APPENDICE ET VISIONS DIVERSES I Explication de l'éditeur. Les derniers mots du chapitre précédent étaient suivis, dans le journal du Pèlerin, de cette exclamation : " Quel malheur ! quel malheur tout est perdu " ! Anne-Catherine était mortellement malade ; ses communications devenaient de plus en plus incomplètes, et le soir du 8 janvier 1824, il ne peut plus obtenir de réponse à ses pressantes interrogations, ce qui lui arracha cette exclamation douloureuse. La bouche de la pieuse fille était muette désormais pour toute communication ultérieure, et le Pèlerin n'avait plus qu'à raconter l'histoire de ses souffrances, que chaque jour vit s'accroître jusqu'à sa mort, arrivée le 9 février 1824. Même au milieu des douleurs de ces dernières semaines d'agonie, Anne Catherine ne fut jamais sans intuitions intérieures qui se rapportaient principalement à sa propre vie et à l'accomplissement de la tâche que Dieu lui avait imposée, car elle dit une fois à son confesseur : " J'ai jusqu'à présent toujours souffert pour autrui. mais maintenant c'est pour moi-même ". Elle fit aussi au Pèlerin, le 14 janvier, cette question remarquable et qui le frappa d'étonnement : " Quel jour sommes-nous " ? " Le 14 janvier ". " Ah ! j'aurais eu bientôt fini de raconter la vie de Jésus, et je suis réduite à ce triste état " ! Ce furent presque les dernières paroles suivies que la mourante put articuler, et c'est pourquoi elles peuvent être considérées comme un témoignage d'autant plus important, d'où il résulte que la communication de ses visions sur la vie de notre divin Sauveur avait été, avec ses souffrances non interrompues et dépassant toute description, qu'elle offrait pour la sainte Vierge comme un sacrifice expiatoire, la tâche principale de sa vie favorisée de grâces si merveilleuses. Mais ces paroles sont aussi la clef de ces belles visions dont la série a pris fin avec le sixième chapitre de ce volume ; car prononcées sans que rien d'extérieur les eût provoquées, elles ne peuvent s'expliquer que par la contemplation intérieure de la partie de sa tâche qu'Anne Catherine avait pu remplir jusque-là, et font voir en même temps dans les desseins mystérieux de la sage et mystérieuse Providence de Dieu, la cause unique et exclusive qui lui fit voir deux fois ces dernières visions, afin qu'à la seconde fois elle pût les raconter au Pèlerin. Quiconque aura suivi jusqu'ici avec une sympathie attentive la série complète des communications sur la vie de Jésus, ne verra pas dans cette répétition des visions un simple hasard, ni une opération volontaire de l'esprit de la voyante pour se les rendre de nouveau présentes, car cela n'était pas au pouvoir d'Anne Catherine, dont l'âme très pure, semblable à un clair miroir. ne réfléchissait d'autres images que celles qu'elle recevait de l'irradiation de la lumière prophétique surnaturelle. Le Pèlerin fut si frappé de l'importance de ces paroles, que dans son journal il y joignit l'observation suivante : " Elles indiquent qu'Anne Catherine a plus clairement que jamais la conscience de ce qui se passe en elle, d'autant plus que, par l'effet d'une grâce toute spéciale ; elle a vu se reproduire pour elle les visions de plusieurs mois. Si, grâce à la bonté de Dieu, tout a été donné avec une si rigoureuse exactitude, les omissions et les négligences doivent être imputées uniquement à la destinée que sa justice et sa miséricorde ont faite aux choses les plus saintes et les plus belles, en les remettant entre des mains humaines ". L inébranlable conviction du Pèlerin qu'Anne Catherine ne voyait pas ce qu'elle racontait dans sa propre lumière naturelle, mais dans une lumière prophétique reçue de Dieu, lui fit écrire les communications surprenantes des derniers mois avec la même simplicité et la même fidélité. que celles des temps qui avaient précédé. Intimement persuadé, comme il l'était, que la transcription des visions était une mission que Dieu lui avait imposée, il s'y employa, cette fois encore, avec la probité la plus scrupuleuse. Il ne lui vint jamais dans l'esprit de se fatiguer inutilement à la poursuite d'une question insoluble, en se demandant pourquoi des faits comme ceux-là ne devaient être mis au jour pour la première fois que dans l'époque actuelle, pourquoi ils devaient l'être de cette façon et non d'une autre. Il lui semblait parfaitement conforme à la sagesse divine qu'une âme aussi favorisée que celle de la pieuse Anne Catherine contemplât et adorât tous les mystères de la très sainte vie de Jésus, et qu'unissant humblement les douleurs et les labeurs innombrables qui étaient sa propre mission avec l'oeuvre journalière de notre Sauveur sur la terre, elle fit participer l'Église de son temps aux mérites des oeuvres cachées de la charité de l'Homme Dieu. L'éditeur partage cette conviction, et c'est pourquoi il a la confiance que bien des lecteurs auront accompagné le Sauveur avec un sentiment de gratitude et de joie, sur tous les chemins ou les visions les ont conduits pour la première fois. Plus il en sera ainsi, plus les fruits de ces visions se montreront abondants et variés, plus elles porteront les âmes à la pénitence, à la méditation amoureuse des mystères de la très sainte vie de Jésus, plus il deviendra facile de comprendre pourquoi ces choses ont été manifestées par l'intermédiaire d'une pauvre religieuse persécutée au milieu d'une époque si troublée et si assombrie. 2. Dans l'introduction, au premier volume, page 6, l'éditeur a dit qu'Anne-Catherine avait commencé à la fin de juillet 1820 à voir jour pour jour, de la manière la plus suivie la vie enseignante de Jésus-Christ. Maintenant qu'un travail incessant consacré à l'histoire de la vie d'Anne-Catherine lui a fait acquérir une connaissance plus approfondie de cette âme extraordinaire, il doit rectifier cette assertion, en ce sens que la date indiquée n'est pas celle où la pieuse fille a commencé à voir, mais celle où elle a commencé à raconter ce qu'elle avait vu. En effet, Anne-Catherine eut l'intuition la plus complète de toute la carrière terrestre du Sauveur pendant la plus grande partie de sa vie, par conséquent bien avant que le Pèlerin fût venu à elle et eût été favorisé de ses communications. Dés sa plus tendre jeunesse, elle voyait journellement dans des tableaux historiques et allégoriques non seulement le mystère célébré par l'Eglise à chacune de ses fêtes, mais encore le fondement éternel du cycle ecclésiastique lui-même, c'est-à-dire la vie de Homme-Dieu, telle qu'elle s'est déroulée sur la terre à l'époque déterminée de toute éternité, et en tant qu'elle est un présent toujours vivant dans son action sanctifiante sur l'Église et par l'Église sur chacun des fidèles. Il y avait donc dans les visions de la vie de Jésus deux choses à considérer : d'une part, la contemplation purement historique et objective ; d'autre part, l'application de ce qu'Anne-Catherine avait vu, la relation avec sa propre personne et avec l'accomplissement de la tâche qui lui était imposée au profit de l'Église de son temps. Ainsi se reproduisait, quant à la contemplation, ce qui se produit quant à la foi de tous les autres fidèles non contemplatifs. En effet, par l'acte de foi divine qui accepte comme indubitablement vrai ce que l'Église infaillible nous propose de croire comme révélé par Dieu, le fidèle s'assimile en quelque sorte la révélation divine, de telle sorte qu'il entre dans un rapport réel et vivant avec toute son histoire, telle qu'elle se développe comme l'unique vérité vivifiante depuis le commencement des temps jusqu'au siècle où il vit à travers l'économie divine de l'ancienne et de la nouvelle alliance ; et cela quoiqu'il n'ait pas dans le détail, la connaissance réfléchie des rapports innombrables qui rattachent cet acte de foi à toute l'histoire de la Rédemption : le fidèle est réellement en pleine et absolue possession de la vérité, telle qu'elle lui est offerte comme histoire et condition de la Rédemption par l'infusion de la lumière divine et par le témoignage de l'Église infaillible, lors même qu'il n'a pas une notion claire et une compréhension profonde de toutes ses parties ou de tous ses mystères. Mais Anne Catherine qui, outre la lumière infuse de la foi, avait aussi reçu la lumière supérieure de la contemplation et de l'esprit prophétique, voyait dans cette lumière tout ce qui fait l'objet de la foi, c'est-à-dire l'histoire de la Rédemption dans son enchaînement intime, comme dans son développement extérieur à travers tous les âges et. dans tous les personnages qui y avaient joué un rôle. Elle voyait dans le plus grand détail et de la façon la plus claire tout ce qui se trouve aussi compris en substance dans la quête de foi pure, mais seulement à l'état de notion obscure et voilée. Toutefois, l'intuition ne rendait pas la foi superflue pour elle ; mais plutôt la foi vive lui était aussi nécessaire qu'aux contemporains mêmes du Sauveur, lesquels, bien que témoins oculaires de sa très sainte vie et de ses actes miraculeux, ne pouvaient être justifiés que par cette même foi, qui, pour nous et pour tous ceux qui viendront après nous, est le moyen indispensable d'arriver au salut. Mais de même aussi que la foi opère dans la charité, de même qu'elle s'attache principalement aux mystères qui, suivant les besoins personnels du fidèle et les circonstances au milieu desquelles il a à remplir la tâche qui lui est assignée par Dieu, sont plus propres à l'exciter, à l'encourager, à le fortifier, à l'éclairer ; de même Anne Catherine, selon que le demandaient la nature de ses souffrances et de ses travaux pour l'Église, les persécutions qu'elle avait à subir ou ses autres besoins spirituels, voyait se détacher de ses grandes contemplations historiques certaines visions qui se rapportaient aux circonstances de sa vie et se présentaient à elle comme des consolations, des avertissements, des exhortations, des enseignements C'est quelque chose de semblable à ce que fait un directeur éclairé quand il présente successivement à son enfant spirituel les divers mystères de la très sainte vie de Jésus, soit comme proposés à son imitation, soit comme sources de consolation et de force. Seulement, pour Anne-Catherine, il ne s'agissait pas de simples méditations, mais de représentations complètes du mystère qui lui étaient mises sous les yeux avec application déterminée à ses besoins, et pendant qu'elle les contemplait, son ange gardien l'instruisait, la dirigeait et la consolait. Les visions de cette espèce furent les premières que le Pèlerin put obtenir d'Anne-Catherine. Lorsqu'il fut conduit près de son lit de douleur, il s'aperçut bientôt de tout ce que renfermait de grand et de merveilleux l'incompréhensible mystère de cette existence privilégiée, et il reconnut que dans tout ce qu'il pouvait observer en elle et autour d'elle, il n'y avait rien qui n'eût son importance, rien qui fût un pur effet du hasard ou un phénomène capricieux. Aussi commença-t-il dès le premier moment à noter très exactement tout ce qu'il observait des états par lesquels elle passait chaque jour, et le peu qu'il pouvait recueillir de sa bouche. Anne Catherine était poussée à se communiquer à lui par les avertissements constants de son ange gardien, et le confesseur y consentit d'autant plus aisément que la vie intérieure et contemplative qui mettait la pieuse fille en union avec toutes les fêtes et tous les mystères de l'année ecclésiastique se réfléchissait dans tout son extérieur, et que le don qu'elle avait reçu avait cessé depuis longtemps d'être un secret pour les personnes de son entourage. Celles-ci, en outre, étaient accoutumées à voir Anne Catherine passer continuellement d'une maladie mortelle à une autre, et livrée à des souffrances qui changeaient sans cesse de caractère et qui ne pouvaient être soulagées ni adoucies par des remèdes naturels, mais bien par la bénédiction du prêtre, par les saints sacrements, par les sacramentaux ou par le contact des saintes reliques. Cette faculté merveilleuse de reconnaître tous les objets saints et bénits, tout ce qui était en connexion vivante avec l'Eglise comme corps mystique de Jésus-Christ, était pour son plus prochain entourage un phénomène tellement journalier, qu'on l'y- regardait comme une chose qui s'entendait de soi-même, sans que personne pensât à se rendre bien compte de ce don extraordinaire quant à son caractère intime et à ses rapports avec ensemble de la tâche imposée à la pieuse fille. Mais à mesure que le Pèlerin put prendre connaissance de toutes les intuitions de cette nature dans la limite ou le permettaient les souffrances d'Anne Catherine et les obstacles venant du dehors, il vit de plus en plus se manifester à ses yeux le riche trésor de grâces qui était déposé dans cette âme, et en reproduisant ces visions moins étendues, il acquit la facilité et l'intelligence nécessaires pour recevoir plus tard des communications plus développées, et pour les reproduire avec toute leur spontanéité et leur simplicité. Le confesseur prit d'abord un certain intérêt à ces premières rédactions du pèlerin. Depuis l'an 1812 où il avait pris en main la direction spirituelle d'Anne-Catherine, il s'était passé trop de choses entre elle et lui pour qu'il ne fût pas obligé de reconnaître dans le travail du Pèlerin la confirmation de ses propres observations. Mais l'importance extrême que le Pèlerin mettait à son oeuvre, le travail consciencieux et vraiment incroyable auquel il se soumettait pour ses rédactions de chaque jour, l'intelligence supérieure de certaines choses qu'il acquit bientôt à la grande surprise du confesseur, ne tardèrent pas à effrayer de nouveau cet homme très scrupuleux et qui s'effarouchait très facilement. Il ne voulait pas et ne pouvait pas comprendre qu'on attachât tant de prix à des choses qui ne l'avaient jamais bien vivement intéressé ; alors il lui arrivait parfois de retirer la permission de raconter qu'il avait donnée, ou quand il lui venait des doutes, d'y mettre des restrictions par des ordres donnés intérieurement à sa pénitente, ce qui suffisait pour qu'Anne Catherine perdît la faculté de faire une communication quelconque jusqu'au moment où elle lui était rendue par l'octroi d'une nouvelle permission. Les choses se passèrent ainsi dans une alternative continuelle d'ordres et de contrordres, de demi consentements et de demi rétractations, depuis le mois de septembre 1818 jusqu'au mois de juillet 1820. Alors seulement le confesseur, touché de la patience et de la persévérance du Pèlerin ainsi réduit à l'impuissance en face d'Anne-Catherine, d'ailleurs sérieusement averti par Overberg et assailli par les supplications de la pieuse fille que son ange gardien pressait de se communiquer entièrement au Pèlerin, et pour laquelle la résistance à ces injonctions devenait de plus en plus intolérable, lui donna l'ordre et par là même la faculté de raconter l'ensemble de ses visions touchant la vie de Jésus. Elle le fit en commençant sa narration à l'époque qui était alors l'objet de sa contemplation. Mais, même pour ce récit suivi des visions, Anne Catherine par suite de la perfection de son obéissance chrétienne, se trouvait encore dans une dépendance si illimitée, si absolue de la volonté de son confesseur, en tant qu'il était son supérieur ecclésiastique immédiat, que cette obéissance était proprement la mesure dans laquelle elle se communiquait et lui donnait la force dont elle avait besoin pour cela. Dieu ne voulait pas que sa fidèle servante prononçât une seule parole qui ne fût un acte de vertu, en raison de la parfaite obéissance qui la faisait parler, et qui ne fût en même temps une oeuvre de pénitence et d'expiation, à cause des difficultés de tout genre contre lesquelles elle avait à lutter. Le lecteur doit sans doute être tenté de se représenter les rapports du Pèlerin et d'Anne-Catherine. les interrogations de l'un et les réponses par lesquelles l'autre faisait connaître ce qu'il lui avait été donné de voir, comme des rapports naturels et ordinaires où les communications étaient aussi claires et aussi complètes que le comportaient les facultés personnelles de la narratrice : il n'en était pourtant pas ainsi dans la réalité. Dans ces communications il n'y avait pas un mot qui provînt de la volonté libre agissant selon son bon plaisir, rien qui ne fût la conséquence de l'ordre donné au nom de l'Église. Si cet ordre faisait défaut, la bouche restait muette ; s'il était donné nettement, il apportait avec lui la force de surmonter tous les obstacles extérieurs et intérieurs ; s'il était donné avec hésitation, avec indécision, et comme à moitié retiré, la narratrice elle-même se trouvait en quelque sorte paralysée et hors d'état de résister aux dérangements extérieurs. On pourrait apporter bien des preuves à l'appui de ce qui vient d'être dit, mais l'éditeur se bornera à citer le fait suivant emprunté aux journaux du Pèlerin. En mai 1821, Anne Catherine raconta une parabole d'un sens très profond sur le mariage, qu'on trouvera plus bas à l'état de fragment dans la semaine du dimanche des Rameaux ; mais, faute d'un ordre de son confesseur, elle ne put la donner que d'une manière très imparfaite. Le Pèlerin, vivement affligé de cette perte, écrivit les paroles suivantes à la suite des notes qu'il avait péniblement recueillies. " On voit par ces misérables notes ce qui se trouve perdu, parce qu'on l'a bien voulu, et cela est vraiment désolant ". En ce moment même le confesseur survint, et le Pèlerin le conjura de donner l'ordre nécessaire pour compléter la communication ; Anne Catherine elle-même la lui demanda, afin de trouver dans l'obéissance la force dont elle avait besoin pour cela. Il ne s'y refusa nullement, il parut même s'intéresser à la chose dont le Pèlerin chercha à lui faire comprendre l'importance dans la requête pressante qu'il lui adressa. Mais pendant que le Pèlerin s'y employait de toutes ses forces, le confesseur mit la tête à la fenêtre ; apercevant une nouvelle haie que son' frère faisait faire en ce moment autour du jardin, il s'imagina que le voisin pourrait y trouver à redire, descendit en toute hâte sans atteindre la fin de la conversation..... et c'en fut fait de tout ce qu'on voulait sauver. La parabole resta incomplète, dans l'état où le lecteur la trouvera ci-dessous, à son grand regret. Mais afin de prouver une fois de plus au lecteur à quel point toute influence sur les visions, si faible qu'elle pût être, était enlevée au Pèlerin non seulement par le confesseur, mais même par l'ange gardien d'Anne Catherine, on lui communiquera le fait suivant parmi beaucoup d'autres. Le 20 avril, le Pèlerin plaça sous la main de la voyante, plongée alors dans un sommeil extatique, le treizième chapitre des Actes des apôtres. Elle commença par promener ses doigts sur les lignes comme pour les lire, puis tout à coup elle ferma la main. Puis elle se réveilla et dit : " Il me semblait que je lisais, et qu'en même temps je voyais saint Paul entrer dans une ville ; une fille qui paraissait folle le poursuivait de ses cris et il chassait le démon dont elle était possédée. J'entendis aussitôt une voix qui disait : ' Que t'importe cela ' ? et tout à coup je ne vis plus rien ". On peut gémir sur l'indifférence et l'incurie du confesseur ; mais il est impossible de n'y pas reconnaître une de ces dispositions merveille uses d'après lesquelles la très sage et très miséricordieuse providence de Dieu dirigeait toute la vie de la pieuse vierge, toutes ses souffrances et tous ses actes. Que serait-il advenu des visions et comment nous auraient-elles été transmises si au lieu du méticuleux et scrupuleux père Limberg, il se fût trouvé là un homme qu'un zèle trop ardent ou un amour irréfléchi du merveilleux eût conduit à abuser de son immense pouvoir sur une âme si sensible aux injonctions de l'autorité spirituelle, et à exercer une influence déterminante sur les visions. La confusion et le désordre s'y seraient introduits dans une mesure incomparablement plus grande, et par-dessus tout, le lecteur aurait toujours eu la crainte bien fondée de ne pouvoir pas distinguer l'oeuvre du confesseur de l'oeuvre de la voyante. Il faut ajouter que le P. Limberg était un homme de foi vive et simple qui avait en horreur le rationalisme de son époque. Son indifférence avait donc bien moins d'inconvénients que n'en eut eu une prétendue absence de préjugés qui aurait porté les ciseaux sur les visions pour y tailler un maigre résumé ou les aurait arrangées conformément aux principes d'une théologie soi-disant prudente et éclairée. La plus forte preuve qu'on puisse donner à l'appui de la réalité du don surnaturel de contemplation chez Anne-Catherine, c'est que ce don et son usage étaient exclusivement soumis aux ordres de l'autorité spirituelle et entièrement soustraits à la volonté personnelle de la contemplative elle-même comme à toute autre influence étrangère. Anne-Catherine était constamment avertie par son ange gardien que la volonté expresse de Dieu était qu'elle communiquât ses visions au Pèlerin : pourtant elle ne pouvait arriver à l'exécution de cette prescription divine, et par là même à l'accomplissement de toute une partie capitale de sa mission dans ce monde, tant que l'autorisation de celui qui était chargé de représenter auprès d'elle l'autorité divine de l'Église visible n'était pas intervenue. Ainsi se répétait pour Anne-Catherine ce qui se rencontre et doit se rencontrer sans aucune exception chez tous ceux qui ont reçu des grâces de ce genre quand c'est vraiment Dieu qui les a appelés. En effet, quand Dieu, dans les desseins impénétrables de sa sagesse, ouvre à une âme les régions inaccessibles du monde surnaturel et, pour les lui rendre familières, réveille et exalte en elle par la lumière de sa grâce des facultés jusqu'alors endormies, de manière à ce qu'elle puisse vivre d'une double vie, d'une vie de contemplation et d'une vie de foi ou d'union réelle dans le temps et dans l'espace avec l'Eglise militante sur la terre. Il la soumet aussi à une double direction. Dans les régions surnaturelles, elle a à ses côtés son ange gardien qui, en sa qualité de guide et de protecteur, l'accompagne constamment sur tous les chemins mystérieux du monde invisible et lui en explique les secrets en tant que cette connaissance lui est nécessaire. Au contraire, dans toutes les relations ordinaires de la vie terrestre, elle est soumise absolument et exclusivement à la conduite de l'Église, dans la personne de ses ministres, à ce point que le guide invisible lui-même subordonne sa direction à l'autorité visible de l'Église. En effet la vision ou l'acte exercé dans la vision n'est pas méritoire en soi ; car il ne peut y avoir de mérite ni de sainteté que dans l'exercice de la volonté libre de l'âme humaine, soumise aux prescriptions de l'Église, et munie des grâces dont elle est dépositaire. C'est pourquoi quelque grandes, quelque extraordinaires que puissent être les grâces gratuites dont Dieu orne ses élus, toute leur valeur et leur efficacité ont pour condition la fidélité et l'obéissance à l'Eglise, de la part de ceux qui les reçoivent. Pour Anne Catherine, cette obéissance était proprement le principe vital ; c'était là qu'elle puisait sa force et toute faculté d'agir et de mériter, semblable à une plante qui ne peut croître et profiter, qu'en se tournant vers la lumière du soleil. II Fragments de la vie de Jésus communiqués antérieurement à la narration suivie des visions.
Avant de donner les visions relatives aux derniers mois de la très sainte vie de Jésus, qui sont celles par lesquelles avaient commencé les communications suivies d'Anne-Catherine, nous allons mettre sous les yeux du lecteur tous les fragments que le Pèlerin put recueillir pendant le temps de son séjour à Dulmen qui précéda ces communications. Quelque courts et incomplets que soient la plupart de ces fragments, bien des lecteurs y verront avec plaisir la preuve de la fidélité consciencieuse et de la parfaite bonne foi du Pèlerin, qui s'était fait une loi de ne rien ajouter à ce que la pieuse extatique était en état de lui communiquer, et de le reproduire exactement comme elle le communiquait. VISION TOUCHANT L ÉVANGILEE DU DEUXIEME DIMANCHE APRÉS L'ÉPIPHANIE . 6 janvier 1820 .
Je vis le Seigneur et sa Mère suivre un chemin à travers le pays et s'entretenir. Je crus d'abord que c'était un jeune homme quelconque et une femme ordinaire ; car tout se présente si naturellement à moi, qu'il m'arrive le plus souvent de ne pas les reconnaître d'abord. Ils avaient déjà marche quelque temps lorsque je vis venir à eux, d'un des côtés du chemin quatre hommes parmi lesquels j'en reconnus un que je crois être saint Jean. Il y en avait un autre qui était très brun : plus tard il vint encore une grande femme plus âgée que Marie, mais très robuste. J'ai vu souvent cette femme avec les autres qui sont de la suite du Seigneur ; je la vis aussi au crucifiement. Ils arrivèrent ainsi à une petite ville dont les maisons étaient un peu disséminées sur des collines. La femme qui s'était jointe à eux sur la route les quitta devant cette ville et ils entrèrent dans une maison un peu plus grande que les autres où étaient réunis beaucoup de gens conviés à des noces. Ils accueillirent le Seigneur très affectueusement et avec un grand respect. Le fiancé avait quelque chose de délicat et de distingué à la façon de Jean. Marie et d'autres personnes allaient çà et là et semblaient s'occuper des préparatifs d'un repas. Le Seigneur et tous les autres se tenaient debout autour d'une grande table basse recouverte de tapis et sur laquelle étaient placés trois vases à boire avant la forme de calices dont le pied était enjolivé d'ornements en forme de guirlandes. Il y avait de plus pour chaque convive un petit gobelet en forme de tonneau, fait d'une matière blanche et brillante ressemblant un peu à la nacre de perle, et en outre plusieurs pintes. Celles-ci étaient rondes et plates. Ils burent ensemble dans trois des petits gobelets, et Jésus élevant la main droite, bénit la boisson et tout ce qui se trouvait autour de lui. Quand ils eurent bu les uns après les autres comme pour se souhaiter la bienvenue, et que le Seigneur leur eut adressé quelques paroles, trois d'entre eux se revêtirent d'habillements de laine blanche, et s'attachèrent autour de l'avant-bras une bande d'étoffe rouge avec des franges pendantes. Le fiancé avait aussi un habit de fête de couleur blanche, mais d'une forme un peu différente, lacé sur le devant ou garni de lacets et de boutons ; il portait une ceinture où étaient brodées des lettres. Autour de sa tête était roulé une espèce de mouchoir dont les extrémités pendaient des deux côtés sur ses épaules et surmonté de quelque chose qui ressemblait à un bouton. La plupart des autres convives qui étaient habillés de diverses façons, se joignirent à ceux-ci. Un des trois hommes vêtus de blanc (c'était un vêtement sacerdotal), marchait en avant ; après lui venaient le fiancé, puis les deux autres qui avaient des vêtements sacerdotaux, puis enfin tous les autres rangés deux par deux ; ils se rendirent ainsi à un petit temple situé sur une petite éminence. Jésus n'alla pas avec eux ; j'ai oublié de dire qu'aussitôt après son entrée dans la maison, le fiancé le conduisit dans une chambre pour s'entretenir seul avec lui, et que ce ne fut qu'ensuite qu'ils vinrent se joindre au reste de l'assemblée. Je dois dire encore que ce mariage me parut avoir lieu entre des proches parents de la sainte famille, peut-être le fiancé était-il fils d'un frère de saint Joseph : il était grand et élancé : il y avait là un de ses frères qui était plus gros et plus fort. Marie et le Seigneur lui-même semblaient faire partie de ceux qui donnaient la fête. Avant l'arrivée de la fiancée, il n'y avait pas de femmes dans la maison, sinon Marie et l'autre femme qui n'y était pas entrée en même temps qu'elle, parce qu'elle semblait avoir encore quelques affaires dans la ville de Cana, mais qui ` était revenue plus tard : elles dirigeaient tous les préparatifs. La maison n'appartenait pas à la famille des fiancés, mais à un homme qui me sembla n'avoir ni femme ni enfants. J'ai vu plusieurs fois manger l'agneau pascal dans cette maison. Elle était très spacieuse, et il semblait que le propriétaire la prêtât pour des solennités de ce genre, ou qu'il la mît comme une hôtellerie au service du public. Contre la maison étaient des espèces de hangars abrités par des toits, qui s'appuyaient sur des poteaux. Je n'ai vu faire de cuisine d'aucune espèce dans cette maison. On apportait du dehors dans des corbeilles tout ce dont on avait besoin ; si l'on apprêtait quelque chose sur les lieux, ce devait être dans les bâtiments attenants ; quant à la maison même, le local sent était prêté, ce me semble. Pendant que le cortège allait au temple avec le fiancé, les deux femmes achevèrent dans la maison tous les préparatifs de la fête : il me semble que Jésus aussi a présidé à quelques arrangements : il a fait quelque chose que j'ai oublié. Dans le petit temple il y avait près du lieu où l'on disposait les offrandes, un couloir séparé avec des fenêtres pour les femmes et les enfants : dans la partie de ce passage la plus rapprochée de la porte, se trouvait déjà à l'arrivée du cortège une troupe de femmes et d'enfants qui paraissaient appartenir aux gens qui en faisaient partie : ils avaient apporté dans des corbeilles les offrandes de chacun. Chacun en effet prit la sienne des mains de sa femme ou de son enfant et la plaça dans des ouvertures pratiquées contre l'autel. Sur cet autel je vis ensuite une petite flamme qui se jouait entre des objets de couleur blanche, assez semblables à des ossements. Les hommes avec le fiancé vinrent se placer devant une espèce de buffet où étaient deux tablettes : ils firent aussi des prières devant de grands rouleaux d'écriture. Ensuite les prêtres conduisirent le fiancé dans le passage latéral, où les femmes se trouvaient avec la fiancée à l'étage supérieur. La fiancée était très parée et tout enveloppée dans un voile. Elle était debout sous un dais blanc que quatre personnes portaient sur des bâtons au-dessus d'elle. En levant les yeux, on voyait une étoile figurée au milieu de ce dais. La fiancée et le fiancé étaient placés en face l'un de l'autre et il en était de même des gens de la noce. On fit encore des prières et on but aussi dans de petits verres qu'on passait successivement derrière soi. Les femmes relevèrent un peu le voile de la fiancée, de manière à ce qu'on vît sa bouche et son nez. Voilà ce que je me rappelle à présent de la cérémonie, mais je ne me souviens pas bien dans quel ordre tout cela se fit. Après cela ils se rendirent à la maison où devait se faire le mariage. En tête du cortège de la fiancée marchaient plusieurs jeunes filles de six à sept ans, et aussi de jeunes garçons, la plupart habilles de blanc, et portant sur la tête des couronnes de couleurs variées ; leurs cheveux étaient ramasses et rattachés sur la nuque. Ces couronnes n'étaient pas de fleurs naturelles : elles étaient faites de fils crêpés de diverses couleurs, très artistement mélangés : c'était comme de la laine ou d'autres objets de ce genre. Quelques-uns des enfants portaient aussi de semblables guirlandes autour des bras. Ces enfants faisaient de la musique ; ils avaient des instruments de toute sorte qui m'étaient inconnus : des petites boîtes garnies de cordes tendues, un tambourin semblable à une moitié de calebasse, des cymbales un grand anneau avec plusieurs grelots qu'on portait au bout d'une perche, des flûtes recourbées et des fifres attachés ensemble. Lorsque la fiancée arriva à la maison où devait se faire le mariage, le seigneur Jésus alla à sa rencontre. Elle fut conduite avec les enfants dans une pièce séparée qui lui était spécialement réservée. Les hommes et les femmes se rendirent auprès d'elle ; on but, on mangea quelque peu ; et les enfants jouèrent de leurs instruments et dansèrent devant elle ; tous ces divertissements étaient fort animés et respiraient une joie innocente. Ici le fiancé la servit et lui fit les honneurs. Je vis après cela les hommes se rendre à la salle à manger ; les enfants vinrent encore jouer des instruments et danser devant eux, puis ils retournèrent près de la fiancée. La salle à manger était séparée en deux parties par un rideau, derrière lequel étaient, dans deux coins, des extrades avec des gradins, sur lesquels étaient les aliments et ils boissons, et d'où l'on portait ce qui devait être servis sur la table. Marie et l'autre femme présidaient à tout, et allaient sans cesse de côté et d'autre ; le fiancé aussi était continuellement occupé du service et ses yeux étaient toujours attentifs aux signes de Notre Seigneur Jésus Christ. Tous se rangèrent de nouveau autour de la table et burent quelque chose ; le Seigneur qui occupait la place d'honneur bénit tout ce qui était devant lui ; après quoi on se mit à table. On ne voyait pas là d'aliments légers, comme des gelées ou des objets de ce genre ; il y avait sur des plats ovales des agneaux rôtis qu'on servait tout entiers les pattes repliées sur le côté et la tète baissée comme on représente l'agneau pascal. On voyait ça et là sur la table des piles de plaques rondes semblables à de grandes patènes, sur lesquelles on prenait des morceaux de viandes découpées. Je ne vis pas de fourchettes, mais des couteaux blancs dont la lame et le manche semblaient être de la même matière, et où il n'entrait pas de métal ; cela semblait être de l'os ou de la pierre blanche. Quand ce premier service fut fini, les convives se levèrent de nouveau pour boire ; ils firent comme la première fois, et se remirent à table. Alors on apporta des oiseaux auxquels on avait aussi conservé leur forme. On mangeait, en guise de pain, de petits disques ovales, d'un pouce d'épaisseur. semblables à de petits gâteaux. Ils se levèrent encore pour boire et la table fut bénie de nouveau ; après quoi on apporta des grappes de raisin d'une grosseur extraordinaire, au point que je les crus d'abord artificielles, et on servit dans des plats montés sur des pieds toutes sortes de petits gâteaux de forme et de couleur différentes. La fiancée vint alors avec d'autres femmes, et elles s'assirent les jambes croisées un peu en arrière des hommes. Le Seigneur n'avait pas cessé d'être très grave et très sérieux, et je l'avais vu toucher à peine à ce qui était servi. Mais à ce moment il parla davantage : il semblait enseigner, et pendant qu'il parlait, je vis Marie qui, elle aussi, était assise un peu en arrière, regarder sans cesse d'un air inquiet les vases placés sur la table, car l'un des convives, ayant voulu verser à boire à ses voisins, venait de trouver l'urne vide. Alors elle s'approcha du Sauveur qui lui parla d'un air très sérieux, et elle retourna humblement a sa place : cela me fit de la peine. Cependant le Seigneur continua à enseigner comme auparavant ; la porte était restée ouverte et un serviteur se tenait devant. Jésus ordonna de remplir d'eau les urnes : il y en avait six et elles étaient lourdes. Ils les portèrent dans une partie de la maison où jaillissait une eau limpide que recevait un réservoir de pierre blanche ; ils les remplirent et en apportèrent trois. Jésus les reçut près de l'entrée et leur dit de porter aussi les trois autres sur le buffet. Lorsque les urnes lui furent présentées, Je le vis les bénir, sans que personne y fit grande attention ; puis il en fit remporter trois. On plaça les autres sur la table ; on versa à boire et on vit qu'elles contenaient du vin rouge. Ils furent tout émerveillés, en goûtèrent et furent bientôt très animés et très joyeux ; ils témoignèrent leur surprise, parlèrent dans toute la maison et revinrent dans la salle. J'ai vu la continuation de cette scène jusqu'au jour suivant. Jésus enseigna encore longtemps. Je vis le soir allumer sur la table une grande lampe à plusieurs branches. Je vis plusieurs convives se dérober successivement, je les vis aussi prendre avec eux des mets enveloppés dans quelque chose. Il ne demeura que le Seigneur, Marie, les fiancés et quelques autres personnes. Ils restèrent ensemble toute la nuit et se couchèrent, les uns d'un côté, les autres de l'autre, contre la muraille ; le Seigneur s'entretint encore avec tous et avec chacun en particulier. Ils s'entretinrent aussi les uns avec les autres. Je me souviens encore que le Sauveur se retira le lendemain matin avec Marie. Les fiancés, à ce que je crois, se rendirent seuls dans une maison où nul n'habitait avant eux. VISION DE CONSOLATION Du 7 au 8 février 1820. Anne-Catherine, chagrinée par des commérages, s'était d'abord laissée abattre ; mais elle lutta contre sa faiblesse et fut bientôt consolée par les visions qui suivent. Je vis le Seigneur dans le voisinage de Béthanie. A Béthanie même, je vis dans une maison trois femmes plongées dans la tristesse : c'étaient deux soeurs avec une troisième personne qui semblait être à leur service. Je vis l'une d'elles, qui me parut être Madeleine, aller au devant du Seigneur. Elle s'agenouilla devant lui et lui dit quelque chose : il répondit comme pour l'éconduire ; puis il entra dans le bourg où sept à huit disciples qui l'accompagnaient se séparèrent de lui. Il alla avec cette Personne. non à la maison dont il a été parlé, mais dans un autre endroit. Je ne sais pas ce qu'il fit là. Au commencement, lorsque les deux soeurs étaient encore dans la maison, je vis beaucoup de voisins qui étaient près d'elles dire d'un ton ironique : " Elles connaissent le prophète, il peut le ressusciter ; n'est-il pas leur bon ami " ? Cela me fit penser aux propos moqueurs que tiennent les mondains de nos jours dans des occasions semblables. J'eus ensuite une autre vision. Je vis une des soeurs que je reconnus, entrer à Béthanie dans une maison où il n'y avait personne, si ce n'est un homme couvert d'ulcères qui était couché dans une chambre retirée. Je m'étonnais de la voir entrer dans une maison étrangère et y tout arranger comme si c'eût été la sienne ; mais il me fut dit qu'il fallait servir le Seigneur là où il voulait. Je la vis tout préparer pour un repas. Plus tard, le Seigneur vint avec ses apôtres et plusieurs autres personnes, et ils se mirent à table ; je vis aussi arriver Marie, la soeur de Marthe. Elle versa le contenu d'un flacon sur la tête du Seigneur, lui lava les pieds et les essuya avec ses cheveux. Je vis un homme qui murmurait à ce sujet. Avant qu'ils se retirassent, le Seigneur alla visiter le malade et le guérit. L'odeur du parfum répandu remplissait toute la maison, et il me fut dit : " Telle est la bonne odeur de la reconnaissance " ! il y avait un grand nombre de personnes devant la maison. Je vis ensuite le Seigneur : il me sembla plus jeune et m'apparut comme mon fiancé. Il montra à chacun la voie par où il devait marcher. Il étendait la main pour cela, et je voyais les voies de ses disciples partir en quelque sorte de ses doigts. Je les vis tantôt unies, tantôt sombres, tantôt lumineuses, montant, descendant et présentant successivement les aspects les plus variés ; il me montra aussi ma voie. Je vis qu'il ne me restait plus beaucoup de chemin à faire et que le plus dangereux était passé. Je me vis malade et au milieu des épines, puis je vis la voie devenir ténébreuse et beaucoup de méchants hommes qui guettaient comme voulant mettre la main sur moi ; après cela je vis sur le chemin une quantité de chiffons et de morceaux d'étoffe avec lesquels il fallait faire des vêtements pour des enfants pauvres. Je vis enfin le chemin aboutir paisiblement à une bonne station. Mon fiancé me dit que c'était là ma voie, que je devais la suivre et y marcher sans murmurer ; qu'il ne fallait pas m'inquiéter de mes stigmates et du sang qui en coulait. Il ne voulait pas laisser voir cela aux railleurs ; lui-même n'avait pas fait de miracles devant Hérode. Je ne devais donc pas me troubler à ce sujet ni rien demander. VISION SUR L'ÉVANGILE DU DIMANCHE : DE LA QUINQUAGESIME . 13 février 1820.
Le matin du dimanche de la Quinquagésime le Pèlerin trouva Anne Catherine les bras en croix : il les soutint en priant et elle lui fit un léger signe de tête. Ensuite elle lui dit : " Comment êtes-vous venu ici pour me délivrer ? J'étais attachée : ils m'ont liée à un arbre ; ils disent que je suis aussi de ceux-là. Le Seigneur vient de partir : il a rendu la vue à un aveugle ". Réveillée de son extase, elle raconta ce qui suit : Je vis Jésus sur un chemin avec les disciples et beaucoup d'autres personnes qui allaient en troupes devant lui et derrière lui. Il avait l'air d'enseigner car il s'arrêtait souvent et ils l'écoutaient. Derrière eux était une petite ville. Il y avait dans la ville beaucoup de gens mal intentionnés qui espionnaient. Un aveugle était au bord du chemin. Je vis quelques personnes l'entourer et Jésus aller à lui. Jésus prit un peu de terre qu'il pétrit dans sa main avec le doigt, puis il en frotta les yeux de l'aveugle, qui fut guéri et le suivit. Il y avait là beaucoup de méchants Juifs qui se scandalisèrent à ce sujet, et comme ils crurent que j'étais de sa suite ils me lièrent à un arbre par les deux bras m'injurièrent et me dirent d'attendre que le faiseur de miracles revînt me secourir. Je vis qu'ils se saisirent aussi du père et de la mère de l'aveugle et qu'ils les traînèrent devant plusieurs jugés pour être interrogés. Ces gens, quoique très intimidés, ne faiblirent pas et dirent la vérité. Je restai quelque temps attachée à l'arbre et j'invoquais Dieu. Alors il vint un homme qui me détacha. Le soir du 17 février, Anne Catherine fut prise des douleurs qu'elle souffrait ordinairement les vendredis : le Pèlerin lui offrit un verre d'eau fraîche, mais elle le refusa en disant : " Mon fiancé m'a fait un breuvage de souffrance ", et quelques minutes après elle raconta ce qui suit. Comme elle ne pouvait plus remuer les mains, le Pèlerin y plaça des reliques, et par ce moyen elle en recouvra peu à peu l'usage. VISION TOUCHANT UN VOYAGE DE JESUS 17-18 février 1820.
On se trouve ici loin de Nazareth : c'est à quelque distance d'ici qu'on s'embarque pour traverser le lac. Le Seigneur parcourt le pays suivi de beaucoup de disciples, mais il semble qu'il veuille aller seul quelque part. Les femmes viennent ensuite : Marie, Marthe, Madeleine, Salomé et Marie de Cléophas. (Elle dit encore quelque chose de l'activité de Marthe qui s'inquiète toujours s'il y a quelque chose à préparer et de ce que doit souffrir Marie qui est souvent injuriée à cause de son Fils ; elle parla aussi de la constance et de l'humilité de ces saintes femmes qui ne prennent rien avec elles et qui suivent le Seigneur dans ses longues courses afin de l'entendre quelquefois prêcher et de servir ses disciples.) Le Seigneur et les disciples prennent un chemin détourné qui passe par une région montagneuse pendant que les saintes femmes suivent la route directe qui traverse une belle plaine où il y a beaucoup d'arbres et de bergeries. Note : Le Pèlerin avait mis ce titre en tête de la rédaction de ce fragment, lorsqu'il ne soupçonnait pas encore qu'Anne-Catherine contemplait jour par jour, et d'une manière suivie, la vie de Jésus. Elle lui raconta séparément cette vision, parce qu'elle se rapportait à sa situation personnelle. Elles prennent un mauvais petit logement dans une maison très basse. Cela ressemble à une station de bergers. Il y a à côté de là un puits fermé ; les femmes entrent dans la maison ; les bonnes gens qui l'habitent leur cèdent la place et vont sous un hangar ouvert ; ils leur ouvrent le puits, les femmes préparent une réfection pour le Seigneur et les disciples. Elles ont dans des corbeilles de petits vases contenant un liquide blanchâtre et huileux et elles préparent un breuvage. Dans la maison il y a des cruches communes mais élégantes, munies de deux anses, et dont chacune contient à peu prés une demi pinte : elles les remplissent d'eau à laquelle elles mêlent ce liquide. Je crois que c'est de la sève que je vois si souvent couler du tronc de certains arbustes qu'on plante beaucoup ici contre les haies et sur les pentes. Quelle vie sobre ils mènent ! ils mangent rarement un morceau de pain, ils font de très grandes journées de voyage, et quand ils sont fatigués, ils versent un peu de ce liquide dans l'eau, se reposent quelques moments et se trouvent tout restaurés. Ils mangent aussi en chemin des baies de l'arbuste dont j'ai parlé ; j'ai vu le Seigneur lui-même faire ainsi. Oh ! vraiment ils sont comme des enfants. Voilà Madeleine qui va à la rencontre du Seigneur. Il arrive en faisant le tour de la montagne. Il a fait ce détour pour être plus longtemps avec les disciples. Il leur a expliqué beaucoup de choses, mais ils ne le comprennent pas encore. Voilà des gens qui viennent portant sur eux quelque chose qui brille ; ils ont des peaux de mouton sur la poitrine. Ce sont peut-être des bergers ; maintenant ils sont à table. Le Seigneur boit avec les autres, mais il les sert les premiers. Les femmes se tiennent à part. Tout se passe très bien ici. Les femmes y sont toujours ce qu'elles devraient être partout, séparées des hommes et s'occupant du service. Elles sont dans une autre chambre, elles ne mangent pas avec eux, s'il manque quelque chose, elles l'apportent. Le jour suivant, Anne Catherine revint encore à cette Vision : en proie à une fièvre ardente elle demanda un verre d'eau, ajoutant qu'elle ne voulait boire qu'une goutte, parce que le Seigneur lui avait donné ; un breuvage bien doux ; c'était une part de ses propres douleurs ; qu'elle l'avait reçu lorsqu'elle était allée à sa rencontre quand il était venu avec les disciples en faisant le tour de la montagne avant que Madeleine l'eût appelé. Je vis, continua- t- elle, Jésus dans la maisonnette où ils buvaient, envoyer les apôtres de l'autre côté du lac : je les vis sur un grand navire : il y avait une tempête et ils étaient en péril. Le Seigneur alla après eux et marcha sur l'eau ; le navire était au milieu du lac. Lorsqu'il y fut monté, l'orage s'apaisa et le navire aborda aussitôt. Les apôtres repartirent pour aller plus loin, et Jésus fut dans un petit endroit où on lui amena beaucoup de malades et de possédés qu'il guérit. Lorsqu'il chassait le démon, je voyais une vapeur noire sortir des possédés. VISION TOUCHANT L'EVANGILE DU PREMIER DIMANCHE DE CAREME . 20 février 1820.
Je vis le Seigneur dans une solitude hérissée de rochers Il était assis dans le voisinage d'une grotte qui avait dû être habitée a une autre époque ; car il y avait comme une table, ou un autel, ou un siège de pierre. Je vis ici le tentateur s'avancer près de lui sous la forme d'un homme à la taille élancée ; il portait un vêtement jaune tirant sur le rouge. Il se tenait debout près de Jésus et lui parlait ; mais Jésus ne le regardait pas. Plus tard il lui adressa quelques paroles et aussitôt après il monta plus haut. Le tentateur le suivit en prenant des sentiers détournés ; il ne le connaissait pas et ne savait pas que c'était le Fils de Dieu. Au haut de la montagne, il s'approcha de nouveau de Jésus, et je vis qu'il lui présentait une pierre blanche et ronde de la grosseur d'un oeuf d'oie ; il y en avait par terre beaucoup d'autres semblables. Je le vis montré du doigt tout ce qu'on voyait autour de soi du sommet de la montagne et indiquer a Jésus une quantité de contrées. Je vis aussi, ce qui m'épouvanta, le tentateur prendre Jésus et le transporter à travers les airs sur le pinacle du temple. Je vis le Seigneur le chasser loin de lui, après quoi plusieurs jeunes gens entourèrent le Seigneur et le portèrent en bas. (Elle était trop malade pour pouvoir en dire davantage). Je me trouvais cette nuit dans la Terre promise et je vis le Seigneur, marchant avec ses disciples, leur parler de sa passion prochaine : j'entendis le discours qu'il leur tenait. On lui amena des malades de toute espèce, et moi aussi, j'étais couchée au bord du chemin et il me dit que j'étais malade, que je souffrais, et qu'il était à propos que sa passion se renouvelât sans cesse et que j'y participasse. Mais il ajouta que j'avais des désirs immodérés, que je voulais prendre à ma charge trop de souffrances pour autrui, et que je ne calculais pas ce que je prenais ainsi à mon compte, d'où il arrivait que je succombais sous le poids, que je me laissais aller à l'impatience. Ces désirs, du reste, étaient bons, pourvu qu'ils fussent réglés par la prudence. Je vis aussi Jésus enseigner en toute liberté dans une école (c'était, je crois, à Jérusalem) ; il prit par le bras plusieurs personnes pour les faire sortie, et les Juifs furent excessivement irrités contre lui. VISION TOUCHANT L'EVANGIIE DU DEUXIEME DIMANCHE DE CAREME . 27 février 1820.
Je vis le Seigneur gravir une montagne avec plusieurs disciples auxquels il devait donner des enseignements. Il y avait des allées de verdure et des haies qu'ils traversaient ; il y avait aussi des portes. Près de l'une de celles ci, il renvoya la plupart des disciples, et monta avec trois d'entre eux sur le sommet de la montagne. Je vis alors le Seigneur lever les yeux au ciel, et une lumière partir du ciel comme un éclair. Cette lumière continua à briller un certain temps. Alors les trois apôtres tombèrent la face contre terre. Je vis Jésus élevé dans les nues, à une grande hauteur, et je vis deux vieillards planant dans la lumière s'approcher de lui et s'entretenir avec lui. Ils n'étaient pas seuls ; car il y avait encore autour de lui une multitude d'anges. Je vis le ciel ouvert au-dessus de lui et Je vis sur un trône un personnage d'un aspect majestueux, entouré d'une splendeur merveilleuse. De son visage et de sa bouche sortaient des torrents de lumière dont la plus grande partie se répandait sur Jésus. Il tenait dans la main droite un sceptre qu'il abaissait vers Jésus ; dans la main gauche, il tenait un objet assez court, semblable à une grosse verge : je ne puis pas dire ce que c'était. Le trône était porté par des vieillards, des anges et d'autres figures ; c'était comme une coupole reposant sur des colonnes ; car ce trône du Très-Haut était posé comme sur un cintre. Je vis ensuite les choeurs d'anges qui le portaient, rangés sur des sièges sans dossiers. Je vis un très grand nombre de sièges vides ; je ne vis pas de saints ni de patriarches, mais seulement des anges et des esprits de toute espèce. Le Seigneur était tout lumineux et blanc comme la neige, toute sa personne était transparente, ou plutôt ce n'était plus que de la lumière. Au bout de quelque temps, l'apparition s'évanouit graduellement. Je vis le Seigneur debout près de ses disciples ; il les toucha et ils se relevèrent. Il leur enjoignit de ne parler à personne de ce qu'ils avaient vu. Il descendit avec eux et alla rejoindre les autres qui devaient aussi avoir vu quelque chose, à cause du vif éclat de cette lumière céleste. J'ai encore vu le Seigneur aller plus loin et faire un miracle. Je l'ai oublié. ELIE RESSUSCITE L' ENFANT MORT. VISION TOUCHANT L'EPITRE DU VENDREDI APRES LE QUATRIEME DIMANCHE DE CAREME. 17 mars 1820.
J'ai eu cette nuit une merveilleuse vision dans la Terre sainte : je ne me la rappelle plus bien exactement. Autant qu'il m'en souvient, je vis dans les environs de Jérusalem, entre deux montagnes, paraître comme un homme, sur la tête duquel était une croix lumineuse semblable à un astre. Je vis cette croix grandir et s'élever, puis s'étendre transversalement entre la terre et le ciel, d'une montagne à l'autre ; elle brillait comme un arc-en-ciel. Un corps d'une grande beauté y était attaché, et il en coulait comme du sang qui allait se perdre dans la lumière. Cette croix semblait couchée horizontalement au-dessus de la terre jusqu'au delà de la vallée de Josaphat. Je vis ensuite un grand homme qui avait de longs cheveux et des vêtements très simples, marcher en compagnie de quelques disciples et entrer dans une maison où une femme, profondément affligée parce que son fils était mort, lisait quelque chose dans un rouleau écrit ou récitait des prières. A la forme du rouleau, je reconnus que cela se passait à une époque très reculée. La femme alla à lui, mais il lui fit signe de s'éloigner. Je vis ensuite entrer une autre femme, mais il les renvoya toutes deux, puis il se coucha sur le mort et pria, sur quoi celui-ci revint à la vie et se releva. Il le rendit alors à sa mère. C'est à peu près tout ce que je me rappelle ; ce qu'il y avait de plus merveilleux était la croix couchée dans les airs. Je ne puis pas comprendre le sens de cette vision. Je vis sur cette croix les plaies des mains et des pieds, ayant chacune son auréole, comme des portes donnant entrée dans un ciel supérieur. Le corps était couvert de nombreuses traînées de sang. L'endroit où les pieds reposaient sur la croix était dans l'ombre, la place des bras et de la poitrine était dans la lumière. Note du Pèlerin : Elle ne savait pas que cette vision représentait l'épître du jour, où il est raconté comment Elle ressuscita le fils de la veuve, sur lequel il s'étendit. Il est remarquable qu'elle ait vu une croix croître sut le front d'un homme et s'étendre aussitôt sur toute la terre, de même qu'Elie s'étendit sur le corps mort. Il semble que Dieu voulait dans l'action d'Elie lui faire voir une figure prophétique de l'oeuvre de la rédemption. VISION TOUCHANT L'EPITRE DU LUNDI APRES LE DIMANCHE DE LA PASSION. 20 mars 1820.
J'ai eu une merveilleuse vision touchant le prophète Jonas, avec lequel je m'entretenais de certaines prophéties qui ne s'étaient pas accomplies. Il me dit : " Dans toute vision et dans toute prophétie, il y a quelque chose de vrai : avec cela on ne doit pas se chagriner si elles ne s'accomplissent pas ; car lorsque Dieu a créé le monde, il a dit : Fiat ! Qu'il soit ! Mais lorsqu'il a crée l'homme, il n'a pas fait de même : l'homme est libre : il peut changer et détourner beaucoup de choses par sa prière ". Jonas n'était pas grand ; il avait le front large et élevé, un long nez, les joues vermeilles ; il portait une longue robe qui descendait jusqu'aux talons, un bonnet avec des pièces d'étoffe tombant sur les oreilles et sur la nuque, de longs cheveux et un bâton. Il avait à son bonnet, sur le front, un boulon qui ressemblait ;`l un petit buste dont la tête n'était pas tout à fait une tête humaine ; elle avait plutôt quelque chose d'une tête d'idole, et semblait avoir des cornes, une de ses mains était étendue en avant et tenait comme un couteau recourbé, l'autre main était comme cachée dans des nuages. Je vis Jonas dormir dans la partie basse du navire, lequel n'était pas très grand. Je vis la tempête, je le vis jeter à la mer, je le vis vivant dans le ventre de la baleine comme un enfant dans le sein maternel. Je n'avais aucune crainte à son égard, je me disais qu'il arriverait plus sûrement dans le poisson que sur le navire. Je vis aussi le poisson le rejeter ; c'était très curieux à voir car Jonas, en sortant de la gueule de l'énorme poisson St` mit aussitôt à courir sans détourner la tête ; ce ne fut qu'au bout de quelque temps qu'il s'arrêta sous un arbre et regarda derrière lui comme s'il eût craint que le poisson ne voulût le poursuivre. Il courut comme un enfant de la rue qui vient d'être d'être battu. Je le vis aussi dans l'immense ville de Ninive : il parcourait les rues dans toute leur étendue et criait sur les carrefours comme un veilleur de nuit. Je le vis ensuite sur une grande place ou un peuple innombrable s'était rassemblé ; le roi et sa cour étaient là. Jonas monta dans une chaire qui était entourée d'une grille et parla avec beaucoup de véhémence. Je vis tous les assistants se prosterner par terre comme pour faire pénitence. Je le vis ensuite courir de nouveau dans la ville, et plus tard assis contre un arbre et tout chagrin ; je vis aussi la courge croître et s'étendre autour de lui. Ce fut alors qui j eux avec lui l'entretien dont j'ai parlé sur les prédictions qui ne s'accomplissent pas. VISION SUR L'EVANGILE DU JEUDI QUI SUIT LE DIMANCHE DE LA PASSION 23 mars 1820.
Je vis sur le chemin le Seigneur accompagné de six a sept disciples. Le Seigneur était à quelque distance des disciples, lesquels discutaient avec plusieurs autres personnes et faisaient des signes pour indiquer quelque chose. Je vis alors un vieux petit Juif, qui me sembla un peu contrefait, s'avancer vers Jésus, lui parler et lui montrer quelque chose du doigt ; il finit par prendre Jésus par le bras comme pour le faire venir avec lui. Le Seigneur le suivit, en s'écartant du chemin sur lequel il étaient pour aller dans la direction d'une ville, et les autres suivirent aussi. Le vieux petit Juif était curieux à voir : il avait autour du corps une courroie a laquelle était suspendue une espèce de cuiller avec d'autres objets ou instruments. Je vis sur le chemin qu'ils avaient quitté trois femmes qui allaient à leur rencontre : ne les voyant pas arriver, elles revinrent sur leurs pas et prirent un chemin de traverse qui conduisait à la petite ville où Jésus était allé. Ici je vis deux d'entre elles, parmi lesquelles j'en remarquai particulièrement une grande qui était toujours à la suite du Seigneur, entrer dans une autre maison ; je vis la troisième, qui était Madeleine, soeur de Marthe, se rendre en toute hâte à la maison du vieux petit Juif, où le Seigneur était à table avec ses disciples. Ils étaient au milieu du repas, je ne vis pourtant pas Jésus manger. Il parlait et enseignait ; le vieux petit Juif veillait au service et se tenait la plupart du temps prés du Seigneur. avec lequel il s'entretenait constamment. Je vis Madeleine entrer d'un pas rapide ; elle avait sous le bras un petit vase à deux anses qui semblait être de marbre blanc, et sa longue chevelure flottante tombait sur ses épaules ; elle avait un mouchoir noir autour de la tête. Elle n'était pas encore aussi simplement vêtue que les autres saintes femmes ; elle n'avait plus de perles, ni de lacets, ni de coiffure recherchée, mais elle avait encore une robe à manches tailladées et dentelées, serrées sur le haut du bras et au-dessous du coude. Elle courut se placer derrière le Seigneur, lui versa sur la tête un peu de l'onguent parfumé que contenait son vase, puis, passant à travers les convives, elle se jeta sur ses pieds qu'elle embrassa et enveloppa dans sa chevelure. Elle était à genoux, ayant la tête appuyée sur les pieds de Jésus qu'elle embrassait. Le Seigneur regarda autour de lui. tous les assistants, voyant comment elle était entrée et ce qu'elle faisait, chuchotaient entre eux d'un air mécontent. Le vieux petit Juif dit aussi son mot ; mais le Seigneur posa la main sur la table comme pour faire cesser leurs murmures injurieux, et il prit la parole. Le lieu où cela se passait me sembla être à peu près à une journée de voyage de l'habitation qui appartient a Madeleine, et où je l'ai vue précédemment mener loin de son frère et de ses soeurs une vie désordonnée. C 'était cette même Madeleine de laquelle je vis Jésus chasser sept démons. La première fois que je la vis assister à une prédication, pompeusement parée et assise sur un beau siège, elle perdit connaissance à plusieurs reprises. Je la vis ensuite tomber de nouveau évanouie, comme elle s'en revenait, et encore une autre fois ; et je vis toujours sortir d'elle comme un nuage sombre. DIMANCHE DES RAMEAUX 26 mars 1820.
J'ai prié cette nuit pour des mourants. J'allais ensuite sur le chemin qui conduit à Jérusalem en longeant la montagne des Oliviers. Je vis partout beaucoup de gens qui allaient et venaient ; on élargissait les chemins, on enlevait les clôtures qui entouraient les petits jardins disséminés en grand nombre tout le long de la montagne ou les habitants de la ville venaient se reposer à l'ombre ; on voulait ainsi donner plus de place aux gens qui venaient pour la fête. Je vis aussi faire des chemins et tracer des sentiers en plusieurs endroits où je n'en avais jamais vus. Mon fiancé me conduisit dans un petit jardin plein de fleurs blanches ; elles étaient très jolies et très délicates et formaient de gros bouquets pendants. Il me fallut d'abord passer à travers une haie épaisse hérissée d'épines : les fleurs étaient serrées les unes contre les autres dans des plates-bandes et elles étaient entremêlées d'épines. Il n'y avait pas de chemin frayé ; je craignais de marcher dessus ; mais mon fiancé me dit de le suivre, que Je ne briserais rien. Je cueillis tout un bouquet de fleurs blanches ; je devais les jeter devant lui, mais pas avant d'arriver au temple. Sur un petit tertre, à l'extrémité du jardin, se trouvaient sept verres. Je devais y mettre sept de mes fleurs blanches et les porter cette nuits à sept agonisants. J'y allai en effet : c'étaient des gens de tout âge et de ma condition habitant dans les environs de Dulmen. J'allai aussi dans la ville près d'une jeune nièce de M. A . . . qui se mourait. Il y avait trois personnes dans la chambre, l'enfant était très agitée. Lorsque j'arrivai près d'elle, mon fiancé était près de moi. Je présentai la fleur à la malade qui étendit la main vers elle, devint plus calme et se résigna de bon coeur à la mort. J'eus encore une vision qui me fit connaître la grâce que Dieu lui faisait en la laissant mourir maintenant ; car je vis qu'à présent elle était bien préparée et qu'il eut été fort malheureux pour elle de rester en vie. J'eus ensuite une autre vision : je vis le Seigneur dans un petit endroit où il y avait un concours extraordinaire de peuple ; il enseignait dans une maison. La chambre ou il parlait debout sur un gradin était entièrement décorée avec des branches d'arbres des arbustes et des guirlandes ; tous les murs en étaient couverts et de très jolis ornements de feuillage étaient suspendus au plafond. C'était une salle découverte avec des colonnes près desquelles je vis les cinq femmes qui accompagnaient si souvent Jésus pour assister à ses prédications ; une foule nombreuse se pressait dans la cour et tout autour de la maison. Lorsque Jésus voulut sortir il ne le put pas à cause de la presse. Je le vis envoyer d'ici deux de ses apôtres à un petit endroit plus rapproche de Jérusalem pour y prendre l'ânesse et l'ânon. Cet endroit était en dehors du chemin ; les animaux étaient sous des arbres dans le voisinage des habitations. Il régnait là une grande tranquillité. Les deux disciples attendirent très longtemps que le Seigneur et la foule qui l'accompagnait fussent arrivés à proximité du chemin. Lorsqu'ils virent venir le cortège, qui ressemblait à une procession ils se dirigèrent vers le chemin. Ils avaient préparé sur l'âne une espèce de siégé. Le Seigneur se mit à cheval sur sa monture. Il y eut alors de grands cris de joie dans la foule qui se pressait tumultueusement autour de lui. Il vint aussi à sa rencontre beaucoup de gens de Jérusalem ; des femmes portant leurs enfants sur les bras ou les tenant par la main étendirent leurs voiles sur le chemin. Autour du Seigneur marchaient tous ses disciples et derrière lui les cinq femmes dont j'ai parlé. Lorsqu'ils furent arrivés au temple on ramena l'âne où on l'avait pris. Les vendeurs du temples étaient couchés sur des tables basses derrière leurs marchandises . Ils avaient encore une quantité d'objets étalés derrière eux et au-dessus d'eux. Il y avait aussi beaucoup de bétail dans les cours. Aujourd'hui le Seigneur chassa les vendeurs avec beaucoup plus de vivacité que la première fois et il se tint longtemps dans les vestibules car il y avait là une grande quantité de marchands et de populace. Il fit ensuite une longue instruction, assis sur un banc d'échangiste d'ou il avait chassé les vendeurs. Il vint à lui plusieurs femmes avec des enfants et des malades qu'il guérit : une foule nombreuse se pressait autour de lui en poussant des cris d'allégresse. Je vis plus avant dans le temple une belle porte qui brillait comme de l'or derrière laquelle plusieurs Juifs très âgés étaient assis et priaient : ils avaient des espèces de lanières qu'ils roulaient autour de leurs bras. Je n'ai jamais vu dans la famille du Seigneur des formalités comme celles qu'observaient ces vieillards. Je ne vis jamais Joseph ni ses proches s'astreindre à ces nombreuses observances. Il me semblait toujours que ces hommes avaient eux même introduit tout cela. Je vis aussi les sacrifices se faire d'une manière très simple. La plupart du temps ils se faisaient avec le concours de trois personnes deux assistants et le prêtre sacrificateur. Celui-ci se préparait d'abord à ses fonctions par la prière comme font nos prêtres avant de dire la messe. Lorsque Jésus s'approcha de cette porte qui brillait, je vis les vieux prêtres qui étaient assis en dedans se retirer par des portes et d'autres cours jusqu'au lieu destiné aux sacrifices c'était là qu'était l'autel. Jésus entra dans le temple avec ses compagnons : Marie et les autres femmes n'allèrent que jusqu'à l'entrée ; puis elles se retirèrent Pour éviter la grande foule et se rendirent d'un autre côté du temple où se trouvait sur une hauteur séparée l'école dans laquelle Marie avait été élevée. Je reconnus alors tous les lieux. La synagogue était bien aussi grande que l'église principale de Dulmen. Il y avait beaucoup de sièges placés derrière des grilles ; il s'y trouvait aussi une table pour les offrandes. Les femmes s'en retournèrent les premières à Béthanie. Le Seigneur ne revint que plus tard, au clair de lune. VISION TOUCHANT L'EVANGILE DU LUNDI SAINT . 27 mars 1820.
Lazare était un bel homme, d'assez grande taille, sans être maigre ; j'appris à le connaître pour la première fois lorsque sa soeur Madeleine se convertit. Elle voulait alors renoncer à l'instant même à toutes ses parures ; mais Marthe lui conseilla de ne s'en défaire que peu à peu. Je vis d'abord Lazare lorsque Madeleine alla trouver sa soeur à Béthanie et éprouva tant de confusion devant elle. Lazare n'avait pas le même logement que ses soeurs ; il avait une belle maison très spacieuse où habitaient avec lui quelques autres hommes. C'était un homme de distinction. Marthe habitait une petite maison où elle avait avec elle Madeleine et une servante. J'ai vu la santé de Lazare s'altérer graduellement, je l'ai vu aussi pendant sa maladie. Madeleine était plus souvent auprès de lui que Marthe. Lorsqu'il mourut et fut mis au tombeau, je vis dans sa maison, plusieurs jours de suite, un grand nombre de personnes qui venaient pour le pleurer avec ses soeurs et consoler celles-ci. Je vis les hommes et les femmes dans des chambres séparées. Une grande femme, qui suivait toujours Notre Seigneur dans ses courses et qui était le plus souvent en compagnie des deux soeurs, était venue leur apporter la nouvelle de l'arrivée prochaine de Jésus. Tous les compagnons de Jésus n'allèrent pas avec lui au tombeau de Lazare. Ce tombeau faisait partie d'un grand cimetière où il y avait entre quatre piliers de pierre un emplacement séparé du reste par un grillage grossier C'était dans cet endroit qu'était le tombeau de Lazare. Le cercueil, surmonté d'un couvercle légèrement bombé avait peu de hauteur ; l'extrémité supérieure était arrondie et juste assez large pour recevoir la tête du mort. Ce cercueil semblait être de bois, avec des pieds très courts semblables à des boules ; il était déposé dans une excavation d'environ trois pieds de profondeur et assez grande pour qu'on pût circuler tout autour ; il y avait sur le côté un sentier par lequel on y descendait. Le tout était recouvert d'une pierre. Anne Catherine raconta encore avec beaucoup de détails comment le Seigneur descendit dans le caveau où se trouvait aussi une femme, comment le couvercle fut retire comment le mort, emmailloté d'une façon singulière, se mit sur son séant et comment on défit les bandelettes qui l'enveloppaient (elle savait l'arrangement de toutes ces bandelettes) ; comment ses amis le conduisirent hors de la et comment Jésus l'embrassa ; mais elle était si affaiblie qu'on ne pouvait pas bien saisir ses paroles. Le repas où Madeleine versa de l'onguent parfumé sur le Seigneur eut lieu dans la maison d'un homme de Béthanie qui avait été lépreux et que le Seigneur avait guéri. Depuis ce temps il était resté l'ami du Seigneur et de ses disciples, et il y avait entre eux des rapports fréquents Madeleine avait un flacon qu'elle répandit sur la tête du Seigneur ; elle portait encore avec elle un autre vase semblable à un plat ovale surmonté d'un couvercle, et où elle prit le parfum dont elle lui oignit les pieds. Ses cheveux étaient retenus autour de sa tête par une bandelette qu'elle défit pour essuyer les pieds de Jésus. Madeleine était grande et bien faite : elle avait de belles mains d'une forme élégantes et de longs doigts effilés. VISION TOUCHANT L'EVANGILE DU TROISIEME DIMANCHE APRES LA PENTECOTE . 18 juin I820.
Je vis dans la Palestine une grande et longue salle carrée, située au rez-de-chaussée : c'était une espèce d'école. Je vis se réunir la un grand nombre de personnes, parmi lesquelles des publicains et des pécheurs ; je vils Jésus y entrer avec ses disciples. Il me sembla qu'il revenait d'un repas chez un Pharisien, et beaucoup de gens qui étaient hors de la salle se mirent près des fenêtres et sous les portes pour l'entendre. Je vis parmi eux plusieurs traîtres qui l'espionnaient ; je vis qu'ils murmuraient contre le Seigneur de ce qu'il fréquentait une si mauvaise compagnie ; mais je vis le Seigneur parler avec un grand calme et les disciples l'écouter de même. Je vis alors en premier lieu la scène suivante. Je vis dans une belle prairie émaillée de fleurs et entourée de bois, un beau troupeau de brebis de grande taille, et parmi elles un aimable pasteur dans lequel je reconnus Notre Seigneur Jésus-Christ en habit de berger. Je vis plusieurs brebis s'écarter du troupeau et courir au bois ; je vis que le chemin qui y menait allait en descendant, que ce bois était un mauvais bois, un bois d'aunes, que tout y était plein de marécages et de fondrières, et qu'en s'y enfonçant davantage on se perdait dans le brouillard et dans les ténèbres. Je vis alors le bon pasteur, tout triste, aller à leur suite dans le bois, puis revenir joyeux, rapportant la brebis au bercail sur ses épaules ; je le vis une autre fois revenir plein de tristesse sans la brebis égarée. Cette scène me rappela tout à fait la vie pastorale dans la Terre promise. Le pasteur alla et revint plusieurs fois sans rien rapporter : il paraissait très affligé ; mais enfin il revint avec la brebis. Alors il appela d'autres bergers, auxquels il montra la brebis, et ils allèrent dans une maison qui ressemblait à une école où ils chantèrent des cantiques, les mains levées au ciel, comme s'ils eussent célébré une fête de l'Église. Aussitôt après, il me sembla voir des successeurs de ce pasteur et ceux qui étaient figurés par ces troupeaux et ces brebis égarées ; c'était une série de tableaux concernant diverses paroisses et leurs curés : j'en connais quelques-unes, d'autres me sont inconnues. Je vis certains paroissiens livrés au péché, aux querelles, à l'ivrognerie, à l'impureté, à l'in dévotion s'en foncer dans les ténèbres, s'éloigner de l'église pour aller dans des cabarets, des salles de danse, etc. Je vis les curés aller après eux et leur parler ; je les vis se confesser pleins de repentir et recevoir la sainte communion, et je vis les curés remercier Dieu tout joyeux. J'eus ainsi plusieurs belles visions de curés excellents et aussi d'évêques veillant avec grand soin sur les cures, mais je n'en vis pas un très grand nombre. DE LA DRACHME PERDUE Je vis une maison qui me sembla être dans la Terre promise : il y faisait sombre. J'y vis une femme juive dans l'obscurité. Tout était sombre autour d'elle et en elle. Elle était triste et inquiète. Il vint un homme, je le ils franchir le seuil de la maison Elle alla à sa rencontre, et à peine lui eut-il parlé qu'elle se trouva avoir à la main une lampe allumée. Il semblait qu'il lui eût apporté de la lumière, qu'il fût le même pasteur qui avait retrouvé la brebis, en un mot que ce fut une image de Jésus Lorsqu'il se retira, la femme plaça la lampe sur un chandelier au milieu de la maison ; alors il fit plus clair, et la femme elle-même devint plus claire, plus pure, plus transparente. Elle prit un balai fait d'une herbe longue et fine et elle balaya tous les coins de la maison, en ramenant tout vers le milieu où brillait la lampe. Il se forma alors un amas de poussière et de balayures : elle y fouilla avec les doigts et trouva la pièce d'argent qui était lumineuse. Il me sembla alors que la pièce d'argent lumineuse était entrée en elle et dans sa poitrine ; elle-même fut illuminée : la lumière de la lampe, celle de la pièce d'argent et la sienne propre s'étaient réunies en elle : elle était toute pleine de clarté et la maison aussi. Je vis alors venir à elle une autre femme, laquelle fut aussi illuminée par sa lumière, puis plusieurs autres pour lesquelles il en fut de même : et toutes furent dans la lumière, et elles glorifièrent Dieu, pleines de joie. Je vis plusieurs exemples de bons chrétiens de ce temps, ecclésiastiques et laïques, les uns connus de moi, les autres inconnus, qui dans une conversation ou au tribunal de la pénitence réveillaient la foi chez d'autres personnes, en sorte que celles-ci reconnaissaient leurs fautes, se corrigeaient, communiquaient à d'autres le bien qui s'était opéré à leur égard et les ramenaient à leur tour. Je vis alors dans la vision de la drachme une image du renouvellement produit dans les âmes par une bonne direction spirituelle. L'ENFANT PRODIGE
Je vis une famille israélite d'une époque ancienne avec sa maison, ses serviteurs et ses troupeaux. Je vis là un vieux père et deux fils ; le plus jeune effronté et maussade, l'aîné toujours aux côtés de son père et en bonne intelligence avec lui Cependant cet aîné ne me plaisait pas ; il avait quelque chose de présomptueux et semblait trop assuré de la faveur de son père : je vis le plus jeune demander avec arrogance le partage de l'héritage. Lorsqu'il eut reçu ce qu'il lui revenait, je le vis partir : le père était affligé et le fils aîné satisfait. Je vis l'enfant prodigue s'en aller dans un pays éloigné, et je vis qu'il suivait un chemin qui allait toujours en descendant. Or il n'avait pas reçu la bénédiction de son père et je le vis descendre de plus en plus. Il arriva ainsi dans un pays marécageux et couvert de brouillards ; et il y avait au bord du chemin des maisons où l'on dansait, où l'on jouait et où l'on rencontrait de mauvaises femmes. Je le vis aller d'un endroit à l'autre, et s'enfoncer de plus en plus dans les régions basses et ténébreuses. Enfin je vis qu'on le chassait d'une maison, dépouillé de tout, et je le vis aller dans une forêt marécageuse et s'asseoir près d'un troupeau de pores qui mangeaient des cosses dont le sol était couvert. Je le vis s'asseoir sur le tronc d'un arbre abattu, tout triste et la tête appuyée sur ses mains. Je le vis ensuite regarder autour de lui, lever les yeux au ciel, puis tomber à genoux. Je le vis alors retourner en toute hâte vers son père ; le père qui désirait ardemment le revoir, l'aperçut de loin, et courut à sa rencontre. Le fils tomba à genoux, le père l'embrassa et appela ses serviteurs ; ils accoururent aussitôt, apportant une robe, un anneau et des sandales. Ils étaient joyeux et faisaient tout cela avec empressement. On tua un veau ; il vint des convives, et on fit un banquet à la mode juive. Ils étaient couchés autour de la table. Je vis les convives chanter et jouer de la flûte ; la joie était générale. Je vis le fils aîné qui était aux champs prêter l'oreille au bruit, observer, s'approcher de la maison, interroger un serviteur et s'arrêter. Le père sortit, le fils plein d'envie et de courroux était tout pâle : le père lui répondit. Je vis les convives se tenir debout autour de la table et manger un agneau. On le servit tout entier ; il avait la tête inclinée sur ses pattes de devant, comme si il eut fait acte d'humilité. Après cette parabole il me sembla voir que le fils aîné avait beaucoup de frères sur la terre et l'enfant prodigue aussi. J'eus plusieurs visions particulières et générales de notre époque touchant la destinée des uns et des autres dans notre temps. Parmi les personnages qui y figuraient, les uns m'étaient connus, les autres inconnus. Je vis comment diverses personnes s'écartaient de la bonne voie, par suite d'une confiance présomptueuse en elles-mêmes ou dans la grâce, se laissaient aller à la recherche de leurs aises matérielles ou spirituelles, se vautraient dans tous les vices, puis enfin, ne trouvant rien qui les satisfît, avaient faim et soif de la grâce, et désiraient revenir, fut-ce pour être au rang des serviteurs. Je vis ceux qui étaient restés tranquillement assis sur leurs sièges, regarder souvent ces retours d'un oeil peu charitable ou même s'en scandaliser. J'eus aussi des visions de pasteurs des âmes qui abandonnaient ceux dont ils avaient la charge pour avoir des postes plus avantageux. Je les vis descendre dans une contrée qui brillait de loin, mais qui allait toujours s'abaissant ; je les vis s'asseoir à de riches tables bien servies et tout à coup ces tables étaient des auges à pourceaux, et ils mangeaient avec les pourceaux, ce qui signifiait qu'ils renonçaient à la nourriture divine de la grâce pour les plaisirs des sens et les vanités. Il me semblait aussi que dans certaines visions, cela signifiait qu'ils se rapprochaient des impies, et fréquentaient des gens souillés par le vice. Parmi les enfants prodigues, j'en vis beaucoup qui s'égaraient par imprudence et par légèreté, et d'autres que l'orgueil de la science éloignait de l'Eglise, etc. Plus tard, après leurs mésaventures ils revenaient et reconnaissaient la maison paternelle ; je les voyais souvent plus méritants et à cause de cela mieux reçus que leurs frères restés fidèles, lesquels, quoique n'ayant cessé de se nourrir des dons de la grâce se montraient dédaigneux et envieux. Les visions que j'eus à cette occasion furent extraordinairement variées Je vis sous forme d'enfants prodigues des personnes qui tombaient dans le vice, dans l'incrédulité, dans l'hérésie. Mais lorsque je vis de ces ecclésiastiques qui convoitaient de plus riches bénéfices, et de ces hommes qui se laissaient séduire par les fausses doctrines et par la perspective d'une vie plus facile, j'eus une vision explicative où il me fut montré comment Loth se sépara d'Abraham. Je vis Loth plongé dans les ténèbres lors de cette séparation : je vis qu'Abraham le bénit et que cette bénédiction lui communiqua un peu de lumière, et fut le seul bien qui lui demeura. Je vis Abraham tout resplendissant rester où il était. Je vis le pays vers lequel Loth se dirigeait, briller dans le lointain ; mais je vis Loth marcher entouré de brouillards, et son chemin allait toujours en descendant, comme le chemin d'Adam sortant du paradis. Je le vis emmener avec lui beaucoup de chameaux, de moutons, de boeufs, d'ânes, ses nombreux serviteurs, sa femme et ses filles ; il allait en descendant toujours, et dans des ténèbres de plus en plus épaisses, et il me semblait que la voie où il s'était enragé était une voie qui menait à la perdition éternelle. Lorsque j'eus ces visions sur les enfants prodigues de notre temps, je vis surgir des tableaux représentant comme un jugement universel, une grande épuration. Je vis des armées couvrir la terre, des batailles livrées en plusieurs lieux et de grands massacres. Je vis des curés scandaleux chassés de leurs maisons ; je vis des saints prendre leurs places jusqu'à ce que d'autres prêtres pussent les occuper. C'était une épuration singulière ; les hommes en général paraissaient peu robustes, et je vis avec étonnement beaucoup d'hommes forts et vigoureux jetés par terre et emportés, tandis que des vieillards débiles et contrefaits étaient épargnés. Je vis aussi dans le lointain grandir une jeune génération qui devait remplir les vides. Je vis tout cela comme s'appliquant spécialement à la charge pastorale. Mais je vis aussi que le malheur en faisait rentrer plusieurs en eux-mêmes, et qu'ils revenaient à leur père. Je vis beaucoup d'enfants prodigues revenir à leur mère l'Église et lui apporter plus de joie et d'édification que les aînés qui étaient arrachés à leur sommeil et à leurs aises, et sévèrement passés au crible. Dans la vision relative au châtiment par le fléau de la guerre, je vis plutôt l'action de la justice qui infligeait les punitions que le cours et la marche du fléau lui-même. C'était un spectacle lamentable, mais il se termina par une fête où l'on célébrait la rénovation générale et l'entrée dans l'Église. Après avoir vu l'application de ces paraboles, je vis que les disciples s'étaient rendus, chacun de leur côté, dans différentes chambre situées dans les autres parties de la maison et qu'ils y enseignaient il semblait qu'ils réalisassent déjà ce qui était figuré dans les visions Par les voisins du pasteur qui avait ramené sa brebis, les voisines de la femme qui avait retrouvé sa drachme et les convives du père de l'enfant prodigue, et qu'ils communiquassent de proche en proche la joie, la lumière, le pardon. Au contraire, les Pharisiens et les Scribes qui murmuraient étaient là comme la représentation du fils aîné. Anne Catherine ne put raconter qu'avec beaucoup de difficulté ces riches visions dont elle vantait la clarté et dont elle parlait avec une grande émotion. Ses souvenirs étaient un peu confus quant au dénouement : car les scènes où elle avait vu le fléau de la guerre comme châtiment d'une corruption si générale étaient trop nombreuses, trop variées et trop effrayantes ; puis elles étaient interrompues par des prières pour implorer la miséricorde divine. FRAGMENT D'UNE VISION PLUS ETENDUE
Je vis d'abord une scène de la vie du Seigneur. Il me sembla que c'étaient les débuts de sa carrière de prédication. Je le vis à diverses reprises dans sa patrie et dans les environs de Nazareth : il parcourait le pays, enseignant sur les chemins, dans les rues et dans les écoles. Je le vis aussi envoyer ses disciples en mission. Ils n'étaient pas encore tous avec lui : Pierre y était déjà. Je n'ai pas de souvenirs bien précis sur tout cela. VISION DE LA PECHE MIRACULEUSE 1er juillet 1820.
Je vis les pêcheurs au bord du lac ; ils voulaient aller au large pour pêcher. Beaucoup de pauvres gens se tenaient sur le rivage, attendant les petits poissons qu'on leur donnait ordinairement. Je vis Jésus passer en marchant sur l'eau sans que personne ne le remarquât. Il jeta un regard sur le pauvre peuple et se rendit dans un endroit où il opéra des guérisons Pierre et Jean semblaient deviner sa présence dans le voisinage, car ils étaient très émus. Ils avaient deux grandes embarcations, leurs habits étaient dans des cabanes sur le rivage Pierre était un homme âgé vif et ardent ; Jacques était brun et posé ; Jean était svelte et blond. Je les vis s'éloigner de terre et jeter leurs filets plusieurs fois. Des falots attachés aux barques répandaient leur lumière sur la mer. Beaucoup de poissons entraient dans le filet, mais il y eut un mouvement soudain dans l'eau et tous les poissons s'échappèrent. Le lendemain matin, ils étaient de nouveau sur le rivage et raccommodaient leurs filets : on entendit dans l'air un bruit sourd qui semblait précurseur d'une tempête. Ils pensaient que c'était là la cause de l'insuccès de leur pêche, mais c'était Jésus qui approchait. Une foule de ces gens, qui avaient attendu là qu'on leur rapportât du poisson, se pressaient autour de lui. Il monta sur la barque de Pierre, auquel il dit de s'éloigner un bord : alors Jésus enseigna du haut de la barque. minant il exprima le souhait qu'il y eût abondance de poissons pour le peuple, et il commanda à Pierre de gagner le large. Ils se dirigèrent vers un rocher à fleur d'eau. Zébédée et ses fils étaient dans l'autre barque. Ils prirent une telle quantité de poissons que les filets crevaient par en haut. Les barques étaient pleines. Pierre s'agenouilla devant Jésus et lui dit comme il est rapporté dans l'Evangile : " Seigneur, retirez-vous de moi, parce que je suis un pécheur ". Jésus parla d'une autre pêche, celle des hommes. Quand ils eurent pris terre, Pierre mit ses habits et suivit Jésus. Deux de ceux qui étaient sur l'autre barque firent de même ; un troisième les imita un peu plus tard. Il n'était resté qu'un vieillard. Quatre pauvres gens du pays prirent soin des navires et veillèrent à la vente et à la distribution des poissons. SEPARATION DES APOTRES 15 juillet 1820.
Je vis Jésus dire aux apôtres qu'ils devaient se répandre dans le monde entier. Je vis Jésus marchant avec ses disciples et je reconnus la contrée ou ils étaient pour avoir vu Abraham, Melchisédech et d'autres anciens patriarches y faire quelque chose. Je le vis aller avec Pierre un peu en avant des autres ; en lui parlant il montra du doigt divers points de l'horizon. Ensuite il se tourna vers les autres qui s'approchèrent et il s'entretint avec eux. Je crois qu'il a dit à Pierre quelque chose qui avait rapport a la mission future des apôtres et que dans la vision d'aujourd'hui j'ai vu celui-ci agir conformément a ses instructions. . Je vis les apôtres longtemps après la mort du Seigneur car Paul était déjà avec eux rassemblés dans la maison où ils se trouvaient lorsque Pierre avait été délivré de prison et était venu les rejoindre. Ils se réunissaient souvent dans cette maison : ce n'était pas la même que celle où le sacrement de l'eucharistie avait été institué et où le Saint Esprit était descendu sur eux. Je les y vis pendant la nuit rassemblés tous les douze avec un grand nombre de disciples. Ils étaient tous en habits de voyage et prêts à partir. Ils se tenaient en cercle sous la lampe ; Pierre occupait la place d'honneur. Tous les apôtres avaient à la main des houlettes recourbées et quand ils priaient ils les appuyaient contre leurs bras. Les disciples en grand nombre qui se tenaient derrière eux avaient des bâtons plus courts avec des pommeaux. Pierre parla : je crus que ce fut lui qui avec Jacques et Jean fit la répartition des pays où chacun devait se rendre. Chaque apôtre avait un ou deux disciples avec lui. Avant de se séparer ils s'embrassèrent et ils se bénirent les uns les autres en s'imposant les mains ; celui qui recevait la bénédiction ne s'agenouillait pas. Ensuite ils se séparèrent et la vision prit fin. Je ne vis que cette sccoe : il n'y figurait pas de femmes. Le jour commençait à poindre lorsqu'ils se séparèrent. J'eus alors des visions sur les diverses contrées du globe ou ils allaient ; j'en vis quelques-uns traverser les mers. Pendant toute la vision je vis d'une façon beaucoup plus distincte André et Jude Thaddée dont j'avais des reliques. Voici quel était l'habillement des apôtres : ils portaient des robes sacerdotales blanches et sur celles-ci de longs vêtements de couleur brune et grise. Ce double vêtement était relevé a l'aide d'une ceinture de cuir ; les jambes étaient couvertes par une courte tunique d'étoffe grise qui descendait jusqu'aux genoux et qui était ouverte par les cotes pour qu'ils pussent marcher plus facilement. Ils avaient sous les pieds des semelles assujetties par des courroies. Je ne les vis rien porter sur la tète. Les disciples avaient différents objets dans les poches que formaient leurs robes relevées. Quelques-uns portaient de gros paquets : cela semblait être des vases sacrés pour la cène, des rouleaux écrits et aussi des pièces de vêtements sacerdotaux car ils avaient pris des objets de ce genre dans le cénacle où j'ai vu huit ou neuf des apôtres. Parmi les nombreux disciples présents il y en avait plusieurs qui n'accompagnèrent leurs amis que pendant une partie du chemin pour voir où ceux-ci s'arrêtaient : d'autres ne suivirent que plus tard. Les apôtres n'étaient pas tous restes à Jérusalem : c'était la première fois qu'ils s'y trouvaient réunis et je les ai vus partir de là pour voyager dans toutes les directions. C'était principalement Pierre qui portait la parole ; Jean et Jacques le Mineur étaient comme ses acolytes. Il s'adressa à chaque apôtre en particulier et parut leur dire quelque chose que le Seigneur leur avait fait connaître. Les disciples se tenaient derrière les apôtres qui en choisirent parmi eux quelques uns qu'ils affectionnaient plus particulièrement ou qui étaient en relations intimes avec eux. Ils semblaient les avoir désignés d'avance car tous étaient prêts à se mettre en voyage. Cette réunion me parut être celle où les apôtres divisèrent pour aller dans des pays lointains. Cela devait se passer assez longtemps après le temps où Pierre fut tire' de prison par l'ange, car bien des choses dans la ville avaient un autre aspect qu'à cette époque. Marie n'était plus à Jérusalem, et je ne vis aucune des saintes femmes. VISION TOUCHANT L'EVANGILE DU SIXIEME DIMANCHE APRES LA PENTECOTE . 16 juillet 1820.
Anne Catherine eut une vision sur la multiplication des pains qui eut lieu pour nourrir les quatre mille hommes (Marc, VIII, 1-9) , mais elle ne put pas la raconter. Une application du récit évangélique aux choses du présent lui ayant été montrée à cette occasion, elle n'en dit qu'une seule chose, c'est qu'elle avait vu des ecclésiastiques qui avaient plus de quatre mille poissons à leur disposition, mais qui ne pouvaient pas rassasier une seule personne, parce qu'ils manquaient de foi. FRAGMENTS DES VISIONS SUIVIES
Le 20 juillet, elle raconta ce qui suit : Le Seigneur est allé de l'autre côté du lac avec cinq ou six disciples. Des gens viennent à sa rencontre, conduisant un possédé qui fait des contorsions horribles, qui est lancé violemment de côté et d'autre et qui a l'air d'un homme qu'on étrangle. Jésus chasse le démon. On lui en amène ensuite un autre qui est possédé de plusieurs démons ; toutefois la délivrance de celui-ci est plus prompte et plus facile. Jésus, marchant en compagnie des disciples, parla des grandes souffrances qu'il aurait à subir, et dit qu'il serait mis à mort, mais qu'il ressusciterait au bout de trois jours. Je vis que Pierre était tenté par un démon qui lui soufflait à l'oreille : " Pourquoi veut-il aller à Jérusalem et y causer tant de trouble et de scandale ? Pourquoi ne va-t-il pas à Nazareth où on le connaît et où maintenant on est très avide de le voir " ? Je vis ces pensées entrer dans l'esprit de Pierre par l'inspiration du démon : je le vis aussi prendre Jésus à part devant les autres disciples et lui dire qu'il ne devait pourtant pas se livrer à ses ennemis. Je vis alors Jésus, au lieu de répondre à Pierre, tourner la tête sur l'épaule, regarder auprès de celui-ci à l'endroit où se tenait le démon et lui ordonner de se retirer, sur quoi je vis l'ennemi disparaître derrière Pierre. Du reste, Pierre ne prit pas cela pour lui et alors Jésus parla à tous .. Le même jour Anne Catherine eut une autre vision elle vit Jésus avec ses disciples dans une maison où une femme païenne de la Syro-Phénicie se jeta à ses pieds et le pria de chasser le démon qui possédait sa fille. Elle le vit ensuite aller vers la mer de Galilée et guérir un sourd-muet. La femme paienne avait longtemps suivi Jésus et n'avait jamais pu arriver jusqu'à lui parce que les disciples l'avaient souvent repoussée. Le Pèlerin ne savait pas comment il pouvait lier ensemble ces courts fragments de l'histoire évangélique, et il fit dans son journal, à la date du 20 juillet, l'observation suivante qui montre d'une manière frappante combien dans tout ceci son esprit était libre de toute idée préconçue, en même temps qu'elle fait toucher au doigt combien il lui était impossible d'exercer une influence quelconque sur le cours que prenaient les visions et combien il était éloigné d'en avoir la pensée. " Il est difficile de reconnaître d'après les visions relatives à l'histoire évangélique dans quel ordre les faits se succèdent, parce que souvent Anne Catherine les oublie en tout ou en partie qu'elle ne les raconte jamais d'une manière circonstanciée et qu'elle ne nomme pas les lieux : ce qui fait qu'on ne peut jamais savoir à quelle année de la vie du Christ appartiennent ses visions du moment : puis il y a les évangiles des dimanches qui viennent se mettre à la traverse. Elle croit que tout ce qu'elle vient de raconter a eu lieu à la suite de la multiplication des pains pour les quatre mille hommes. Il est déplorable que le Pèlerin ne trouve aucun secours qui puisse l'aider à trouver dans tout cela quelque chose de suivi ". VISION DE CONSOLATION ET D'AVERTISSEMENT Le jour suivant Anne-Catherine eut une vision touchant la Transfiguration sur le Thabor. Voici ce qu'elle raconta : " J'eus une courte vision sur la transfiguration du Christ. Arrivé au pied de la montagne avec ses disciples, il les y laissa et prit seulement avec lui Jean, Pierre et Jacques. Lorsqu'ils furent au sommet, une clarté descendit du ciel. Le Seigneur s'éleva de terre tout resplendissant et deux figures planèrent près de lui. Les apôtres ne pouvant pas supporter l'éclat de cette lumière, se jetèrent la face contre terre : ils paraissaient hors d'eux-mêmes. Pierre était tout ivre de joie et dans son transport, il dit très vivement : " Faisons ici trois tentes " ! mais au moment même une nuée vint sur eux : je vis une figure semblable à un vieillard en costume de grand prêtre, ce qui est la forme sous laquelle m'apparaît toujours Dieu le Père, et j'entendis la voix ". Elle ne put rien raconter de plus, mais elle dit au Pèlerin que la grande joie de Pierre l'avait particulièrement frappée et que là-dessus son conducteur lui avait fait remarquer qu'elle-même était comme Pierre : car lorsqu'elle avait de belles et consolantes visions, elle était pleine d'ardeur : au contraire, quand l'épreuve venait, elle était triste comme c'était le cas dans ce moment même. SEPTIEME DIMANCHE APRES LA PENTECOTE . 22 juillet.
Anne Catherine eut une vision où elle vit comment l'évangile de ce dimanche où il est question des loups couverts de peaux de brebis, s'appliquait aux choses du présent. Elle vit tout l'état intérieur de l'Eglise allemande et la marche des funestes erreurs qui occasionnaient la perte de tant d'âmes, et que propageaient en Bavière les faux mystiques et les déistes de l'école de Vitus Winter et de Fingerlos ; dans le reste de l'Allemagne le parti de Wessenberg, si hostile à l'Eglise catholique, et si redoutable par ses nombreuses ramifications et les positions importantes qu'occupaient ses adeptes. " Lorsque je vis, dit-elle, les pieux laïques et les bons paysans de la Bavière, il me fut dit : Ce peuple n'est-il pas comme le malade qui attendit trente-huit ans près de la piscine de Bethesda ? Cette piscine est la figure des saints sacrements de l'Église, car après la Pentecôte ce fut là qu'on donna le baptême et qu'on fit participer les fidèles à la sainte Eucharistie. Personne ne se présentait pour faire entrer le malade dans la piscine et lui-même n'avait pas la force d'aller jusque là. Maintenant ceux qui ont négligé de lui porter secours l'accablent d'injures parce qu'il emporte son grabat le jour du sabbat, après que la miséricorde de Jésus- Christ l'a guéri. Plus tard Jésus lui dit dans le temple : " Voilà que vous avez recouvré la santé, ne péchez plus dorénavant de peur qu'il ne vous arrive pis ", c'est-à-dire, ne méprisez pas la piscine parce que je vous ai guéri. Je vis une grande confusion dans l'Eglise d'Allemagne : je vis les protestants y contribuer et les ennemis de l'Église en profiter pour abaisser encore l'Eglise. Je vis aussi tout cela conduire à d'autres luttes réservées à l'avenir et aboutir à une rf forme à travers de grandes tribulations et après des pertes considérables ". Anne Catherine fut absorbée pendant plusieurs jours de suite dans la contemplation de ces tableaux, à laquelle se joignaient de grandes souffrances et de grands travaux en esprit dans les parties de la vigne de l'Eglise qui lui étaient montrées ; elle eut aussi à cette occasion une vision détaillée sur la guérison du malade de la piscine de Béthesda ; mais elle ne put en raconter que ce qui suit : " Je vis d'abord un conciliabule qui vomissait des injures contre Jésus et qui montrant du doigt certains endroits, parlait méchamment de tout ce qu'il faisait et noircissait ses divers prodiges. Je voyais toujours d'un seul regard ce qu'ils disaient : ils semblaient délibérer sur des mesures à prendre contre Jésus. Je fus exhortée à cette occasion à ne pas me laisser troubler par les calomnies de mes ennemis puisque Jésus avait été bien autrement calomnié. Je vis le Seigneur avec quelques disciples : il semblait vouloir entrer à Jérusalem ; mais il se retourna tout à coup et se dirigea vers la piscine de Bethesda. Cette piscine était entourée de cinq cours rondes. Jésus prit à main gauche et entra dans la plus éloignée : c'était là qu'était couché cet homme malade depuis trente-huit ans, sous un toit recouvert de gazon attenant au mur et soutenu par deux étais : on lui portait là sa nourriture. La cour antérieure avait des péristyles sous lesquels étaient couchés d'autres malades plus riches. On arrivait à la piscine par cinq passages. Quand on venait par celui du milieu, la piscine se montrait comme un carré long compris dans un cercle formé par cinq pelouses où il y avait des massifs de verdure. Sur les deux côtés les plus longs, on y descendait par des marches au bas desquelles étaient de petites nacelles dont on se servait pour entrer dans l'eau. D'un côté de la piscine il y avait une espèce de petit pont conduisant à un tuyau d'où l'eau jaillissait quand on faisait jouer une manivelle placée sur le pont. Beaucoup de personnes avaient l'habitude de faire leurs ablutions et de se laver dans la piscine. Quant au mouvement de l'eau produit par un ange, il n'avait lieu qu'à des époques déterminées et à certains jours qu'on connaissait. Ce fut dans la soirée que Jésus vint visiter le malade le mouvement de l'eau avait ordinairement lieu le matin Il m'a été expliqué que le malade était couché sur le côté gauche, ce qui doit signifier que jusque-là il n'avait pas cru fermement à la grâce de Dieu, qu'il n'avait pas eu la foi. s'il était resté là trente-huit ans sans pouvoir guérir, c'était parce que jusqu'alors il avait toujours caché un grand péché dont il n'avait pas fait sérieusement pénitence devant Dieu J'ai entendu une autre explication plus positive touchant les trente-huit ans, mais je l'ai oubliée. Lorsque Jésus lui dit : " voulez-vous être guéri " ? c'était comme s'il eût dit : " Voulez-vous vous réconcilier avec Dieu et vous corriger ? voulez-vous avouer votre péché " ? Quand cet homme répondit qu'il n'avait personne pour le descendre dans la piscine : cela voulait dire que personne ne s'intéressait à son âme, qu'il n'avait pas de guide, pas de soutien. Il ajouta que s'il y allait lui-même, il trouvait la place déjà prise par un autre : par où l'on doit entendre qu'il était atteint d'une paralysie spirituelle, que ses oeuvres n'étaient pas suffisantes pour le conduire dans la piscine de la grâce ; car il était chargé de péchés, sans guide, sans ressource et sans foi. Je vis bien qu'en disant qu'il n'avait personne pour le conduire, et qu'allant seul il arriverait trop tard, il sentit que son excuse n'était pas suffisante pour le Sauveur, car je vis qu'il lui dit quelque chose à l'oreille, qu'il confessa ses fautes ; et ce fut alors seulement que le Seigneur lui dit : " Levez-vous, prenez votre lit et marchez " ! Ce qui équivalait à dire : " Vos péchés vous sont remis ; faites pénitence de vos fautes. Pendant trente-huit ans vous êtes resté sans guide, sans que vos oeuvres frappées de paralysie pussent vous faire parvenir à la piscine et procurer votre guérison, car vous ne vous êtes pas reconnu pécheur, vous n'avez pas cru ! Maintenant vous avouez, vous croyez et la santé vous est rendue " ! Je vis que Jésus l'envoya d'abord à la piscine, qu'il alla sur le pont, que les gens qui étaient là pour cela firent jaillir de l'eau sur lui et le purifièrent ; ce qui voulait dire : " Maintenant que vous avez été guéri par la foi, faites les oeuvres d'un homme qui a toutes ses forces ; ayez recours aux moyens ordinaires par lesquels est conférée la grâce qui purifie ; faites usage des saints sacrements " ! Je vis aussi Jésus aller à la piscine avec les disciples ; mais comme ceux qui étaient là se pressaient en foule autour de l'homme guéri, Jésus se retira avec ses disciples et se rendit à la maison de Marie, mère de Jean Marc. Le malade guéri, portant son lit, alla dans une petite cabane retrouver ces proches, qui furent très surpris de sa guérison. Il ne s'arrêta pas longtemps là, mais il chercha Jésus, le trouva, se jeta il ses pieds et le pria de l'admettre dans sa compagnie. Je vis que Jésus lui dit de le suivre à Tibériade où il devait prêcher, mais par un autre chemin. Je vis aussi que ce fut alors que Jean Marc, le fils de la maison, se réunit pour la première fois aux disciples : il alla aussi à Tibériade avec le paralytique guéri. Je vis encore Jésus, ayant les apôtres avec lui, entrer dans le temple. Il y trouva cet homme qu'il avait guéri et lui dit qu'ayant recouvré la santé il ne devait plus pécher de peur d'encourir la damnation Je vis qu'il dit aux Pharisiens quel était celui qui l'avait guéri : ce qu'il fit dans une bonne intention, parce qu'il les voyait irrités contre Jésus et qu'il croyait par là lui concilier leur respect. Je vis Jésus et les siens descendre du temple : Jésus allait en avant. Les apôtres suivaient, et une douzaine de Pharisiens couraient après eux comme s'ils avaient voulu lui demander raison de quelque chose ils l'appelèrent, mais il ne se retourna pas : les disciples lui crièrent de s'arrêter, mais il continua à marcher. Alors les Pharisiens l'entourèrent, le prirent par le bras et lui demandèrent pourquoi il se permettait de guérir le jour du sabbat et quelle sorte de docteur il était, lui dont les disciples arrachaient des épis le jour du sabbat ? Je reconnus que ces gens étaient les espions que j'avais vas lot s de cet incident des épis. Note : Le lecteur ne doit pas perdre de vue qu'Anne Catherine a ici une vue d'ensemble de cet événement sans aucune distinction de temps en sorte qu'on n'y doit rien voir qui soit en contradiction avec le récit de ce même fait donné dans le quatrième volume pages 98 et 239. Ceci fait allusion à des avertissements reçus quelques jours auparavant sous la forme d'une vision où elle avait vu le Seigneur traverser un champ de blé avec ses disciples, lesquels avaient froissé des épis dans leurs mains, ce qui avait été remarque par des Pharisiens qui l'espionnaient. Anne-Catherine, entourée elle-même d'observateurs soupçonneux, eut dans un moment de tristesse et d'angoisse cette vision destinée à la mettre en garde contre le découragement et la pusillanimité, et qu'elle ne raconta pas en détail. Jésus leur parla longtemps Les disciples étaient autour de lui, les autres Pharisiens n'avaient pas suivi ceux-ci. Il continua à marcher tout en parlant ; quelquefois, cependant, il s'arrêtait. Le chemin passait entre des murs, il n'y avait pas de maisons. Ils finirent par le laisser : deux seulement l'accompagnèrent jusqu'à la porte ; les autres prirent un autre chemin. On n'était pas alors au temps de la moisson, tout était vert. FRAGMENT . Le 23 juillet 1820, Anne Catherine fit connaître qu'elle avait vu ce jour-là quelque chose touchant la guérison d'un homme à la main desséchée, et qu'elle avait vu ensuite Jésus quitter les disciples et passer la nuit en prières sur une montagne. Lorsqu'il était descendu, il avait institué les douze apôtres et les avait appelés deux par deux. Elle en avait toujours compté quatorze, car elle avait vu aussi dans le lointain Paul et Matthias. Jésus leur avait. dit ce qu'ils auraient à faire. Elle avait vu aussi dans quels lieux les apôtres avaient travaillé. EXPLICATION DE LA DIFFÉRENCE ENTRE LES GENEALOGIES DU CHRIST DANS SAINT MATTHIEU ET DANS SAINT LUC. 28 juillet 1820.
La vision suivante est la dernière qu'Anne Catherine ait racontée à part de ses récits sur la vie de Jésus-Christ, car c'est à dater de la fin de juillet que ceux-ci commencèrent. Pendant l'octave de la fête de sainte Anne, elle vit beaucoup de choses concernant les ancêtres des parents de la très sainte Vierge. Je vis, à partir de David, l'arbre généalogique du Messie se diviser en deux branches. A droite courait la ligne qui, par Salomon, aboutissait à Jacob, père de Joseph, l'époux de Marie. Cette ligne suivait son cours à une plus grande hauteur que l'autre. Elle partait le plus souvent de la bouche des personnage et elle était parfaitement blanche, sans mélange d'autre couleur. Les figures appartenant à cette ligne étaient toutes plus grandes que les figures correspondantes de l'autre ligne. Toutes portaient à la main une tige fleurie, longue à peu près comme le bras, autour de laquelle retombaient des feuilles assez semblables a celles du palmier. Au haut de cette tige était une campanule blanche avec cinq étamines jaunes d'où s'échappait une fine poussière. Trois membres de cette ligne, appartenant à la première moitié, étaient rejetés, noircis et tout desséchés. Les fleurs différaient en grandeur, en vertu et en beauté : la tige que portait Joseph était sans tache et couverte de feuilles très fraîches : c'était elle qui avait la plus belle fleur. Je vis que cette ligne, vers sa fin, s'unissait à la ligne opposée par un rayon. Il me fut communiqué quelque chose sur la signification mystique de cette ligne, qui avait quelque chose de plus relevé. L'esprit y avait plus de part, la chair en avait moins. Cela avait quelque rapport avec la signification de Salomon. Je ne puis pas bien exprimer cela. La ligne généalogique de gauche allait de David par Nathan jusqu'à Héli, qui est le véritable nom de Joachim, car celui-ci n'avait reçu que postérieurement celui de Joachim de la même manière qu'Abram reçut le nom d'Abraham. J'en ai su la cause et peut-être que je la retrouverai plus tard. Dans mes visions j'ai plus d'une fois entendu appeler Jésus le fils d'Héli. Je vis toute cette ligne généalogique courir plus près de la terre : elle était teinte de diverses couleurs et il y avait par endroits des taches après lesquelles elle reparaissait plus claire. Elle était rouge, jaune, blanche ; je n'y vis pas de bleu. Les figures étaient plus petites que celles de l'autre ligne. Elles portaient des branches plus petites, inclinées d'un côté avec de petites feuilles dentelées d'un vert jaunâtre et au sommet un bouton rougeâtre de la couleur des églantines. Elles étaient tantôt fraîches, tantôt un peu flétries. Le bouton n'était pas un bouton de fleur. mais un bouton de fruit, et il n'était jamais épanoui. Note : Que Joachim soit désigné dans saint Luc (III, 23) par le nom d'Héli, c'est ce qu'admettent saint Augustin et plusieurs commentateurs, et cette explication ne paraîtra pas aussi subtile que le pense Maldonat si, dans le verset en question, on applique les mots 'qui fuit ' non pas à Joseph, mais à Jésus. Anne descendait de Lévi par son père, par sa mère de Benjamin. J'ai vu de ses ancêtres porter l'arche d'alliance avec beaucoup de piété et de ferveur, et je vis que dès lors il vint sur eux, de l'objet mystérieux renfermé dans l'Are ne, des rayons qui avaient trait à leur postérité, c'est-à-dire à sainte Anne et à Marie. Je voyais toujours beaucoup de prêtres dans la maison paternelle d'Anne et de même dans celle de Joachim : à cela aussi se rattachait leur parenté avec Elisabeth et Zacharie. Sur la branche de Salomon il y avait plusieurs lacunes. Les fruits étaient éloignés les uns des autres, mais les figures étaient plus grandes et plus immatérielles. Les deux lignes se touchaient plusieurs fois ; trois ou quatre degrés avant Héli, elles se croisaient et aboutissaient finalement à la sainte Vierge. Je crois qu'à ce croisement, je vis déjà paraître le sang de la sainte Vierge. |