CHAPITRE SEPTIEME.


Jésus à Bethabara.-bénédiction des enfants.-Guérison de lépreux, Jésus se réunit aux apôtres dans le voisinage de Madian et va de là à Jéricho.-Jésus à Jéricho.-Zachée.-Jésus à Samarie.-à Béthanie. Résurrection de Lazare. Jésus à Jérusalem.

29 juillet l820 .-Jésus est avec quelques apôtres sur le chemin de Bethabara. Ce bourg n'est pas grand : il a pourtant une école. Il est situé à peu de distance du lieu où les Israélites passèrent le Jourdain sous Josué, et vis-à-vis de la fontaine baptismale où Jésus fut baptisé par Jean ; c'est encore là que Gédéon mit les Ephraimites en embuscade pour couper la retraite aux Madianites. Il y a tout près un autre endroit qui est au bord même du Jourdain et dont le nom ressemble à Bhetania.

Une foule considérable s'était rassemblée ici : il s'y trouvait des gens malades d'autres qui ne l'étaient pas et spécialement beaucoup d'amis de Jésus. Dix des saintes femmes y étaient aussi : cinq qui suivaient habituellement le Sauveur, savoir : Marthe, Madeleine, leur servante Marcelle, Marie Salomé et Marie de Cléophas ; et cinq autres parmi lesquelles je reconnus avec plaisir la femme de Jérusalem qu'on appelle communément Véronique, car je l'aime beaucoup et je suis toujours contente de la voir. Elle est grande, belle et forte comme Judith. Je vis aussi Marie, mère de Jean Marc, chez laquelle Jésus va souvent quand il est à Jérusalem. (Les trois autres étaient vraisemblablement Jeanne Chusa, Suzanne et Salomé de Jérusalem.) Ces cinq dernières femmes, de même que Nicodème, tenaient plus secrètes leurs relations avec Jésus ; elles ne se montraient pas en public à sa suite comme les autres qui lui préparaient des logements sur toutes les routes et lui rendaient tous les services qui sont du ressort des femmes. Celles-ci se tenaient le plus souvent renfermées dans l'intérieur des hôtelleries et ne se montraient pas autant au dehors. Cependant elles s'occupaient aussi de tous les arrangements à prendre, spécialement Véronique, qui pourvoyait ici à tout ce qui était nécessaire aux femmes, tandis que Marthe se chargeait de ce qui concernait le Seigneur, les disciples et les pauvres. Je ne vis d'abord que trois apôtres près de Jésus. La bourgade pouvait à peine contenir la foule qui s'y pressait ; beaucoup de gens étaient établis sous des hangars, d'autres sous de grands arbres. Il y avait des malades de toute espèce. Lorsque Jésus vint à l'hôtellerie de Bethabara, il donna à ses compagnons des enseignements touchant le divorce Ceux-ci dirent que s'il en était ainsi, il n'était pas avantageux de se marier, à quoi Jésus leur répondit ce qui se trouve dans saint Matthieu et dans saint Marc (X, 10 etc.)

Jésus guérit beaucoup de malades. Je vis des paralytiques et des gens perclus jeter leurs béquilles ; je vis aussi certains possédés sourds et muets dont il me fut dit qu'ils étaient de ceux dont le coeur était complètement fermé à l'enseignement divin. Je vis guérir un homme qui avait la main desséchée et aussi plusieurs aveugles. Il y avait ici des espions des Pharisiens qui observaient tout ce que faisait Jésus.

Quelques disciples de Jérusalem étaient venus avec les femmes, car celles-ci n'allaient jamais tout à fait seules. Jésus continua à enseigner sur le divorce en présence des disciples. Je vis plus tard cinq apôtres auprès de lui ; je crois que le quatrième était Matthieu ; le cinquième ne me semble pas être proprement un apôtre ; cependant il est dans des rapports tout à fait intimes avec Jésus, tantôt il est près de lui, tantôt il est absent. (C'était peut-être Saturnin).

Jésus fit ici une infinité de choses et il travailla sans relâche, toujours grave, doux, calme et pénétré d'une - tristesse secrète, singulièrement touchante. Il enseignait quelquefois dans la rue, d'autres fois on le tirait par ses habits pour le faire entrer dans une maison. Il raconta plusieurs paraboles ; il instruisit les habiles et les simples. Aux premiers il disait qu'ils devaient se montrer reconnaissants envers Dieu en mettant à son service tout ce qu'il leur avait donné, ainsi qu'il le faisait lui-même. Il fit ici beaucoup de choses dont il n'est pas parlé dans l'Evangile. Il se tint aussi dans la maison près des saintes femmes. Marie, sa mère, était à Jérusalem. dans une maison assez voisine de celle de Nicodème.

Je vis beaucoup de mères arriver comme en procession avec des troupes d'enfants ; il y en avait de tout âge, et jusqu'à des nourrissons qu'elles portaient dans leurs bras.
Elles venaient par une large rue du bourg, et lorsque Jésus, tournant un angle, entra dans cette rue, les disciples qui le précédaient voulurent, à cause du travail incessant auquel il se livrait, renvoyer sans miséricorde les femmes et les enfants, car il en avait déjà béni un grand nombre. Mais Jésus s'y opposa, et alors on les rangea en bon ordre. D'un côté du chemin se tenaient, les unes derrière les autres, cinq longues rangées d'enfants, d'âge et de sexe différents ; toutefois les garçons étaient séparés des petites filles. Celles-ci étaient beaucoup plus nombreuses. Les mères avec leurs nourrissons sur les bras étaient debout derrière le cinquième rang De l'autre côté du chemin se tenaient beaucoup d'autres personnes qui se portaient successivement en avant Le Seigneur passa le long du premier rang d'enfants, leur imposa les mains et les bénit. A quelques-uns il mettait la main sur la tête, à d'autres sur la poitrine ; il en serra quelques-uns contre son sein. Il y en eut qu'il montra aux autres comme modèles : il semblait tour à tour instruire, exhorter, encourager, bénir. Quand il fut à l'extrémité du premier rang des enfants, il remonta l'autre côté de la rue le long des grandes personnes, auxquelles il donna des avis et des enseignements, leur montrant aussi quelques-uns des enfants. Ensuite il redescendit le long du second rang des enfants, et repassa devant d'autres adultes qui s'étaient placés à leur tour en première ligne. Il continua ainsi jusqu'à ce qu'il eut donné même aux nourrissons des marques de sa charité. Il me fut dit que tous les enfants qu'il avait bénis avaient reçus par là une grâce intérieure, et que plus tard ils étaient devenus chrétiens. Il vint bien ici un millier d'enfants à Jésus, car je crois qu'ils continuèrent à affluer pendant quelques jours.

Ce fut pendant que Jésus bénissait les enfants qu'il donna à un jeune homme la leçon dont il est parlé dans saint Matthieu (XIX, 16-26). Ce jeune homme était sorti des rangs de la foule qui se tenait en face des enfants. Pendant cette bénédiction des enfants, plusieurs autres personnes sortirent aussi des rangs pour lui adresser la parole.

Lorsque le Seigneur parla à Pierre de la résurrection (Matth., XIX, 28), il y avait encore là des espions des Pharisiens qui s'étonnèrent et murmurèrent.

Ce fut vers le soir que le Seigneur alla à la maison ; les femmes avaient préparé le repas. On mangea debout et en se promenant de long en large. Le Seigneur ne cessa pas d'enseigner. Il y avait, outre les boissons, des petits pains, des fruits et des rayons de miel. Le Seigneur alla plusieurs fois dans le vestibule où étaient les femmes ; je vis là Marie Salomé s'avancer vers lui avec ses fils, Jacques et Jean, et le prier de les faire asseoir à ses côtés. Ce fut plus tard, quand tous furent réunis, que les dix autres s'indignèrent à ce sujet.

Les femmes de Jérusalem parmi lesquelles était Véronique, repassèrent le Jourdain dans la soirée pour retourner chez elles. Marthe et Madeleine, avec leur suite, ne partirent que le lendemain matin pour Béthanie.

Je vis que plusieurs des gens chargés de faire des rapports aux Pharisiens restèrent et se convertirent ; beaucoup d'autres qui étaient partis pleins d'irritation, pour Jérusalem, changèrent de sentiments sur la route et devinrent plus tard partisans de Jésus. Comme Jésus s'était éloigné de quelques personnes qui s'empressaient autour de lui, les siens lui en demandèrent la raison, et il leur répondit que ces gens n'étaient poussés que par une vaine curiosité.

30 juin .--Aujourd'hui j'ai vu le Seigneur dans la soirée qui suivit le repas, partir sans bruit de Bethabara avec les cinq apôtres et se diriger vers le levant. Ils arrivèrent près d'une grande maison dans le voisinage de laquelle il y en avait de plus petites. Alors des gens qui se tenaient sur le chemin appelèrent Jésus pour qu'il entrât dans cette maison où se trouvaient dix lépreux. Les apôtres craignant de communiquer avec ces lépreux, firent un détour, et se dirigeant vers le midi, allèrent se reposer sous un arbre pour y attendre Jésus. Les gens qui avaient appelé Jésus s'étaient placés là d'avance pour l'implorer lorsqu'il passerait. Les lépreux étaient couchés dans une partie retirée de la maison : ils étaient enveloppés de linges et tout couverte de croûtes. Jésus leur ordonna quelque chose et il me sembla qu'il en touchait un ; ensuite il les quitta. Je vis deux hommes les conduire l'un après l'autre à un petit étang, large d'environ douze pieds, situé dans le voisinage de la maison, et les faire entrer dans deux grandes auges qui se trouvaient là. Il y avait dans le mur, à droite et à gauche, des tuyaux d'où l'on pouvait faire jaillir de l'eau sur eux. Ils furent ainsi lavés et je crois qu'il y avait dans le voisinage des prêtres près desquels ils se rendirent.
Le Seigneur passa encore par un autre bâtiment voisin du premier. Il avait une cour carrée ayant sur deux de ses côtés des galeries couvertes ; sous l'une d'elles étaient couchés des hommes infirmes et contrefaits ; sous l'autre des femmes malades. Il y avait dans le sol des excavations régulières pour placer les couches des malades. Au milieu de la cour, un passage couvert qui la coupait parallèlement aux galeries conduisait à une pièce où l'on faisait la cuisine et la lessive. Outre ce passage et les galeries où gisaient les malades, il y avait des pelouses en plein air coupées par des sentiers à l'usage des malades. Je vis quelques hommes avec des robes courtes allant jusqu'aux genoux et de larges ceintures ; ils étaient employés au service des malades ; je vis aussi des femmes enveloppées dans de longs voiles, qui prenaient soin des personnes de leur sexe. Jésus opéra ici plusieurs guérisons, et lorsqu'il sortit, je vis sur le chemin un des lépreux qu'il avait guéris, le suivre en célébrant ses louanges à haute voix. Il se retourna et cet homme se prosterna la face contre terre : alors Jésus dit quelques mots et continua son chemin. Près des maisons voisines, se tenaient beaucoup de femmes avec des enfants qu'il bénit comme ceux de Bethabara, en sorte qu'il était déjà nuit lorsqu'il s'éloigna.

Les cinq apôtres qui avaient pris les devants l'attendaient sous un arbre. Je crois que Jésus se reposera quelque temps avec eux, et qu'ensuite ils se dirigeront au midi en faisant un coude du côté d'un endroit dont les habitants ne valent rien. Je vois cela dans la volonté du Seigneur Jésus.

31 juillet et 1er août. --Dans la nuit de dimanche lundi, j'ai vu que Jésus avait rejoint les cinq apôtres sous un arbre et se reposait près d'eux. Je vis bien distinctement. Matthieu, et en outre Pierre, Jacques et Jean. Ce matin ils marchèrent vers l'endroit où j'avais deviné qu'ils iraient. Machérunte, la forteresse où Je ;m a été décapité, se trouvait à leur droite Ils eurent à traverser un petit torrent très rapide qui leur barrait le passage. J'avais le sentiment que l'endroit dont ils approchaient était habité par de méchantes gens, généralement païens ; il y avait pourtant quelques juifs parmi eux. Ils arrivèrent d'abord à un bourg où s'élevait un grand édifice à toit plat, assez semblable à une synagogue, avec quelques maisons et quelques échoppes à l'entour. Quatre apôtres et plusieurs disciples les attendaient là avec quelques autres personnes venues à leur suite Tout ce monde vint à eux, témoignant une grande joie. Neuf des apôtres sont maintenant réunis Ils` racontent tout ce qu'ils ont fait an nom de Jésus.
A une lieue de là se trouve une plus grande ville dans laquelle le Seigneur n'entra pas. Les gens qui l'habitent sont trop mauvais, ils observent d'un air défiant, ils ne savent pas ce que signifie la réunion de tant de personnes dans la petite bourgade juive. Cependant quelques apôtres et quelques disciples s'entretiennent avec des habitants de la ville près du grand pont qui la précède.

C'est Madian : ce sont des Madianites qui habitent là. Moïse a gardé les troupeaux chez eux et femme était fille d'un prêtre de ce temple

Le Seigneur fait peu de chose ici il se borne à enseigner. Ils se reposent tous, car ils ont rudement travaillé.

2 août.-- Ce soir ils se remettent en route. Ils reviennent vers le Jourdain en passant par une petite ville. Ils contourneront Bethabara où le Seigneur a eu tant à faire.
Les apôtres et les disciples revenus de leur mission ont raconté tout au long ce qu'ils ont fait, et Jésus leur a donné des instructions à ce sujet. C'est pour cela qu'il a voulu faire cette longue course, afin de pouvoir conférer librement avec eux pendant un certain temps, et aussi pour laisser à la rage des Pharisiens le temps de se calmer. Je le vis passer la nuit avec ses compagnons sous des hangars de bergers. Ces bergers étaient très bienveillants ; ils ne mirent pas leurs troupeaux sous les hangars, et eux-mêmes cédèrent la place ; ils apportèrent aussi du miel pour la nourriture des voyageurs. Les apôtres et les disciples dormirent, mais le Seigneur instruisit les bergers en leur racontant des paraboles. Plus tard il prit, lui aussi, un peu de sommeil.
C'est ici, sur le chemin. que Jésus parla du rang que la mère des fils de Zébédée avait demandé pour ses enfants, car les derniers arrivés parmi les disciples s'étaient indignés de cette prétention lorsqu'ils en avaient entendu parler. Barthélémy Al Judas n'étaient pas encore de retour' et j'ai quelque idée que Jésus leur répéta ici qu'il y avait un traître parmi eux.

3 août. Lorsqu'ils partirent, quelques-uns des bergers les accompagnèrent, laissant leurs troupeaux à la garde de leurs compagnons. J'ai oublié beaucoup de choses, mais je les vis tous dans un lieu plus rapproché du Jourdain, entrer dans une maison qui appartenait à une famille de bergers et y passer la nuit. Le Seigneur y raconta plusieurs paraboles. Je me rappelle aussi ces paroles : " Ceux qui se disent chastes, mais qui mangent et boivent tout ce qui leur fait envie, font comme s'ils voulaient éteindre un grand feu en y jetant du bois sec ".

Parmi plusieurs disciples qui vinrent ici trouver Jésus, je m'en rappelle un qui plus tard alla à Marseille avec Madeleine. Ils se dirigent vers une petite ville peu éloignée, où les trois apôtres qui manquent et les autres disciples doivent les rejoindre.

4-5 août.-- Je vis Jésus sortir de la maison des bergers avec les neuf apôtres, plusieurs disciples et d'autres personnes, et se diriger vers une petite ville plus rapprochée du Jourdain. Je vis beaucoup de gens, parmi lesquels nombre de malades et d'estropiés, se rendre à cette ville, car les trois derniers apôtres, Barthélémy, Judas et un autre encore l'attendaient là avec plusieurs disciples, et ils avaient déjà commencé à guérir et à enseigner. Je vis aussi de cet endroit le Seigneur paraître dans le lointain : c'était comme si l'on eût vu arriver une procession. Il marche tantôt en avant, tantôt au milieu des siens ; souvent il s'arrête et ils se rapprochent de lui, mais sans jamais se presser en foule.

Le soir je vis Jésus arriver à la petite ville. Judas ne guérissait pas, mais il était fort affairé : il amenait des malades, il les assistait, il donnait des ordres, il distribuait de l'argent. Jésus entra dans une maison de la ville. Je vis ici des Pharisiens : deux d'entre eux vinrent trouver le Seigneur et lui adressèrent des questions. Il y avait aussi des femmes affligées de différents maux. J'en vis une prier le Seigneur de guérir sa fille qui était couverte d'ulcères. Le Seigneur voulait lui envoyer un disciple, mais elle insista pour qu'il vint lui-même. Alors Jésus n'y alla pas, n'envoya pas non plus de disciple et ne guérit pas la malade. Il enseigna ici dans la synagogue à l'occasion du sabbat et guérit à l'entrée une femme toute courbée. Les Pharisiens réclamèrent vivement à ce sujet et reproduisirent leurs invectives contre les guérisons faites le jour du sabbat.

8 août. Je vis le Seigneur enseigner à diverses reprises dans la petite ville. Les Pharisiens voulaient l'en empêcher. Ils se tenaient devant la synagogue et ne voulaient pas l'y laisser entrer, mais il se fraya un passage au milieu d'eux, enseigna et raconta plusieurs paraboles.

Personne ici ne lui avait offert l'hospitalité : ce ne fut que le soir du dernier jour qu'un homme l'invita à entrer dans sa maison et l'y hébergea ainsi que les apôtres et plusieurs disciples ; il fit pour tous de petites couronnes de laine qu'il leur mit sur la tête pendant le repas. Mais il n'agissait pas de bonne foi : c'était un adhèrent secret des Pharisiens qui espionnaient Jésus. Il fit tout pour le mieux quant à l'extérieur, mais ce n'était pas un motif de charité.

Pour la nuit on leur arrangea des couches avec des nattes posées les unes contre les autres et des tresses de paille en guise d'oreillers, parce qu'il n'y avait pas assez de lits pour tous. Leur hôte ne suivit pas le Seigneur : il vint plus tard le voir à Samarie.

9 août .--Lorsqu'ils quittèrent la petite ville, le Seigneur leur raconta des paraboles relatives à l'hospitalité, et parla des dispositions intérieures de leur hôte de la veille. Ils se dirigèrent vers Jéricho en faisant des détours à travers une contrée déserte. Les apôtres et les disciples firent encore des récits de ce qu'ils avaient fait, et plus d'une fois avec un sentiment d'amour-propre. Alors Jésus les réprimanda comme il l'avait fait dans une autre occasion lorsqu'il avait dit : "  Je voyais le démon tomber du ciel comme un éclair ". Cela les effraya.

Jésus raconta en route une parabole que malheureusement j'ai oubliée. Elle avait trait à la conduite future des douze apôtres. Il dit qu'ils lui étaient attachés maintenant parce qu'ils étaient bien traités. Ils ne comprirent pas cela, mais il voulait dire qu'ils vivaient en paix et recevaient de beaux enseignements ; quand la tribulation viendrait, disait-il, ils se comporteraient tout autrement, et il ajouta que ceux qui portaient comme un manteau d'amour pour lui, le laisseraient tomber et s'enfuiraient dépouillés. Je vis que cela faisait allusion à ce qui arriva à Jean dans le jardin de Gethsémani.
Un peu avant d'arriver à Jéricho, il fut rejoint par cette femme du petit endroit situé de l'autre côté du Jourdain dont il n'avait pas accueilli la demande lorsqu'elle l'avait prié de guérir sa fille couverte d'ulcères. Elle pria Jésus de venir maintenant à son aide, car ? disait-elle, elle avait renoncé a tout ce qu'il avait prescrit de quitter. Mais le Seigneur s'y refusa de nouveau : il lui dit que son enfant avait été conçu dans le péché, et il lui reprocha une faute qu'elle commettait habituellement depuis plusieurs années. Cela ne semblait pas chose de grande importance, mais elle ne devait pas revenir qu'elle ne fut convertie a cet égard. Alors je vis cette femme passer devant les apôtres et les disciples et prendre le chemin de Jéricho.
10 août. A quelque distance de Jéricho, quatre Pharisiens qui étaient de ceux qu'on avait envoyés de Jérusalem, vinrent engager Jésus à ne pas aller plus loin, parce qu'Hérode, disaient-ils, en voulait à sa vie. Ils firent cette démarche parce qu'ils le craignaient, car ils avaient beaucoup entendu parler de ses nombreux miracles. Jésus leur répondit qu'ils devaient dire de sa part a ce renard d'Hérode : "  J'ai encore à chasser les démons et à guérir les malades aujourd'hui et le jour suivant ; ce n'est que le troisième jour que viendra la consommation ". (Luc, XIII, 31-35). Il m'a été dit que deux de ces Pharisiens se convertirent et s'attachèrent à Jésus tandis que les deux autres s'en retournèrent furieux à Jérusalem. Dans une occasion précédente, il y eut un Pharisien qui resta près de lui.

Comme Jésus s'approchait de Jéricho, il vint à lui de cette ville deux frères qui ne pouvaient pas se mettre d'accord au sujet de leur héritage : l'un voulait rester, l'autre voulait s'en aller. Là-dessus l'un d'eux se mit en tête de faire accommoder leur différend par ce Jésus dont on parlait tant : et ils étaient allés au-devant de lui. Mais il les renvoya, disant que ce n'était pas son affaire : sur quoi Jean lui ayant représenté que c'était pourtant une bonne oeuvre à faire et Pierre ayant parlé dans le même sens, il répondit qu'il n'était pas venu pour partager les biens de la terre mais ceux du ciel, et il fit à ce sujet une longue exhortation devant une foule nombreuse qui s'était assemblée autour de lui. Toutefois les disciples ne le comprirent pas bien, car ils n'avaient pas encore reçu le
Saint Esprit et ils étaient toujours dans l'attente d'un royaume terrestre.
Beaucoup de femmes avec des enfants vinrent encore à la rencontre de Jésus, demandant sa bénédiction. Les disciples que les récentes menaces des Pharisiens avaient rendus très timides à l'égard de tout ce qui pouvait attirer l'attention, essayèrent de les éloigner, car ils étaient chargés de maintenir l'ordre. Mais Jésus ordonna de laisser venir les enfants et dit aux disciples qu'ils avaient besoin d'être bénis afin de devenir aussi ses disciples. Il bénit alors beaucoup de nourrissons et aussi des enfants de dix à onze ans. Il y en avait de plus jeunes encore que Jésus ne bénit pas et je ne sus pas pourquoi. Ceux qui avaient reçu sa bénédiction et plusieurs autres qui ne l'avaient pas reçue se retirèrent. Quelques-uns parmi ces derniers attendirent une autre occasion.

11-21 août.-- Près de la ville de Jéricho, dans un endroit où il y a un mélange de jardins, de lieux de plaisance et de maisons, le Seigneur et sa suite se trouvaient en présence d'une foule très compacte. Il y avait là une quantité de gens accourus des contrées environnantes. Ces gens l'entouraient de tous côtés ainsi que beaucoup de malades qui l'attendaient, couchés sous des hangars et des tentes.

Zachée, un chef des publicains, qui demeurait hors de la ville, était accouru dans cet endroit où le Seigneur devait passer : mais comme il était petit, il monta sur un figuier pour pouvoir voir Jésus dans la foule. Quand le Seigneur fut arrivé là, il regarda sur l'arbre et dit : " Zachée, descendez vite, car je dois aujourd'hui loger dans votre maison ". Zachée descendit en toute hâte, il s'inclina humblement avec un sentiment d'émotion profonde et se rendit dans sa maison pour tout préparer. Ce que Jésus lui dit, qu'il devait entrer ce jour-là dans sa maison, se rapportait à la maison de son coeur dont il faisait dès lors sa demeure, car ce fut à Jéricho même. et non chez lui, que le Seigneur entra aujourd'hui...

Ici devant la porte il n'y avait pas d'habitants de la ville, ils se tenaient renfermés dans leurs maisons à cause des Pharisiens. Il n'était guère venu que des étrangers qui imploraient l'assistance de Jésus. Il guérit un aveugle et un sourd-muet que je me rappelle parmi beaucoup d'autres. Quelques-uns furent éconduits. Il bénit encore des enfants, spécialement des enfants à la mamelle. Et dit aux disciples qu'il fallait ainsi accoutumer les gens à mettre leurs enfants en rapport avec lui dès l'âge le plus tendre, et que tous ceux qu'il aurait bénis s'attacheraient à lui plus tard.

Dans la foule qui était devant la ville, se trouvait une femme affligée de pertes de sang que je voyais venir depuis quelques jours avec la ferme résolution d'obtenir de Jésus sa guérison, mais elle n'arriva pas jusqu'à lui aujourd'hui. Elle aura probablement à attendre encore longtemps, car j'ai entendu Jésus dire aux disciples que quiconque ne demande pas avec persévérance, n'a pas une volonté sérieuse ni une foi véritable.

Comme le sabbat allait s'ouvrir, il entra avec les siens dans la ville pour se rendre à la synagogue. Je le vis ensuite dans une hôtellerie j il était avec les apôtres dans une salle à manger ouverte : les disciples mangeaient dans les galeries extérieures. Le repas se composait de petits pains, de miel et de fruits : ils mangèrent debout et Jésus ne cessa pas d'enseigner et de raconter. Les apôtres avaient un verre pour trois. Le Seigneur en avait un pour lui seul. La femme dont il avait rejeté la requête au delà du Jourdain et une seconde fois sur la route, vint encore le trouver ici. Il l'éconduisit encore, parce qu'elle jouait un double jeu. Elle s'était adressée aux Pharisiens de Jéricho pour savoir ce qu'on disait de Jésus à Jérusalem, et elle avait tenu toute sorte de propos indiscrets. Il lui fallut donc encore attendre.

Zachée vint trouver Jésus ici. Les disciples avaient déjà murmuré de ce qu'il frayait avec ce publicain décrié et de ce qu'il voulait même aller loger chez lui ; car quoique le Seigneur eût déjà plus d'une fois combattu leurs préjugés, il y avait beaucoup de nouveaux disciples pour lesquels Zachée était un objet de scandale, spécialement quelques-uns de ses parents qui faisaient partie de la suite de Jésus, et qui étaient honteux que Zachée ne se fût pas encore converti et fût demeuré publicain. Zachée s'approcha d'eux devant la maison, mais aucun d'eux ne voulut lui parler, aucun ne lui offrit la moindre chose.

Alors Jésus vint dans la galerie, lui fit signe d'entrer, et lui offrit à boire et à manger.

12 août. Ce matin je vis Jésus aller à la synagogue. Il enjoignit aux Pharisiens de lui céder la place parce qu'il allait faire la lecture du sabbat et l'instruction. Là-dessus ils firent grand bruit, mais ils ne purent prévaloir contre le Seigneur. Il enseigna ici très ouvertement et sans réticences. Je me souviens qu'il parla spécialement contre l'avarice. Il dit beaucoup de choses qui se trouvent dans l'Evangile et beaucoup d'autres qui ne s'y trouvent pas : du reste les enseignements rapportés dans l'Evangile ne sont la plupart du temps qu'une espèce d'abrégé. Jésus guérit aussi, devant la synagogue, un malade qu'on avait apporté sur une civière.

Le soir d'après le sabbat Jésus et les apôtres sortirent de Jéricho pour se rendre à l'habitation de Zachée. Il fut encore suivi sur le chemin par la femme qui lui demandait de guérir son enfant : je vis le Seigneur lui imposer les mains pour la délivrer elle-même de son péché, après quoi il lui dit qu'elle pouvait s'en retourner chez elle parce que sa fille était guérie, et je la vis se remettre en route.

Les disciples n'accompagnèrent pas Jésus chez Zachée. Celui-ci fit au Seigneur un accueil très hospitalier. Il y avait sur la table un plat oblong, avec un rôti d'agneau, à ce que je crois, et en outre, comme de coutume, du miel et beaucoup de petits fruits. Zachée ne se mit pas à table avec les convives, il s'occupait du service, mais quand Jésus parlait, il se faisait remplacer : alors il se tenait respectueusement prés du Seigneur et l'écoutait attentivement. Quelques-uns des apôtres éprouvaient une certaine répugnance à manger chez ce publicain décrié. Alors Jésus raconta la parabole du figuier, de la vigne qui n'avait pas porté de fruit pendant trois ans, mais pour lequel le vigneron avait demandé encore un an de patience (Luc, XIII, 5-9). Je vis que Jésus dit cela pour les apôtres comme s'ils étaient la vigne, lui-même le maître, et Zachée le figuier ; il y avait en effet trois ans que les parents de celui-ci avaient quitté leur profession décriée pour suivre le Seigneur, tandis que lui-même avait continué à l'exercer, ce qui le rendait méprisable aux yeux des disciples. Mais Jésus avait eu pitié de lui lorsqu'il lui avait crié de descendre de l'arbre. Jésus parla encore des arbres stériles qui donnent une quantité de feuilles et pas un fruit. Il dit que les feuilles étaient les actes purement extérieurs, qu'elles faisaient entendre un bruit incessant, mais qu'elles ne duraient pas et que la bonne sentence n'était pas en elles ; que les fruits, au contraire, étaient le principe intérieur opérant par la foi et produisant des oeuvres fécondes, semblable en cela au fruit qui donne de la force à ceux qui s'en nourrissent et qui porte le germe dans lequel l'arbre se perpétue. Il me sembla qu'en disant à Zachée de descendre de l'arbre, c'était comme s'il lui eût dit de quitter le monde avec ses dehors spécieux et son vain bruit ; il semblait encore que Zachée fût le fruit mur pour lequel était venu le moment de se séparer de l'arbre qui pendant trois ans était resté dans la vigne sans rien produire

Jésus parla encore des fidèles serviteurs qui ne faisaient pas les officieux en présence de leur maître, mais qui pendant son absence, veillaient constamment et ne permettraient pas qu'on fît aucun bruit, afin de pouvoir l'entendre quand il frapperait à la porte il raconta encore plusieurs belles paraboles dont une à l'adresse de Judas : des visites me l'ont fait oublier.

Jésus passa la nuit ici. Il y avait dans la maison de grandes chambres vides, des caveaux et des magasins dont les portes étaient munies de serrures et de chaînes, afin qu'on pût y conserver et y mettre en sûreté toute sorte de choses.

Je jetai un coup d'úil sur Béthanie. Lazare est malade : on désire vivement le Seigneur : mais il doit aller à Samarie avant de se rendre à Béthanie. Cela ne plaît pas aux disciples : ils voudraient aller à Jérusalem.

16 août .--Aujourd'hui je vis Jésus manger chez un Pharisien de distinction qui en avait invité beaucoup d'autres. Les jours précédents, il y avait eu dans cette maison des festins continuels où se réunissaient les Pharisiens qui étaient tous furieux contre Jésus et qui le faisaient espionner. De leur côté, les disciples et les apôtres ne laissaient pas d'être mécontents et inquiets, trouvant qu'il se compromettait trop et contrecarrait trop ouvertement les gens. Quand Jésus fut arrivé pour le repas, les Pharisiens lui reprochèrent d'avoir guéri le jour du sabbat le malade qui était devant la synagogue et Jésus leur fit des réponses qui se retrouvent plusieurs fois dans l'Evangile. Il les reprit aussi de leur orgueil qui leur faisait toujours prendre les premières places, et il raconta des paraboles

Les Pharisiens qui étaient dans cette maison étaient très irrités de ce que Jésus avait fait et enseigné à Jéricho. Ils délibéraient s'ils ne le feraient pas arrêter à Jéricho, et ils avaient envoyé à Jérusalem prendre des ordres a ce sujet, ce qui causait une grande inquiétude aux disciples. Une foule incroyable se pressait autour de Jésus quelque part qu'il allât, et il enseignait partout. Il passa de nouveau la nuit dans l'hôtellerie.

Je vois que Lazare est très gravement malade. Ses soeurs ont un si ardent désir de voir arriver Jésus qu'elles vont souvent jusque dans le voisinage de Jéricho pour s'assurer si leurs messagers ne ramènent pas avec eux le Seigneur. Mais il ne viendra pas encore, car il doit aller d'ici à Samarie. La sainte Vierge est à Jérusalem chez la mère de Jean Marc. Elle va souvent à Béthanie.

Beaucoup de personnes furent baptisées ici aujourd'hui par Jacques et par Barthélemy. Sur une place qui est au centre de Jéricho se trouve une pièce d'eau, entourée de bâtiments, et où l'on vient se baigner : il y a des compartiments sépares pour les hommes et pour les femmes. On y descend par des degrés et l'on y trouve des espèces de baignoires flottantes comme à Jérusalem sur la piscine de Béthesda, et comme de l'autre côté du Jourdain il l'endroit où Jésus guérit les lépreux. Les néophytes descendaient dans l'eau et mettaient ensuite un petit manteau blanc qu'ils trouvaient à emprunter là. Deux disciples leur posaient la main sur les épaules, l'autre versait l'eau sur eux. Le malade guéri le jour du sabbat fut du nombre de ceux qui se firent baptiser.

17 août .--Le Seigneur continua à enseigner dans la synagogue. Des pécheurs et des publicains se pressaient autour de lui dans la rue et devant l'école. Il enseigna partout devant de nombreux auditeurs. Quelques apôtres enseignèrent aussi ça et là. Les Pharisiens tenaient toujours des conciliabules dans leur maison, attendant le retour des messagers qu'ils avaient envoyés à Jérusalem et complotant pour s'emparer de la personne du Seigneur. Les disciples étaient très inquiets et très mécontents de ce que Jésus s'exposait au danger avec si peu de précautions. Je vis beaucoup de personnes, parmi lesquelles force pécheurs et publicains, l'entourer devant la synagogue j je vis aussi des malades se faire apporter devant lui : les disciples étaient si mécontents qu'ils le laissaient seul. Du reste il renvoya la plupart des malades et se borna à peu près à enseigner. Je vis alors que la femme paralytique et affligée de pertes de sang, qui était venue ici dans l'espoir d'être guérie (ce n'est pas l'hémorrhoisse de l'Evangile), se fit placer devant la porte et invoqua le secours de Jésus. Mais il ne la guérit pas, parce qu'il voulait faire voir que la foi doit être persévérante et ne jamais cesser d'espérer et de prier. Jésus alla ensuite près des disciples et des gens qui se scandalisaient de sa doctrine et de ses rapports avec les pécheurs et les publicains, et il raconta les paraboles de l'enfant prodigue, de la brebis égarée, de la drachme perdue, etc.

Aujourd'hui encore on baptisa à la fontaine des bains. Jésus y enseigna et y prépara les néophytes comme il l'avait déjà fait la veille. Il y eut des malades dont le baptême opéra la guérison. Plusieurs aspirants furent refusés. Les femmes, tout enveloppées dans leurs voiles, écoutaient de loin les enseignements de Jésus ; elles allaient ensuite à leur bain où elles dénouaient leur chevelure et ôtaient leur voile. La femme affligée de pertes de sang fut aujourd'hui conduite, à raison de sa maladie, dans un endroit à part pour y prendre le bain de purification ou d'expiation une rémission des péchés y était attachée, et les malades ne pouvaient guérir qu'après avoir obtenu cette rémission.

18 août.-- Jésus alla avec les disciples dans un quartier de la ville qui est devant la porte, et il enseigna constamment. Beaucoup de malades s'étaient fait porter sur son passage et imploraient son assistance.

La femme affligée de pertes de sang qu'il avait rebutée plusieurs fois était aussi couchée sur le chemin ; et quand Jésus passa, elle se traîna jusqu'à lui et toucha le bas de sa robe. Il s'arrêta, se retourna vers elle et la guérit. Alors elle se leva, rendit grâces, revint à la ville pleine de santé et repartit pour son pays quand le sabbat fut terminé. Après cette guérison le Seigneur enseigna la prière répétée, persévérante, et dit qu'on ne devait jamais cesser de prier. J'eus aussi une vision sur l'amour du prochain où il me fut montré comment les gens qui avaient aidé cette femme à faire son long voyage, l'amenaient tantôt dans un lieu, tantôt dans un autre sur le passage du Seigneur et s'adressaient aux disciples pour savoir où le Seigneur irait, afin de pouvoir procurer à cette femme une bonne place, car on ne pouvait pas la placer partout à cause de sa maladie qui là rendait impure. Ce n'est pas l'hémorrhoisse de l'Évangile, car elle était en outre paralytique et il lui fallut supplier inutilement pendant huit jours : l'autre fut guérie sur-le-champ.

C'est un spectacle touchant que de voir, partout où va Jésus, les malades couchés les uns contre les autres sur le chemin, gémir et supplier, les disciples s'agiter et s'inquiéter, et le Seigneur avec sa gravité, son calme et sa mansuétude incomparables, guérir et enseigner sans interruption.

Note : Anne Catherine prit dans le commencement pour un baptême cette purification légale des femmes ; mais sur une indication que lui donna son ange gardien, elle déclara expressément qu'aucune femme ne fut baptisée avant la descente du Saint Esprit. (Note du Pèlerin.)

Il vint aujourd'hui des messagers de Béthanie pour prier Jésus de vouloir bien venir près de Lazare, mais ils ne parlèrent qu'aux disciples. Jésus déclara qu'il n'irait pas encore parce que son temps n'était pas encore venu. Aujourd'hui de très bon matin, il envoya deux disciples à Samarie, de manière à ce qu'ils pussent y être rendus avant le sabbat. Ils devaient annoncer son arrivée prochaine.

19 août.-- Le Seigneur enseigna à l'occasion du sabbat, guérit des malades et alla de maison en maison. Il ne reviendra plus ici et veut répandre, avant de partir, tous les trésors de sa charité. Il a délivré des possédés ; j'ai oublié les détails.

20 août.-- Le Seigneur continua à enseigner et à guérir, allant de maison en maison : il chassa aussi des démons. Sur les quatre Pharisiens qui étaient venus devant Jéricho l'avertir de ne pas aller à Jérusalem, deux restèrent près de lui ; les deux autres qui étaient allés si pleins de colère à Jérusalem, ils furent mal reçus à cause d'un certain changement qui s'était opéré dans leurs sentiments à l'endroit du Seigneur eu sorte qu'eux aussi revinrent près de lui.

Aujourd'hui il congédia plusieurs des apôtres et des disciples qu'il envoya deux à deux dans des endroits où il ne doit plus aller.

21 août.-- Les Pharisiens s'étaient réunis en grand nombre à Jéricho. Il s'y trouvait une centaine de Pharisiens étrangers, dont beaucoup venus de Béthabara et de Béthanie qui est au delà du Jourdain. Ils étaient pleins de rage et l'espionnaient. Aujourd'hui, dans l'après-midi, son entourage s'étant amoindri par suite de la mission donnée à plusieurs des apôtres et disciples, ils se réunirent et l'interpellèrent avec beaucoup de violence. Ils reproduisirent tous leurs griefs accoutumés, mais il les réduisit au silence. Ils cherchaient à le prendre par ses paroles et comme il parlait souvent de son Père céleste, ils lui dirent de nouveau que ses frères étaient la, mais il répondit, comme dans une autre occasion, que ses frères étaient ceux qui accomplissaient la volonté de Dieu et observaient ses commandements.

Beaucoup de malades se rassemblent déjà dans un petit endroit au nord de Jéricho.

22 août.-- Ce matin, je vis Jésus aller à un petit endroit qui est à peu près à une lieue au nord de Jéricho. Beaucoup de gens s'y étaient déjà rassemblés et imploraient son assistance. On avait amené sur le chemin des malades, des aveugles et des estropiés qui attendaient son arrivée. Sur le chemin, devant la ville, je vis encore Jésus accosté par les Pharisiens et assailli d'une foule de reproches et de questions insidieuses. Mais ils ne gagnèrent rien sur lui et leurs efforts furent impuissants.

Beaucoup de gens l'accompagnaient sur la route, où deux aveugles étaient assis avec leurs conducteurs. Lorsque Jésus passa devant eux, ils l'invoquèrent à haute voix et le supplièrent de les guérir. Mais le peuple, dans les rangs duquel se trouvaient des malveillants et des espions, les menaça pour les faire taire. Ils le suivirent pourtant, conduits chacun par deux hommes, et ils continuèrent à crier : " Fils de David, ayez pitié de nous " ! Alors le Seigneur s'arrêta et leur demanda ce qu'ils voulaient de lui ; à quoi ils répondirent qu'ils le priaient de leur rendre la vue. Le Seigneur les fit approcher et toucha leurs yeux : ils recouvrèrent la vue, et le suivirent. Il y eut beaucoup d'agitation à leur occasion et à l'occasion de ceux que Jésus avait guéris lors de son entrée à Jéricho. Les Pharisiens firent des enquêtes ; ils interrogèrent l'un de ces deux aveugles ainsi que son père.

Les disciples désiraient vivement que Jésus allât près de Lazare, à Béthanie, où ils auraient été plus tranquilles et moins inquiétés ; ils éprouvaient tous un peu de fatigue et d'ennui. Jésus guérit encore beaucoup de malades sur son chemin On ne peut dire à quel point il restait calme, patient et imperturbable au milieu de toutes ces interpellations, de ces attaques et de ces persécutions, et avec quelle douce gravité il souriait quand les disciples voulaient le détourner de sa voie. Il enseigna encore longuement sur les Pharisiens et Sur le scandale

23 août.-- Je vis aujourd'hui le Seigneur dans une petite bourgade au nord de Jéricho, où il guérit beaucoup de malades. Il y avait une école où il enseigna. Les habitants lui firent bon accueil.

24 août.-- Je vis aujourd'hui Jésus aller dans la direction de Samarie. Des malades de toute espèce s'assemblaient déjà pour l'attendre sur divers points de la route. Je vis dresser une tente devant un village à cent pas environ du grand chemin. Dix lépreux y furent installés par leur conducteur, sur des couches disposées en cercle. Lorsque Jésus traversa le village et passa devant cette tente, les lépreux sortirent et implorèrent à haute voix son assistance. Jésus s'arrêta, et les disciples continuèrent à marcher. Les lépreux, tout enveloppés de linges, s'approchèrent du Seigneur aussi vite que leurs forces le leur permirent, et se rangèrent en cercle autour de lui. Il toucha chacun d'eux et leur ordonna d'aller se montrer aux prêtres ; après quoi, il continua son chemin. Un des lépreux (c'était un Samaritain) alla plus vile que les autres. Il suivit deux disciples envoyés en mission par Jésus ; les autres prirent divers chemins. Ceux-ci n'avaient pas été pris sur-le-champ ; quoiqu'ils se trouvassent en état de marcher, ce ne fut pourtant qu'au bout d'une heure à peu près qu'ils furent tout à fait délivrés de leur lèpre, peut-être parce qu'ils ne méritaient pas de l'être plus tôt.

Bientôt après, un père de famille d'un village de bergers situé à un quart de lieue à droite de la route, vint à Jésus et le pria d'aller avec lui, parce que sa petite fille était morte. Le Seigneur le suivit aussitôt à son habitation ; et comme il y allait, il fut rejoint par un des lépreux guéris le Samaritain ; se voyant parfaitement guéri, il avait eu le coeur touché et était aussitôt revenu en toute hâte pour remercier son bienfaiteur. Il se jeta aux pieds de Jésus, qui dit : " Tous les dix n'ont-ils pas été guéris ? où sont donc les neufs autres ? N'y a-t-il que cet étranger qui rende gloire à Dieu et qui soit revenu pour témoigner sa reconnaissance ? Levez-vous, retournez chez vous ; votre foi vous a sauvé ". Cet homme, plus tard, est devenu son disciple.

Je vis alors Jésus entrer avec le père de famille dans la maison de celui-ci. Pierre, Jean et Jacques le Majeur étaient avec lui. L'enfant était une petite fille d'environ sept ans, et je crois qu'elle était morte depuis quatre jours déjà. Jésus lui mit une main sur la tête, l'autre sur la poitrine, et pria en levant les yeux au ciel. Alors l'enfant se leva pleine de vie. Il dit aux apôtres qu'ils en feraient autant en son nom. Jésus restera ici aujourd'hui. Le père de l'enfant avait une foi robuste et attendait le Seigneur en toute confiance. Sa femme avait voulu l'envoyer plus tôt à Jésus ; mais il était plein d'espoir, et il attendit son arrivée. Il ne tarda pas à remettre ses affaires entre les mains d'un autre ; et sa femme étant morte peu après le crucifiement de Jésus, il devint disciple et se fit un nom célèbre. La petite fille guérie devint aussi une personne de grande piété.

Il y a dans les environs d'autres maisons de bergers que Jésus visitera. Il se rend en faisant un long détour sur le territoire samaritain.

Note : Il parcourt ce pays de bergers par lequel sa mère a passé avant sa naissance et qu'il a visité lui-même après son baptême. (Note du Pèlerin)

28 août.-- Jésus parcourut ces jours-ci des maisons de bergers disséminées sur un grand espace et il guérit beaucoup de malades : il délivra surtout beaucoup d'obsédés et de possédés, des femmes et des jeunes filles. Il n'avait plus avec lui que Pierre, Jacques, Jean et un très petit nombre de disciples : tous les autres avaient été envoyés dans des endroits où il ne doit plus aller.

30 août.-- Je vis le Seigneur, tout en allant d'une maison de berger à l'autre, parcourir le pays montagneux des environs d'Hébron où Zacharie habitait. Je le vis seul avec Pierre assister à une noce dans une maison de bergers. Je vis les nouveaux époux revenir de la synagogue où le mariage avait été célébré. Ils s'avançaient sous un dais. suivi d'un cortège. En tête de ce cortège marchaient des petites filles parées de guirlandes de laine blanche et jouant de la flûte : derrière venaient les petits garçons en habits de fête faisant une musique du même genre. Il y avait là un prêtre de Jéricho. Lorsqu'ils entrèrent dans la maison et virent le Seigneur, ils furent émus et surpris et se pressèrent autour de lui Mais Jésus leur dit de continuer à célébrer leur noce suivant les usages reçus, afin de ne pas donner de scandale. Ils burent alors dans de petites coupes : la fiancée était seule avec les femmes, et les enfants jouèrent de leurs instruments et dansèrent devant elle. Je vis ensuite les nouveaux époux aller trouver Jésus dans une chambre séparée où le Seigneur joignit encore leurs mains qu'il bénit de la main droite et où il leur donna des enseignements sur l'indissolubilité du mariage et sur la continence.

Le Seigneur et Pierre se mirent ensuite à table avec les bergers et le prêtre, et le fiancé les servit. Le prêtre était mécontent de ce que la place d'honneur avait été donnée aux nouveaux hôtes : il était assis en face de Jésus et quitta bientôt la table. Je vis aussi qu'il ameuta quelques Pharisiens qui plus tard vinrent ici assaillir le Seigneur de leurs interpellations. Je vis que l'un d'eux, lui parlant avec emportement, lui arracha son manteau de dessus les épaules : mais le Seigneur resta impassible : il ne leur donna prise en rien et ils se retirèrent.

Jésus resta dans cette maison de bergers où il se montra singulièrement cordial et affectueux. Les parents des jeunes époux et plusieurs autres vieux bergers qui vinrent se joindre à eux, étaient de ceux qui l'avaient visité à la crèche dans la nuit de sa nativité. Ils racontèrent ce qui s'était passé alors de la façon la plus touchante et ils rendirent au Seigneur toute espèce d'hommages. Plusieurs jeunes gens répétèrent ce que leur avaient raconté À ce sujet leurs défunts parents. Ils amenèrent parmi eux beaucoup de malades dont quelques-uns, affaiblis par l'âge, ne pouvaient plus marcher et aussi des enfants malingres et infirmes que Jésus guérit tous avec une grande charité. Il dit aussi aux fiancés d'aller après sa mort trouver les apôtres qui les baptiseraient et les instruiraient pour qu'ils pussent marcher dans sa voie.

Pendant tout ce voyage je ne vis nulle part Jésus aussi plein de sérénité et de joie qu'au milieu de ces gens simples et bons. C'était un spectacle très touchant. J'ai vu que tous ceux qui lui avaient rendu hommage lorsqu'il était au berceau, reçurent la grâce de devenir chrétiens.

31 août.-- Je vis le Seigneur après la noce des bergers se diriger plus au midi dans les montagnes où se trouve Juta Les gens de la noce lui firent la conduite. Il y avait de nouveau six apôtres prés de lui : je me rappelle qu'André était l'un d'eux. J'entendis dire aux disciples, qu'il allait à un village de la montagne où il y avait une école, qu'il y enseignerait et y resterait pour le sabbat. Pendant ce voyage je vis qu'on amena beaucoup d'enfants à Jésus sur son chemin : la plupart étaient très gros ; ils semblaient avoir le corps tout enflé et ne pouvaient pas marcher. Les gens de cette contrée étaient encore très bons.

1er septembre.-- Jésus alla droit à la synagogue du petit endroit dont il a été parlé et il y enseigna. Les prêtres qui s'y trouvaient s'éloignèrent pour en appeler d'autres, mais ils furent obligés de lui abandonner la chaire. Le peuple écouta le Seigneur avec joie Il passa la nuit dans une hôtellerie ouverte, située près de là Je crois que Joseph et Marie y passèrent aussi la nuit lorsqu'ils allèrent chez Zacharie. Cet endroit n'est pas loin de Juta. L'école est située isolément sur une colline. Il y a ici beaucoup de pierres blanches et de beaux pâturages entre les rochers.

2 septembre.-- Je vis le Seigneur célébrer le sabbat dans l'école qui est sur la colline avec les disciples et quelques gens pieux. Les Pharisiens le célébrèrent ailleurs. Comme il parlait toujours de sa fin prochaine, les disciples auraient voulu qu'il allât à Nazareth sa patrie, mais c'était aux bonnes gens d'ici qu'il voulait consacrer son temps et non à ceux de Nazareth où on l'avait autrefois si mal reçu. Il enseigna sur le texte : "  Nul ne peut servir deux maîtres ". Les Pharisiens se moquaient lorsqu'ils l'entendaient dire qu'il ne reviendrait plus : il avait déjà dit cela plusieurs fois, prétendaient-ils.

3 septembre.-- Jésus enseigna encore ici. Il dit aujourd'hui qu'il était venu apporter le glaive. (Matt. X) Cela troubla et inquiéta les disciples. Il expliqua alors qu'il s'agissait du retranchement de tout ce qui est mauvais. Parmi les gens du pays, il y en avait quelques-uns qui avaient plusieurs femmes, et Jésus enseigna sur le mariage, sur la continence et sur ce qu'il fallait quitter sa famille pour le suivre. Il enseigna fréquemment en paraboles. Il vint beaucoup de gens d'endroits éloignés auxquels ceux du voisinage furent obligés de faire place.

6 septembre.-- Jésus a quitté le petit bourg où je l'ai vu ces jours-ci monter souvent à la synagogue et en redescendre. Il a de nouveau envoyé en mission la plupart des apôtres et des disciples. Il alla à deux lieues plus au nord, mais par un autre chemin que celui qu'il avait pris pour venir : beaucoup de personnes l'accompagnèrent. Il visita un petit endroit dont les habitants étaient animés de bons sentiments et vinrent à sa rencontre devant la porte. Jésus enseigna ici beaucoup de braves gens, la plupart du temps sous un arbre.

20 septembre.-- Pendant treize jours, Anne Catherine en proie à de grandes souffrances, fut hors d'état de rien raconter : à partir du 20, elle communiqua les courts fragments qui suivent.

Jésus s'est arrête dans un endroit voisin de Samarie, et il ne va pas à Béthanie. Je vois trois Maries venir à sa rencontre : la sainte Vierge, sa soeur aînée Marie d'Héli, et la fille de celle-ci, Marie de Cléophas.

21-23 septembre.-- Les saintes femmes sont auprès de Jésus. Un messager de Lazare le prie d'aller à Béthanie, mais il n'y va pas encore.

Les saintes femmes et le messager sont restés ici pour le sabbat. Jésus alla pour le sabbat à un endroit situé à une journée de voyage au nord de Béthanie. Il y a une grande synagogue où il enseigna : elle a deux étages et elle est pleine de monde. Il enseigne à l'étage supérieur, mais il descend souvent en bas. Beaucoup de femmes viennent pour faire bénir leurs enfants : on apporte aussi beaucoup de malades sur des lits. Les saintes femmes et le messager l'attendent à l'endroit où il était précédemment.

24 septembre.-- Jésus enseigna très au long ces jours-ci sur la parabole du Samaritain et du Lévite, sur la signification de Jéricho et de Jérusalem, et aussi sur la drachme perdue. Il dit que ceux qui ne viendraient pas à sa suite tomberaient entre les mains des assassins. Il bénit et guérit beaucoup d'enfants de différents âges et d'autres malades.

27 septembre.-- Jésus est revenu à un bourg où les femmes l'attendaient. Il avait avec lui des apôtres et des disciples : ils logeaient dans une hôtellerie et ils reçurent la nouvelle de la mort de Lazare.

Je me trouvai aussi à Béthanie et je vis que Lazare venait de mourir. Je vis ses soeurs quitter la maison après sa mort. Il fut embaumé sur une planche et enveloppé à la manière juive : la maison était pleine de monde. Le corps, avec la planche qui le supportait, fut déposé dans un coffre à claire-voie avec un couvercle bombé, et porté au tombeau. Je vis Marthe et Madeleine se rendre après la mort de leur frère dans la métairie voisine de l'héritage de Joseph, qu'elles possédaient près de Ginéa et de Jezraël, et où elles avaient souvent donné l'hospitalité à Jésus et à la sainte Famille. Elles semblaient attendre là son arrivée.

28-30 septembre.-- Dans la nuit de jeudi à vendredi, je vis Jésus. les saintes femmes et tous les apôtres voyager au clair de la lune, divisés en plusieurs groupes. Ils avaient quitté le petit endroit où l'on s'était fort scandalisé à son sujet, et se dirigeaient du côté du bien de Lazare où les soeurs de celui-ci attendaient Jésus.

Le matin je vis le Seigneur et sa suite dans un village de quelques maisons : dans l'après-midi je les vis dans la petite ville de Ginéa devant laquelle est situé le bien de Lazare, où les saintes femmes se rendirent aussitôt. Quand à Jésus, il alla avec les hommes à la synagogue où il enseigna.

Le soir, après le sabbat, Jésus prit son repas avec les saintes femmes dans là maison de campagne de Lazare. Madeleine vint à sa rencontre et lui dit que Lazare était mort : que ne s'était-il trouvé là ! Jésus lui répondit que son temps n'était pas encore venu et qu'il était bon que Lazare fût mort. Ils mangèrent dans une grande salle ouverte d'un côté et qui avait vue sur une cour. Les femmes n'entrèrent dans la salle que lorsqu'il enseigna et se tinrent discrètement en arrière. Il parla du scandale qu'on avait fait à son sujet dans le petit endroit où il s'était trouvé dernièrement et du scandale dont il serait encore l'occasion.

Jésus dit aux soeurs de Lazare de ne rien déranger dans tout ce qui avait été à l'usage de leur frère : il ajouta qu'il ne viendrait que dans quelques jours. Les femmes partent demain pour Béthanie : Jésus retourna à Ginéa avec les apôtres.

3 octobre.-- Ce soir je vis Jésus et lés apôtres arriver à une hôtellerie qui est à une lieue de Béthanie. Il y a là quelques maisons et une école. Des messagers envoyés par les soeurs de Lazare, vinrent le presser de venir il leur fit répondre par les disciples qu'il irait dans deux jours.

Le récit qu'on lit dans l'Évangile de saint Jean résume tout cela sans distinction de temps il y a déjà trois semaines que Jésus a reçu la nouvelle que Lazare était dangereusement malade ; la nouvelle de sa mort lui est arrivée dans l'endroit voisin de Samarie où il était avec les saintes femmes et où il dit : " Notre ami dort ". Mais ce fut sur la métairie de Lazare qu'il dit expressément : " Lazare est mort ".

Jésus fit ici une grande instruction sur les ouvriers de la vigne. La mère de Jacques et de Jean chercha encore ici à adresser sa requête au Seigneur. Elle entendait parler de la consommation prochaine de son oeuvre et pensait que les parents de Jésus devaient avoir une place à part dans son royaume

4-5 octobre.-- Jésus enseigna ici dans l'école. Il reprocha aux disciples leur impatience et leurs murmures sur ce qu'il tardait tant à se rendre à Béthanie. Il semblait toujours ne pouvoir s'expliquer sur ce qui le touchait et sur ce qui les touchait eux-mêmes, dans la crainte de n'être pas compris. Dans ses enseignements il s'attachait surtout à rectifier leurs idées et à les mettre en défiance contre leurs pensées toutes terrestres plutôt qu'à leur expliquer le fond des choses parce qu'ils n'auraient parce qu'ils n'auraient pas pu le comprendre.

Il n'y avait ici des Pharisiens qui l'observaient et faisaient des rapports à Jérusalem : il était aussi venu des personnes de Béthanie. La mère de Jean et de Jacques qui habitait devant Béthanie, revint encore lui présenter sa requête. Mais il lui répondit sévèrement.

6-7 octobre.-- Entre le petit endroit où était Jésus et Béthanie, il y avait beaucoup de prairies, de jardins ouverts plantés d'arbres et de promenades d'agrément. Je vis le Seigneur accompagné des apôtres, marcher tout en enseignant, s'arrêter par intervalles, tantôt s'asseoir, tantôt rester debout, et se diriger ainsi à pas lents vers Béthanie. La maison et la propriété de Lazare étaient comprises dans l'enceinte des murs en ruines du bourg toutefois une partie des jardins et des cours antérieures se trouvait en dehors.

Lazare était mort depuis huit jours : on l'avait laissé quatre jours sans l'enterrer, dans l'espoir que Jésus viendrait et le ressusciterait. Ses soeurs étaient allées au-devant du Seigneur jusqu'à sa métairie de Ginéa et comme il ne voulait pas venir encore, elles s'en étaient retournées et avaient fait mettre leur frère au tombeau. En ce moment beaucoup d'hommes et de femmes de Béthanie et de Jérusalem se trouvaient près d'elles pour pleurer le mort avec elles suivant la coutume. Les femmes étaient assises ensemble, à part des hommes. Il me sembla qu'après le repas, vers la fin du jour, Marie de Zébédée entra pour parler à Marthe qui était assise au milieu des femmes (elle était venue par la même route que Jésus), et lui dit à l'oreille que le Seigneur venait. Je vis Marthe aller avec elle dans un jardin situé derrière la maison ou Madeleine était assise toute seule sous un berceau de feuillage, et dire à celle-ci que Jésus était proche. Je vis que par charité elle voulait laisser sa soeur aller la première à la rencontre du Seigneur et que Madeleine en effet y courut en toute hâte avec Marie de Zébédée. Je ne la vis pas arriver jusqu'à lui, je la vis seulement sur le chemin pendant que Marthe restait assise avec les femmes. Jésus, quand il se trouvait avec ses apôtres et ses disciples, ne se laissait pas volontiers aborder à tout moment par les femmes.

Au bout de quelque temps, le jour commençant à tomber, Madeleine revint trouver les autres femmes et prit la place de Marthe auprès d'elles. Je vis alors celle-ci aller au-devant du Seigneur qui s'était arrêté à la limite des jardins, près d'un berceau de feuillage où il s'entretenait avec les apôtres et d'autres personnes qui s'étaient jointes à eux. Marthe échangea quelques paroles avec lui : puis je la vis revenir en hâte et parler bas à Madeleine. Madeleine alors courut au-devant du Seigneur et je vis quelques Juifs la suivre.

Jésus, entouré d'un grand nombre de personnes, se tenait encore près du berceau. En ce moment le soleil se couchait. Madeleine se jeta aux pieds de Jésus, et lui dit : " Si vous aviez été ici, il ne serait pas mort " ! Je vis alors les Juifs pleurer, et Jésus aussi devint triste et pleura. Mais je le vis entrer dans la cabane de feuillage, où l'on alluma une lampe, et où les apôtres et lui-même prirent, sans s'asseoir, une légère réfection. Il enseigna là très longtemps. J'entendis plusieurs des auditeurs, dont la plupart n'avaient pas pu entrer et dont le nombre allait toujours croissant, chuchoter et murmurer de ce qu'il n'avait pas conservé la vie à Lazare. Je vis aussi que le Seigneur était très attristé et très ému. Il fit une très longue instruction sur la mort, et ne la termina que vers le matin.

Il me sembla que le jour venait de poindre lorsqu'ils allèrent au tombeau. Les apôtres étaient avec Jésus : je me souviens particulièrement de Matthieu et de Jean. Il y avait là aussi les soeurs de Lazare et la sainte Vierge avec les autres Maries, en tout sept femmes. et beaucoup de peuple. La foule allait toujours croissant ; c'était presque un rassemblement tumultueux, comme lors du crucifiement. On suivait d'abord un chemin bordé de haies couvertes de verdure, on passait ensuite par une porte, et il restait à peu près un quart de lieue à faire pour arriver au cimetière. Ce cimetière était entouré de murs. Quand on était entré, un chemin qui bifurquait à droite et à gauche conduisait autour d'un monticule artificiel coupé transversalement par des caveaux. Non loin de l'entrée se trouvait, sur la pente du monticule, la porte de la sépulture de Lazare. Quand on ouvrait cette porte, on voyait un caveau profond qui se prolongeait sous la colline. Ce caveau était divisé en chambres sépulcrales par plusieurs grilles ; il était fermé à son extrémité par une autre grille à travers laquelle on voyait de la verdure et des arbres.

Lazare était enterré dans la première chambre. Ce caveau recevait le jour d'en haut, par des ouvertures pratiquées dans la voûte : on y descendait par quelques marches. A droite, en entrant, se trouvait contre la paroi une excavation en forme de carré long, profonde d'environ trois pieds, et recouverte d'une pierre. C'était là qu'était le corps de Lazare, placé dans un cercueil loger autour duquel on pouvait circuler. La pierre tombale était levée et appuyée à la paroi dans le prolongement du caveau se trouvaient plusieurs tombeaux.

Jésus, les apôtres et les femmes de la famille s'approchèrent au caveau qui était ouvert. En outre, de ce côté le cimetière était découvert autour de la sépulture, et plus loin jusque devant l'entrée. Jésus descendit dans le sépulcre avec quelques apôtres ; Madeleine, Marthe et les autres femmes restèrent à la porte. La foule était si pressée, qu'on grimpait au-dessus de la voûte et sur le mur du cimetière pour mieux voir. Lorsque Jésus fut devant le tombeau, il commanda aux apôtres d'ôter la pierre. Ils l'enlevèrent en effet et l'appuyèrent contre la paroi, ils firent de même pour une clôture plus légère qui était dessous. Ce fut alors que Marthe lui dit que Lazare était déjà enterré depuis quatre jours et qu'il sentait mauvais, et que Jésus lui répondit. Cependant les apôtres enlevèrent encore le couvercle en clayonnage qui fermait le cercueil, en sorte qu'on vit le corps couché et enveloppé. Alors Jésus leva les yeux au ciel, pria à haute voix et cria d'une voix forte : " Lazare, sortez " ! à ce cri, le cadavre se releva sur son séant, et la foule qui était dehors se précipita tumultueusement en avant. Mais le Seigneur commanda aux apôtres d'écarter les curieux. Ils lui obéirent et firent retirer la foule à l'entrée du cimetière. Cependant il était resté dans le caveau, près du cercueil, des apôtres qui enlevèrent le suaire dont je visage de Lazare était recouvert. Il ressemblait a un homme appesanti par le sommeil. Ils lui délièrent les mains et les pieds, remirent les bandelettes aux personnes qui étaient dehors, et prirent un manteau qu'on leur présenta. Alors Lazare, se levant, sortit du cercueil et du tombeau, tout chancelant et ressemblant à une ombre. On lui jeta le manteau sur les épaules, et, passant devant le Seigneur comme un somnambule, il gagna la porte où se tenaient ses soeurs et d'autres femmes, qui reculèrent effrayées comme devant un spectre, et qui se prosternèrent la face contre terre sans oser le toucher. Jésus sortit du sépulcre après lui, et lui prit les deux mains avec une gravité affectueuse.

Alors il se rendirent à l'habitation de Lazare. La presse était grande, mais il régnait un certain effroi parmi les spectateurs et la foule s'écarta pour leur livrer passage. Lazare marchait comme s'il n'eût pas touché la terre : mais il avait encore toute l'apparence d'un cadavre. Jésus marchait à côté de lui ; les autres le suivaient pleurant, sanglotant et plongés dans une stupeur muette. Ils revinrent par une ancienne porte, puis suivant le chemin qui passait entre les haies verdoyantes du jardin, ils arrivèrent à la salle de verdure d'où ils étaient partis et où le Seigneur entra avec Lazare et les siens. Le peuple se pressait en foule au dehors et l'agitation était grande. Lazare se prosterna de tout son long. devant Jésus. comme un homme que l'on reçoit dans un ordre religieux. Jésus parla encore assez longtemps : on fit retirer la foule et ils arrivèrent vers midi à la maison de Lazare qui était à environ cent pas de là. Ils entrèrent dans une salle à manger ouverte, attenant au bâtiment principal, et les femmes allèrent à la cuisine pour apprêter le repas.

Jésus, les apôtres et Lazare étaient seuls. Les apôtres se rangèrent en cercle autour de Jésus et de Lazare. Alors Lazare s'agenouilla devant le Seigneur, qui lui mit la main droite sur la tête et souffla sept fois sur lui : son souffle était lumineux. Je vis sortir de Lazare comme une sombre 1rapeur et je vis loin du cercle comme une figure noire qui s'envolait dans les airs : c'était le démon qui se retirait furieux et réduit à l'impuissance. En soufflant ainsi sur Lazare, Jésus le consacra à son service, le purifia de toute attache au monde et au péché et munit de grâces spirituelles. Il s'entretint longtemps encore avec lui, et lui dit qu'il l'avait ressuscité pour qu'il se vouât à son service. Il lui annonça qu'il aurait à souffrir de grandes persécutions de la part des Juifs.

Jusqu'à ce moment Lazare était resté enveloppé dans son linceul : il sortit pour s'en débarrasser et reprendre ses vêtements : ce fut alors seulement que ses soeurs et ses amis l'embrassèrent : car auparavant il y avait en lui quelque chose de cadavérique qui inspirait la terreur. J'ai vu aussi que son âme après s'être séparée de son corps s'était trouvée dans un séjour tranquille, exempt de supplices et éclairé par une espèce de crépuscule, qu'il y avait rencontre des justes, comme Joseph, Joachim, Anne, Zacharie, Jean-Baptiste, et qu'il leur avait raconté ce qu'il savait de la vie du Rédempteur sur la terre.

Lazare reçut par l'insufflation de Jésus les sept dons du Saint Esprit et il fut entièrement dégagé de toute attache aux choses de la terre. Il reçut ces dons avant les apôtres, car la mort lui avait fait connaître de grands mystères, il avait vu un autre monde ; ayant déjà subi la mort, puis étant né une seconde fois, il se trouvait capable de recevoir ces dons surnaturels. Ce personnage de Lazare a une signification mystérieuse d'une grande importance.

On avait préparé un grand repas et tous se mirent à table. Il y avait un grand nombre de plats : plusieurs petites urnes étaient posées sur la table, un homme surveillait le service : les femmes vinrent après le repas et se placèrent au bout de la table pour entendre parler Jésus. Lazare était près de lui. On faisait un bruit horrible autour de la maison : beaucoup de gens de Jérusalem étaient venus, notamment des gardes qui s'étaient postés de tous les côtés. Mais Jésus envoya les apôtres dire au peuple et aux gardes de se retirer. Jésus enseigna encore à la lueur des lampes et il dit aux disciples, qu'il voulait aller le lendemain à Jérusalem avec les apôtres. Comme ils lui représentaient le danger qu'il courait, il répondit qu'on ne le reconnaîtrait pas, qu'il ne se montrerait pas en public. Je vis qu'après cela ils prirent un peu de sommeil couchés autour de la salle contre les murailles.

8 octobre .--Jésus alla avant le jour de Béthanie à Jérusalem, accompagné de Jean et de Matthieu qui avaient relevé leurs robes un peu autrement qu'à l'ordinaire ils firent le tour de la ville et arrivèrent par des sentiers détournés à cette maison où eut lieu plus tard la célébration de la cène. Ils y restèrent en secret toute la journée et la nuit suivante. Jésus enseigna et encouragea les amis qu'il avait dans la ville. Je vis dans la maison de Marie, mère de Marc, Véronique et une douzaine d'hommes. Je me disais envoyant cela, qu'aujourd'hui, quand il s'agit des intérêts de la religion, on trouve difficilement des amis qui consentent à vous cacher chez eux. Nicodème auquel celle maison appartenait et qui la mettait volontiers à la disposition de Jésus et de ses amis n'était pas là. Il était allé ce jour-là à Béthanie pour voir Lazare.

Je vis aussi les Pharisiens et les princes des prêtres tenir conseil à l'occasion de Jésus et de Lazare : je les entendis dire, entre autres choses, qu'ils craignaient que Jésus ne ressuscitât une foule de morts, ce qui ferait naître de grands embarras. Je trouvai cela stupide et ridicule.

Vers midi il y eut une émeute à Béthanie : si Jésus eût été là, on l'aurait lapiné. Lazare fut obligé de se cacher : les apôtres se dispersèrent de tous les côtés. Les amis de Jésus à Béthanie se cachèrent. Le calme se rétablit pourtant parce qu'on finit par se dire qu'on n'avait le droit de rien faire contre Lazare.

Jésus passa tout le reste de la nuit dans la maison de la montagne de Sion. Avant le jour il quitta Jérusalem avec Mathieu et Jean et se réfugia au delà du Jourdain : il ne reprit pas la route de Béthabara qu'il avait suivie dernièrement : mais il remonta vers le nord-est. Vers midi, il avait déjà franchi le Jourdain : le soir les apôtres vinrent de Béthanie le retrouver et ils passèrent la nuit sous un grand arbre.

10-11 octobre.-- Le matin ils se dirigèrent vers un petit endroit voisin. Il y avait au bord du chemin un aveugle, conduit par deux enfants qui n'étaient pas de sa famille. C'était un berger des environs de Jéricho. Il avait entendu dire aux apôtres que le Seigneur venait, et il invoqua Jésus à grands cris. Le Seigneur lui mit la main sur la tête et il recouvra la vue. Alors l'aveugle jeta ses haillons et n'ayant que son vêtement de dessous, il suivit Jésus jusqu'au village, où le Seigneur entra dans une salle et enseigna sur la nécessité de le suivre ; il dit que, comme cet aveugle avait jeté ses haillons, il fallait tout quitter et marcher a sa suite, les yeux ouverts. On donna un manteau à l'aveugle : il voulait rester avec Jésus mais le Seigneur s'y refusa, et lui dit qu'il fallait d'abord faire preuve de persévérance. Jésus enseigna ici jusqu'au soir : il y avait environ huit apôtres avec lui.

En approchant d'une petite ville, il eut faim. Cela me fit rire, car en réalité c'était une autre espèce de faim qu'il avait : il avait faim des âmes. Il était accompagné de quelques personnes des derniers endroits visités par lui, lesquelles marchaient sans ordre. Il passa devant un figuier ou il ne trouva pas de fruits : puis il revint vers cet arbre qu'il maudit et qui se dessécha à l'instant : ses feuilles devinrent jaunes et il se tordit sur lui-même. Lorsque Jésus arrivé à la ville fut entré dans l'école, il enseigna sur le figuier stérile. Il y avait ici des docteurs et des pharisiens. Ils passèrent la nuit dans une hôtellerie du voisinage Les Pharisiens d'ici étaient malveillants et ils pressèrent Jésus de se retirer. Prés de cet endroit (c'est peut-être Betharan), passe un petit cours d'eau, sur lequel il y a un pont et qui se jette dans le Jourdain. L'école ici. est située sur une hauteur.

Jésus avec sa suite quitta cet endroit où il n'eut pas à se louer des habitants. Ils se dirigèrent au nord-est à travers vers le territoire de la tribu de Gad et passèrent la nuit : dans une hôtellerie de bergers.