La grande reine élevée au plus haut degré de la grâce et de la sainteté considérait avec sa profonde sagesse le petit troupeau qui se multipliait tous les jours, et comme un mère vigilante du sommet de la montagne où l'avait placé le bras tout-puissant de son fils, elle observait avec soin le embûches infernales. Etant en oraison, elle vit Lucifer ave une foule innombrable de démons, qui sortaient des cavernes de l'enfer, où ils avaient été précipités à la mort du rédempteur; pleins de rage et de haine, ils venaient faire la guerre à l'Église avec une implacable fureur. Elle le vit venir sur la terre et la parcourir avec soin; ensuite il se dirigea vers Jérusalem pour déployer toute sa haine contre les brebis de Jésus-Christ. Lorsque le dragon insidieux eut reconnu le fruit du sang du Sauveur, la sainteté des convertis, la facilité de rentrer en grâce, il redoubla de haine et de fureur. Il faisait de violents efforts pour s'introduire dans lé cénacle où était l'assemblée des fidèles, mais il ne pouvait y entrer, parce qu'il en était repoussé par leur ardente charité et leur union étroite, il l'entoura de tous les côtés avec ses démons et il rodait autour pour pouvoir enlever quelques brebis, mais toute son infernale malice était inutile. Alors la puissante et miséricordieuse mère se tourna avec majesté vers le dragon infernal et lui dit : qui est semblable à Dieu qui habite dans les lieux élevés? Le Tout-puissant t'a vaincu et terrassé du haut de la croix, il te commande de te précipiter avec tes compagnons dans les abîmes, et en son nom, je te donne le même commandement, afin que tu ne mette aucun obstacle à la gloire de Dieu. Elle se prosterna le visage contre terre, et demanda humblement au Seigneur son secours en faveur de l'Église. Lucifer et tous les siens tombèrent aussitôt au plus profond des enfers, et le Seigneur parla ainsi .à sa mère : ma chère mère ne vous affligez pas des piéges que satan veut tendre à l'Église, car je tirerai le bien du mal qu'il fera pour ma plus grande gloire et son éternelle confusion. Alors le Seigneur permit à Lucifer de revenir sur la terre avec ses démons, mais ne pouvant s'approcher des nouveaux chrétiens, ils allèrent tenter les scribes et les pharisiens et leur insinuèrent d'empêcher la prédication des apôtres; ils les remplirent d'envie et de haine, et ils assemblèrent le conseil, car ils furent témoins du miracle de saint Pierre et de Saint Jean, qui guérirent le boiteux à la porte du temple. Ils appelèrent les apôtres et leur défendirent d'enseigner dans Jérusalem; mais saint Pierre leur répondit avec un courage intrépide qu'ils ne pouvaient pas obéir, parce que Dieu leur commandait le contraire. Les scribes couverts de confusion laissèrent en liberté les deux apôtres, qui allèrent informer la sainte Vierge de tout ce qui était arrivé; mais elle en avait connaissance, parce qu'elle avait tout vu en vision. Ils se mirent tous en oraison, et peu après ils reçurent le Saint-Esprit qui apparut sur chacun d'eux avec des signes visibles.
Quelques jours après arriva le funeste événement d'Ananie et de Saphyre, qui après avoir été baptisés et avoir vendu tout ce qu'ils possédaient n'en apportèrent pas tout le prix aux pieds des apôtres; interrogés par saint Pierre s'il y était tout entier, ils lui mentirent et aussitôt ils tombèrent frappés, de mort à ses pieds. Les fidèles furent saisis de crainte à cet évènement, et les apôtres prêchant publiquement dans la ville encore toute épouvantée de cette punition, un grand nombre de personnes se convertirent. Mais les magistrats et les sadducéens remplis de haine et d'envie, firent mettre en prison saint Pierre et saint Jean. La reine des anges vit tout cela en oraison et elle pria ardemment le Seigneur pour eux; elle envoya un de ses anges gardiens à la prison avec l'ordre d'ôter les chaînes aux apôtres et de les mettre en liberté en les conduisant hors de la prison; ce qu'il fit. Ensuite elle envoya aussi d'autres anges pour combattre Lucifer et les siens, afin qu'ils n'empêchassent pas la prédication évangélique. Saint Pierre et saint Jean, étant délivrés allèrent trouver la divine mère, elle les reçut à genoux en leur disant : maintenant mes enfants, je vous reconnais pour de véritables imitateurs et de vrais disciples de votre maître, puisque vous souffrez les injures pour son nom, et que contents et joyeux vous l'aidez à porter la croix; que son bras tout-puissant vous bénisse et vous communique sa divine vertu; elle leur baisa les mains et elle se mit à les servir à table à genoux.
La grande reine aimait avec une grande tendresse tous les fidèles, mais d'une manière particulière les apôtres qu'elle regardait comme fondateurs de l'Église et comme prêtres. Ii fallut que les apôtres pour accroître le nombre des fidèles sortissent de Jérusalem, afin de prêcher dans les lieux circonvoisins et baptiser les convertis après qu'ils étaient instruits. Lucifer reprit courage en voyant qu'ils s'éloignaient de la reine des anges, car son orgueil ne les redoutait pas. Mais plus il ourdissait des trames pour les perdre, plus la miséricordieuse mère priait pour eux avec son ardente charité et sa profonde sagesse, et dans son oraison elle découvrait les pièges et les embûches de l'enfer et tout ce qui arrivait aux prédicateurs de l'évangile. Dans tous leurs besoins, elle leur envoyait ses anges gardiens pour les assister, les animer, les consoler et surtout pour chasser les démons des pays où l'évangile était prêché par les apôtres, jamais ils ne furent dans aucune peine, ni dans aucune inquiétude sans être ainsi secourus par cette miséricordieuse mère. Elle avait la même sollicitude pleine de charité pour tous les autres fidèles, et quoiqu'il y en eut un très-grand nombre dans Jérusalem et dans la Palestine elle les connaissait tous en particulier, et leur venait en aide dans chaque occasion, non-seulement pour les besoins de leur âme, mais encore pour ceux du corps. Elle guérissait les uns de leurs maladies, et ceux à qui il n'était pas expédient de rendre la santé du corps, elle les assistait elle même, les visitait et les servait de ses propres mains. L'amour qu'elle témoignait aux pauvres ne peut s'exprimer, Souvent elle leur donnait à manger, elle faisait elle-même leurs lits, et avait soin de tout ce qui regardait leur propreté, comme si elle avait été leur servante; l'humilité, la charité, et la sollicitude de la grande reine de l'univers étaient si grandes, qu'elle les remplissait tous de consolation et de joie. Lorsqu'elle ne pouvait leur donner ses soins personnellement à cause de la distance, elle leur envoyait ses anges gardiens pour leur apporter des secours et leur donner de saintes inspirations. Sa piété maternelle s'exerçait en particulier en faveur des moribonds, elle en assista un grand nombre dans ce dernier combat, et les aida par des paroles efficaces et de saintes exhortations, jusqu'à ce qu'ils fussent en sûreté pour leur salut éternel. Elle avait une grande compassion pour les âmes qui allaient au purgatoire et elle venait à leur secours, elle faisait à cet effet de longues prières se tenant à genoux en forme de croix, et elle ajoutait des prostrations, des génuflexions et d'autres exercices de mortifications , jusqu'à ce qu'elle avait satisfait pour elles. Ensuite elle envoyait aussitôt un de ses anges, pour délivrer ces âmes, les conduire au ciel et les présenter à son divin fils en son nom, comme le bien propre du Seigneur et le fruit de son sang.
Une pauvre femme de basse condition qui avait été baptisée dès le commencement avec les cinq mille personnes, tomba gravement malade, et sa maladie se prolongeant, elle se refroidit de sa première ferveur et commit le péché qui lui fit perdre la grâce reçue au baptême. Lucifer qui souhaitait ardemment d'avoir quelques âmes de ces prémices de l'Eglise lui apparut sous la forme d'une jeune femme pour la tromper, Dieu le permettant ainsi pour sa plus grande gloire, il lui dit de se séparer de ces personnes qui croyaient au crucifié et de ne pas mettre sa confiance en lui. La malheureuse malade donna son consentement aux paroles du malin esprit, elle ajouta; mais comment dois-je me comporter à l'égard de cette reine, qui parmi ces personnes est si gracieuse et si bonne que je ne saurais m'empêcher de l'aimer. Oh celle-ci, repartit le démon, est plus méchante que les autres, et vous devez principalement l'abhorrer, et ceci est ce qui importe le plus autrement les magistrats, et les princes des prêtres vous persécuteront et vous serez malheureuse; si vous revenez à votre première religion vous guérirez et vous serez contente. La prétendue femme s'éloigna et l'âme de cette femme fut infestée par ces paroles. Un de ces soixante-douze disciples qui allait visiter les infirmes entra chez la malade si malheureusement séduite et trompée, et la voyant obsédée du démon, il commença à l'exhorter avec zèle à détester son erreur, mais ce fut en vain, car elle ne voulut rien répondre. Le saint disciple voyant cette obstination alla trouver saint Jean qui après l'avoir entendue vint aussitôt auprès de la malade, et l'avertit avec une grande ferveur du piége du démon, mais il en fut de même, car elle ne répondit pas un mot, le grand apôtre ayant vu l'opiniâtreté de cette malheureuse, vint tout affligé en donner avis à la grande reine, afin que sa grande charité y apportât remède. La mère de Dieu jeta sa vue intérieure sur la malade et- découvrit le grand danger de cette malheureuse, alors la miséricordieuse mère fut saisie de compassion pour cette brebis trompée et pervertie par l'ennemi infernal, elle se prosterna le visage contre terre, et pria et supplia son divin fils pour obtenir le remède à ce mal. Mais le Seigneur ne répondit rien, non que ses prières ne lui fussent pas agréables, mais parce qu'il désirait entendre plus longtemps ses charitables gémissements. La mère de miséricorde ne se-découragea point, elle continua de supplier le Très-Haut, et en même temps elle envoya un des anges pour la protéger contre les piéges du démon et lui venir en aide par ses saintes inspirations. L'ange exécuta l'ordre, mais la femme résista à la. grâce de Dieu, il revint donc rendre compte de la dureté de coeur de la malade. La miséricordieuse mère s'affligea au-delà de ce qu'il est possible de dire, et elle continua ses prières avec une plus grande ferveur en disant: mon Seigneur, Dieu de miséricorde , voici ce chétif vermisseau de terre, châtiez-le et affligez-le, mais ne permettez pas que cette âme marquée de votre caractère divin, premice de votre sang, soit sous ses yeux trompée par le serpent et devienne la proie de sa malice. La grande reine persévéra dans sa prière, mais le Seigneur ne lui répondit encore rien, pour éprouver l'amour invincible de son coeur et son ineffable charité pour les fidèles. Elle se leva et appela saint Jean pour l'accompagner, afin d'aller en personne chez la malade. A peine sortie de l'oratoire les anges l'empêchèrent d'aller plus avant. Elle adora la, volonté du Seigneur, et elle entendit avec joie les paroles des anges; grande reine, nous ne pouvons pas permettre que vous marchiez dans la ville, lorsque nous pouvons vous porter nous-mêmes avec plus de bienséance. Aussitôt elle fut placée.. sur un trône d'une nuée très-brillante et fut transportée dans la chambre de la pauvre agonisante, qui avait été laissée seule, parce qu'elle ne parlait plus, et elle était environnée de démons qui attendaient son âme pour la conduire en enfer. A la vue de la divine mère ils se précipitèrent dans l'enfer comme la foudre. Elle s'approcha de la malade, l'appela par son nom et la prenant par la main, elle lui dit de douces paroles de vie éternelle qui la renouvelèrent; revenue à elle-même elle répondit à la reine des anges; ma reine, une femme qui m'a visitée il y a quelques jours, m'a persuadé que les disciples de Jésus me trompaient, et qu'ainsi je devais me séparer d'eux et de vous. Ma fille, repartit la mère du bel amour, celle qui vous a paru une femme est le démon votre ennemi, je suis venue vous donner la vie éternelle de la part du Très-Haut. Revenez donc à la foi véritable, et reconnaissez Jésus pour vrai Dieu et rédempteur du monde, invoquez-le et demandez lui pardon de vos fautes. La malade contrite de ses péchés se mit à verser des larmes en abondance, les apôtres appelés par les anges vinrent et lui administrèrent les sacrements. Cette femme véritablement heureuse expira en invoquant les noms de Jésus et de Marie, délivrée de tous ses péchés et de la peine qui y est attachée, la sainte Vierge l'envoya aussitôt au ciel par un de ses anges gardiens. Elle fut rapportée dans son oratoire comme auparavant, et prosternée à terre, elle adora et. remercia le Très-Haut par de nouveaux cantiques de louanges. Le Seigneur ordonna ce miracle, afin que les anges, les apôtres, tous les saints du paradis et même les démons connussent le pouvoir incomparable de la très-sainte Vierge, et que de même qu'elle était la reine de toutes les créatures, ainsi toutes ensemble n'étaient pas aussi puissantes qu'elle, et que rien de tout ce qu'elle demanderait et désirait ne lui serait refusé.