INTRODUCTION

I

Ce ne fut pas par un enchaînement de circonstances fortuites, mais bien par une disposition de la divine Providence, que la première publication des visions de la pieuse Anne Catherine Emmerich tomba dans un temps où les attaques des hétérodoxes contre l'Écriture sainte et la filiation divine de Jésus-Christ étaient arrivées à leur apogée, où, par un étalage spécieux d'érudition, et plus encore par une audace jusqu'alors inconnue qui trouvait dans la terminologie d'Hégel sa plus haute expression, elles avaient intimidé et paralysé, pour ainsi dire, ceux qui étaient appelés à défendre la vérité sur le terrain de la science. En outre, l'influence du rationalisme vulgaire qui avait régné dans la période précédente, quoiqu'elle eût déjà perdu de sa force, se faisait pourtant encore tellement sentir que, même parmi les productions de la littérature religieuse, la plupart se laissaient aller à des erreurs grossières, ou se perdaient dans un vain et stérile partage, ce qui, nécessairement, leur enlevait toute action vraiment efficace Ce fut alors, deux ans avant le trop fameux livre de David Strauss, que parut la Douloureuse Passion, où cette époque desséchée vit apparaître le divin Sauveur sous des traits si vivants, qu'un nombre d'âmes toujours croissant vint se réchauffer devant la figure consolatrice et sanctifiante, si magnifiquement esquissée par le Pèlerin d'après les traits fournis par la pieuse fille. Aucun livre n'a fait son chemin dans le monde avec aussi peu de bruit et aussi rapidement que la Douloureuse Passion qui, traduite en plusieurs langues vivantes sous les yeux ou même avec l'approbation expresse de l'épiscopat (comme dans quelques diocèses des Etats de l'Eglise), est devenue un livre à l'usage de tous les chrétiens.

Un des plus pieux prélats de ce siècle, Michel Wittmann, évêque de Ratisbonne, avait, peu d'heures avant sa sainte mort, instamment pressé le Pèlerin de faire profiter l'universalité des fidèles des grâces insignes accordées par Dieu à sa fidèle servante. " O mon très cher ami, travaillez fidèlement, travaillez avec persévérance pour la gloire de Jésus-Christ ! travaillez toujours et soyez inébranlable " ! disait l'évêque mourant en donnant sa bénédiction au Pèlerin ; à ce moment suprême, il le félicitait devant témoins d'avoir recueilli les visions d'Anne Catherine que, " dès leur première rencontre, il l'avait déjà conjuré de publier ".

Et si c'est aujourd'hui seulement que le produit le plus considérable et le plus important de la tâche douloureuse imposée à la voyante peut paraître au jour de la publicité, cela même n'est peut-être pas un pur effet du hasard : car les jours où nous vivons sont si tristes, et l'avenir le plus prochain se montre à nous si menaçant que ce livre, digne de respect par son origine comme par ce qu'il contient, apparaît comme un gage consolateur pour relever le courage de bien des âmes ; mais il faut y voir en outre une exhortation à réparer à l'égard du Fils de Dieu fait homme, que les Visions nous représentent d'une manière si saisissante dans les fatigues et les abaissements infinis de sa tâche journalière sur la terre, les outrages que le monde, aujourd'hui plus que jamais, lui rend en échange de ses miséricorde ;s.

1- Vie et travaux du pieux évêque Michel Wittman, par P. Mittermuller 0. S. B., page 246.
2- L'éditeur a suffisamment expliqué les causes de cette différence à la fin du chapitre onzième (tome VI).

Les récits contenus dans les présents volumes ne semblent pas d'abord, il est vrai, présenter, comme le livre de la Douloureuse Passion, un ensemble sorti d'un seul jet, ils ne produisent pas, comme lui, l'impression d'une oeuvre également achevée dans toutes ses parties ; il y a toutefois un caractère fondamental et essentiel qu'on retrouve au même degré dans toutes les scènes qu'ils font passer sous nos yeux : c'est la manifestation constante et progressive du mystère de la Rédemption, telle qu'elle a été opérée par Jésus- Christ dans la plénitude des temps, c'est-à-dire comme terme et accomplissement de l'ancienne loi et comme fondation et organisation de la sainte Eglise. Et c'est là si exclusivement l'objet des Visions, qu'elles ne présentent rien qui y soit étranger ou qui aille à l'encontre, tandis qu'au contraire tout y tire sa naissance et son développement d'une seule et même racine, que chaque partie suppose les autres et y trouve son complément et son explication. Ainsi tous les fragments qui, pris à part, paraissent souvent si insignifiants et si décousus, forment par leur réunion un ensemble plein de vie : grâce au lien intérieur qui les unit, ils présentent un caractère d'unité bien surprenant, quand on pense que ces Visions ont été racontées à bâtons rompus et comme au hasard, au milieu d'empêchements, d'interruptions et de dérangements de toute nature, et que le Pèlerin, en les mettant par écrit, voyait la plupart du temps son attente contrariée, parce que très souvent il entendait dire tout autre chose que ce qu'il s'était imaginé à l'avance. Mais cela même est une preuve toute spéciale de leur vérité et de l'illumination de la grâce dont elles proviennent : car si elles étaient le produit d'une combinaison tout humaine ou de l'imagination inventive du Pèlerin, elles devraient porter l'empreinte de cette origine, tandis qu'elles prouvent seulement, dans tous leurs détails, combien toutes les circonstances extérieures au milieu desquelles vivait la pieuse fille et les souffrances continuelles qui étaient sa mission sur la terre rendaient impossible, soit à elle-même, soit au Pèlerin, de se livrer à des contemplations religieuses ou poétiques et d'arriver par cette voie à des résultats aussi merveilleux et aussi remarquables par leur sens profond que ceux qui se trouvent sous nos yeux. Souvent la Soeur, brisée par ses souffrances, ne pouvait rendre compte de ce qu'elle avait vu que pendant un temps très court, et le récit même ne lui était possible qu'autant que l'ordre de son confesseur lui donnait la force dont elle avait besoin pour cela ' : le Pèlerin de son côté était alors forcé d'attendre des heures entières avant de pouvoir s'approcher du lit de la malade et la faire raconter ce qu'elle avait vu. Comment, dans de pareilles circonstances, aurait-on pu arriver à un résultat, si une sagesse supérieure n'avait veillé sur l'extatique, et parmi tant de choses que la contemplation faisait passer devant son âme, n'eût conservé présent à sa mémoire, malgré tant d'obstacles apportés par les embarras extérieurs et par l'intervention maladroite d'un entourage à l'esprit faible et borné, tout ce qui devait être sauvé de l'oubli pour l'édification et l'utilité générales ? Voilà pourquoi, même dans ce qui parait le moins lié et le plus décousu, dans les narrations les plus courtes et les plus nues, dans les tableaux les plus remplis de lacunes, tout est animé d'un seul et même esprit. Jamais le lecteur ne rencontre rien qu'on puisse qualifier de combinaison ingénieuse ou d'arrangement artificiel : il a toujours sous les yeux les impressions naïves d'une âme privilégiée, présentées sous une forme dégagée de toute prétention littéraire et sans autre caractère que celui de la simplicité la plus parfaite et de la plus entière sincérité. Le Pèlerin s'est si complètement oublié lui-même, que lui, le plus original des poètes, le plus richement doué sous le rapport de l'imagination, a voulu être l'organe d'une âme d'enfant et n'employer son art et son incomparable talent qu'à ne jamais parler son propre langage, mais seulement celui de la pieuse fille.

Cette circonstance, si décisive quant à la réalité du don de contemplation surnaturelle, qu'Anne-Catherine ne pouvait communiquer ses Visions sur la vie de Jésus, qu'autant que son confesseur lui en donnait la permission et par là même la possibilité, est l'objet d'une discussion plus étendue dans l'appendice qui vient après le chapitre VI du présent volume.

Les Visions ne se bornent pas à exposer l'histoire de notre salut considéré dans son principe intime, ainsi que dans la manière dont il a été préparé et accompli : le théâtre des travaux du Sauveur, les traits caractéristiques de l'époque et du pays, les particularités de la vie domestique et sociale y sont décrits comme d'après nature ; ces descriptions sont vivantes et comme celles d'un témoin oculaire qui rend les impressions qu'il vient de recevoir avec autant de simplicité et de spontanéité qu'il les a reçues. C'est pourquoi les renseignements donnés par les Visions ne sont pas moins précieux pour l'intelligence de l'histoire sainte et pour la connaissance de la Terre sainte que les fouilles de Pompéi pour la connaissance de l'antiquité profane. Si la rédaction des Visions n'était qu'un arrangement calculé pour donner cours aux inventions du Pèlerin, la fraude serait plus difficile à cacher ici que dans le récit même des faits évangéliques : mais où y a-t-il une ligne, où y a-t-il un trait qui trahisse autre chose que l'impression directe du témoin oculaire ?

II


Il a été déjà dit quelque chose du lien intime qui existe entre les Visions et leur objet, ce qui fait qu'elles se développent d'elles-mêmes et comme nécessairement avec lui, indépendamment de la manière dont elles sont communiquées par la voyante et transcrites par le Pèlerin. Il faut revenir sur ce sujet à propos de certains points qui peuvent offrir quelque obscurité, mais qui, en y regardant de plus près, font reconnaître encore plus clairement la profonde doctrine théologique qui sert de base aux Visions.

Ici se place en première ligne ce qui est rapporté dans le présent volume, touchant le caractère du baptême conféré par les apôtres jusqu'au moment de la Passion, et son rapport avec le baptême postérieur à la descente du Saint Esprit. Dans l'introduction à la seconde partie on a donné des éclaircissements sur ce que disent les Visions du baptême de Jean et de ce qui le distingue du baptême des apôtres. Ce dernier ne se présentait pas encore avec tout ce qui constitue un sacrement agissant ex opere operato ; mais à raison de la similitude de la matière et de la forme, il se trouvait nécessairement dans un rapport intime avec le baptême sacramentel administré postérieurement à la Pentecôte. La même question se représente dans le présent volume, toutefois avec ce progrès essentiel, que cette fois on montre comment le baptême que les apôtres donnaient par ordre de Jésus-Christ devait plus tard acquérir de lui-même ce qui lui manquait pour être sacrement complet ; et cela par l'effet de la Passion, c'est-à-dire par l'accomplissement de l'oeuvre de la Rédemption dans le sacrifice sanglant de l'Agneau de Dieu sur le bois de la croix ; dès lors tous les effets du sacrement agissant ex opere operato se produisaient dans les baptisés, sans qu'ils eussent besoin d'un nouveau baptême ou d'aucune nouvelle cérémonie sacramentelle, pourvu qu'ils persévérassent dans la foi de Jésus-Christ et qu'ils ne se scandalisassent pas de ses abaissements et de sa mort jusqu'à se séparer de lui.

Il n'est pas difficile de reconnaître que les Visions, en présentant ainsi la chose, s'accordent avec la manière de voir des saints Pères et des théologiens. Suivant l'enseignement commun de ceux-ci, chaque acte particulier accompli dans le temps par le Sauveur avait un caractère infini par essence, considéré en lui-même ; il était suffisant pour expier surabondamment tous les péchés du genre humain, toute la dette de l'humanité, et pour lui mériter des grâces infinies : mais d'après les décrets éternels de Dieu, l'oeuvre de la Rédemption ne devait trouver son achèvement que dans la mort sanglante de la croix, à laquelle conséquemment se rapportait comme à son complément définitif chaque acte particulier du Rédempteur Cette économie devait évidemment se reproduire en ce qui touche les sacrements, dans lesquels le Seigneur voulait déposer les fruits de sa Passion pour les appliquer avec une égale efficacité aux hommes de tous les temps. Avant la Passion, il ne pouvait donc pas y avoir de sacrement qui contînt déjà en lui-même les effets de la Passion consommée : quand le Sauveur, s'étant manifesté dans la chair et ayant commencé à opérer l'accomplissement de la promesse, faisait donner le baptême par ses apôtres, ce baptême devait être au-dessus des sacrements de l'ancienne alliance autant que le Christ lui-même était au-dessus des figures et des prophéties : cependant il ne pouvait pas conférer la plénitude de la grâce. Donc ce baptême ne conférait pas encore le caractère ineffaçable, il n'opérait pas la configuration avec le Seigneur, par laquelle le baptisé devient membre de son corps mystique, non plus que la rénovation complète de l'homme intérieur en le revêtant de Jésus-Christ, car tout cela ne fut mérité que par la Passion : mais il donnait le droit à recevoir ce complément, déposait dans l'âme la disposition ou la capacité surnaturelle de recevoir la plénitude de la grâce du baptême quand l'oeuvre de la Rédemption serait accomplie en fait, sans qu'il y eut besoin d'une nouvelle administration du sacrement. En d'autres termes, le sacrement conféré comme inchoamentum acquérait plus tard par lui-même qui lui manquait pour être sacrement complet, parce que le Sauveur, comme maître et instituteur des sacrements, avait donné à ses apôtres la mission de baptiser, avec l'intention que l'opération de ce baptême fût dans le même rapport intime et nécessaire avec sa Passion que chacun des autres actes par lesquels il avait satisfait et mérité pour nous, et trouvât également en elle son complément. Il résultait naturellement de là qu'au jour de la Pentecôte ceux-là seulement devaient recevoir le baptême à la piscine de Bethesda, qui avaient reçu le baptême de Jean, et qu'aucun de ceux que les apôtres avaient baptisés ne devait se trouver parmi eux.

Mais quel baptême reçurent donc les saints apôtres eux-mêmes, eux qui avant de s'attacher au Seigneur et d'être appelés à l'apostolat n'avaient aussi reçu que le baptême de Jean, lequel avait été suffisant jusqu'au moment où le Seigneur as ait fait du baptême sacramentel un précepte obligatoire pour tous, sans en excepter personne. Ils furent baptisés par le Seigneur lui-même, non toutefois du baptême d'eau, mais du baptême de feu du Saint Esprit, qu'il fit descendre sur eux sous forme visible après son Ascension. Il convenait que les apôtres fussent ainsi privilégiés, à raison de la dignité et de la position spéciale à laquelle eux seuls avaient été appelés vis-à-vis du Rédempteur et en lui vis-à-vis de l'Eglise tout entière. Ils étaient les seuls qui eussent tout reçu du Seigneur sans intermédiaire et à un degré incomparablement plus élevé que tous les autres saints de l'Eglise, la très sainte Vierge exceptée. De même qu'il les avait immédiatement appelés à l'apostolat pour qu'ils pussent recueillir de sa bouche et transmettre à l'Eglise la plénitude des vérités du salut, de même il leur conféra directement lui-même tous les pouvoirs et tous les degrés du sacerdoce afin que l'Eglise les reçût par leur intermédiaire. Il était donc conforme à cet ordre mystérieux que la plénitude des grâces qui sont distribuées dans l'Eglise par les sacrements du baptême et de la confirmation, fût conférée directement par le Seigneur aux apôtres aussi bien que les effets des autres sacrements, et que par conséquent, ils ne fussent pas baptisés dans l'eau, mais dans le Saint Esprit, comme leur Maître et Seigneur le leur avait promis avant de retourner à son Père. (Act. I, 15.)

III


Il est aussi question dans les Visions, d'un baptême des morts (t. V, ch. IV), en ce sens que les effets du sacrement de baptême pouvaient être appliqués à certains défunts par l'intermédiaire des survivants. Il s'agit des âmes de ceux qui étaient décédés avant la promulgation de la loi nouvelle, non dans l'état de disgrâce absolue et de réprobation, mais cependant dans un état trop imparfait pour être admis à attendre dans le sein d'Abraham la descente aux limbes du Rédempteur qui devait leur ouvrir les portes de la béatitude. Ils étaient donc renfermés dans le Purgatoire ou dans la prison dont parle saint Pierre (I Petr. III, 19-20) où ils furent éclairés, soulagés et consolés, mais non délivrés par le Sauveur lors de sa descente aux enfers ; ils furent seulement soumis à l'influence de sa sainte Eglise sur la terre et mis en communion avec elle, afin d'arriver par là au salut complet et à la délivrance finale. Quoique le Seigneur leur eût annoncé l'accomplissement de toutes les promesses et la consommation de l'oeuvre sainte de la Rédemption, quoiqu'il eût communiqué la pleine connaissance des vérités de la foi, même à ceux qui avaient été longtemps incrédules, leur pénitence devait pourtant se prolonger encore et la dernière grâce ne leur avait pas été donnée. En effet, tous les défunts qui n'étaient pas réprouvés avaient part aux promesses faites par Dieu à l'ancienne Eglise et aux avantages attachés à tout ce qu'il avait établi alors pour le salut des hommes ; ils avaient droit à l'accomplissement de ces promesses et par là même à la vision de Dieu ; mais devaient-ils être mis en possession de ce droit par le Seigneur lui-même agissant sans intermédiaire, ou par la médiation de la nouvelle Eglise ? Cela dépendait de l'arrêt de la justice divine d'après lequel ils étaient placés, soit dans le sein d'Abraham pour y attendre sans souffrance la venue du Sauveur, soit dans le lieu de purification pour y faire pénitence et y expier leurs fautes pendant un intervalle de temps connu de Dieu seul. Avant que le Sauveur sur la terre eût, par l'effusion de son sang précieux, payé pour tous les hommes le prix de leur rédemption, les âmes qui étaient dans le sein d'Abraham ne pouvaient pas non plus acquérir le caractère ou la dignité et la beauté inexprimables attachées à la qualité d'enfants de Dieu ; elles ne pouvaient pas encore être transformées à l'image du Dieu fait homme, ni en général posséder tous les dons, tous les honneurs que le sacrement de baptême confère à un vivant et au moyen desquels il lui ouvre l'accès du ciel et lui donne le droit à la gloire.

Les Visions contenues dans ces deux derniers volumes racontent à plusieurs reprises et très clairement de quelle manière le Sauveur appliqua tout cela aux âmes qui l'attendaient dans le sein d'Abraham : elles indiquent aussi suffisamment comment les effets du sacrement de baptême pouvaient être communiqués aux âmes du purgatoire par l'intermédiaire des survivants. Cela se faisait en vertu de la règle générale d'après laquelle les fidèles peuvent secourir les morts, seulement dans ce cas il fallait une intention particulière du Seigneur trouvant bon que les effets d'un sacrement pussent être appliqués aux morts eux-mêmes par le mérite des bonnes oeuvres des survivants.

Lors donc que l'apôtre saint Paul, dans sa première épître aux Corinthiens (xv, 29) parle de ceux " qui se font baptiser pour les morts ", ce passage trouve une explication satisfaisante dans les Visions, lesquelles nous apprennent que la réception du baptême faisait naître chez plusieurs la pensée de recevoir le sacrement, non seulement pour eux-mêmes, mais encore pour tel ou tel défunt et qu'ils priaient Dieu instamment de lui en appliquer aussi les effets, en tant qu'il était capable d'y avoir part. Peut-être que dans ce cas, à l'administration du baptême s'ajoutaient certaines pratiques ou certaines cérémonies qui lui faisaient alors donner le nom de " baptême pour les morts. "On ne doit pas s'étonner qu'il règne tant d'obscurité sur ce qui touche ce baptême et que dès les temps les plus anciens les paroles de l'apôtre eussent déjà reçu des interprétations si diverses ; car tous ceux qui mouraient après la promulgation de la nouvelle loi n'étaient plus susceptibles de recevoir par intermédiaire l'application de la grâce du baptême, et par conséquent le baptême pour les morts ne devait pas tarder à tomber en désuétude.

Ce fut à la dernière fête de la Pentecôte célébrée par le Seigneur dans l'île de Chypre, qu'il parla du baptême des morts en présence des paiens, et leur promit qu'eux aussi, dès qu'ils auraient reçu le plein effet du baptême, pourraient appliquer aux morts la grâce du sacrement. Il suffisait aux Gentils, pour être sauvés, de croire en Dieu comme souverain maître et créateur du monde et comme rémunérateur du bien et du mal. Cette foi impliquait la foi au Fils par lequel le Père juge et récompense, et ils pouvaient ainsi, par les mérites de Jésus-Christ, obtenir les grâces nécessaires pour pouvoir accomplir la loi morale naturelle et opérer par là leur salut, lors même qu'ils n'avaient été ni pendant leur vie ni au moment de leur mort en communion avec l'Eglise de l'ancienne alliance. Parmi les plus anciens témoignages touchant le baptême des morts, nous citerons celui de Tertullien, qui, dans son écrit de Resurrectione carnis, cap. XLVIII, s'exprime ainsi à l'occasion du passage déjà mentionné de saint Paul : " Si autem et baptizantur quidam pro mortuis, videbimus an ratione. Certe illa præsumptione hoc eos instituisse ille contendit, quia alli etialn carni vicarium baptisma profuturuTn existimarent ad spem resurrectionis, quæ nisi corporalls, non allas sic baptismate corporall obligaretur. Quid et ipsos baptizari, ait, si non quæ baptizantur corpora resurgant ".

Note : Si quelques-uns se font baptiser pour les morts, il faut voir pour quelle raison. Certainement l'Apôtre soutient qu'ils en agissaient ainsi, parce qu'ils et croyaient à l'utilité du baptême, même conféré par représentation, dans l'attente de la résurrection, laquelle doit être corporelle pour que le baptême corporel puisse ainsi la garantir. " Pourquoi, dit-il, se feraient-ils baptiser, si les corps qui sont baptisés ne devaient pas ressusciter " ?

IV


Quelque surprenant que puisse sembler au premier abord ce que rapportent les Visions d'un voyage du Sauveur dans l'île de Chypre, elles fournissent cependant des données au moyen desquelles on peut apprécier cet incident, voir comment il se rattache à toute l'oeuvre de la Rédemption et se rendre compte du silence de la tradition à son sujet. La raison la plus profonde de ce voyage doit être cherchée dans la miséricorde surabondante de Dieu, qui a voulu donner à toutes ses promesses la forme d'un contrat dans lequel il a daigné s'imposer une obligation vis-à-vis des créatures, impuissantes et sans droits par elles mêmes, et leur conférer un droit en vertu de cet engagement.

L'ancienne théologie a déjà trouvé le caractère d'un contrat de ce genre dans le premier précepte donné à Adam dans le Paradis, pour qu'il se maintint, lui et sa postérité, dans l'état de sainteté et de justice originelles ; ce caractère se reproduit d'une manière de plus en plus marquée dans chacune des promesses divines : à mesure que le temps de l'accomplissement s'approche, Dieu règle plus immédiatement ce qui se rapporte à son exécution. Mais quoique la réalisation des promesses dépendit de la fidélité des hommes aux conditions qui leur étaient imposées, cependant l'amour miséricordieux du Seigneur ne retira pas la parole donnée, malgré leurs infidélités continuelles. La cause en était que dans le décret éternel de la Rédemption, le Fils de Dieu s'étant porté garant pour l'humanité, dont la dette devenait de jour en jour plus énorme, et en particulier pour les enfants d'Abraham, s'obligeait à présenter à la justice et à la sainteté de Dieu une satisfaction d'une valeur infinie pour chacune des violations de l'alliance conclue avec Dieu. Voilà pourquoi le Sauveur se soumit à la circoncision huit jours après sa naissance, non seulement afin de prendre sur lui l'obligation d'accomplir toute la loi et toutes ses prescriptions, mais encore pour assurer à tous ceux qui portaient sur leur corps ce signe de l'alliance faite avec Dieu le droit à l'accomplissement des promesses, et pour conserver ainsi au peuple d'Abraham, malgré ses nombreuses infidélités, le privilège qui lui avait été conféré, d'être " un royaume sacerdotal et un peuple saint ". (Exod., XIX, 6.)

Donc, quiconque est favorisé du signe de l'alliance et porte sur lui-même le gage de la promesse du salut, est recherché par le bon Pasteur pour être incorporé à son troupeau et prendre part à tous les bienfaits de la Rédemption. Ainsi le Sauveur, dès avant son baptême, alla visiter les familles juives qui vivaient dans les environs de Sidon et de Sarepta (tome I, page 156) ; plus tard, il alla dans la contrée d'Ornithopolis (tome IV, page 310), pour faire rentrer dans la communion de l'alliance une tribu égaré, puis enfin jusqu'en Chypre, où se trouvaient, depuis une époque très ancienne, des colonies juives qui, malgré leur extension' avaient conserve leur existence propre et étaient restées en relation avec le Temple de Jérusalem. Le Sauveur voulut leur annoncer en personne l'accomplissement de la promesse et ramener en Judée ceux qui croiraient en lui, parce que dans cette île aux moeurs licencieuses, où ils trouvaient trop facilement à s'enrichir, ils couraient risque de se corrompre par l'excès toujours croissant du bien-être et de la mollesse et par leur mélange avec les païens. Pendant son séjour en Chypre, qui fut d'environ six semaines, le Seigneur en convertit un peu moins de six cents, lesquels retournèrent avec lui en Palestine, où leur établissement donna naissance à la ville d'Eleutheropolis.

Cet événement de la sainte vie de Notre Seigneur était resté totalement inconnu jusqu'à ce jour, ce qui, au premier coup d'úil pourrait paraître d'autant plus surprenant que les Actes des apôtres nous racontent le voyage que fit saint Paul en Chypre avec Barnabé et Jean Marc, ainsi que le second voyage qu'y firent les deux derniers, et qu'il n'y a rien dans ces récits d'où l'on puisse induire que l'Evangile avait été annoncé par le Seigneur lui-même dans les synagogues de cette île. Ce silence, toutefois, s'explique très bien, d'après ce que rapportent les Visions sur le but et les résultats du voyage en Chypre. Le premier et le principal but de ce voyage fut en effet atteint, par cela même que les convertis suivirent tous le Seigneur et qu'il ne resta que ceux qui, par suite de leur attachement a une vie commode et comblés des biens de la fortune, avaient fermé l'entrée de leur coeur à la parole évangélique. On peut, en outre, deviner, d'après la connaissance du coeur humain, pourquoi les Juifs restés dans l'endurcissement firent cause commune avec les païens pour abolir dans l'île le souvenir du Rédempteur, de façon à ce qu'il n'en restât plus de trace. Le Seigneur avait fait entendre des paroles si menaçantes touchant ceux qui refuseraient de se convertir et de quitter l'île, que les consciences troublées durent s'efforcer de faire oublier ses paroles comme sa personne.

Mais, en y regardant de plus près, on trouve dans les Actes des apôtres une indication qu'on peut rattacher très naturellement à ce que rapportent les Visions touchant les compagnons du Seigneur. Il est parlé, en effet, au chapitre XI, v. 20, " des hommes de l'île de Chypre ", qui, peu de temps après le martyre de saint Etienne, prêchèrent Jésus-Christ aux païens d'Antioche et par là jetèrent les fondements de cette Église dont les membres portèrent les premiers le nom de " chrétiens ". Or, ne peut-on pas reconnaître dans les Chypriotes en question ces hommes que le Seigneur lui-même avait admis parmi ses disciples et qui l'avaient accompagné en Chypre. C'étaient peut-être les deux fils du négociant chypriote Cyrinus ou quelques-uns des philosophes convertis de Salamine, lesquels, ayant été témoins de tout ce qu'avait fait leur divin Maître dans leur île natale, et d'ailleurs étant eux- mêmes païens de naissance, se faisaient moins de scrupule de s'adresser aux Gentils que leurs compagnons d'origine juive.

On ne doit pas non plus trouver étrange que les Evangiles ne renferment aucune allusion à un voyage du Seigneur en Chypre : car ce voyage par son caractère d'événement privé et presque d'affaire de famille, devait être exclu tout naturellement du récit des Evangélistes ; ceux-ci, en effet, ne voulant rapporter que ce qui pouvait avoir le même intérêt et la même importance pour tous les temps et pour tous les peuples, se sont bornés pour cela à donner une courte esquisse de la sainte vie et de la carrière publique et enseignante de Jésus-Christ, telle qu'elle s'était produite sous les yeux de toute la Palestine. Toutefois, lorsqu'on lit dans saint Jean (VIII, 35), cette question que firent les Juifs : "Où veut-il aller pour que nous ne le trouvions plus ? veut-il aller aux païens dispersés et les enseigner ?"question qu'ils adressèrent au Seigneur dans le temps qui suivit le retour de Chypre, on peut y voir peut-être une allusion, sinon à des bruits et à des renseignements vagues sur ce voyage, au moins à cette idée, très vraie d'ailleurs, que celui qui se manifestait comme étant le Messie, ne devait Pas rester étranger aux Gentils.

Enfin si comme les Visions le donnent à entendre, le silence gardé sur le voyage de Chypre a pour motif un commandement formel du Seigneur lui-même, on pourrait tout au plus demander encore comment il peut se faire que les temps immédiatement postérieurs aux apôtres, ou l'époque la plus ancienne du christianisme, ne nous aient pas transmis la plus petite indication touchant un événement si remarquable. Quand on considère quel honneur c'était pour une église, dès les temps les plus reculés, de pouvoir rattacher sa fondation au nom d'un apôtre, le silence de l'antiquité chrétienne sur le privilège unique qui aurait été le partage de Chypre devient encore plus inexplicable. Mais ici on a le droit de répondre à une question et de demander par une autre ce que nous savons en général de la plus ancienne histoire de l'Eglise de Chypre, cette île si renommée dans l'antiquité classique par sa beauté et sa fertilité, aussi bien que par le culte licencieux qu'elle rendait à Vénus. Nous n'en savons presque rien, et pourtant, au milieu du IVème siècle, le christianisme s'y était si bien établi et si plein de vie, qu'on voit tous les évêques de l'île se réunir pour choisir, comme leur métropolitain, le saint moine Epiphane, si austère, si zélé pour la foi et qui fut l'objet de tant de calomnies. Ce fait seul témoigne assez quel merveilleux changement avait dû s'opérer dans cette île autrefois livrée à toutes les abominations de l'idolâtrie gréco-phénicienne : mais il ne nous a été conservé aucun détail sur l'histoire de sa conversion. L'ordre donne par le Seigneur de ne parler à personne du voyage qu'il y avait fait, ne renferme en soi rien d'extraordinaire : car les résultats si médiocres, en apparence, de son séjour, pouvaient facilement être exploités pour attaquer la foi en sa personne et en son oeuvre, et d'ailleurs ; les Juifs de la Palestine se seraient presque tous scandalisés en entendant parler des rapports qu'avait eus le Sauveur avec les paiens chypriotes.

V


Ces arguments ont la même valeur en ce qui concerne le voyage du Seigneur dans le pays des trois Rois, en Chaldée et en Egypte, raconté dans ce volume. Si surprenant que paraisse cet incident, il concorde pourtant avec ce que les Evangiles nous apprennent en général des relations du Seigneur avec les paiens. Le récit de saint Matthieu sur le voyage des rois mages et leur venue à Bethléhem pour adorer l'Enfant divin révèle par avance tout le mystère de la vocation des Gentils et des rapports personnels du Dieu fait homme avec eux pendant son séjour sur la terre. D'abord et immédiatement le salut vient au peuple élu auquel il a été si souvent promis par Dieu ; mais les païens sont excités par la grâce prévenante et appelés à chercher le salut chez les Juifs. Le Seigneur va lui-même à la recherche des tribus d'Israël, et quoique souvent repoussé, blasphémé et persécuté par ceux de son peuple, il ne se lasse pas de les exciter à accueillir l'accomplissement des promesses divines ; mais en même temps il excite intérieurement les païens à s'approcher de lui et à s'approprier avec d'autant plus d'empressement la grâce du salut méprisée par son peuple. Les saints Evangiles, à la vérité, ne nous rapportent aucun enseignement particulier que le Seigneur ait donné aux païens, mais ils n'empêchent nullement de supposer que parmi les milliers de personnes qui accouraient en foule sur les bords du lac de Génézareth, il devait se trouver un certain nombre de païens. Bien plus, le Seigneur lui-même, à Capharnaum, guérit le serviteur païen du centurion païen et vanta la foi de celui-ci, afin, dit saint Jean Chrysostome, " de prophétiser sur les païens et d'éveiller en eux de joyeuses espérances : car ceux qui avaient suivi le Seigneur à Capharnaum étaient de la Galilée des Gentils ". (Homil. XXVI. in Matth.)

Et bien que l'Enfant-Dieu, muet encore, n'ait point eu de paroles à adresser aux prémices de la gentilité, la Sagesse éternelle sut pourtant bien trouver d'autres voies pour arriver à leur coeur et suppléer surabondamment à ce qui ne leur avait pas été dit. C'est ce que prouvent les merveilleuses opérations de la grâce que l'Eglise, à toutes les époques, a reconnues et vantées dans la conduite des rois mages. La fidélité avec laquelle ces païens avaient suivi l'étoile jusqu'à Bethléhem pour y rendre leurs hommages au Roi nouveau-né, pendant que le Temple et la Synagogue, quoiqu'avertis par la parole de tant de prophètes, le mettaient complètement en oubli, leur mérita l'insigne honneur qu'au rapport des visions, il leur fit dans la dernière année de sa vie, lorsqu'il voulut les visiter lui-même dans leur pays et leur annoncer la parole du salut.

Quelque inouï que puisse paraître ce que disent les visions à ce sujet, le voyage qu'aurait fait le Seigneur chez les rois mages pendant les troubles occasionnés par la résurrection de Lazare, n'a en soi rien de plus extraordinaire, de plus surprenant ou de moins conforme à la charité compatissante du Fils de l'homme que ce qu'il fit en faveur des païens au moyen de l'étoile en les appelant à la crèche, où ils eurent le bonheur de contempler son humble enfance et sa merveilleuse pauvreté, où ils virent, par conséquent, ce qu'il ne fut donné de voir qu'à un petit nombre de privilégiés dans le peuple élu, ce que ne virent pas même les saints apôtres et les Evangélistes. Ce voyage n'est ni plus mystérieux ni plus difficile à concevoir que ne l'est, par exemple, la visite du Seigneur à Nazareth, où ceux-là mêmes qui, depuis son retour d'Egypte, l'avaient vu parmi eux mener la vie la plus sainte et se montrer le modèle accompli de toute perfection, voulurent le précipiter du haut de la montagne. Et puisque le Seigneur lui-même promet de rendre au centuple, dès ce monde, tout ce qu'on aura quitté pour lui, puisqu'il va visiter tous les endroits où Marie a trouvé accueil lors de son voyage à Bethléhem ou de sa fuite en Egypte, n'était-il pas conforme à sa bonté d'honorer de sa sainte présence la demeure de ces rois mages qui l'avaient visite petit enfant, couché dans une pauvre crèche, dont il avait bien voulu agréer les présents et qui, à sa venue sur la terre, lui avaient rendu plus d'honneurs que n'avaient jamais fait Nazareth, Capharnaum ou Jérusalem ?

Dans d'autres occasions, le Seigneur mit le pied sur le territoire des païens ; c'est ce que prouve son séjour de plusieurs années en Egypte, comme son voyage dans la Syrophénicie. (Matth., XV, 2 2 et Marc VII, 24). "  Pourquoi alla-t-il dans ces pays ? ", demande saint Jean Chrysostome. "  C'est, répond-il, pour ouvrir aussi la porte aux païens. Et si quelqu'un s'étonnait, qu'ayant ordonné à ses disciples de ne pas aller sur les chemins des Gentils, il y aille tout le premier, je répondrai qu'il n'était pas soumis lui-même . aux ordres qu'il donnait à ses disciples ". (Homil.LII. in Mathoeum) .

Dans l'Evangile de saint Jean (XII, 20-23), on voit aussi quelle impression produisait sur le monde païen ce qui se disait de la prédication du Sauveur et de ses miracles. A la dernière fête de Pâques, à Jérusalem, des Grecs païens prient l'apôtre Philippe d'obtenir pour eux d'être admis près du Seigneur. André et lui font part de leur désir au Sauveur, qui répond, suivant la paraphrase de Cornelius a Lapide : " N'empêchez pas les païens de venir à moi, mais amenez-les ! Je vous ai dit, il est vrai, de ne pas aller sur les chemins des Gentils, lorsque ma prédication était expressément destinée aux Juifs seuls, mais comme mon enseignement et ma mission sur la terre touchent à leur terme, la parole du salut, méprisée par les Juifs, arrivera aux païens par vous. En effet, l'heure est proche où le Fils de l'homme sera glorifié, en ce que les païens, après ma mort, me reconnaîtront pour leur Rédempteur ".

C'est par une disposition merveilleuse qu'après la descente du Saint Esprit, Philippe fut précisément le premier dont les Actes des apôtres racontent qu'il baptisa un païen, le trésorier de la reine Candace. Ce baptême fut donné en secret : mais le premier acte solennel par lequel des païens aient été incorporés à l'Eglise sans avoir reçu préalablement la circoncision, fut le baptême de Corneille. .1 Cela se fit à la suite de la vision que Pierre eut à Joppé, lorsque les envoyés de Corneille, qui de son côté avait été adressé à Pierre par une vision, étaient en route pour aller trouver l'Apôtre. L'explication que saint Chrysostome donne de ce fait, concorde parfaitement avec l'esprit des Visions et en général avec tout ce qu'elles font connaître de la conduite du Seigneur et de celle des apôtres et des disciples vis-à-vis des païens. Saint Chrysostome, en effet, prouve de la manière la plus ingénieuse que la vision de Pierre n'eut pas tant pour but sa propre instruction que sa justification devant les Juifs zélés pour l'ancienne loi : c'est pourquoi la Sagesse divine elle-même avait, dans le cours de la vision, dicté les réponses de Pierre, afin que celui-ci, par le simple récit de ce qui lui avait été montré miraculeusement, pût justifier plus tard d'une manière convaincante devant les chrétiens judaïsants, si faciles à scandaliser, le premier baptême solennellement administré aux païens.

Ce qui enfin garantit d'une façon particulière la vérité de ce que rapportent les Visions sur les deux voyages du Seigneur dont il est ici question, c'est le caractère d'intuition directe qui y est empreint jusque dans les moindres détails en tout ce qui touche à l'histoire et à la géographie, en sorte qu'il est impossible d'y voir des créations de l'imagination. Bien plus, on peut dire que la description de toutes les scènes où figure le Seigneur pendant ces voyages, la manière dont ses actions et ses paroles sont représentées, ont quelque chose de si intimement approprié à sa personne et à sa dignité, de si parfaitement en harmonie avec le plan général de la Rédemption, tel qu'il se développe dans tout le cours de l'ouvrage, qu'on y trouve la meilleure preuve qui puisse être donnée en faveur de la vérité de ces récits.