CHAPITRE XVIII

MALADIE ET PRÉCIEUSE MORT DE SAINT JOSEPH.


Les douleurs et les souffrances causées par les continuelles indispositions du saint vieillard allaient toujours croissant, et s'aggravaient de plus en plus avec les années. La sainte épouse de son côté pleine de sollicitude augmentait son travail, pour pourvoir non-seulement fournir à son entretien, mais encore afin de procurer quelque soulagement à son époux bien-aimé. Elle se servit plusieurs fois du pouvoir, qu'elle avait sur les créatures et ordonna aux viandes d'avoir un meilleur goût et d'être plus agréables au malade. Elle lui donnait à manger toujours à genoux et elle le déchaussait aussi, lorsqu'il ne pouvait le faire lui-même. Pendant les trois dernières années, dans lesquelles ses douleurs s'accrurent encore davantage, elle l'assista le jour et la nuit excepté le temps où elle était occupée à servir et à donner à manger à Jésus. Non contente de ces soins si pénibles, elle demanda au Seigneur, qu'afin de diminuer les souffrances à son époux, il les envoyât à elle-même. Elle commandait aux douleurs de s'adoucir, et elle ordonnait aux anges de le consoler tantôt en lui apparaissant en forme visible, tantôt en s'entretenant avec lui des perfections de Dieu, ou en lui faisant entendre de célestes mélodies. Il y avait déjà huit ans, que Dieu éprouvait par diverses maladies la vertu du saint patriarche, pour sa plus grande récompense, lorsque la sainte Vierge voyant que le temps de sa mort approchait, pria son divin fils de vouloir bien l'assister à ce dernier moment si dangereux. Le miséricordieux Jésus lui promit non-seulement de l'assister, mais de l'élever à un rang si élevé que les anges mêmes en seraient ravis d'admiration. En effet les cinq derniers jours de sa sainte vie, il ne s'éloigna jamais de son côté ni le jour ni la nuit à moins que la douce reine n'y fût présente. Pendant ces neuf jours, les anges par son ordre firent entendre trois fois le jour des chants célestes, dans cette petite chambre, et on y respirait un doux parfum de paradis qui ranimait et fortifiait le saint moribond. Le jour qui précéda sa bienheureuse mort, il fut ravi en une extase qui dura vingt-quatre heures, le Seigneur augmentant ses faibles forces pour la supporter. Il vit clairement dans cette extase l'essence divine, et tous les mystères de l'incarnation et de la rédemption qu'il avait crus jusqu'alors, lui furent découverts sans voile. La très-sainte Trinité le nomma son messager pour annoncer aux saints pères des Limbes leur prochaine rédemption. Revenu de son extase, le visage tout resplendissant il demanda la bénédiction à sa sainte épouse, mais l'humble reine au lieu de le bénir pria son divin fils de le faire, ensuite elle se mit à genoux et pria son époux de la bénir, et après avoir reçu sa bénédiction, elle baisa sa main avec respect. Saint Joseph demanda pardon à sa sainte épouse du peu d'égard qu'il avait eu pour sa dignité et pour ses mérites, et la pria de l'assister à ce dernier moment. Il s'adressa ensuite à son fils et le remercia de toutes les faveurs qu'il avait reçues de. sa main libérale et dans sa maladie en particulier; il fit tous ses efforts pour se mettre à genoux, mais Jésus qui était à ses côtés le pressa dans ses bras, dans lesquels sa très-sainte âme s'exhala au milieu de saints entretiens. Le Seigneur ferma lui-même ses yeux de ses divines mains.

Aussitôt qu'il fut mort, les anges firent entendre une céleste harmonie dans cette sainte maison et la sainte Vierge leur commanda de conduire cette grande âme aux Limbes, où étaient les saints pères. Elle prépara le saint corps pour être enseveli, elle-même l'enveloppa de ses propres mains et le Seigneur le revêtit d'une splendeur admirable. Il faut remarquer que la mort de ce saint patriarche ne fut pas causée seulement par ses grandes et particulières maladies, mais le feu ardent de la charité concourut encore à la lui donner, son coeur était consumé de feux si ardents qu'il fut conservé plusieurs fois en vie par miracle; Dieu donc, suspendant son concours, la nature ne put résister à la force des élans de son amour et le lien qui tenait unie son âme sainte à son corps fut rompu. Ce genre de mort fut plutôt le triomphe de l'amour divin, que la peine du péché originel.

Saint Joseph mourut à l'âge de soixante ans. Il avait vécu vingt-sept ans avec la sainte Vierge qu'il laissa veuve à l'âge de quarante-un ans et six mois. La sainte Vierge ressentit une grande douleur naturelle de cette mort, parce qu'elle l'aimait avec une tendre affection, et son amour était d'autant plus grand, qu'elle connaissait mieux la sublime sainteté où il avait été élevé. Elle savait qu'il avait été sanctifié à l'âge de sept mois dans le sein de sa mère, et que le feu de la concupiscence avait été comme éteint, tout le temps de sa vie. Jamais il n'éprouva le plus léger mouvement d'impureté, ou d'affection déréglée; à l'âge de trois ans, l'usage de la raison lui avait été accordé et il avait eu la science , infuse et une augmentation de grâce au plus haut degré. Le don de la contemplation lui avait été accordé et à l'âge de sept ans il était d'une sainteté consommée. Il égalait les séraphins en pureté et jamais il n'eut aucune pensée, ni aucune représentation contre cette divine vertu. Enfin à cause de ses vertus héroïques il avait été jugé digne d'être le père nourricier et adoptif du fils de Dieu. Sachant toutes ces choses et d'autres encore, la Sainte Vierge ne pouvait point ne pas ressentir la douleur de cette grande perte.

Dieu a accordé divers privilèges à saint Joseph :

I. Ceux qui l'invoqueront avec dévotion, seront protégés du ciel pour la vertu de chasteté et pour triompher des tentations des sens.
II. Ils recevront des grâces particulières pour sortir du péché.
III. Ils obtiendront la véritable dévotion à la sainte Vierge.
IV. Ils feront une bonne et bienheureuse mort et ils seront protégés à ce dernier moment contre le démon.
V. Ils seront délivrés, quand il sera expédient, des maladies du corps et ils trouveront un soulagement dans leurs peines.
VI. Ils auront des successeurs dans leurs familles, s'ils sont mariés.
VII. Les démons craindront extrêmement l'invocation du nom glorieux de saint Joseph.

Après la mort du saint patriarche, la sainte Vierge connut que Dieu voulait que désormais elle s'occupât moins au travail des mains, mais qu'elle s'adonnât davantage aux exercices intérieurs, car quelques heures de travail par jour suffisaient pour son entretien. Dès ce moment elle devait restreindre sa dépense à un très-léger repas par jour, puisque le motif de manger deux fois avait cessé, qui était de tenir compagnie au saint vieillard. Elle suivit aussitôt exactement cette manière de vivre, conformément à l'ordre du Seigneur et plusieurs fois elle ne mangeait que du pain et seulement le soir.

Le respect et la vénération de la Vierge mère pour son divin fils furent toujours très-grands, néanmoins après la mort de saint Joseph son chaste époux ils augmentèrent encore, particulièrement par les actes extérieurs. Se trouvant alors seule avec les anges, elle se prosternait souvent à terre jusqu'à ce que Jésus lui ordonnât de se lever. Elle lui baisait fréquemment les pieds et les saintes mains et elle lui présentait toujours la nourriture à genoux. Elle eut avec ses anges de saints débats d'humilité, parce qu'elle voulait faire toutes les actions humbles et basses de la pauvre maison, comme balayer les chambres, et laver la vaisselle, mais les anges la prévenaient souvent pour remplir aussi leur emploi de fidèles serviteurs de leur reine. A la vérité, lorsque la sainte Vierge les priait de ne point le faire, ils lui obéissaient aussitôt. Elle était très-attentive à tout ce qu'elle Voyait faire à son divin fils, et comme Jésus en considérant l'ingratitude des hommes et en voyant que plusieurs se perdraient, quoiqu'il offrît sa vie pour eux, s'affligeait extrêmement jusqu'à suer plusieurs fois du sang, ainsi Marie pour ces mêmes motifs, était pénétrée d'une grande douleur et versait quelquefois des larmes de sang. Le Seigneur rempli de compassion ordonna plusieurs fois aux anges de la consoler par de célestes mélodies, d'autres fois il la soutenait dans ses propres bras. Elle connut aussi plusieurs prédestinés, principalement les apôtres, les disciples et les fidèles de la primitive église, aussi quand elle vit ceux qui suivaient le rédempteur, elle les connaissait avant de leur avoir parlé et déjà elle avait prié pour eux. Il y a beaucoup d'autres mystères qui, eurent lieu entre Jésus et Marie dans ce temps particulièrement dans les quatre dernières années, ils sont réservés pour le bonheur particulier des prédestinés dans le ciel.