et Cosmogonie astrologique
Le titre ci-dessus est-il bien adéquat et peut-on vraiment parler d'une cosmogonie chrétienne ? Si l'on s'en tient à l'essence du christianisme, qui est le salut de l'âme par l'intermédiaire et l'imitation du Christ, il ne peut être question, à proprement parler, d'une science cosmogonique chrétienne. Jésus est venu nous apprendre à nous aimer les uns les autres, à mourir à nous-mêmes et à suivre Son sacrifice, pour avoir part avec Lui dans le Royaume de Son Père. Il ne S'est guère préoccupé de nous donner la notion de la formation des mondes et nous a même enseigné qu'il ne sert de rien à l'homme de posséder l'univers et toutes les connaissances, s'il vient à se perdre. Néanmoins, Jésus a assuré n'être pas venu détruire les Écritures, mais les confirmer, les compléter et les réaliser et, à différentes reprises, dans les Évangiles, Il a rappelé l'autorité de Moïse. Or ce dernier, dans la Genèse (chap. Ier) a donné le récit de la Création du Monde et c'est dans ce sens seulement qu'on peut parler, à la rigueur, d'une cosmogonie sacrée, encore que l'interprétation du texte qui s'y rapporte soit librement laissée à l'appréciation des commentateurs. La Genèse assigne un certain ordre dans lequel les choses se seraient produites et il est vraiment remarquable que les découvertes de la géologie, de la paléontologie et des sciences modernes concordent avec l'essentiel du récit biblique. Elles enseignent l'antériorité de la vie marine sur la terrestre et, pour cette dernière, l'apparition de l'homme en dernier lieu, après les diverses races d'animaux, comme l'a rapporté l'écrivain inspiré. C'est ainsi que le célèbre naturaliste Cuvier a pu écrire : « Moise nous a laissé une cosmogonie dont l'exactitude se vérifie chaque jour d'une manière admirable. » Les données d'une autre science, l'astrologie, qui, pour n'être pas incluse dans les programmes officiels, n'en reste pas moins une branche importante du savoir humain, s'harmonisent également, et d'une manière plus remarquable encore, avec la cosmogonie mosaïque et avec les dogmes chrétiens de la création et de la providence divine. Si une science quelconque est la coordination d'un grand nombre de phénomènes explicables. par des lois générales, lesquelles rentrent, elles-mêmes, dans le cadre d'une ou de plusieurs hypothèses que les faits vérifient, l'astrologie doit être considérée comme une vraie science et des plus hautes. Non seulement elle rend compte des choses, objet de son examen, et les classe selon des lois déterminées, mais ses conclusions se trouvent confirmées par l'expérience. Sous ce dernier rapport elle devient, en même temps, un art dont le succès dépend des aptitudes de celui qui le pratique. Ce n'est pas ce côté expérimental, lequel échappe d'ailleurs absolument à notre compétence, qui intéresse la présente étude, mais seulement les principes généraux dont s'inspire la science des astres, pour expliquer la formation et le gouvernement des êtres de l'univers et les points de contact de ces mêmes principes avec ceux résultant du récit sacré. La Genèse débute par ces paroles qui sont toute une doctrine : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. » Il y a donc eu un « commencement et une « création ». Les matérialistes de toutes nuances ne veulent point admettre que quelque chose puisse être tiré de rien et, pour éviter de conclure à un Créateur, ils affirment que la matière est incréée. Les panthéistes, plus subtils que les premiers et craignant le caractère extrême d'une telle négation du Principe intelligent, ont recours à la théorie émanationniste. Le Monde serait extériorisé, de toute éternité, de la substance même de Dieu; il serait un aspect de Lui. Que la matière ne soit pas l'être existant par lui-même et éternel, comme le prétend la théorie athéiste, il n'est guère besoin de le démontrer aux membres des « Amitiés Spirituelles ». La thèse panthéiste, quoique plus spé-cieuse que la précédente, n'en doit pas moins également être rejetée. En effet, comme nous l'avons dit ailleurs, si le Monde était « un aspect de l'Absolu », on ne pourrait guère expliquer les imperfections, les laideurs, les souffrances qu'on y constate. Dieu étant l'infinie Perfection l'image qu'Il nous donnerait de Lui-même, dans l'Univers, serait bien indigne de Lui. Il est notoire que la propension de la matière physique, de la nature laissée à elle-même, c'est l'égoïsme, la violence, l'intempérance et tous les vices et que le dieu qui est dans l'homme doit précisément refréner ces tendances condamnables, les combattre et les maîtriser. Comment, dans ces conditions, la matière, si imparfaite, serait-elle l'émanation même de l'Absolu et du Parfait ? Ces mauvaises inclinations et ces laideurs ne sauraient être attribuées à la source de toute beauté; elles ne viennent donc pas de Dieu, mais du non-être dont la matière est tirée et auquel il s'agit de l'arracher pour la conduire à l'être, ce qui est l'objet propre de la création. « Vous avez fait deux choses, Seigneur, dit saint Augustin : l'une est près de vous (l'ange), l'autre près du néant (la matière pre-mière). » Voilà pourquoi l'univers évolue; c'est pour se dépouiller de l'inertie, du mal qu'il contient. Cela ne peut se comprendre que d'une créature imparfaite, à laquelle il manque quelque chose vers quoi elle tend. Aussi l'Absolu ne saurait-il évoluer en aucune manière; par définition, Il est la plénitude à qui il ne manque rien. Les panthéistes, en identifiant Dieu avec l'univers, admettent implicitement par là l'idée d'un Absolu évoluant, soumis à des vicissitudes, ce qui est contradictoire. La doctrine chrétienne d'un Dieu créa-teur, immuable Lui-même, indépendant de Son oeuvre, transcendant par rapport à l'univers, est donc plus logique, en même temps qu'elle est plus haute. C'est le Monde seul qui évolue, afin de se rapprocher de Dieu, de s'unir à Lui; comme il a un commencement, il aura une fin. « L'être en tant qu'être est immuable pensait Platon, le devenir ne l'atteint pas, il se limite au monde. » La croyance en un univers limité dans le temps répond aux aspirations profondes du coeur humain, en ce sens qu'elle lui permet d'entrevoir une fin à ses tourments, un apaisement à ses anxiétés, tandis que, dans l'hypo-thèse panthéiste d'une évolution sans terme, indéfiniment renouvelée, on n'en voit pas le but et on n'aurait aucun espoir d'arriver, un jour, à l'Immuable, au Parfait définitif. Arrivons maintenant à la doctrine des astrologues. Il est vraiment digne de remarque que la manière dont ces derniers expliquent la formation, la conservation et l'évolution du monde et des êtres qui le peuplent s'accorde, quant au fond, avec l'enseignement chrétien. Pour eux, la création consiste à faire passer à l'état d'être le non-être, c'est-à-dire le possible qui n'est pas encore, le Vide, l'Espace inerte. L'Etre lui communique son activité et, par là, l'éveille à l'existence. Ici il faut citer textuellement le passage de « l'Essai de synthèse des forces physiques » du P. Leray, rapporté par F. Ch. Barlet, des études lumineuses de qui nous nous sommes surtout inspiré : « . Pour laisser au Non-Etre le maximum d'activité compatible avec son infirmité originelle, l'Etre doit réduire sa propre initiative à la puissance minima. A cet effet, il limite le champ de son activité à un espace infiniment petit, emprunté à l'étendue infinie du Vide et, dans cet espace infime, il ne conserve de sa toute-puissance qu'une seule manifestation, son ubiquité réalisée par une vitesse vertigineuse. C'est ce qui constitue l'atome matériel. » Ainsi l'Espace ou le Vide est divisé en une quantité innombrable d'étendues infimes dans lesquelles le Verbe introduit l'activité qui constituera l'âme des atomes. Le choc de ces atomes va multiplier dans la masse les expériences subies par la créature individuelle; « il provoque, chez cette dernière, de multiples réactions, une variété d'épreuves qui brisent, contrarient, amortissent ou surexcitent la mobi-lité qui vient de lui être donnée »; ce qui tend à faire naître chez elle la sensation et la volonté. On voit clairement, par ce court exposé que, selon les données astrologiques et les prin-cipes dont elles s'inspirent, chaque chose n'est pas émanée directement de la substance de son Créateur; elle n'est pas ce même Créateur manifesté, selon les théories panthéistes, mais elle est bel et bien créée par Lui, puisque, essen-tiellement, elle n'est qu'un point du vide éveillé à la vie par l'action divine. Elle n'était rien et il a plu à Dieu de lui donner l'être. La Création des premiers éléments Après avoir débuté par ces paroles « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre », le texte biblique ajoute : « La terre était informe et nue, les ténèbres couvraient la face de l'abîme; et l'Esprit de Dieu était porté sur les eaux. » (Genèse ch.I v. 2). Dans le premier verset il n'est question que du ciel et de la terre, tandis que, dans le second, il est parlé de l'Esprit de Dieu, des eaux, de la terre et de l'abîme. Nous allons voir le sens de ce quaternaire et, d'abord, du binaire qui l'a précédé. Ce n'est pas le firmament physique qu'il faut entendre par le mot ciel, mais le plan de l'Esprit, le séjour des anges. Voici ce qu'en dit saint Thomas d'Aquin : « Dans ces paroles : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre » le mot ciel, selon Strabus, signifie l'empyrée ou ciel de feu et non pas le firmament que nous voyons. Bède et saint Basile sont du même avis. Le Ciel empyrée, selon ces trois auteurs, n'est autre que le séjour des bienheureux... » La terre, opposée au mot ciel, ne signifie pas seulement notre planète, mais toute matière. Or la Tradition antique enseignait précisément que, lorsque le Verbe ou Logos, créa-teur unique du Monde réel, issu de l'Absolu inconnaissable, S'est manifesté sur les écrans relatifs du temps et de l'espace, Il a d'abord donné naissance à deux principes : l'Etre et le Non-Etre. Ce dernier n'est pas le néant qui serait l'impossibilité d'exister, mais l'inertie, le principe passif opposé à la spontanéité de l'Etre. Le non-être est capable de devenir et, en fait, il est appelé à l'existence par l'action du Principe actif et spontané. C'est le Ciel et la Terre du texte sacré. Dans cette trinité : Verbe, Etre et Non-Etre, qui correspond à Esprit, Énergie ou Âme et Matière, l'Énergie, à son tour, s'est polarisée en Substance et Essence. D'où les quatre principes suivants : Esprit, Substance, Essence et Matière lesquels, pour former le Monde réel, se sont manifestés par les éléments des Anciens : le Feu, l'Air, l'Eau et la Terre. Ces éléments sont donc « des formes de l'Énergie, des agents cosmiques qui représentent le processus par lequel l'Esprit s'incarne dans la matière, l'Etre dans le non-être, le Ciel dans la terre. » Le Feu représente l'Esprit créateur; l'Air est ce même Esprit descendant au rôle de la Substance qui est « la faculté de rester indivisible à travers toutes les modifications qui constituent le progrès de la Vie ». L'Eau tient de la Matière; « c'est l'Essence en tant qu'issue de la Matière pour s'élever vers l'Esprit »; et l'Essence est elle-même « la faculté d'arriver au plus haut degré de réalité et de durée ». Enfin la Terre est la Matière en tant que substance concrète. Dans le texte mosaïque cité plus haut, ces quatre éléments sont représentés par les mots Esprit (ou Feu), eaux (air et eau) et terre. Qu'on ne nous accuse pas de faire là de l'ésotérisme ou bien, après avoir, nous-mêmes, précédemment combattu et écarté le panthéisme, de le réintégrer de nouveau, sous une forme déguisée, en définissant, selon les astrologues, chaque élément par un rôle spécial de l'Esprit, comme nous l'avons fait plus haut, accusation qui serait inexacte et contraire à notre pensée. Il n'en reste pas moins certain que le non-être n'est appelé à l'existence que par la puissance de l'Etre. Il ne faut donc pas s'étonner si les différents modes de cette action créatrice ont reçu des noms matériels, figurant un lien spécial entre l'espace et l'Esprit qui l'informe et desti-nés, d'ailleurs, à nous en faciliter la compréhension. L'erreur panthéiste consiste à affirmer que la Nature est émanée de la substance de Dieu, qu'elle est ce Dieu inconnaissable manifeste. Or le temps et l'espace constituent l'étoffe même de la Nature, tandis qu'ils n'ont rien de commun avec l'Absolu et ne peuvent, en aucune manière, donner une idée de Lui. Ces deux facteurs comportent les notions de succession d'étendue, de limites, toutes incompatibles avec celle de l'Absolu qui est la permanence, l'infini la plénitude, l'immutabilité. La difficulté que nous avons de concevoir Dieu provient même de ce que, ne constatant autour de nous que des modalités de l'espace et du temps, nous nous obstinons à vouloir nous Le représenter avec ces données imparfaites et bornées. C'est, au con-traire, en faisant abstraction complète de ces idées relatives que nous pourrions entrer dans la voie qui mène à la notion de l'Absolu. Ainsi la nature n'est pas Dieu, mais elle est le non-être appelé à l'existence par l'action divine. La doctrine catholique la plus orthodoxe reconnaît explicitement le rôle et la présence spéciale de Dieu dans les moindres choses créées. « La cause exemplaire des créatures, est-elle hors de Dieu ? » demande saint Thomas . Et voici sa réponse : « L'artisan qui donne à la matière des formes déterminées a sous les yeux ou dans l'esprit un modèle qu'il veut repro-duire. La divine Sagesse renferme ainsi les raisons de tous les êtres, c'est-à-dire leurs idées, formes ou exemplaires; et, quoique ces idées se multiplient dans les choses extérieures, elles ne diffèrent pas, en réalité, de l'essence divine, dont la ressemblance est diversement communiquée aux créatures. De cette manière, l'exemplaire de tout ce qui existe est non seulement en Dieu, mais est Dieu même. » Dans un autre chapitre, le même théologien s'exprime ainsi : « Dieu opère-t-il dans tout être qui opère ? » -Dieu opère dans tout agent. « Seigneur, vous avez opéré dans toutes vos oeuvres », disait un jour Isaïe (XXVI, 12). « Il ne faut pas entendre, toutefois, que les agents soient dépouillés de leurs opéra-tions propres. Dieu opère dans tous les êtres finalement, puisque toute oeuvre a pour but un bien quelconque; effectivement, comme la première cause qui a donne leur vertu aux causes secondes; formellement, en maintenant les agents dans tout leur être. De cette sorte il est l'agent le plus intime dans toutes les opérations possibles, comme il est la cause de ce qu'il y a de plus profond dans les choses. » Ces deux citations du plus célèbre des théologiens suffiront à calmer les scrupules des orthodoxes timorés. Voici, au surplus, parmi les maîtres modernes, l'opinion de l'un des plus illustres, le Père Gratry, dans son bel ouvrage « Les Sources »; au chapitre « Les aphorismes de la science du devoir » : Oui « tout être n'est pas Dieu », car les imperfections, les laideurs, les violences, les convoitises que les créatures manifestent ne sauraient évidemment provenir de Lui, souveraine perfection et doivent, par suite, repré-senter, dans ces êtres, les convulsions de l'Inerte à qui il coûte d'être arrachée à elle-même et amenée à l'activité libératrice du Principe spon-tané. Par contre, « en tout être est Dieu »; cette affirmation de l'abbé Gratry est aussi légitime que la précédente, et on ne saurait guère la taxer de panthéisme. C'est le rayon divin qui se trouve dans toute créature, qui doit la conduire à son salut en la dépouillant, par les travaux et les épreuves de la vie évolutive, de l'égoïsme et des ténèbres qu'elle contient et qui l'asservissent et en l'amenant graduellement vers l'affranchissement et la lumière de l'amour. L'Évangile de saint Jean ne dit-il pas que « le Christ est la lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde » ? et, au chapitre XVII de ce même livre, dans Sa prière, après la Cène, Jésus, parlant de Ses disciples, ne s'adresse-t-Il pas à Son Père en ces termes : « Je suis en eux et vous en moi, afin qu'ils soient consommés dans l'unité... Afin qu'ils soient un tous ensemble, comme vous, Père, êtes en moi et moi en vous : qu'ils soient de même un en nous » ? A différentes reprises Jésus S'est identifié avec les créatures : « Ce que vous avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi-même que vous l'avez fait ». Il nous recommande constamment de prier « le Père qui est dans le secret » et qui voit et juge intérieurement toutes nos actions; Il nous déclare que le Ciel est en dedans de nous. » Saint Paul, de son côté, affirme que nous sommes enfants et héritiers de Dieu et cohéritiers de Jésus-Christ (Romains VIII, 16,17), que nous sommes de race divine (Actes XVII, 28). Nous pourrions multiplier les citations; celles que nous avons produites suffiront. Oui, Dieu est, en tout être, le Principe qui le guide vers sa destinée, la sauvegarde qui le protège des abîmes, la source de toute inspiration et de tout bien. Cette présence mystérieuse et uni-verselle, c'est Jésus, le Verbe divin « par qui tout a été fait ». Ne soyons donc pas étonnés si l'on a défini par un rôle spécial de l'Esprit chacun des quatre éléments qui ont contribué, au cours des six jours de la création, à la constitution des êtres individuels et, finalement, à celle de l'homme, couronnement de l'oeuvre. L'OEuvre des six jours Dans le récit biblique les paroles com-mentées : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. La terre était informe et nue..., etc. » sont situées avant les versets relatifs aux six jours de la création proprement dite. C'est qu'elles se rapportent, en effet, à la production des premiers éléments non encore individualisés. L'action créatrice va se préciser au cours des six jours ou périodes, comme nous allons le voir, en ce sens qu'elle va assigner à chaque élément son rôle spécial, en vue de concourir à la constitution et au progrès des êtres individuels. Les trois premières « époques » repré-sentent le courant involutif suivant lequel le Feu spirituel, sous forme de Lumière (oeuvre du premier jour) est descendu d'abord au niveau du firmament des eaux, ou de la substance et de l'essence (réalisation de la deuxième époque), pour aboutir à la région de la terre (au cours de la troisième). Les trois autres périodes répondent au courant ascensionnel, pendant lequel les anges qui président à la formation des êtres (les Puis-sances planétaires de l'Astrologie), et qui corres-pondent aux luminaires, oeuvre du quatrième jour, selon la Bible, vont guider l'évolution des premières créatures les plus simples, les poissons et les oiseaux (produits du cinquième jour), puis celle des animaux supérieurs et de l'homme (oeuvre du sixième et dernier). D'après la Genèse, aussitôt que Dieu S'est placé en face du Non-Etre pour faire apparaître le Ciel et la Terre, avec les premiers éléments, Il dit : « Que la lumière soit » et la lumière fut. Selon les astrologues, « le Soleil spirituel, premier principe et chef du Zodiaque, est, en effet, la représentation du Verbe divin dans l'activité de notre Monde »; c'est lui qui distribue la vie, c'est-à-dire la spontanéité et qui est, dans chaque individu, intérieurement, « la conscience de sa propre unité et de son origine divine ». La spontanéité est le principe radical de l'être, le germe de la liberté, ce qui constitue essentiellement la vie; la force et l'énergie »en sont que les servantes. Saint Jean l'Évangéliste l'a bien dit : « En Lui (le Verbe) était la vie et la vie était la lumière des hommes. » Dans le monde élémentaire, le Soleil spirituel « partage la Pensée divine qui lui a été confiée en autant de pensées individuelles qu'il est nécessaire d'en distribuer dans le cycle qui naît », puis il leur communique la volonté progressivement libre jusqu'à ce qu'elles arrivent à l'illumination définitive. « Il n'exerce aucune contrainte sur les créatures, mais Il les sollicite incessamment par la palpitation de Ses ondes amoureuses. » Transposez cette description astrologi-que en termes chrétiens, ajoutez-y la notion surnaturelle de la grâce et vous verrez l'analogie qu'elle présente avec l'action de notre Christ qui veut, en effet, le salut de tous les êtres, les appelle tous à l'amour et à la connaissance du Père et ne cesse de « solliciter » le pécheur, comme « le bon berger qui laisse là tout le troupeau et va chercher la brebis égarée, parcourt les vallées et les montagnes et ne revient qu'après l'avoir retrouvée et ramenée ». Le second jour, suivant la Genèse, « Dieu dit : Que le firmament soit fait au milieu des eaux et qu'il sépare les eaux d'avec les eaux. Et Dieu fit le firmament et il sépara les eaux qui étaient sous le firmament d'avec celles qui étaient au-dessus... » De quelles eaux s'agit--il ? Celles qui sont sous le firmament spirituel sont les inférieures, domaine turbulent des forces passionnelles, là où les êtres sont encore dans le degré de la bestialité et où se livrent ces luttes implacables et s'exercent ces conflits et ces convoitises violentes dont la vie animale est le théâtre. Quand les créatures ont franchi le firmament intermédiaire, elles accèdent au domaine des eaux supérieures et spirituelles. C'est pourquoi la Bible ajoute : « Et Dieu donna au firmament le nom de Ciel ». Ainsi, à cette deuxième période, l'expression du Feu spirituel, la lumière, formée le premier jour, s'est abaissée d'un degré dans sa marche. Elle est descendue dans la région des « eaux » ou des éléments Air et Eau des Anciens, dans le plan passionnel et sentimental. Nous allons la voir, au troisième jour, arriver jusqu'à la matière physique, jusqu'à la terre. En effet, à cette troisième période, Dieu dit : (Gen. I, 9) : « Que les eaux qui sont sous le ciel se rassemblent en un seul lieu et que l'élément aride paraisse. Dieu donna à l'élément aride le nom de Terre... » C'est la fin du courant involutif ou des-cendant. Observons-le, maintenant, dans sa phase ascensionnelle, avec les trois périodes suivantes de la création, où les premiers êtres formés, d'abord rudimentaires, vont recevoir des organismes de plus en plus compliqués et perfectionnés, capables de mieux recevoir et manifester la vie spirituelle. Il fallait que cette évolution fût guidée par des agents du Verbe divin, intermédiaires entre Lui et les créatures et collaborateurs de Son oeuvre providentielle. Aussi trouvons-nous, à cette époque de transition entre les deux courants descendant et ascendant, c'est-à-dire au quatrième jour selon la Bible, la mention des luminaires ou astres qui doivent présider à la naissance et au gouvernement des êtres. Lorsqu'il s'était agi de la création des premiers éléments, c'est l'agent supérieur qui a été formé le premier, la lumière, avant la sépa-ration des eaux et l'apparition de la terre. Il y avait lieu, alors, de préparer les séjours ou lieux de résidence destinés à recevoir, nourrir et abriter les êtres individuels futurs. Dieu a, pour ainsi dire, bâti la maison en vue d'y amener des occupants. Dans cette construction grandiose, Il a commencé par l'élément fondamental : la lumière, qui devait guider et éclairer tout le reste. De même, lorsqu'il s'est agi de constituer les créatures individuelles elles-mêmes, les âmes, ce sont les habitants de la lumière, les anges, destinés à gouverner leurs frères inférieurs, que Dieu a formés les premiers. L'opinion matérialiste et mécaniste qui représente la vie comme naissant fortuitement, d'abord dans les êtres rudimentaires, pour être transmise ensuite, par filiation progressive, aux individus supérieurs, n'est en effet que le résul-tat d'une observation superficielle. Une étude plus approfondie montre qu'antérieurement à ce courant évolutif que la science observe, parce qu'il est apparent, il y a eu un courant involutif, invisible pour nous, par lequel, au contraire, c'est la vie supérieure, la lumière d'En Haut, qui s'est la première abaissée vers le non-être, vers l'espace inerte, pour le vivifier et l'élever vers elle. Sans cette première descente des forces spirituelles, l'évolution ascensionnelle dont nous observons les effets devient incom-préhensible. Aussi les savants transformistes ont ils eu beau chercher, ils n'ont pas pu encore expliquer la genèse de la vie dans les êtres inférieurs et les protozoaires et ne le pourront jamais, d'après leur système. Il est absurde de penser que la vie puisse naître du hasard et animer les premières formes végétales ou animales, si celles-ci ne l'ont pas d'abord reçue de l'Etre existant par lui-même, source de toute vie, et cela par l'inter-médiaire d'autres créatures supérieures quoique invisibles. Nos yeux de chair ne voient que le résultat de cette action mystérieuse qui se traduit par l'évolution des formes matérielles. Cela nous porte à conclure hâtivement à la naissance spontanée de la vie, au début, dans les plus simples de ces formes, ce qui est une vue imparfaite et inexacte des choses. C'est donc à juste titre que Moïse a placé au quatrième jour, au commencement du courant ascendant, l'apparition des « corps de lumière » dans le firmament; ces astres sont comme les séjours spéciaux des grands êtres ou génies qui devaient présider à la vie des créatures et cette affirmation de l'astrologie n'est guère contraire à notre foi. Saint Augustin n'a-t-il pas dit : « Si les corps célestes sont animés, leurs âmes font partie de la société des anges » ? Nous étudierons le rôle spécial de ces êtres, en rapprochant, sur ce sujet, les données chrétiennes de celles anciennes cosmogonies et en en montrant les divergences. Pour le moment, contentons-nous d'avoir marqué la légitimité de la mention qui a été faite, dans le récit biblique, de l'apparition de ces astres à la quatrième époque de la Création. Et, pour ce qui concerne l'oeuvre des cinquième et sixième époques, rappelons que ce qu'en dit le texte sacré est conforme aux données des sciences modernes, en relatant que ce sont les créatures les plus simples, « les poissons et les oiseaux », qui ont vu le jour les premières et ensuite les animaux supérieurs, pour aboutir enfin à la formation de l'homme, sommet de la création, destiné à établir le lien entre le monde de la matière et celui de l'Esprit. La Providence et les lois cosmologiques L'étude du développement de la Création et de l'évolution des êtres montre une constante sollicitude de la part du Créateur, qui s'exerce par l'intermédiaire d'Anges ou Agents du Verbe. Voici comment les théologiens envisagent la question : « Les anges gouvernent-ils les créatures corporelles ?... La force d'un corps étant moins universelle que celle d'une substance spirituelle, les êtres corporels sont régis par les anges : tel est le sentiment non seulement des saints Docteurs, mais encore des philosophes qui ont reconnu l'existence des êtres spirituels . » « Les « corps célestes » peuvent être regardés comme la cause des mouvements variés et multiformes des corps inférieurs... Ils peuvent même avoir sur notre intelligence et sur notre volonté une action indirecte... » Enfin il y a un « destin » en ce sens, dit Boëce « qu'il est une disposition inhérente aux choses mobiles, par laquelle la Providence les soumet à ses desseins. » __ « La rencontre de deux serviteurs envoyés au même lieu par un maître qui n'a pas fait connaître à l'un la mission de l'autre, est fortuite pour eux; elle ne l'est pas pour le maître lui-même, qui a tout ordonné . » « Les Pères de l'Église ont admis, comme les Platoniciens, que divers esprits sont préposés aux différentes classes des êtres matériels. Saint Augustin va jusqu'à dire qu'il n'est nulle chose visible qui ne soit sous la présidence d'une puissance angélique... On peut croire, avec Origène, que des anges régissent les bêtes et président à la naissance des animaux, à l'accroissement des arbustes, des plantes et des autres choses . » Quant aux classes diverses de ces Anges, on sait que la théologie en admet neuf : les Séraphins, les Chérubins, les Trônes, les Dominations, les Vertus, les Puissances, les Principautés, les Archanges et les Anges. Il est intéressant de noter les attributions que saint Grégoire et saint Denis assignent, d'après l'Écriture, à quelques-uns de ces ordres angéliques : Sur ce même sujet, il sera suggestif de comparer le passage du Sermon sur la Montagne de Sédir (pages 25 et suivantes) dans lequel il nous donne une idée du gouvernement spirituel de notre planète. Les lecteurs de ce beau livre se rappellent, sans doute, la poétique description de cette île de rêve, reposant au milieu d'un lac d'azur qui occupe, lui-même, le sommet d'une montagne irréelle sise à deux mille cinq cents lieues de la France... Là six êtres extraordinaires, qui ne sont pas semblables à nous, qui ne sont cependant pas des fantômes, mais bien des hommes vivants avec des corps spiritualisés et rayonnants de splendeur, se livrent à diverses occupations : Ici il y a lieu de nous demander si l'on ne pourrait pas faire un rapprochement entre le tableau de ces six êtres avec leur Seigneur le Christ et celui des six Puissances planétaires de l'Astrologie, avec leur chef le Soleil zodia-cal. Les attributions de ces diverses puissances ne sont-elles pas comparables entre elles ? Selon les astrologues, le Soleil, Mars et Jupiter repré-sentent le feu divin dans son pouvoir créateur et illuminateur; le rôle de Saturne et de Mercure est d'ordre intellectuel, tandis que la mission de Vénus est sentimentale et tutélaire. C'est de la même manière que nous avons vu, tout à l'heure, des privilèges et influences similaires attribués aux collaborateurs du Christ par Sédir et aux divers ordres angéliques par les théolo-giens. L'analogie est donc évidente, mais ce n'est qu'une analogie. Il n'y a pas identité entre les Puissances planétaires ou Génies des anciennes cosmogonies et les Anges du christianisme; les uns et les autres existent, mais dans des plans différents. Les premiers appartiennent à l'astral, au domaine de l'Invisible créé, soumis au Destin, à ce que l'on appelle le « Spiritus mundi ». Les seconds seuls relèvent du « Royaume de Dieu », du domaine incréé de la Liberté et du Surnaturel, domaine absolument distinct du Monde et transcendant, ainsi que nous le verrons plus loin. L'analogie apparente du rôle des uns et des autres vient de ce que les deux royaumes (celui de l'Absolu et celui du Relatif) sont, pour ainsi dire, concentriques et s'interpénètrent. L'Absolu pénètre le relatif, comme l'éther, selon les savants, pénètre toute matière, tout en lui laissant son action propre et en ne gênant nullement ses mouvements. Toute initiative qui part du Royaume de Dieu se répercute dans les divers plans du Créé, selon le mode d'être spécial à ces plans. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner s'il existe une analogie entre les divers êtres et modes d'action des êtres qui habitent ces plans différents. L'homme lui-même n'est-il pas un micro-cosme « formé à l'image de son Créateur » ? Les Anges collaborateurs du Verbe ne sont donc pas les mêmes entités spirituelles que les génies planétaires de l'occultisme, bien que ceux-ci aient, dans l'Invisible créé ou astral, des attributions analogues à celles des Anges dans le Royaume de Dieu. Il y a, entre ces deux catégories d'êtres, une autre distinction essentielle que nous tenons à mentionner : Jupiter, Mars, Saturne et les autres Génies des Anciens apparaissent comme des entités très distantes, qui se contentent d'influencer les créatures pour leur bien, sans jamais pourtant s'abaisser jusqu'à elles, tandis que notre Christ et Ses collaborateurs, bien qu'appartenant au Royaume incréé et absolu, se sont volontairement humiliés jusqu'à notre niveau; ils ont pris des corps de chair, sont apparus dans l'histoire de notre humanité et nous ont donné, eux-mêmes, personnellement, l'exemple du sacrifice. Le Christ n'est pas seulement Dieu, mais Dieu et Homme. Elie, Jean, Moïse, Enoch, Jacques et Melchissédec ne sont pas des entités cosmiques, mais, d'une part, des Anges du Tout-Puissant au sens théologique du mot et, d'autre part, des figures humaines et vivantes. Le christianisme a donc rapproché le Ciel de la Terre, en élevant et surnaturalisant celle-ci et en y établissant ce pont qui permet à ses habitants d'atteindre l'Absolu. Il a été le couronnement du grandiose édifice du salut dont les bases ont été jetées depuis la création. Il a ennobli, élevé, confirmé, précisé les espérances que les hommes, avant lui, ne faisaient qu'entrevoir, comme au travers d'un voile. C'est là l'illustration de cette idée de saint Augustin que la sagesse des Anciens était une préfiguration de la sagesse de L'Évangile. Le rôle de l'Homme dans l'Univers L'étude de l'OEuvre des six jours révèle dans l'action créatrice, comme nous l'avons vu l'existence de deux courants, comprenant chacun trois phases distinctes : 1° le courant involutif par lequel le Feu céleste, représentant le Verbe divin, après avoir traversé le plan abstrait, descend au monde intermédiaire des eaux astrales, pour aboutir enfin au plan sensible, à la région de la Terre; 2° le courant évolutif ou ascendant qui est, au contraire, une remontée des êtres, sous l'influence des Anges des régions de la Matière à travers les régions astrales et mentales, vers celles de l'Esprit. Ainsi le Cosmos a une constitution triple, savoir : a) le Monde abstrait.... (le Mental, les Nombres) b) le Monde des forces... (l'Astral, le Spiritus Mundi) c) le Monde sensible.... (les corps physiques) Ces trois mondes sont soumis au Destin, à la Loi et constituent l'Univers créé. Au-dessus de ce dernier, il y a le Royaume de Dieu, c'est-à-dire l'Absolu, l'Incréé, le domaine de la grâce, là où le Destin n'a plus d'empire et où s'exercent la Miséricorde et la Liberté. Cette distinction essentielle entre la nature et le Surnaturel, le fini et l'Infini, est ce qui caractérise les trois grandes religions qui se réclament de la révélation primitive faite à Abraham: le christianisme, le judaïsme et l'islamisme. Toutes trois professent la transcendance divine et se gardent bien d'identifier la Nature et son Auteur; elles préservent ainsi leurs fidèles du poison fascinant du panthéisme; car ce dernier n'est qu'un matérialisme déguisé, faussement idéalisé, et c'est ce qui en fait le charme trompeur et décevant. Dans cette distinction capitale entre le Monde et Dieu, disons-nous, réside la grande et antique Tradition. Les études les plus récentes et les plus lumineuses sur la Kabbale juive et sur les vrais enseignements des anciens rabbins, celles d'un chevalier Drach, d'un Vulliaud, etc., tout en faisant justice de l'accusation gratuite de panthéisme lancée, à la légère, contre les dits enseignements, montrent, au contraire, leur caractère nettement monothéiste et leur parfaite concordance avec les doctrines les plus élevées du christianisme. Malgré les divergences de détail ou d'expression, le fond n'a pas varié depuis l'origine : il consiste à affirmer l'existence d'un Etre absolu qui, ayant créé l'univers, ne l'a pas laissé aller au hasard, ni abandonné à jamais à la rigueur du Destin, mais s'est penché sur lui pour le sauver de son inertie native et l'amener au royaume de la Liberté. Ce geste de miséricorde et de secours, c'est le Messie, c'est l'Incarnation du Verbe, l'Envoyé du Père. La croyance à la transcendance et à la sollicitude divine pour la Création se ramène donc, en définitive, à la doctrine de Jésus-Christ Fils unique de Dieu « par qui tout a été fait » et tout doit être sauvé, et si l'unanimité des fidèles des trois grandes religions précitées n'y adhèrent pas encore, c'est que les temps ne sont pas révolus : il viendra une époque où ils y adhéreront, car ce dogme forme le fond, la quintessence de leur foi en un Dieu providence, indépendant du monde. Selon cette doctrine, il doit y avoir communication constante entre le Créateur et Son oeuvre, entre le Ciel et la terre. Quelle sera, parmi les Puissances créées, celle plus spécialement chargée de cette communication, celle qui, selon l'expression de F.-Ch. Barlet, « aura pour mission de recevoir l'influx éternel de divinité, de le réaliser par un effort personnel adéquat », puis de le transmettre au monde sensible et, par contre, de faire évoluer et progresser ce dernier, de manière à le spiritualiser, à son tour, et à le conduire vers son Créateur ? « Ce sera l'Homme, l'homme universel, fait à l'image de Dieu et dont l'humanité terrestre n'est que le rudiment primordial. » Nous trouvons, en effet, dans la constitution de l'homme la correspondance exacte de celle que nous avons signalée pour le Cosmos : par son corps physique il appartient au monde sensible; par son magnétisme et ses fluides il est en relation avec l'Astral et, enfin, son intelligence le fait communiquer avec l'Abstrait. Voilà pour le plan soumis au Destin. Quant au Royaume surnaturel de la Liberté, l'homme peut aussi se mettre en rapport avec lui, grâce à son âme éternelle qui est, comme dit Sédir « la fenêtre par laquelle nous voyons Dieu. » Nous avons déjà prouvé, par les textes théologiques les plus vénérables, que la croyance à la présence spéciale de Dieu en nous est conforme à l'orthodoxie chrétienne. Nous pouvons donc dresser le tableau ci-après qui montre, en raccourci, les correspondances ci-dessus signalées : (correspondances) Nous saisissons, ainsi, toute l'importance, la dignité du rôle de l'homme et, en même temps, sa grande responsabilité. Collaborateur du Verbe divin dont la lumière existe en lui, prêtre universel, intermédiaire entre la Nature et Dieu, l'homme a la charge morale des créatures inférieures à lui, dont il est le chef et auxquelles il doit communiquer les grâces reçues du Soleil spirituel qui est le Christ. Heureux sera-t-il s'il comprend l'excellence de sa mission et la réalise par son effort persévérant vers la sainteté ! Mais combien grande sera sa chute, lourde sa dette et profonde sa misère si, intervertissant son rôle, il devient un sujet de scandale pour les êtres placés au-dessous de lui! Pour éviter un pareil malheur et pour remplir dignement son rôle, il lui faut recourir à l'humilité; qu'il imite la parfaite soumission de son Seigneur Jésus, en se souvenant que « le serviteur n'est pas plus grand que son maître. » Si le Verbe éternel a accepté de quitter les régions de la gloire pour descendre dans le relatif, pour revêtir nos limites et nos misères, donnant ainsi l'exemple d'une obéissance absolue au Père et d'un sacrifice inimaginable pour nous, de quel droit l'homme, faible créature, se révolterait contre les décisions divines ? Qu'il se souvienne qu'il n'est qu'un point du vide auquel il a plu à Dieu de donner l'être, qu'il ne peut rien sans l'aide d'En haut. Vouloir se faire de soi-même un centre indépendant est donc contraire à toute équité, à toute vérité, à toute justice; c'est orgueil et folie. Comment l'homme pourrait-il remplir son rôle, lui, cellule dans l'Infini, si, au lieu de concourir spontanément à l'oeuvre universelle, il n'avait cure que de soi-même; s'il faisait de son « moi » l'unique objet de sa sollicitude, au détriment de tout le reste qu'il chercherait à exploiter et tyranniser ? Pour réaliser sa mission, il faut, au contraire, qu'il se dépouille de son égoïsme et de son orgueil, qu'il se renonce lui-même, qu'il s'humilie et qu'à l'imitation du divin Maître, il donne sa vie pour les autres. La Tradition monothéiste et l'attitude du disciple Nous avons vu que la cosmogonie biblique et chrétienne, aussi bien que la science astrologique établissent nettement que l'Univers, loin d'être infini ou émané de Dieu de toute éternité, est, au contraire, créé par Lui dans les bornes de l'espace et du temps; il représente le Relatif, le limité et non pas l'Etre en soi; l'Absolu transcende le Cosmos; le Surnaturel dépasse la Nature. Comme conséquence de ce premier principe, la Tradition la plus vénérable, celle qui remonte aux plus anciens patriarches, enseigne que la Création est l'objet d'une continuelle Providence de la part du Créateur, d'une sollicitude qui s'est manifestée par l'incarnation du Verbe, laquelle a pour objet de délivrer le Monde du joug du Destin et de Satan et de l'amener au Royaume de la Grâce et de l'Amour. L'oeuvre de salut du Messie, c'est d'arracher les créatures à la servitude du péché à l'inertie égoïste dont elles sont issues - inertie forcément génératrice de limitations et de souffrances - pour les recréer dans la Liberté. Cette doctrine ne comporte point dua-lité de principes, comme on pourrait le croire : principe du mal ou du péché et principe du bien ou de la grâce. Non, il n'y a qu'un Principe souverain, c'est l'Absolu, le Bien parfait; le Relatif, l'Imparfait, créé dans le temps, tend à se fondre dans l'Éternel, par l'action média-trice du Verbe. Le terme final sera l'Unité. On ne peut donc guère reprocher à la doctrine traditionnelle de méconnaître l'Unité du Tout. C'est, au contraire, l'unité qu'elle proclame mais une unité qui laisse entière la distinction entre le contingent et l'Absolu, entre le créé et l'Incréé. C'est une unité toute factice que nous présentent les divers panthéismes, rationalismes et autres systèmes inventés par la raison humaine. Pour les plus subtiles d'entre ces constructions de l'intelligence, la Nature serait la manifestation éternelle et nécessaire de l'Absolu. Dieu serait l'âme de l'Univers, mais cette âme serait toujours unie à son corps et ne pourrait avoir d'existence que par lui; il serait inséparable d'elle et elle serait immanente en lui. De sorte qu'en définitive non seulement Dieu vivrait dans chaque être, mais chaque action, chaque phénomène qui a lieu dans le Monde serait produit directement par Lui. Présentée ainsi, cette thèse est séduisante pour l'intelligence à cause de l'apparence d'unité dont elle se réclame et de ses points de contact avec le monisme scientifique contemporain qui s'appuie sur l'unité de la matière et sur l'immutabilité des lois naturelles. Pour démasquer l'erreur de ces doctrines, il suffira de voir si elles peuvent se concilier avec le grand problème du mal. En second lieu, pour découvrir le poison moral qu'elles contiennent, nous observerons l'attitude de leurs disciples devant la vie, en la comparant à celle de l'homme de foi monothéiste. Tout d'abord, examinons leur vice doctrinal. Il nous semble impossible de concilier ces systèmes avec l'existence, pourtant indéniable, de la souffrance universelle, car un Cosmos manifestant éternellement son Dieu avec douleur choque la saine raison. Si la Nature est émanée de l'Absolu, si elle est cet Absolu réalisé dans le Monde, selon les systèmes en question, comment admettre qu'une telle réalisation soit accompagnée d'angoisse ? Car il faut détruire toutes nos notions de logique, ou, si les mots ont un sens, l'expression Absolu com-porte nécessairement l'idée de Perfection, de Béatitude, d'Harmonie, de Paix totale et immuable. Un Absolu soumis à des souffrances à des imperfections, à des vicissitudes, asservi à un Destin, c'est inadmissible. Et, pourtant, la thèse panthéiste revient à affirmer cela. Avec elle, le mal moral apparaît encore tout aussi inexplicable, comme nous l'avons déjà dit, car toute force étant générée par le même invisible Dieu, âme de l'univers les forces de destruction, les violences, les injustices, les tyrannies seraient également et direc-tement produites par Lui! Et si, maintenant, nous observons l'attitude de tous ces théoriciens devant la vie nous la trouvons imprégnée de ce même vice qui caractérise leurs systèmes. Pour eux, il n'y a pas un Principe transcendant, dépassant la Nature et l'Homme terrestre; Il est seulement immanent en eux, réduit ainsi à une simple abstraction n'ayant d'autre existence que celle qu'Il manifeste par le Monde, auquel Il est lié à jamais et en dehors duquel Il ne saurait exister. D'où il suit que l'humble obéissance à une Volonté extra-terrestre, supra-humaine, n'est plus requise et n'a plus d'objet. Cette Volonté, selon eux, est celle même qui se manifeste dans l'homme : le panthéiste, le stoïcien, le nietzschéen s'appuieront donc uniquement sur leur propre Vouloir déifié. « O homme, s'écrie saint Paul, toi plutôt qui es-tu pour contester avec Dieu ? Le vase d'argile dira-t-il à celui qui l'a formé : Pourquoi m'as-tu fait ainsi ? Le potier n'est-il pas maître de l'argile... » (Romains IX, 20). Cette image saisissante du grand apôtre correspond à la vérité pure. En toute justice et équité les forces créées doivent être dirigées selon le but pour lequel elles ont été formées, conformément à la volonté d'harmonie du Créateur. Mais, s'il n'y a pas de Créateur, s'il n'y a qu'un Principe abstrait dispersé en toutes choses, selon la thèse panthéiste, il n'y a plus de raison pour que les forces que nous constatons en nous soient canalisées, maîtrisées, dirigées selon une loi morale supérieure; elles sont elles-mêmes la cause première ou, du moins, la manifestation de la Cause première. L'homme, devenant son propre dieu, n'a plus qu'à s'exalter dans l'orgueil du « surhomme » prenant sa volonté personnelle pour souveraine maîtresse. Le sacrifice spontané de tout l'être est contraire à l'esprit même de ses doctrines. Pourquoi s'immolerait-il, en effet, si l'homme est convaincu de sa propre divinité ? A la rigueur, il abandonnerait volontiers et par calcul égoïste des biens sensibles et transitoires dans l'espoir d'en avoir d'autres plus précieux et durables, mais il ne renoncerait pas à sa propre volonté, à la racine de son moi, puisque, au fond, selon ces systèmes, ce moi serait Dieu, cette volonté, la volonté même de l'Absolu. On voit par là le vice de ces théories : Au fruit on peut juger de l'arbre. » Autrement lumineuse est la doctrine traditionnelle monothéiste. Avec elle, le problème du mal, sans doute toujours un peu épineux, perd, toutefois, son aiguillon; il n'est plus inexplicable comme dans la conception d'une Nature manifestant l'Absolu avec douleur et cela pour toujours et depuis toujours, hypothèse inadmissible. Ici la Nature n'est plus qu'une Création limitée, commençant et finissant dans le temps; elle est soumise à des vicissitudes, parce que, arrachée au non-être, elle constitue une con-quête sur l'inertie naturelle - cause relative du mal - en voie d'évolution et de progression vers le Principe actif, vers Dieu. Les souffrances de la créature sont le résultat de l'abus de la liberté relative qui lui est accordée en vue de s'affranchir; elles ne sont ni une vengeance du Créateur ni même une punition, mais une sauvegarde et comme un garde-fou pour retenir l'être, encore jeune et inexpérimenté, sur la mauvaise pente. Elles ressemblent à ces petites pénitences qu'un père affectueux et vigilant inflige, pour leur bien, à ses enfants désobéissants, en vue de les amender et de les rendre capables de plus de bonheur. D'ailleurs, ces souffrances, nées et évanouies dans le Relatif, sont transitoires; pour l'Absolu, elles sont comme si elles n'avaient jamais existé. Elles forment, avons-nous dit, la rançon du libre arbitre; or, sans le libre arbitre, les créatures eussent été simplement des automates incapables de mal, mais incapables aussi de bien et, par conséquent, inaptes à conquérir le vrai bonheur qui consiste dans la liberté absolue, laquelle est la vie même de Dieu. L'être n'apprend véritablement et n'as-simile que ce que l'expérience lui révèle; sans la douleur attachée à l'erreur et à l'imperfection, comment les discernerait-il du Vrai et du Par-fait ? Aussi la souffrance est-elle pour lui non seulement la suite de ses égarements, mais, surtout, la cause de ses progrès; elle est médicinale et bienfaisante. Quant aux péchés, imperfections et erreurs, ils sont explicables : bien que Dieu soit au fond de chacune de Ses créatures pour la protéger et la diriger, Il ne Se confond toutefois pas avec les êtres créés, comme dans les diverses théories rationalistes et panthéistes dont nous avons parlé. Ils ne sont pas émanés, engendrés par Lui, mais créés par Son action toute-puis-sante. Jésus est bien, dans nos âmes, la Lumière qui nous sollicite au salut, mais Il ne nous y force pas, Il ne S'identifie pas avec notre propre vouloir ni avec notre pensée, puisqu'ils font partie de notre personnalité limitée et qu'Il transcende toute limite. S'il nous forçait, s'Il S'identifiait avec notre vouloir, Il l'annihilerait et, par conséquent, Il ne nous sauverait pas. Or Il veut notre salut. Lorsque, à force de lutte persévérante et spontanée contre nous-mêmes, nous serons entrés dans la nuit de la volonté personnelle c'est alors que le Christ, naissant en nous remplacera notre vouloir librement mort par le Sien et que le disciple, enfin affranchi, pourra dire avec l'Apôtre : « Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi. » En attendant cette délivrance bienheu-reuse, le croyant accepte les épreuves avec une douce résignation. Il sait qu'appelé à l'existence par la bonté toute gratuite du Créateur, quand rien ne lui était dû, la vie qui lui est accordée, malgré les amertumes qui l'accompagnent méritées du reste par ses propres fautes ,- c'est un immense bienfait dont il doit remercier son Auteur. Sa libération de toute douleur sera d'ailleurs prochaine, puisque la Création a une fin et que cette fin est en Dieu; un jour ou l'autre, grâce à la médiation du Sauveur, il va échapper au monde de la limite, inséparable de la souffrance, pour entrer dans le Royaume de la Liberté. Une telle espérance est refusée au pan-théiste; pour lui, il peut y avoir plusieurs plans invisibles dans la Nature, mais celle-ci étant infinie et éternelle, puisqu'elle manifeste Dieu même, il n'y a aucun moyen de sortir d'elle; l'évolution en son sein sera sans terme et, par conséquent, sans possibilité d'une libération définitive. C'est donc une divergence philosophique profonde qui est à la base des diverses attitudes de l'homme en présence de la vie et de la douleur : 1° l'attitude bouddhique est toute négative; elle comporte la fuite, le retrait, le renoncement à tout pour ne pas en souffrir; 2° l'attitude stoïcienne, nietzschéenne oppose la volonté, la détermination personnelle; c'est l'exaltation du « moi » dont les forces sont nécessairement limitées pourtant; 3° enfin, l'attitude de l'homme de foi monothéiste, la seule qui soit conforme à l'équité et à la vérité des choses, c'est l'obéissance à la Volonté suprême, l'humble subordination des énergies créées au Principe créateur, la courageuse acceptation des responsabilités, le sacrifice, l'oubli de soi par amour, procurant la descente toute puissante de la grâce surnaturelle et l'exaucement de la prière. C'est l'attitude du vrai disciple du Christ. |