PRÉFACE


 

   Lorsque Clément Brentano, il y a plus de vingt ans, publia les visions d'Anne Catherine Emmerich sur la Douloureuse Passion de N. S. Jésus Christ, il les appela "des méditations" pour lesquelles il ne demandait qu'une chose, c'est qu'on y vit tout au plus "les méditations de Carême d'une dévote religieuse", peut être aussi incomplètement saisies et reproduites qu'inhabilement rédigées. Toutefois la grande masse de lecteurs que ces " méditations " ont immédiatement trouvée, les a involontairement prises pour ce qu'elles sont en réalité, c'est à dire pour des visions ou des communications dérivées et d'un don d'intuition surnaturelle, et non pour le produit de l'intelligence humaine travaillant dans sa propre sphère. On crut pouvoir trouver une garantie pour la justesse de cette appréciation dans la courte biographie d'Anne Catherine Emmerich que Brentano avait fait imprimer comme étant ce qui pouvait le mieux les recommander. Il y décrivait en effet d'une manière si simple et si persuasive les directions merveilleuses, les grâces accordées à Anne Catherine et ses souffrances extraordinaires, que raisonnablement il ne restait au lecteur d'autre alternative que de rejeter la biographie comme une oeuvre d'imagination et par là même les visions comme une illusion et une imposture, ou de reconnaître dans l'une comme dans les autres tous les caractères de l'authenticité. Malgré tout ce qu'il y avait là d'extraordinaire, personne ne s'est arrêté sérieusement au premier parti car la bénédiction attachée aux visions est trop grande et trop évidente pour qu'on puisse en chercher l'origine dans le mensonge. Qui les a jamais prises en main sans en retirer les consolations les plus multipliées et une nouvelle ardeur pour la piété ? Qui s'est laissé aller à l'impression puissante de leur vérité na've sans se sentir pénétré d'un amour plus ardent pour le très Saint Sacrement, pour Marie et pour l'Eglise.

   Ce fait doublement consolant dans un temps comme le nôtre, et le désir ardent ressenti par tant de personnes de posséder aussi complètes que possible les visions d'Anne Catherine sont cause qu'on a entrepris de publier toutes les visions qui se rapportent à la vie de Jésus.
L'éditeur se rend parfaitement compte de la grande responsabilité que lui impose son travail dans une matière aussi grave et aussi féconde en conséquences : aussi n'a t il rien négligé de ce qu'on a le droit d'exiger de quiconque se charge d'une semblable entreprise. Non seulement il a pris la connaissance la plus exacte de toutes les notes que Clément Brentano a écrites jour par jour avec une conscience scrupuleuse pendant un séjour d'environ six ans auprès d'Anne Catherine, mais il a soumis tout ce qu'il y a pris pour la présente publication à l'examen rigoureux de théologiens compétents. En outre, il mettra le lecteur lui même en mesure de se former avec assurance un jugement précis et éclairé sur tout ce dont il s'agit. C'est pourquoi dans l'introduction on donne des éclaircissements sur le don d'intuition d'Anne Catherine et en particulier sur le caractère et l'objet de ses visions : en outre, on y rend compte aussi exactement que possible de la manière dont Anne Catherine a communiqué ses visions à Clément Brentano et dont celui ci les a reproduites. On commence par établir avant tout les principes suivant lesquels on doit juger les visions ou les soi disant révélations, tels qu'ils sont admis dans l'Eglise. Ils ont servi de règle à l'éditeur pour se diriger : c'est pourquoi il prie le lecteur de les prendre aussi pour guides dans l'appréciation de son travail.

Fête du Saint Nom de Marie, 1857.
L'Éditeur.