CHAPITRE XLIII

CE QUE FIT LA DIVINE MÈRE LORSQUE LES SAINTS ÉVANGILES FURENT ÉCRITS.

Lorsque la divine mère descendit la dernière fois du ciel avec l'Eglise dans ses très-pures mains, annoncée dans l'apocalypse par cette cité sainte, nouvelle et céleste qui descendait du ciel, elle apprit de son divin fils qu'il était convenable et nécessaire d'écrire les saints évangiles, afin qu'elle disposât toutes choses comme maîtresse des apôtres; mais elle obtint comme reine de l'humilité, que cela se fit par le moyen de saint Pierre, comme chef de l'Église. Dans le premier concile rapporté par saint Luc dans les actes des apôtres, après avoir résolu les difficultés sur la circoncision et avoir déterminé plusieurs écrits, Saint Pierre annonça qu'il fallait écrire les saints évangiles, après en avoir conféré d'abord avec la divine maîtresse; ils invoquèrent l'Esprit-Saint pour connaître celui de la sainte assemblée qu'il fallait charger de ce soin; le cénacle fut rempli d'une lumière céleste et on entendit une voix qui dit: Que le souverain pontife chef de l'Église désigne quatre personnes, pour écrire les oeuvres et la doctrine du Sauveur du monde. Saint Pierre, le visage contre terre, rendit grâce au Très-Haut avec tous lés autres, le choix fut résolu, il se leva aussitôt et il parla ainsi que Matthieu, Marc, Luc et Jean notre cher frère écrivent les évangiles, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit; et tous répondirent Amen pour confirmer l'élection.

Quelques jours après le choix dont nous venons de parler, saint Matthieu qui était dans le cénacle se retira dans une chambre séparée, résolu de remplir son office d'évangéliste, il se prosterna à terre pour prier le Seigneur de l'assister dans cette oeuvre divine, et voilà que la très-sainte Vierge lui apparut dans la chambre sur un trône de majesté. A cette vue saint Matthieu se prosterna le visage contre terre et demanda à la divine mère la bénédiction et sa protection dans cette entreprise; la divine reine après l'avoir béni et l'avoir fait asseoir, l'assura de l'assistance divine et de ses prières continuelles; elle l'avertit de ne rien écrire d'elle, excepté ce qui serait nécessaire pour faire connaître les mystères du Verbe incarné, et après lui avoir suggéré l'ordre qu'il devait tenir, elle disparut. L'évangéliste commença à écrire son histoire sacrée en langue hébraïque, et il la termina ensuite dans un autre lieu de la Judée. Quatre ans après, c'est-à-dire la quarante-sixième aunée de la naissance du Sauveur, saint Marc se trouvant dans la Palestine, résolu aussi de commencer son évangile, pria son ange gardien de faire savoir à la divine maîtresse sa détermination pour lui obtenir la lumière du ciel, et étant en oraison la grande reine lui apparut sur un trône royal, entourée des anges, il se prosterna en sa présence, grande reine, dit-il, je suis indigne de cette faveur! Le Très-Haut, répondit la divine mère, que vous servez et que vous aimez, m'envoie afin de vous assurer que son divin Esprit vous guidera pour écrire son évangile. Elle, lui recommanda de ne rien écrire à sa louange, l'Esprit-Saint descendit en forme de feu et l'environna, alors rempli du Saint-Esprit il commença son évangile. Lorsque saint Jérôme dit que saint Marc écrivit son évangile à Rome à la demande des fidèles, il faut entendre que n'en ayant, comme il est vrai, aucune copie, il en fit une en langue latine. Deux ans après, saint Luc commença le sien eu langue grecque; la sainte Vierge lui apparut aussi et après avoir conféré avec elle, il écrivit heureusement son évangile en Achaïe. Saint Jean fut le dernier, il l'écrivit en l'an cinquante-huit, en langue grecque, dans l'Asie-Mineure, après la mort de la très-sainte Vierge, car le démon sachant que son ennemie n'était plus dans ce monde, commença à semer des hérésies et des erreurs, et saint Jean fut laissé pour les combattre. Le saint était donc en oraison, réfléchissant de quelle manière il pourrait prouver la divinité du rédempteur, lorsqu'il vit la sainte Vierge descendre du ciel avec une gloire et une majesté ineffable, accompagnée d'un nombre infini d'esprits bienheureux et elle dit: Jean, mon fils et serviteur du Très-Haut, c'est le temps convenable de faire connaître au monde la Divinité de mon fils, pour les secrets mystérieux que vous avez connus de ma personne, il n'est pas encore opportun de les manifester au monde, de crainte que Lucifer n'en prit occasion de troubler les fidèles enclins à l'idolâtrie; l'Esprit-Saint vous assistera et je veux que vous commenciez à écrire en ma présence. Saint Jean vénéra la grande reine du ciel et rempli de l'Esprit-Saint, il commença son évangile assisté de la divine mère; elle l'assura ensuite de sa continuelle protection, et après l'avoir béni, elle retourna au ciel. Ainsi la grande reine, comme mère de l'Eglise, coopéra au grand travail des évangiles, et les fidèles doivent reconnaître avoir reçu ces ineffables bienfaits de la divine mère.

Pour continuer donc notre histoire, de même que la sainte Église se dilatait de plus en plus, ainsi la sollicitude de la grande maîtresse s'accroissait. Saint Jacques le mineur et saint Jean étaient restés seuls à Jérusalem et tous les apôtres s'étaient dispersés dans le monde, mais la miséricordieuse mère les portait tous dans son coeur, elle compatissait à leurs travaux et à leurs souffrances, elle priait aussi le Seigneur pour eux et répandait des lai-mes continuelles pour ses chers enfants. Mais ce qui est encore plus admirable dans la divine mère, c'est qu'au milieu de ses grandes sollicitudes pour l'Église universelle elle ne perdait jamais la paix ni la tranquillité; elle recommandait encore à ses anges d'assister les apôtres dans leurs besoins, de les secourir et de prendre soin aussi des disciples. Elle voulut encore se charger comme mère vigilante des vêtements des apôtres désirant qu'ils allassent lotis conformes à son divin fils, aussi lorsque les habits venaient à manquer, elle y pourvoyait; elle filait dans ce but incessamment, elle tissait et cousait les tuniques de ses propres mains, les anges lui venaient en aide et ils apportaient les habits préparés aux apôtres là où ils se trouvaient. Elle prenait soin de tous comme une tendre mère, de sorte qu'il n'est possible de rapporter en particulier les pensées, la sollicitude, l'activité de cette miséricordieuse mère, car elle ne passait pas un seul jour sans penser à ces chers missionnaires. Elle leur apparaissait même souvent en personne, lorsqu'ils l'invoquaient dans quelque embarras. Saint Pierre était venu à Antioche pour y établir son siège, pour surmonter les difficultés qui lui survinrent, le vicaire du Christ se trouva plusieurs fois dans la peine et dans l'affliction, alors il invoqua la divine mère et aussitôt elle vint miraculeusement sur un trône de lumière, lorsque saint Pierre la vit si resplendissante de clarté, il se prosterna à terre, la vénéra et lui rendit grâce de ce grand honneur; il lui dit en versant des larmes : Et d'où me vient à moi pécheur, que la mère de mon Seigneur vienne me consoler. La grande reine de l'humilité descendit de son trône et diminua ses splendeurs, elle se mit à genoux devant le chef de l'Eglise et lui demanda la bénédiction comme viatrice. L'apôtre le fit avec une grande crainte et en versant des larmes d'attendrissement, à la vue de la grande humilité de la mère de Dieu et de la reine souveraine de l'univers. Ensuite il la consulta sur les affaires les plus difficiles qui se présentaient, en particulier sur la célébration de différentes fêtes , l'institution de divers rits, et des dignités qu'il fallait établir dans l'Église, le prince des apôtres en reçut de grandes lumières et en fut tout consolé; la Vierge mère fut rapportée par les anges dans son oratoire de Jérusalem. Lorsque saint Pierre vint ensuite à Rome pour y transférer le saint siége apostolique comme Notre-Seigneur le lui avait ordonné, il se trouva aussi dans la peine, et la divine mère lui apparut de nouveau, et il fut alors résolu qu'on célébrerait la fête de la naissance de Notre-Seigneur, le carême, la mémoire de la passion et l'institution du divin sacrement de l'autel.

Dans une autre occasion, saint Pierre étant encore à Rome, il s'éleva une terrible persécution contre les chrétiens, et toute l'Église romaine était dans l'affliction, l'apôtre eut recours à la mère de la piété et il envoya son ange gardien apporter la nouvelle de cette tribulation à la divine mère. A cette nouvelle la mère de la sagesse commanda à ses anges de transporter à Jérusalem le vicaire de Jésus-Christ, les anges exécutèrent aussitôt le commandement et le transportèrent en présence de leur reine. Il est impossible d'exprimer l'ardente affection de saint Pierre , et ses diverses actions de grâces à la grande reine pour ce bienfait si singulier. L'apôtre enflammé d'amour, à genoux, baisait la terre qu'elle avait foulée de ses pieds divins, la mère de l'humilité le pria de se relever, ce qu'il fit, elle se prosterna le visage contre terre et le pria de la bénir, en disant: Mon Seigneur, donnez votre bénédiction , comme vicaire de mon Dieu, mon fils, à votre servante. Saint Pierre obéit et rendit grâce au Très-Haut de toutes ces célestes consolations. Alors l'apôtre lui raconta les tribulations des fidèles de Borne, elle le fortifia avec bonté, le consola, l'éclaira et lui donna de sages avis pour se conduire dans cette occasion; elle lui demanda de nouveau la bénédiction et elle ordonna aux anges de le rapporter à Rome. La sainte Vierge resta à genoux les bras étendus en forme de croix, et demanda au Seigneur l'assistance pour saint Pierre et la grâce pour les fidèles dans cette persécution ; aussi saint Pierre à son retour trouva les choses tranquilles et en paix. Il est impossible de raconter tout ce que la divine mère fit, pendant les années qu'elle survécut à son divin fils, pour les fidèles et pour l'Église.