LE SALUT POUR TOUS par Émile Catzeflis Le salut est-il assuré à tous les êtres ? ou bien, à la mort, y a-t-il fixation éternelle, dans la béatitude pour les uns, dans le malheur pour les autres, selon ce qui est communément enseigné ? Autrement dit, l'enfer est-il éternel ? Dieu, dans Sa bonté, ne donne-t-Il pas au coupable, après cette vie, le temps nécessaire pour expier ses fautes, les racheter et se réhabiliter ? Nous lisons dans l'Écriture (Ezéchiel XXXIII, 11) : « Je jure par Moi-même, dit le Seigneur Dieu, que je ne veux point la mort de l'impie, mais qu'il se convertisse, qu'il quitte sa mauvaise voie et qu'il vive. » L'enfer, en effet, n'est que l'état d'opposition de notre volonté personnelle à la Volonté divine. Saint Bernard n'a-t-il pas dit : « Que la volonté propre cesse et il n'y aura plus d'enfer ». Or, comme les forces de la créature sont limitées, il est impossible que sa résistance à la Volonté suprême puisse durer éternelle-ment. Il faut donc bien, un jour, qu'elle cède et que l'être revienne à résipiscence : c'est alors le commencement du chemin de retour au Père, car comment supposer que Dieu ne reçoive pas le pénitent, lorsqu'Il nous ordonne à nous, tout misérables que nous sommes, de pardonner toujours ? Si des êtres devaient se perdre à jamais, le Père qui est infinie miséricorde, ne les créerait pas : dans Sa prescience divine, en les créant, Il sait quel sera leur sort. Sa liberté étant illimitée, rien ne peut L'obliger de donner l'existence à des âmes qui vont souffrir éternellement. D'où il suit que tous les êtres sont prédestinés au salut et y arrivent en fait, mais au bout d'épreuves plus ou moins longues, selon le degré de bonne volonté déployée par chacun. Toutefois, si cette thèse était contraire à la lettre et à l'esprit des Écritures, il faudrait l'abandonner, car notre faible raison doit s'humilier et avouer son impuissance en présence de la Révélation divine. Or, non seulement cette doctrine n'est pas en contradiction avec les livres saints, mais elle en découle clairement, comme nous allons essayer de le démontrer. Pour cela, nous examinerons d'abord les textes des Évangiles, des Actes des Apôtres et des Épîtres; nous verrons ensuite que l'esprit du christianisme tout entier est en opposition avec le dogme d'une damnation éternelle et s'accorde, au contraire, avec la croyance à un salut assuré pour tous, à une échéance plus ou moins éloignée. Étudions en premier lieu les Évangiles. Nous lisons dans celui de saint Jean (chap. XVII, versets 1 et 2) : « Jésus... leva les yeux au ciel et dit : « Mon Père, l'heure est venue, glorifiez votre Fils, afin que votre Fils vous glorifie; comme vous lui avez donné puissance sur tous les hommes, afin qu'il donne la vie éternelle à tous ceux que vous lui avec donnés... » Ainsi, Jésus-Christ a reçu de Son Père puissance sur tous les hommes afin qu'Il donne la vie éternelle à tous. « Tout ce que mon Père me donne viendra à moi et je ne jetterai point dehors celui qui vient à moi; car je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais pour faire la volonté de celui qui m'a envoyé. Or, la volonté de mon Père qui m'a envoyé est que je ne perde aucun de tous ceux qu'il m'a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour. » (Jean VI, 37 à 39). Dans le premier passage cité, Jésus dit que le Père lui a donné puissance sur tous les hommes; dans le second, il avait déclaré que tout ce que Son Père lui a donné viendra à lui et qu'il ne jettera point dehors celui qui vient à lui, car la volonté du Père est qu'il ne perde aucun de ceux qu'Il lui a donnés. Évidemment, le Christ ne dit pas que tous viendront à lui en même temps, ni au cours ou au bout de la Vie présente, mais simplement qu'ils viendront à lui. Pour le Seigneur, en effet, tout ce qui doit arriver est déjà présent : Il sait que l'enfant prodigue ira manger son bien avec les ivrognes et les femmes de mauvaise vie, mais Il sait aussi qu'il reviendra un jour à la maison du Père. Toutefois, dans divers textes de l'Évangile, il est parlé du « feu éternel »; mais il ne faut pas oublier, d'abord, que les évangiles ont été, pour la plupart, rédigés en grec et que, dans cette langue, le mot « aïon » veut dire « cycle d'une longue durée », qui dure tant que dure la Création, mais qui n'est pas éternel, dans le sens absolu que nous entendons aujourd'hui. Ensuite, si le « feu » qui symbolise la loi de la souffrance consécutive au péché, est perpétuel en lui-même, comme toutes les lois qui régissent le Monde, il n'est pas dit que l'on y demeure perpétuellement; on y reste tant que le destin n'est pas satisfait, tant que l'être cou-pable n'a pas réparé ses méfaits antérieurs. Jésus l'a déclaré : « Vous ne sortirez pas de là avant d'avoir payé jusqu'à la dernière obole » (Matthieu, chap. V, verset 26), ce qui indique clairement qu'on en sortira, un jour, lorsque cette dernière obole aura été payée. Voici un autre passage qui montre que c'est bien dans ce sens qu'il faut interpréter l'épreuve du feu : « Si ton oeil est pour toi une occasion de chute, arrache-le; mieux vaut pour toi entrer avec un seul oeil dans le royaume de Dieu, que d'être jeté, ayant deux yeux, dans la géhenne du feu, là où leur ver ne meurt point et où le feu ne s'éteint point. Car tout homme sera salé par le feu et toute offrande sera salée avec du sel. » (Marc IX, 46 à 48). Le texte est net : dans cette géhenne le feu ne s'éteint point et tout homme y passera pour y être salé, comme l'offrande est salée avec du sel, car les épreuves et les souffrances purifient l'être et le rendent apte au royaume de l'Amour. Il est évident qu'en disant que « tout homme sera salé par le feu », Notre Seigneur n'a pas entendu dire que tout homme y restera éternellement, bien qu'Il ait affirmé que ce feu est inextinguible en soi. Le même texte de saint Matthieu (chap. XVIII, 8 et suiv.) est encore plus sugges-tif; nous allons le reproduire en entier : Dans ce passage également, il est parlé du feu éternel, mais combien n'est il pas clair, par la suite du discours du divin Maître, qu'Il n'a pas entendu affirmer que le coupable y demeure éternellement, puisque, immédiatement après, Il ajoute de prendre garde de mépriser aucun de ces petits qui passent par la géhenne du feu, car leurs anges, qui voient sans cesse la face du Père, doivent les en sauver un jour. En effet « le Fils de l'homme est - précisément - venu sauver ce qui était perdu. » Puis, suit la parabole de la brebis égarée que le bon pasteur n'a de cesse qu'il ne l'ait retrouvée et ramenée au bercail. Si l'homme, tout imparfait qu'il est, agit ainsi à l'égard de la brebis égarée, à plus forte raison le Père compatissant ne laissera-t-Il se perdre définitivement aucune de ses créatures, car « Sa volonté est qu'il ne se perde pas un seul de ces petits. » Comment Dieu peut-Il nous dire (dans saint Luc VI, 35 et 36) : « Aimez vos ennemis, faites du bien, prêtez sans en rien espérer et alors votre récompense sera grande et vous serez les fils du Très Haut, parce qu'Il est bon pour les ingrats même et pour les méchants. Soyez donc miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux »; comment, dis-je, peut Il nous ordonner cet amour des ennemis, quand Lui même condamnerait une partie de ses propres enfants et créatures à un enfer éternel ? Ne nous affirme-t-Il pas, au contraire, que « Dieu n'a pas envoyé Son Fils dans le monde pour juger le monde, mais afin que le monde soit sauvé par Lui » ? (Jean III, 17). Et lorsque Jacques et Jean Lui ont demandé s'il fallait faire descendre le feu du ciel pour consumer les Samaritains qui n'avaient pas voulu Le recevoir, ne les a-t-Il pas repris en ces termes ? : « Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes ! Le Fils de l'homme est venu non pas pour perdre les vies d'hommes, mais pour les sauver » (Luc IX, 52 à 56). Nous verrons, dans la suite de cette étude, que les Apôtres, après leur illumination par le Saint-Esprit, ont compris la chose ainsi et ont cru au salut pour tous les êtres, bien qu'ils l'aient exprimé d'une manière voilée. II Nous trouvons, dans les écrits des Apôtres, divers textes qui ne peuvent être interprétés que dans le sens d'un salut assuré pour tous. En voici un tiré de la seconde épître de saint Pierre (chap. III, versets 8 et 9) : « Mais il est une chose, bien aimés, que vous ne devez pas ignorer, c'est que, pour le Seigneur, un jour est comme mille ans « et mille ans sont comme un jour ». Non, le Seigneur ne retarde pas l'accomplissement de sa pro-messe, comme quelques-uns se l'imaginent; mais Il use de patience envers vous, ne voulant pas qu'aucun périsse, mais que fous viennent à la pénitence. » Si, pour le Seigneur, « mille ans sont comme un jour » et s'il use de patience envers tous « ne voulant pas qu'aucun périsse », comment n'accorderait-il aux hommes, pour opérer leur salut, que les quelques années fugitives d'une seule vie, souvent écourtée pour le plus grand nombre et durant laquelle beaucoup parmi les hommes, n'entendent même pas parler de ce salut ? Les déclarations de saint Paul sont tout aussi catégoriques : « Car cela est bon et agréable à Dieu notre Sauveur qui veut que tous les hommes soient sauvés et qu'ils viennent à la connais-sance de la Vérité... » (1re à Timothée II, 3 et 4). Or la plupart ne parviennent pas, en cette vie, à la connaissance de la vérité et sans qu'il y ait, en cela, de leur faute, puisque l'Évangile n'a pas pénétré jusqu'à eux. Il faut donc qu'ils bénéficient d'autres vies au cours des-quelles ils parviennent à cette vérité dont la possession leur est si formellement promise. Voici un autre passage du même Apôtre (1re aux Corinth. XV, 27 et 28) : Pourquoi, après avoir déclaré que tout est assujetti au Fils, l'Apôtre ajoute-t-il, dans le verset suivant : « Lors donc que toutes choses lui auront été (dans le futur) assujetties... ? » Y a-t-il là contradiction ? Nullement : dans le premier verset, il s'agit de l'assujettissement de tout au Verbe en sa qualité de Créateur; dans le second, le Verbe est représenté comme Sau-veur de toutes choses; c'est comme une seconde création de tous les êtres dans le plan spirituel. Et saint Paul dévoile clairement sa pensée, en ajoutant : « afin que Dieu soit tout en tous ». C'est pourquoi, en disant : « Lors donc que toutes choses auront été assujetties au Fils », c'est-à-dire régénérées, sauvées par Lui, l'Apôtre ne contredit nullement sa première affirmation que tout est d'ores et déjà assujetti au Fils, créé par Lui. Il est notoire, en effet, en mystique chrétienne, que le salut est considéré comme une seconde naissance, une nouvelle création. Notre Seigneur l'a dit à Nicodème : « En vérité, je te le dis, nul, s'il ne naît de nouveau, ne peut voir le royaume de Dieu... Ce qui est né de la chair est chair et ce qui est né de l'Esprit est esprit. » (Jean III, 3 à 6). Le premier assujettis-sement des êtres au Fils, dont parle l'Apôtre, est leur création selon la matière; le second assu-jettissement sera leur récréation par Lui selon l'Esprit et tous doivent y parvenir selon les paroles citées plus haut du discours aux Corinthiens. L'épître aux Romains, au chapitre XI, est encore plus affirmative. Qu'on nous excuse, pour la clarté de l'exposition, de devoir citer tout le passage y relatif (versets 11 et suivants). Saint Paul parle des Juifs et dit : Ce texte est tellement net qu'il pourrait, en réalité, se passer de commentaire. Saint Paul demande (verset 11 ) si les Juifs qui n'ont pas voulu reconnaître le Christ, ont ainsi bronché de la voie du salut, afin de tomber pour toujours, et il répond : « Loin de là »; « quelle ne sera pas leur réintégration, sinon une résurrection d'entre les morts ? ». Une partie des Juifs ne sont ainsi tombés dans l'aveuglement que provisoirement « jusqu'à ce que la multitude des nations soit entrée dans l'Église » car si « maintenant ils sont ennemis quant à l'Évangile », ils sont aimés à cause des promesses faites à leurs pères. Dieu ne se repent pas de ses dons; sa vocation est immuable et la miséricorde qui a été faite aux Gentils servira aux Juifs à obtenir, à leur tour, miséricorde car Dieu effacera leurs péchés » et ainsi « tout Israël sera sauvé. » Comment l'Apôtre pourrait-il affirmer que les Juifs qui ont rejeté le Christ, ne sont pas tombés pour toujours dans l'aveuglement, mais qu'ils seront de nouveau « amis » et que leur réintégration sera comme une résurrection, si, dans sa pensée, ces Juifs morts dans leur incré-dulité et leur haine, étaient, selon l'enseigne-ment ordinaire, fixés pour toujours dans la réprobation ? Comment pourrait-il dire que « tout Israël sera sauvé » si c'est seulement la dernière génération de Juifs, qui viendra à la fin des temps, qui se convertira à l'Évangile, tandis que des centaines de générations, auparavant, seront nées et mortes dans leur obstination ? Si c'est seulement la dernière génération qui sera sauvée, on ne peut pas décemment soutenir que tout Israël aura été sauvé, mais seulement une minime fraction de ce peuple, contrairement à l'affirmation de saint Paul. Le salut de tout Israël ne peut donc s'expliquer qui si ce sont les mêmes Juifs récalcitrants qui reviennent à la vie, ici ou ailleurs, pour expier, pour se convertir et ainsi obtenir miséricorde « car, dit l'Apôtre, Dieu a voulu que tous fussent enveloppés dans l'incrédulité, pour exercer sa miséricorde envers tous. » Et c'est là le mystère et le secret que l'Apôtre veut bien dévoiler à ses frères (verset 25). Ce passage des Épîtres ne peut pas s'expliquer d'une autre manière. Il serait un tissu de contradictions indigne du génie lumi-neux du grand Apôtre si, dans sa conviction, l'homme n'avait qu'une vie unique pour gagner le salut, au bout de laquelle son sort est fixé à jamais ? Dans cette dernière hypothèse, comment « ceux qui sont tombés dans l'aveuglement » et morts en cet état, pourraient-ils encore revenir à résipiscence ? Comment Dieu pourrait-il s'exercer sa miséricorde envers tous », aussi bien envers ceux qui « sont maintenant enne-mis » (du temps de saint Paul) qu'envers ceux qui sont devenus amis ? La chose serait impossible. Le retour à résipiscence et le salut de tous les Juifs, affirmés si catégoriquement par l'Apôtre, ne peuvent donc s'expliquer que par la doctrine de vies successives accordées à l'homme pour travailler à son salut (sur cette terre même ou dans un autre « purgatoire », il n'importe), et au cours desquelles il accède graduellement à la grâce sanctifiante. Nous verrons, dans la suite de cette étude, que cette thèse est d'ailleurs en harmonie avec tout l'esprit du christianisme et résulte indirectement de l'enseignement évangélique. III Si les textes du Nouveau Testament que nous avons produits dans les deux précédents articles, et qui énoncent, pourtant, clairement, le Salut assuré pour tous, ne paraissaient pas entièrement convaincants pour quelques lec-teurs, nous les prierions de considérer, avec nous, l'esprit même de l'Évangile pour voir s'il s'accorde ou non avec la conclusion à laquelle nous a conduit l'étude des textes. En d'autres termes, il y a lieu de se demander s'il résulte de l'ensemble de l'enseignement du Christ que le ciel et l'enfer sont des lieux où l'on accède après la mort, pour y demeurer à jamais; ou bien si ce sont des états d'être, l'individu passant par l'enfer, pour y expier les fautes commises et aboutissant, progressivement, une fois cette expiation terminée, à l'état de bonheur éternel auquel le Père, dans sa bonté, destine toutes les créatures. Quelle est la réponse du Sauveur à ces questions ? Le ciel et l'enfer sont-ils des lieux où l'on doit entrer au sortir de cette vie, et pour toujours, selon le mérite de chacun ? Le Royaume de Dieu est-il un endroit de béatitude où, pour entrer, il faut un minimum de vertu, de sorte que, si ce minimum n'est pas atteint, l'être va dans le lieu de souffrance éternelle ? Tout, dans l'enseignement du Maître, contredit de telles assertions. Aux pharisiens qui demandaient quand viendrait le royaume de Dieu, Jésus a répondu : « Le royaume de Dieu ne viendra point d'une manière qui le fasse remarquer. Et l'on ne dira point : Il est ici, ou Il est là. Car, dès à présent, le royaume de Dieu est au milieu de vous. » (Luc XVII, 20 et 21). Ce royaume n'est donc pas un lieu déterminé, puisqu'on ne peut pas dire de lui qu'il est ici ou là, mais il est au dedans de chacun de nous; c'est un état du Moi auquel il faudra arriver par une lutte persévérante contre l'égoïsme du vieil homme, de manière à préparer la naissance de l'homme nouveau de la grâce. Et cet état se développe. C'est pourquoi le Maître le compare à un « grain de sénevé qu'un homme a pris et semé dans son champ. C'est la plus petite de toutes les semences; mais, lorsqu'il a poussé, il est plus grand que toutes les plantes potagères et devient un arbre, de sorte que les oiseaux du ciel viennent s'abriter dans ses rameaux. » Bien loin d'enseigner qu'il suffit d'un minimum de vertu pour entrer dans ce royaume; que l'on n'a, pour cela, qu'à éviter les fautes graves contre la Loi (ou bien à mourir après s'en être confessé), Jésus affirme, au contraire, que n'y entrent que les « élus », les purs, les pauvres en esprit, ceux qui pleurent et souffrent persécution pour la justice, les doux, les miséricordieux, les pacifiques (Voir le Sermon sur la montagne, Matth. V, 3 et suivants). Or, « Il y a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus » (Matth. XX, 16). Cela veut-il dire que les autres, le grand nombre, sont exclus à jamais du Royaume ? Évidemment non mais leur route est plus longue; ils l'allongent eux-mêmes par leur paresse et leur désobéissance; néanmoins, ils devront arriver au terme, un jour et seront alors, à leur tour, des élus, car, comme nous l'avons déjà démontré, « le Père veut que tous ses enfants soient sauvés. » S'il suffisait de mourir sans faute grave sur la conscience, et même avec un grand nombre de fautes pardonnées par la confession, pour entrer au Ciel, le Christ n'aurait pas dit : « Le royaume des cieux se prend par violence et ce sont les violents qui l'emportent » (Matth. XI, 12). Et puis « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à soi-même, qu'il se charge de sa Croix et qu'il me suive; car celui qui voudra sauver sa vie, la perdra, et celui qui perdra sa vie pour l'amour de moi, la retrouvera » (Matth. XVI, 24 et 25). Il ne s'agit donc pas, simplement d'éviter les fautes graves et d'avoir une vertu moyenne, pour avoir accès au Royaume; il faut se faire violence, porter la croix tous les jours, renoncer à soi, à ses biens « car, il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille, qu'à un riche (attaché à ses richesses s'entend) d'entrer dans le royaume de Dieu (Luc XVIII, 25). Il faut enfin renoncer à sa propre science et devenir humble et simple comme un enfant : « Quiconque ne recevra point le royaume de Dieu comme un enfant, n'y entrera point. » (Luc XVIII, 17). Il faudrait citer tout l'Évangile. De sa lecture, il résulte une distinction bien nette entre le salut assuré à tous, en ce sens que nul ne sera perdu pour toujours, et que tous devront finalement être régénérés, selon les nombreux textes déjà cités, et entre l'entrée effective dans le Royaume céleste, dans lequel n'ont accès, à chaque fois, que quelques-uns, les parfaits, ceux qui se sont entièrement dépouillés d'eux-mêmes et qui ont achevé leur travail d'affranchissement. Ces derniers sont le petit nombre, élus à chaque période ou jugement partiel, bien que tous doivent parvenir, un jour, à cet état bien-heureux. Notre-Seigneur établit clairement cette distinction dans sa réponse au jeune homme de qualité qui lui demandait ce qu'il lui fallait faire pour acquérir la vie éternelle (Luc XVIII, 18 et suivants) : « Vous savez les commandements, commença-t-Il par lui dire : Vous ne tuerez point; vous ne commettrez point d'adultère; vous ne déroberez point... » marquant bien par là, que cette observance de la loi négative est le commencement de la voie qui conduit au salut. Mais quand le jeune homme lui eut répondu qu'il avait gardé tous ces commandements dès sa jeunesse, Il lui dit : « Il vous manque encore une chose : vendez tout ce que vous avez et le distri-buez aux pauvres et vous aurez un trésor dans le ciel; puis venez et suivez-moi »; ce qui démontre que la seconde phase de l'ascèse qui conduit au Ciel, consiste, non plus à se contenter de la simple obéissance à la Loi qui défend de faire ceci ou cela, mais à aller plus loin dans la voie du renoncement, à sacrifier, s'il le faut, ses trésors, ses aises, son repos et à suivre Jésus. C'est cette dernière phase seule qui finit par donner accès au Royaume; la première n'est qu'une préparation, nécessaire mais non suffisante par elle-même. Et comme cette seconde et définitive ascèse est dure pour la nature, impitoyable à l'égoïsme, peu la suivent, car il y faut un long acheminement préalable. « Entrez par la porte étroite; parce que la porte de la perdition est large et le chemin qui y mène est spacieux et il y en a beaucoup qui y entrent. « Que la porte de la vie est petite ! que la voie qui y mène est étroite, et qu'il y en a peu qui la trouvent ! » (Matth. VII, 13 et 14). Le plus grand nombre ne la trouvent pas tout de suite, en effet, et hésitent de longs siècles et pendant de nombreuses vies, avant de s'y engager, car elle répugne au vieil homme. Cependant la patience du Père est incommensurable et « ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu »; a répondu Jésus à ceux qui lui disaient : « Qui donc peut être sauvé ? » (Luc XVIII, 26 et 27). Le Père finit donc toujours par triompher des hésitations de ses enfants indociles et par ramener au bercail les brebis égarées; elles s'engagent alors dans la voie étroite de la pénitence qui est le commencement de la régénération et le gage du salut assuré pour tous. S'il fallait comprendre autrement les paroles du Sauveur, rapportées plus haut, on aboutirait à des conclusions impossibles, car si la perdition dont Il parle, veut dire, non plus cette perdition temporaire de l'enfant prodigue qui finira par retourner à la Maison du Père, mais la perdition définitive; si le chemin qui y mène « est spacieux » et suivi par le plus grand nombre, tandis que très peu suivent la voie du salut, presque tout le monde serait prédestiné à l'enfer et à la damnation éternelle ! Notre-Seigneur aurait manqué sa mission de Sauveur universel et tout le christianisme ne se comprendrait plus. On voit à quelle contradiction avec le texte et l'esprit de l'Évangile, se heurte la doctrine d'une vie unique pour gagner le Ciel, au bout de laquelle le sort de l'individu serait fixé pour toujours. A moins d'admettre que le grand nombre soient privés à jamais du Ciel, ce qui réduirait à néant le rôle de Jésus venu pour les sauver, et du moment qu'une vie unique ne suffit pas à mûrir l'être de manière à le rendre apte à l'entrée du Royaume - comme la chose est d'observation courante - il faut donc, de toute nécessité, que du temps soit donné à toutes ces créatures pour atteindre, par gradation, cette perfection d'amour sans laquelle le Ciel leur reste fermé. Que ce temps octroyé consiste en vies successives sur cette planète ou ailleurs, ou qu'il se passe dans un purgatoire quelconque, la chose importe peu. Il suffit seulement de savoir que la miséricorde du Père ne s'épuise pas aux portes de la vie présente, mais qu'Il accorde encore à ses enfants, dans l'au-delà, la faculté de continuer de travailler, de se perfectionner et de tendre vers Lui, et même de souffrir, s'il le faut, pour se réhabiliter à Ses yeux. Croire à un supplice éternel, ce serait croire au mal absolu, immortel, donc égal au bien, en opposition éternelle avec le souverain Bien. Ce serait du manichéisme et non du chris-tianisme. Dieu seul est éternel et les âmes humaines aussi puisqu'elles ne sont que des rayons de ce divin Soleil; elles sont le Christ en nous. « Il est la vraie lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde » a dit saint Jean (chap. 1, verset 9). Leur damnation serait donc celle du Verbe lui-même. Les âmes sont, en effet, entièrement distinctes des personnalités éphémères dans lesquelles elles résident ici-bas; elles sont immuables, impeccables, omniscientes. Seule la personnalité est sujette à la modification, au péché et par là au Destin et à ses contrecoups; c'est elle qui souffre le feu de l'enfer pour se purifier, payer ses dettes et, par là, préparer un temple digne de la visitation du Seigneur. A mesure qu'elle travaille et progresse, l'Esprit prend de plus en plus possession d'elle, jusqu'au jour où Il la juge mûre pour la nouvelle naissance et lui confère le baptême définitif la consacrant enfant de Dieu. Mais le Père n'opère ce grand prodige de la régénération, de l'entrée du relatif dans l'absolu, incompréhensible à la raison, que par pur amour, pour donner Sa propre vie et Sa béatitude au disciple fidèle qui a combattu jus-qu'au bout le bon combat. Il l'opère pour sauver, non pour damner. Ceux qui Lui résistent, qui s'enfoncent dans le péché et l'orgueil, le Père les laisse dans le Relatif, sous l'empire de la Fatalité qui se charge, elle, de les purifier par la souffrance, étant entendu que cette souffrance, comme tout ce qui est relatif, n'est guère éternelle. D'ailleurs, elle ne pourrait pas l'être, car l'éternité appartient à l'Absolu seul dans lequel toute douleur est inconcevable. Ainsi, quand nous souffrons, c'est notre Moi inférieur qui pâtit et non l'âme éternelle, rayon du Verbe. Que celle-ci soit divine, la chose résulte clairement des Écritures et n'est nullement en contradiction avec le dogme. Dans Sa prière à Son père (Jean XVII, 20 à 25) Notre-Seigneur dit : « ... Et je leur ai donné la gloire que vous m'avez donnée, afin qu'ils soient une seule chose, comme nous sommes une seule chose. Je suis en eux, et vous en moi, afin qu'ils soient consommés dans l'unité et que le monde connaisse que vous m'avez envoyé et que vous les avez aimés comme vous m'avez aimé... ». D'autre part, le Christ nous dit : « Tout ce que vous avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait. » (Matth. XXV, 40). Toute la doctrine de saint Paul repose sur cette foi en l'adoption divine. S'adressant aux Athéniens, debout au milieu de l'Aréopage, il leur dit : « ... car c'est en Dieu que nous avons la vie, le mouvement et l'être et... de Sa race nous sommes. Étant donc de la race de Dieu... » (Actes XVII, 26 à 28). Et ailleurs : « Il était bien digne de celui pour qui et par qui sont toutes choses, qu'ayant à conduire à la gloire un grand nombre de fils, il élevât par les souffrances au plus haut degré de perfection, le chef qui les a guidés vers le salut. Car celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés, tous sont d'un seul. C'est pourquoi Jésus-Christ ne rougit point de les appeler frères, lorsqu'il dit : « J'annoncerai ton nom à mes frères... » (Hébreux II, 10 à 12). « Car tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu. En effet, vous n'avez point reçu un esprit de servitude, pour être encore dans la crainte, mais vous avez reçu un Esprit d'adoption en qui nous crions : Abba ! Père ! Cet Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Or, si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers, héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ... » (Romains VIII, 14 à 18). Si Jésus, le Fils unique de Dieu, est notre frère, si c'est Lui qui constitue notre être essentiel, puisque le malheureux que nous secourons, le malade que nous visitons, le pauvre que nous habillons, c'est Lui-même, selon Sa propre affirmation, si nous devons être uns avec Lui dans le sein du Père, c'est que, comme le déclare saint Paul, nous sommes de race divine, du moins quant à notre âme éternelle. Celle-ci, d'essence immuable et parfaite, ne saurait donc être damnée et ce n'est que dans notre personnalité inférieure et éphémère que nous pouvons souffrir. Allons-nous prendre prétexte de cette conviction pour négliger la grande affaire de notre salut et nous dire qu'après tout, nous aurons bien le temps d'y songer ? Non, ce ne serait pas là le langage d'êtres parvenus à une certaine maturité spirituelle. La crainte de raisonner ainsi et de se laisser aller à la paresse et aux passions, n'est justifiée que chez les êtres jeunes et peu évolués, pour qui ne compte que le plaisir des sens. Aussi l'Église, s'adressant à la multitude, a-t-elle été sage en ne promulguant pas la croyance aux vies successives. A certains êtres, la peur est salutaire, comme aux élèves indociles, les pensums et les sévères corrections. L'épouvantail d'un enfer éternel pouvait donc être une bonne sauvegarde, pour retenir sur la pente du vice, des coeurs que les motifs de charité auraient laissés insensibles. Mais voici que le scepticisme a envahi la conscience des temps modernes : on ne croit plus à l'enfer; de là le grave danger de briser toute retenue morale. C'est ce qu'a clairement entrevu le grand André Towianski, ainsi que cela résulte de la correspondance si intéressante sur les vies successives, échangée entre Monseigneur Puecher Passavalli, archevêque italien, Stanislas Falkowski et Tancrède Canonico, tous deux disciples de l'apôtre polonais. Dans un entretien avec Canonico, Towianski lui dit : « Dieu est Père; Il crée pour élever et non pour que Sa créature périsse pour toujours : beaucoup de ceux qui, ne pouvant croire à l'enfer, vivaient dans l'indifférence, ont commencé à travailler sérieusement depuis que l'idée de réparer leurs fautes en une autre vie sur la terre, leur a été présentée. » Les catholiques liront avec profit la correspondance en question, parue dans le beau livre qu'ont publié, en langue italienne, sur Mgr Passavalli, MM. Attilio Begey et Alessandro Favero. Ils y verront qu'au sein de l'Église et jusque dans ses chefs, se dessine un mouve-ment en faveur d'une interprétation plus large et plus conforme à l'esprit d'amour du Christ, de dogmes considérés jusqu'ici comme intangibles. Il est suggestif de reproduire, à ce sujet, un passage d'une lettre de Mgr Passavalli à Stanislas Falkowski, en date du 28 juin 1884, sur la question des Vies successives, passage qui fait honneur à l'esprit d'humilité vraiment chrétienne de son auteur : Souhaitons que ce soit là un signe des temps et qu'un souffle plus ample de l'Esprit de sagesse et de lumière soit sur le point de des-cendre sur l'humanité assoiffée de vérité ! Tant que l'homme, mené par ses instincts et ses passions, ne désire qu'une chose : la jouissance immédiate, il est prudent de ne lui révéler du mystère de la destinée que ce que son intelligence fruste peut en saisir. C'est pour-quoi une grande prudence s'impose, lorsqu'on parle du Salut pour tous. D'ailleurs nous igno-rons presque tout de la manière dont les choses se passent dans l'Au-delà : notre silence ne serait donc qu'une juste modestie. Pour des âmes plus avancées et déjà revenues du mirage d'ici-bas, il n'y a pas le même danger de les voir se reposer sur la croyance aux vies successives, comme sur un mol oreiller, pour endormir leur paresse et bercer leurs illusions. Pour elles, les jouissances physiques ont perdu leur séduction, leur esprit commence à être hanté de la nostalgie du Ciel dont il se ressouvient. Recommencer l'épreuve de la vie terrestre, est pour elles un cauchemar plutôt qu'un attrait et tout leur désir serait de s'en affranchir. La connaissance d'un coin du mystère de la destinée, au lieu de les amollir dans la nonchalance, va, au contraire, les exciter au travail. A de telles âmes, le temps est précieux; pas une minute n'est à perdre pour réparer les égarements du passé et des années écoulées dans les futilités. Plus elles avancent vers leur idéal, plus elles le voient s'éloigner et s'élever au-dessus d'elles, car elles commencent alors à mesurer la laideur en elles de l'homme ancien. En effet, nous ne nous croyons être quelque chose et nous ne sommes satisfaits de nous-mêmes que dans les bas étages de la vie spirituelle. Aussitôt que nous prenons l'habitude de regarder un peu en nous, notre égoïsme nous apparaît, nous voyons notre grimace et la distance incommensurable qui nous sépare de la perfection. Nous nous humilions et nous sentons les feux de la contrition nous envahir le coeur. Mais, ô mystère ineffable ! A mesure que l'âme descend dans cet abîme sans fond de l'humilité et de la componction, Dieu lui apparaît plus proche, Sa présence plus certaine et Son action plus immédiate. Elle s'aperçoit alors que si elle a tout ignoré des choses spirituelles, ce n'était que justice, car son immense orgueil et son indéracinable égoïsme les lui cachaient. Ce qui lui semblait si compliqué, lui apparaît d'une simplicité admirable et ce qui lui était si loin, lui est tout proche maintenant. Des lueurs de l'Éternité lui viennent à intervalles qui lui montrent, à n'en pas douter, que son véritable être n'est guère ce « moi » haïssable et pécheur dans lequel elle ne fait que résider temporairement, mais qu'il est Dieu même, le Dieu vivant, le mystère du Fils unique! Béatitude indescriptible ! Joie parfaite dont rien n'est capable de donner une idée, ici-bas. Comme on comprend la vérité de ces paroles de l'Évangile du disciple bien-aimé : « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle » (Jean III, 36). Comblée par cette vision, l'âme s'abîme dans la reconnaissance pour son Seigneur et approfondit encore son humilité et plus elle s'abaisse, plus elle reçoit, de sorte que son extase a beau se perdre dans les duretés de la vie matérielle et le Maître lui cacher Son doux visage, elle n'en demeure pas moins convaincue de Sa présence et fermement accrochée à Lui. Elle monte vers son Bien-aimé dont rien ne peut plus la détacher désormais, car Il occupe toutes ses pensées, tous ses désirs, toutes ses aspirations; faire Sa volonté devient son unique nourriture et sa joie. Une telle âme dont Dieu est devenu toute la vie, qui agit pour Lui et par Lui et qui, par là, participe de Son omnipotence et de Son omniscience, est déjà au Ciel, quelles que soient ses souffrances apparentes de cette terre. Elle est dans la béatitude profonde des enfants du Royaume. Tel est le mystère du Salut, il se résume dans cette foi au Fils unique; mais c'est aussi le mystère de l'Enfer, car saint Jean ajoute dans le même verset (III, 36) : « Celui qui ne croit pas au Fils, ne verra point la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui ». Bien entendu, elle demeure sur lui tant qu'il ne croit pas et jusqu'à ce qu'il ait été amené à croire. Qu'est-ce en effet que croire ou ne pas croire au Fils ? Celui-là croit vraiment qui agit en tout conformément à cette foi; comment pourrais-je dire que je crois à l'omniprésence divine, à l'action universelle du Verbe dans le monde qui ordonne tout avec justice, poids et mesure, si je me plains des difficultés ou des épreuves, si je m'inquiète du lendemain, si je me laisse aller à la moindre impatience ou irritation ? Redouterais-je tels ou tels événements, si je croyais vraiment que c'est le Père qui en règle le cours ? Sachant que c'est Dieu même que je fais participer à mes actes les plus insignifiants, tolérerais-je la plus légère distraction en les faisant ? On voit par là quelle perfection est requise de celui qui prétend avoir la foi et combien rares sont ceux qui y peuvent aspirer ! Il y faut une lutte de tous les instants contre soi-même et encore sommes-nous trop petits pour pouvoir l'entreprendre dans sa plénitude. C'est pourquoi nous ne savons même pas ce qu'est la foi véritable, celle dont un grain de sénevé suffit pour transporter les montagnes. Si nous le savions, nous serions déjà au Ciel, car la foi est l'union définitive avec Dieu qui rend participant de Sa propre vie. Nous sommes donc tous plus ou moins incroyants, ou si vous préférez des « hommes de peu de foi » selon l'expression évangélique, car tous, à des degrés divers, nous nous inquiétons de la minute qui vient, nous nous irritons devant les injures ou les apparentes injustices d'ici bas, nous nous croyons plus habiles ou plus intelligents que le voisin et nous nous préoccupons plus de nous-mêmes que de nos frères. Nous sommes par là même plus ou moins enfoncés dans l'enfer, car toutes ces choses que je viens d'énumérer sont des causes de souffrances tant pour les autres que pour nous-mêmes. Évidemment, il y a loin du coeur endurci de l'avare qui se prépare un avenir de douleur par le fait même de son attachement excessif à son «moi» à l'homme de bonne volonté qui essaye de lutter de son mieux contre l'égoïsme et de secourir les autres. Mais que ce dernier ne se croie point parfait : par le fait qu'il est obligé de lutter contre soi, c'est qu'il n'a pas encore définitivement vaincu; l'unification de son être n'est pas achevée et de longues étapes sont encore nécessaires avant d'arriver à un premier monticule, contrefort de cette suite de cimes vertigineuses qui constitue la montagne mystique. Il est peut-être monté d'un premier et tout petit échelon sur cette échelle sans fin qui relie l'homme à Dieu; sa longueur est incommensurable, mais le Père nous la cache par égard pour notre faiblesse; l'accès en serait d'ailleurs impossible s'Il ne venait à notre secours, à tout instant. Soyons humbles, mais ne nous décourageons pas. Le Ciel dans Sa bonté a mis notre salut dans nos mains; quoiqu'il soit assuré pour tous, car Dieu n'a rien créé pour le perdre, néanmoins nous risquons d'en retarder indéfiniment l'échéance si, au lieu de faire fructifier avec diligence le talent que nous avons reçu, nous l'enterrions paresseusement dans un sol ingrat. Nous risquerions alors de demeurer dans un enfer perpétuel ! Mais la merveille des merveilles c'est que le Père nous ait donné le moyen, par Son Fils unique, et par l'utilisation des énergies et des grâces qu'Il nous communique gratuitement, de retourner cet enfer en paradis définitif et éternel, et de troquer la géhenne des démons contre le Ciel des Anges ! Emile CATZEFLIS. Alexandrie (Egypte). |