CHAPITRE XXXIII

LES APOTRES ET LES DISCIPLES S'ASSEMBLENT POUR RÉSOUDRE QUELQUES DOUTES. SAINT PIERRE CÉLÈBRE LA PREMIÈRE MESSE. CE QUE FAIT LA TRÈS-SAINTE VIERGE.


Les apôtres continuaient avec assiduité et sans interruption leurs prédications qu'ils accompagnaient de miracles et de prodiges, le nombre de ceux qui croyaient s'accrut, et sept jours après la venue de l'Esprit-Saint il était déjà de cinq mille, mais ces fruits si abondants étaient dus aux. ferventes prières de la grande maîtresse de l'Eglise. Saint Pierre et saint Jean et le reste des apôtres. vinrent à la présence de la divine mère qui les reçut avec une grande vénération, elle se mit à genoux et demanda avec humilité la bénédiction au chef de l'Église, après l'avoir donnée saint Pierre parla au nom de tous les autres, il exposa à la divine maîtresse, que les nouveaux chrétiens étaient instruits dans les articles nécessaires de la foi et qu'il serait convenable de les baptiser, mais qu'on demandait son avis pour connaître la volonté de Dieu. La prudente mère répondit, Seigneur, vous êtes le chef de l'Église et le vicaire de mon très-saint fils, ainsi tout ce que vous ferez en son nom sera approuvé de sa divine volonté, et ma volonté est la vôtre avec celle de mon fils; alors saint Pierre ordonna, que le jour suivant qui correspond au dimanche de la sainte Trinité, le saint baptême serait donné, aux catéchumènes qui s'étaient convertis cette semaine. Quelques uns de l'assemblée pensaient qu'il fallait donner le baptême de Jean-Baptiste qui était le baptême de la pénitence, mais saint Pierre et saint Jean avec la divine mère décidèrent qu'il fallait donner le baptême de Jésus-Christ, et ils furent d'avis que la matière devait être l'eau naturelle, et la forme : Je vous baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, parce que notre Seigneur avait désigné cette matière et cette forme, et qu'il en avait ainsi baptisés plusieurs de sa main. Quoiqu'on lise dans les actes des apôtres, qu'ils baptisaient au nom de Jésus-Christ, il ne faut pas entendre ceci de la forme du baptême, mais de l'auteur, pour distinguer ce baptême de celui de pénitence que saint Jean-Baptiste avait établi; car baptiser au nom de Jésus, signifie la même chose que baptiser du baptême institué par Jésus-Christ, parce que la forme est la même que celle que le divin maître avait enseignée.

Le jour suivant les catéchumènes se rassemblèrent tous dans le cénacle, saint Pierre pria la divine mère d'instruire plus parfaitement ces nouveaux convertis par ses ferventes paroles. La mère de l'humilité leur dit avec une grande modestie, mes enfants, le rédempteur du monde, mon fils et vrai Dieu, à cause de l'amour qu'il avait pour les hommes a offert au Père éternel le sacrifice de son corps divin et de son sang, en se consacrant et se cachant sous les espèces du pain et du vin, sous lesquelles il a voulu rester présent dans la sainte Église, afin que ses enfants eussent un sacrifice à offrir au Père éternel, et possédassent aussi l'aliment de vie éternelle et un gage très-assuré de celle qu'ils espèrent dans le ciel, de sorte que par le moyen de ce sacrifice qui contient tous les mystères de la vie et de la mort du fils on puisse apaiser le Père éternel, et en lui et par lui l'Eglise lui rendra les actions de grâces et les louanges qui lui sont dues comme Dieu et souverain bienfaiteur: vous êtes les prêtres à qui seuls il appartient de l'offrir. C'est mon désir, s'il est suivant votre bon plaisir, que vous commenciez à offrir ce sacrifice non-sanglant, afin de témoigner notre reconnaissance pour l'ineffable bienfait de notre rédemption que Jésus-Christ a opérée pour nous, et pour avoir envoyé l'Esprit-Saint à son Église. Les fidèles en le recevant, commenceront à jouir de ce pain de vie éternelle et de ses divins effets. Parmi ceux qui auront reçu le baptême, on pourra admettre à la sainte communion ceux qui en seront capables et seront disposés, car le baptême est la première condition pour le recevoir. Tous les apôtres et les disciples se conformèrent aux désirs de la mère de la sagesse et lui rendirent des actions de grâces; on régla qu'après le baptême des catéchumènes saint Pierre célébrerait la première messe comme chef de l'Église. Saint Pierre y consentit et avant de quitter l'assemblée, il proposa de règler une autre difficulté, c'était la manière de distribuer les aumônes et les biens qu'offraient les convertis. L'exemple funeste de Judas empêchait que quelqu'un voulût se charger de cet emploi; on émit donc plusieurs avis. La grande maîtresse des vertus écoutait tout sans proférer une parole, car quoique maîtresse elle s'estimait par son humilité incomparable, disciple et servante de tous, avide surtout d'entendre et d'apprendre. Saint Pierre et saint Jean voyant la diversité des avis supplièrent la divine mère de les éclairer dans cette difficulté, alors avec une grande humilité, elle les exhorta tous à la pauvreté volontaire pour imiter le divin maître, et proposa d'élire six ou sept personnes d'une solide vertu pour recevoir les aumônes et les dons offerts, par lesquels on fournirait à l'entretien des fidèles, afin que les apôtres fussent libres pour la prédication de l'Évangile, de sorte que personne dans l'Église ne regarderait une chose comme lui appartenant plutôt qu'à ses frères; si les aumônes ne suffisaient pas, les sept personnes demanderaient des secours au nom de Jésus-Christ. Ils approuvèrent tous l'avis plein de sagesse de la reine des anges, et on choisit sept hommes d'une solide vertu, pour recevoir les aumônes et pourvoir aux nécessités des fidèles. La grande reine demanda la bénédiction aux apôtres qui sortirent aussitôt pour prêcher, et les disciples allèrent instruire les catéchumènes et les préparer à recevoir le baptême.

La divine mère accompagnée des saints anges et des Maries, alla préparer et orner la salle où son divin fils avait célébré la dernière cène, elle la balaya elle-même, et l'accommoda avec décence pour y célébrer la sainte messe. Il demanda au bon maître de la maison les mêmes ornements dont on s'était servi le jeudi de la cène, il les accorda aussitôt à cause de la grande vénération qu'il avait pour la sainte Vierge, elle prépara aussi le pain azyme et le vin nécessaire à la consécration, avec le petit plat et le calice dont s'était servi le rédempteur. Elle prit soin aussi d'avoir des vases avec de l'eau pure et des bassins, pour que le saint baptême fût conféré avec plus de facilité et de décence. Après tous ces préparatifs, la miséricordieuse mère se retira et passa toute la nuit dans des actes d'amour, des génuflexions et. des actions de grâces, elle offrit au Père éternel de ferventes prières, afin que les nouveaux fidèles reçussent le lendemain la sainte communion, selon le bon plaisir de sa divine Majesté. Elle fit avec humilité la même prière pour ceux qui devaient être baptisés. Le matin du jour suivant, qui fut l'octave de la venue de l'Esprit-Saint, tous les fidèles et les catéchumènes avec les apôtres et les disciples se réunirent dans la salle. Saint Pierre fit un discours pour montrer l'excellence du baptême et les divins effets qu'il produisait, il leur dit qu'ils seraient marqués d'un caractère intérieur comme membres du corps mystique de l'Église, et régénérés pour être enfants de Dieu, et héritiers de la gloire par le moyen de la grâce justifiante et de la rémission des pêchés. Il les exhorta à l'observation de la loi de Dieu. Il leur annonça la vérité du saint sacrement de l'Eucharistie. Ils furent tous remplis de ferveur, et les apôtres conférèrent le baptême de leurs propres mains, avec un grand ordre et une grande dévotion; les catéchumènes entraient par une porte, et après avoir été baptisés, ils sortaient par une autre, conduits par les disciples. La divine mère était présente à tout, et retirée dans un coin du cénacle, elle priait et louait le Seigneur. Elle voyait que ces fidèles étaient renouvelés par le sang divin de l'agneau et par la grâce qu'ils recevaient. A la vue même des assistants, il descendait du ciel une lumière sensible et très-belle, sur ceux qui étaient baptisés.

Après le baptême de ces cinq mille personnes et au-delà, tandis qu'ils rendaient tous des actions de grâces au Seigneur pour ce grand bienfait, les apôtres se mirent en prière et se préparèrent avec tous les autres fidèles à recevoir la sainte communion; ils se prosternèrent à terre, adorèrent la bonté infinie de Dieu, et confessèrent leur indignité pour recevoir un don si ineffable. Ensuite ils récitèrent les cantiques et les psaumes que le Seigneur avait dits. Alors saint Pierre prit dans ses mains le pain préparé, et élevant les yeux au ciel avec une grande dévotion et un profond recueillement, il prononça sur le pain les divines paroles de la consécration du corps sacré de Jésus-Christ. Le cénacle à l'instant fut rempli d'une grande splendeur visible à tous, et d'une multitude infinie d'anges, et à la vue de tous les assistants, cette divine lumière se dirigeait spécialement vers la grande reine. Aussitôt saint Pierre consacra le vin dans le calice, et continua avec le corps sacré et le sang précieux les mêmes cérémonies que le sauveur, c'est-à-dire il les éleva, afin que tous les adorassent. Après cela, il se communia lui-même, et ensuite il communia tous les autres apôtres, selon que la sainte Vierge l'avait réglé; ensuite la divine mère communia des mains de saint Pierre, les esprits célestes étaient là présents avec un ineffable respect. Avant d'arriver à l'autel, la grande reine fit trois actes d'humilité, elle se prosterna la face contre terre, au grand étonnement de ses anges gardiens et à l'édification des assistants qui en furent attendris. La grande reine retourna aussitôt toute recueillie et ravie dans le Seigneur au lieu où elle était auparavant. Il n'est pas possible d'expliquer par des paroles les effets divins qu'opéra dans cette grande créature cette sainte communion; car elle fut toute transformée, élevée et absorbée dans l'embrasement du divin amour de son très-saint fils, qu'elle avait reçu dans son coeur si pur.

Lorsque la divine reine fut ainsi élevée, les saints anges l'environnèrent par sa volonté, afin que les assistants ne connussent des effets divins que ce qu'il était convenable qu'ils découvrissent.

Après la sainte communion de la reine des anges, les autres fidèles communièrent; mais des cinq mille qui avaient été baptisés, mille seulement reçurent la sainte communion, parce que les autres n'étaient encore suffisamment disposés et préparés. La manière de donner la communion ce jour là, fut celui-ci: saint Pierre communia les apôtres, la sainte Vierge, et tous ceux qui avaient reçu l'Esprit-Saint, sous les deux espèces du pain et du vin. Les fidèles qui avaient été baptisés auparavant reçurent la sainte communion sous les seules espèces du pain. Cette différence n'eut pas lieu, parce que les nouveaux fidèles étaient moins dignes de recevoir une espèce que l'autre, mais parce que les apôtres savaient que sous toutes les saintes espèces on recevait également Jésus dans le saint Sacrement, d'autant plus qu'il n'y avait pas de précepte de communier sous les deux espèces. Après la sainte communion, saint Pierre termina les saints mystères par des oraisons et des psaumes en action de grâce. Ensuite ils demeurèrent quelque temps en prière. La grande reine rendit des actions de grâces au Très-Haut au nom de tous; la divine Majesté y prit ses complaisances, elle agréa et accepta les prières que sa bien-aimée lui fit, pour tous les fidèles présents et futurs de la sainte Église.