoth avec sa nourrice Maraha. Il y avait des champs en trois endroits. Il fit déjà ici un partage avec Loth. Ce fut ici que Melchisédech vint pour la première fois visiter Abraham : ce fut une visite semblable à celle que lui faisaient souvent les anges. Il lui prescrivit un triple sacrifice de colombes, d'oiseaux à long bec et d'autres animaux. Il lui dit aussi qu'il viendrait plus tard à lui pour faire une oblation de pain et de vin, lui fit connaître différentes choses pour lesquelles il fallait qu'il priât, et lui annonça aussi des événements futurs concernant Sodome et Loth. Melchisédech, à cette époque, n'avait plus sa résidence terrestre à Salem. Jacob aussi demeura ici. Pendant que Jésus était à Dibon, je vis Luc dans la vallée de Zabulon chez Barthélémy qui y avait son établissement. Ils parlaient du baptême de Jean que Barthélémy avait reçu, et des bruits qui couraient sur Jésus. Luc ne pouvait pas comprendre qu'il frayât avec des gens de si bas étage. Je ne sais pas trop de quelle religion était Luc. Il n'était ni juif ni pa'en : c'était un savant qui recueillait partout des informations. Il était d'Antioche et portait un costume plutôt romain que juif : il avait étudié en Egypte, exerçait la médecine, recueillait des plantes, et il choisissait aussi des idoles qu'il envoyait en Egypte. Il eut des relations fréquentes avec les disciples de Jésus, mais ce ne fut que peu de temps avant la mort du Sauveur qu'il s'adjoignit définitivement à eux. (18 octobre. ) Jésus continua son voyage vers le grand Chorazim, où il avait donné rendez vous à sa mère et aux saintes femmes dans une hôtellerie située près de là. Il passa par Geras où il célébra le sabbat. Après le sabbat, il se rendit à une hôtellerie située dans le désert, à quelques lieues de la mer de Galilée. Les gens qui la tenaient demeuraient dans le voisinage. On l'avait ornée comme une cabane de feuillage. Les saintes femmes l'avaient louée depuis quelques jours et y avaient tout disposé ; elles y célébraient vraisemblablement pour leur compte la fête des Tabernacles. Elles faisaient venir leur nourriture de Gerasa. La femme de Pierre était avec elles ainsi que toutes les autres, même Suzanne de Jérusalem, mais non Véronique. Jésus s'entretint en particulier avec sa mère ; il lui dit qu'il irait encore à Bethanie, puis au désert. Marie était sérieuse et triste : elle le pria de ne pas aller à Jérusalem, parce qu'elle avait entendu parler de la délibération qui y avait eu lieu à son sujet. Jésus passa la nuit ici. Plus tard, il enseigna sur une colline où était un siège de pierre qui avait autrefois servi de chaire. Il y avait là beaucoup de gens du pays et une trentaine de femmes. Celles ci se tenaient à part toutes ensemble. l Après l'instruction, il dit à ses compagnons qu'il se séparerait bientôt d'eux pour un temps, qu'ils devraient alors s'en aller chacun de leur côté, et les femmes de même, jusqu'à ce qu'il fût de retour. Il parla aussi du baptême de Jean qui allait cesser, et de persécutions qui l'attendaient lui et tous les siens. (23 octobre) Le dimanche soir, Jésus quitta l'hôtellerie avec une vingtaine de disciples et de compagnons, et alla au sud ouest dans un district situé à environ douze lieues. Sur sa route étaient plusieurs villes dont j'ai oublié les noms en partie. J'ai vu cette nuit tant de villes dont il ne reste plus trace ! Il arriva près d'une ville devant laquelle était une hôtellerie qui avait été louée à perpétuité pour lui et les siens. : Marthe, qui venait de voyager pour la première fois en compagnie des saintes femmes lorsqu'elles étaient allées à Gerasa, avait, lors de ce voyage, tout disposé dans cette hôtellerie. Les gens qui la tenaient demeuraient dans le voisinage. Les amis de Jérusalem en faisaient les frais. Les femmes l'avaient indiquée hier à Jésus, lors de son départ. La ville est à environ neuf lieues de Jérusalem et à six ou sept de Jéricho. Des Esséniens demeuraient dans le voisinage de l'hôtellerie ; ils vinrent trouver Jésus, lui parlèrent et mangèrent avec lui. Il alla aussi à la synagogue et enseigna sur le baptême de Jean, disant que c'était un baptême de pénitence, une première purification incomplète, cérémonie préparatoire, comme il s'en trouve quelques unes dans la loi, et qu'il différait du t baptême de Celui que Jean annonçait. Je n'ai vu rebaptiser ceux qui avaient reçu le baptême de Jean qu'après la mort de Jésus et la descente du Saint Esprit : cela se fit à la piscine de Bethesda. Les pharisiens de l'endroit lui demandèrent à quels signes on devait reconnaître le Messie, et il le leur dit. Il prêcha contre les mariages mixtes avec les Samaritains et avec les pa'ens. Judas Iscariote, qui fut plus tard apôtre, avait assisté ici à la prédication de Jésus. Il vint seul et non pas avec les disciples. Après avoir écouté Jésus deux jours de suite, et bavardé à ce sujet avec les pharisiens qui contredisaient le Sauveur, il était allé à un endroit voisin assez mal famé, et il avait parlé avec emphase à un homme pieux de l'enseignement de Jésus. Cet homme fit prier Jésus de venir le voir. Judas s'occupait de trafic, tenait des écritures et se chargeait de toute espèce de commissions pour les uns et les autres. Il avait hautement vanté Jésus ici, car c'était un flatteur, et il disait à chacun ce qu'il croyait devoir lui plaire. Il partit avant l'arrivée de Jésus. (24 octobre.) Jésus, sur l'invitation de l'homme dont il a été question, se rendit chez lui avec ses disciples, après avoir fini son instruction. Ce bourg n'était pas grand, il était d'origine nouvelle et en assez mauvais renom, à cause des gens de toute espèce qui l'habitaient. Il doit s'être passé près d'ici quelque chose qui a rapport aux Benjamites : car il y avait dans le voisinage un arbre entouré d'un mur dont personne n'approchait. il y avait aussi un endroit où Abraham et Jacob avaient offert des sacrifices. Esau s'y était retiré lorsque Jacob et lui se brouillèrent au sujet de la bénédiction paternelle. Isaac résidait alors près de Sichar. L'homme que Jésus vint visiter ici s'appelait Ja're. C'était un Essénien de ceux qui vivaient dans l'état de mariage. Il avait une femme et plusieurs enfants. Ses deux fils s'appelaient Ammon et Caleb. Il avait aussi une fille que Jésus guérit plus tard ; mais ce n'est pas le Jaire de l'Evangile. Il était de la race de l'Essénien Khariot, qui avait fondé les couvents de Bethléhem et de Maspha, et il savait beaucoup de choses touchant les parents et la jeunesse de Jésus. Il alla au devant de lui avec son fils, et le reçut avec beaucoup de déférence. Sa charité faisait de lui le principal personnage de cet endroit mal famé. Il prenait soin des pauvres, instruisait, à certains jours fixés, les enfants et les ignorants, car il n'y avait en ce lieu ni école, ni prêtres. Il assistait aussi les malades. Jésus mangea et logea chez lui. Le Seigneur enseigna ici, comme à l'ordinaire, sur le baptême de Jean, l'approche du royaume de Dieu, etc. Il alla avec Ja're voir les malades et les consola : toutefois, il ne voulut pas opérer de guérisons. Il promit qu'il reviendrait dans quatre mois, et qu'alors il les guérirait. Dans sa prédication, il fit allusion aux événements qui s'étaient passés ici, rapprocha la conduite d'Esau, qui dans son ressentiment s'était éloigné de son frère, des sentiments de mépris et de répulsion que cet endroit inspirait aux autres juifs. Il parla de la miséricorde du Père céleste, en vertu de laquelle la promesse était accomplie pour tous ceux qui croyaient à celui qu'il avait envoyé, recevaient le baptême, faisaient pénitence, et dit comment la pénitence interrompait les suites des mauvaises actions. Le soir, Jésus partit pour Bethanie, accompagné de Ja're, des fils de celui ci et des disciples. Les premiers allèrent avec lui jusqu'à moitié chemin. Le jour suivant, Jésus était avec ses disciples dans une hôtellerie voisine de Bethanie. Il y enseigna longtemps, et en prenant congé de ses auditeurs, il parla des dangers qu'il aurait à courir ainsi que tous ceux qui l'accompagneraient dans la carrière où il allait entrer. Il leur dit aussi qu'ils étaient libres de le quitter, et qu'il leur fallait mûrement réfléchir s'ils voulaient à l'avenir persévérer avec lui. Lazare vint ici à sa rencontre, et lorsque les disciples furent partis pour retourner chez eux, il ne resta avec lui qu'Aram et Théméni qui l'accompagnèrent à Bethanie, où plusieurs de ses amis de Jérusalem l'attendaient. Les saintes femmes y étaient aussi, entre autres Véronique. (26 octobre.) Je vis aujourd'hui Jésus à Bethanie chez Lazare. Nicodème, Joseph d'Arimathie, Obed, fils de Véronique, Jean Marc et Simon le lépreux, un pharisien de Bethanie, ami de Lazare, se trouvaient là. Jésus enseigna sur le baptême de Jean et sur celui du Messie, sur la loi et son accomplissement, sur toutes les sectes des juifs et sur les caractères qui les distinguaient. On avait apporté de Jérusalem des livres de l'Ecriture, et il leur expliqua des passages des prophètes qui se rapportaient au Messie. Tous n'étaient pas présents à cette explication, mais seulement Lazare et quelques uns des plus intimes. Jésus parla de sa résidence future : ils lui conseillèrent de ne pas s'établir à Jérusalem, et ils lui firent part de tout ce qu'on y disait de lui. Ils l'engagèrent à résider à Salem, parce qu'il y avait peu de pharisiens. Il parla de tous ces lieux, et parla aussi de Melchisédech, dont le sacerdoce devait avoir son accomplissement, ajoutant que Melchisédech avait mesuré les chemins et posé les fondements des lieux où le Père céleste voulait que le Fils de l'homme passât. Il leur dit encore qu'il serait le plus souvent sur les bords du lac de Génésareth, etc. Jésus eut cet entretien avec eux dans un lieu retiré des appartements qui donnaient sur le jardin. Jésus s'entretint aussi avec les femmes. Ce fut dans les anciens appartements de Madeleine, qui avaient vue sur la route de Jérusalem. Sur la demande de Jésus, Lazare lui amena sa soeur Marie la Silencieuse et le laissa avec elle : les autres femmes se retirèrent dans le vestibule. Aujourd'hui, Marie se comporta avec Jésus tout autrement que la première fois. Elle se prosterna devant lui et lui baisa les pieds. Jésus la laissa faire et la releva en la prenant par la main. Comme l'autre fois, elle parla les yeux levés au ciel, et tint les discours les plus profonds et les plus merveilleux, ce qu'elle fit de la façon la plus simple et la plus naturelle. Elle parla de Dieu, de son Fils et de son royaume, comme une fille de la campagne parlerait du père de son seigneur et de l'héritage de celui ci. Tout ce qu'elle disait était prophétie, parce qu'elle voyait tout devant ses yeux. Elle parla des dettes énormes qu'avait accumulées une mauvaise administration dirigée par des serviteurs et des servantes infidèles ; maintenant le Père avait envoyé son Fils pour tout remettre en ordre et tout payer ; mais il devait être mal accueilli, mourir dans les tourments, racheter son royaume au prix de son sang, et acquitter les dettes des serviteurs, afin qu'ils pussent redevenir les enfants de son Père Elle disait tout cela en très beaux termes, d'une façon toute naturelle, comme si elle eût parlé de quelque chose qui se passait près d'elle : elle s'en réjouissait, puis elle s'attristait de ce qu'elle aussi était une servante inutile, et de ce qu'un si rude labeur était imposé au Fils du Seigneur et du Père miséricordieux. Elle gémissait aussi de ce que les serviteurs ne voulaient pas comprendre cela : c'était pourtant bien naturel et il en devait être ainsi. Elle parla encore de la résurrection, dit que le Fils devait aller aussi visiter ces serviteurs qui languissent dans les prisons souterraines, pour les consoler et les délivrer après qu'il les aurait rachetés ; qu'alors il reviendrait avec eux vers son Père, et que tous ceux qui ne le reconnaîtraient pas comme leur Rédempteur et continueraient leurs mauvaises pratiques, seraient jetés dans le feu quand il reviendrait pour juger. Elle parla de la mort et de la résurrection de Lazare. "Il quitte ce pays, disait elle, il regarde tout, et on pleure autour de lui comme s'il ne devait jamais revenir : mais le Fils le rappelle, et il travaille à la vigne. " Elle parla aussi de Madeleine et dit : "La jeune fille est dans l'affreux désert où étaient les enfants d'Israël (5), à la mauvaise place où il fait si sombre et que le pied de l'homme n'a jamais foulée : mais elle en sortira pour aller dans un autre désert où elle réparera tout par la pénitence. " Note 5 : La narratrice ne se souvient plus quel désert des enfants d'Israël. Marie la Silencieuse comparait avec l'état de Madeleine. Elle dit à ce sujet : " C'était un affreux endroit. Les Israélites y vinrent après avoir fait quelque chose de mal, et Aaron dit que personne n'y avait jamais mis le pied : ils n'y restèrent que onze jours. Marie la Silencieuse parlait d'elle même comme d'une prisonnière. Son corps lui paraissait une prison. Elle ne savait pas que c'était là la vie, et elle désirait ardemment retourner dans sa maison. Tout était étroit ici et personne ne la comprenait ; ils étaient comme des aveugles. Elle se résignait pourtant volontiers à rester : elle voulait attendre tranquillement : certainement elle ne méritait pas mieux. Jésus lui parla très affectueusement : il la consola et lui dit : " Tu retourneras dans la patrie après la Pâque, lorsque je reviendrai ici. "Ensuite il lui donna sa bénédiction, qu'elle reçut à genoux. Il lui imposa les mains, et il me sembla qu'il lui versait quelque chose sur la tête avec une fiole : je ne sais pas bien si c'était de l'huile ou de l'eau. J'eus l'idée confuse que c'était un baptême. Mais je n'en puis rien dire : cela est resté obscur pour moi, et je crois maintenant que peut être je ne dois pas le savoir. " Après un intervalle de silence, la narratrice continua en ces termes : " Marie la Silencieuse était une très sainte personne. Nul ne la connaissait et ne la comprenait ; elle vivait entièrement absorbée dans des visions touchant l'oeuvre de la Rédemption que personne ne pressentait, mais qu'elle comprenait d'une façon tout à fait na've. On la croyait idiote. Lorsque Jésus lui fit connaître l'époque où elle mourrait, et lui dit qu'elle sortirait alors de sa prison pour retourner dans sa demeure, il lui fit une onction sur le corps en vue de sa mort. On peut induire de là que le corps a plus de valeur que beaucoup de gens ne le croient. Jésus prit pitié de Marie la Silencieuse, qui, étant considérée comme aliénée, ne devait pas être embaumée. Sa sainteté était un secret. Jésus congédia Marie la Silencieuse, et elle retourna dans son appartement. Jésus s'entretint ensuite avec les hommes, et leur parla du baptême de Jean et du baptême du Saint Esprit. Je ne me souviens d'aucune différence considérable entre le baptême de Jean et le premier baptême donné par les disciples de Jésus : celui ci seulement se rapportait d'une manière plus prochaine à la rémission des péchés. Je n'ai vu rebaptiser aucun de ceux qui avaient reçu le baptême de Jean qu'après la descente du Saint Esprit. Avant le sabbat, les amis de Jérusalem retournèrent à la ville. Aram et Théméni allèrent avec Joseph d'Arimathie. Jésus leur avait dit qu'il voulait se séparer des hommes pendant quelque temps, afin de se préparer à sa laborieuse prédication. Il ne leur dit pas qu'il voulait jeûner. |