SAINTES OCCUPATIONS, ET SA PRÉSENTATION AU TEMPLE
Une de ses occupations était de se retirer dans la solitude pour jouir de Dieu, avec plus de liberté et pleurer en secret les péchés des hommes. Son affection envers les pécheurs et envers les pauvres était toute particulière. Ayant passé l'âge de deux ans, elle demandait souvent l'aumône à sa mère pour ceux qui étaient dans le besoin. Elle retranchait quelque chose de ses repas pour leur donner. Elle ne donnait point l'aumône aux pauvres comme un bienfait, mais comme en leur payant une juste dette. Elle signala spécialement son humilité lorsqu'elle se laissa montrer à lire par autrui, quoiqu'elle fut la mère de la divine sagesse, et quelle se laissa enseigner des choses qu'elle savait par science infuse depuis le premier instant de sa conception. Quand vint le temps de la conduire au temple pour remplir le voeu qu'avaient fait à Dieu ses parents, elle fut la première à les supplier humblement d'accomplir leur promesse sans tarder ; et elle fit à Dieu de ferventes prières, pour qu'il leur inspirât de l'exécuter promptement. Le Seigneur exauça les humbles prières de sa bien aimée, et ses parents pour obéir aux inspirations du ciel, se séparèrent de cette sainte et très-aimable enfant, non sans un vif chagrin. Sainte Anne principalement eut une plus grande douleur que ne l'eut Abraham, lorsqu'il reçut l'ordre de sacrifier son fils Isaac. Les trois ans accomplis, Joachim et sainte Anne accompagnés de quelques uns de leurs parents et d'une suite nombreuse d'esprits angéliques, qui chantèrent dans tout le voyage des cantiques de louanges au Très-Haut, partirent de Nazareth et vinrent à Jérusalem, portant dans leurs bras la jeune et bienheureuse enfant. Arrivée au temple, Sainte Anne entendit une voix qui disait: « venez mon épouse et mon élue: venez dans mon temple où je veux que vous m'offriez un sacrifice de louange et de bénédiction.» Ils la conduisirent dans l'appartement des vierges, où elles étaient élevées toutes ensemble dans une sainte retraite jusqu'à l'âge du mariage. Elles étaient principalement de la tribu royale de Juda, et de la tribu sacerdotale de Lévi. L'escalier pour aller à cet appartement avait quinze degrés; un des prêtres qui étaient venus la recevoir la mit sur le premier degré, et Marie lui en ayant demandé la permission se tourna vers ses parents, leur demanda leur bénédiction à genoux, leur baisa les mains et les pria de la recommander à Dieu. Ceux-ci la lui donnèrent avec beaucoup de tendresse et de larmes. Alors elle monta toute seule les quinze degrés avec une ferveur et une modestie admirable. Le saint vieillard Siméon lui donna pour maîtresse la prophétesse Anne qui avait été prévenue pour cet emploi d'une grâce spéciale de Dieu, Ayant été remise à sa maîtresse, la jeune enfant se mit à genoux, lui demanda sa bénédiction et la pria de lui enseigner tout ce qui était nécessaire: ensuite elle alla offrir ses services à toutes les vierges, les salua et les embrassa chacune en particulier avec tendresse et les remercia de l'avoir reçue pour compagne toute indigne qu'elle en fût. Après avoir rempli ce devoir elle se prosterna à terre et baisa le pavé comme étant celui de la maison de Dieu, puis rendit grâce au Seigneur de ce grand bienfait. Ensuite elle s'adressa à ses douze anges dont nous avons parlé plus haut, et les pria d'aller consoler ses parents dans leur tristesse. Les anges partis, le Très-haut ordonna aux soixante Séraphins qui l'assistaient de la transporter dans l'empyrée; cela fut aussitôt exécuté, et elle vit là l'essence divine d'une vision intuitive; prosternée humblement devant le trône de Dieu, elle lui demanda deux grâce avec une singulière ferveur; l'une de souffrir beaucoup pour son amour, l'autre de pouvoir faire en sa présence, quatre voeux, ceux de pauvreté, de chasteté, d'obéissance et de clôture perpétuelle dans le temple. Le Seigneur agréa demande, mais il accepta seulement le voeu de chasteté et non les autres. Il régla seulement la manière dont elle devait conduire par rapport à ceux-ci: c'était d'agir comme si elle en eut fait voeu solennel. Après cette claire vision Dieu, elle fut encore retenue dans le ciel par une extase imaginative dans laquelle elle fut parée par les anges d'une manière admirable. Ils illuminèrent d'abord tous ses sens d'une clarté qui la remplit de grâce et de beauté; puis elle fut revêtue d'une robe magnifique, avec une ceinture de pierres précieuses de diverses couleurs, transparentes et resplendissantes: cette ceinture signifiait la pureté et les héroïques vertus de son âme très sainte. On lui mit au cou un collier d'un prix inestimable, avec trois grandes pierres, symbole des trois vertus théologales, la foi, l'espérance et la charité, elles pendaient sur sa poitrine, comme pour marquer le lieu où ces vertus résidaient. On lui mit aux doigts sept anneaux d'une rare beauté pour marquer les sept dons du Saint-Esprit. La très-sainte Trinité lui posa sur la tête, comme à la reine du monde, une couronne impériale d'une inestimable valeur. Le vêtement dont elle était revêtue était semé de chiffres d'un or très fin et très éclatant qui disaient, Marie fille du père Éternel, Épouse du Saint Esprit, et Mère de la véritable lumière: ces dernières paroles ne furent comprises que des anges. L'auguste fille parée ainsi, plut tellement à Dieu, qu'il lui commanda de demander tout ce qu'elle souhaiterait, l'assurant que rien ne lui serait refusé. La demande qu'elle fit au Seigneur fut qu'il envoyât au monde son fils unique pour racheter les hommes; qu'il augmentât son saint amour chez ses parents et les comblât des dons de sa main bienfaisante; qu'il consolât les pauvres et les affligés, qu'il les soulageât dans leurs peines et leurs travaux. Elle ne demanda ensuite pour elle que l'accomplissement dé sa sainte volonté.
Après cette admirable vision, les anges la remirent dans le temple d'où elle avait été enlevée, où elle rentra plus humble que jamais. Elle commença aussitôt à pratiquer ce qu'elle avait promis en la présence du Seigneur. Elle alla trouver sa maîtresse et lui remit tout ce que sa mère lui avait donné pour ses besoins ou pour ses plaisirs, excepté un simple habit et un livre de prière manuscrit, et elle la pria de donner aux pauvres ces petites choses. Ses actions et ses pratiques de sublime vertu furent si parfaites qu'elle surpassa par ses mérites ceux de tous les Séraphins. Pour entrer en quelque détail, après avoir remis à sa maîtresse tout dé qu'elle avait, elle demanda très-humblement aux saints prêtres et à sa maîtresse de lui prescrire tout ce qu'elle aurait à faire. La très-humble enfant à genoux, les mains jointes et la tête inclinée, écouta les ordres de Siméon: « Ma fille, dit-il, vous assisterez avec beaucoup de respect et de dévotion aux cantiques du Seigneur, vous prierez, le Très-Haut pour les nécessités de son saint temple et de son peuple, et pour la venue du Messie. Vous vous retirerez à la troisième heure pour vous reposer, et vous vous lèverez à la pointe du jour pour prier le Seigneur jusqu'à l'heure de tierce, et ensuite vous vous occuperez à quelque travail manuel. Vous observerez la tempérance dans les repas que vous prendrez après le travail, ensuite vous irez recevoir les instructions de votre maîtresse. Vous emploierez le reste de la journée à lire les divines écritures; vous serez en toute chose humble, affable et obéissante. » L'enfant sainte écouta à genoux le discours du prêtre, et après lui avoir demandé sa bénédiction et baisa la main, elle résolut dans son coeur d'observer exactement ce qu'on lui prescrivait, et c'est ce qu'elle fit en effet. Elle demanda en outre à sa maîtresse la permission de servir toute les autres vierges, et de s'employer aux emplois les plus humbles, comme de balayer la maison, et de laver la vaisselle et après l'avoir obtenue, elle se montra admirable pour prévenir les autres dans ces choses si humbles et si pénibles Elle demandait chaque jour le matin et le soir la bénédiction à sa maîtresse, lui baisait la main, et quelquefois les pied quand elle lui en donnait la permission. Elle employait beau coup de temps à lire les divines écritures, plus particulièrement Isaïe, Jérémie, et les psaumes, parce qu'ils contiennent d'une manière plus expresse les mystères du Messie et ceux de la loi de grâce.