1884

En wagon

 

 

Il fut un temps où Don Bosco voyageait beaucoup en chemin de fer, et plus d'une fois, pendant ces trajets, il lui arriva d'entendre des personnes, qui ne le connaissaient pas, se livrer, sur son compte, à des appréciations plus ou moins fantaisistes. Le plus ordinairement il se contentait de sourire, sans trahir son incognito.

Un jour, il était dans un compartiment presque au complet, lorsque la conversation tomba précisément sur lui.

Un monsieur, qui paraissait être un commis voyageur, et qui avait le verbe haut et facile, se mit à dire :

— Votre Don Bosco, c'est un intrigant et un farceur. En voilà un qui sait accrocher de l'argent ! Vous croyez que c'est pour des enfants pauvres : pas du tout. Il a donné des sommes considérables à sa mère et à son frère ; puis il s'est fait bâtir un château superbe, et il ne s'y rend que dans un carrosse à deux chevaux. C'est un fourbe de premier ordre.

D. Bosco avait écouté avec le plus grand calme cette longue diatribe : Lorsqu'elle fut terminée :

— Êtes-vous bien sûr de ce que vous dites ? Connaissez-vous Don Bosco ?

— Si je le connais ! je le vois tous les jours. Je pourrais vous en raconter de belles sur son compte, allez !

— Permettez-moi de vous faire observer que, dans tout ce que vous venez de dire, il n'y a pas un seul mot de vrai.

— Un démenti ! Vous osez me donner un démenti ! Vous êtes un impertinent et vous mériteriez...

 

À ce moment, on arrive à une station ; le train s'arrête, et un nouveau voyageur monte dans le wagon.

Dès qu'il aperçoit Don Bosco, il lui baise la main et, avec un empressement respectueux :

— Oh ! Mon vénéré Père D. Bosco, vous ici ! Quel bonheur de faire route avec vous !

— Don Bosco ! s'écrient tous les voyageurs.

— Oui, mes amis, je suis Don Bosco, et je tiens à vous dire que toutes les allégations de ce monsieur sont absolument fausses et mensongères.

Sachez-le bien : ma mère vit avec moi, elle soigne les enfants à l'Oratoire ; mon frère habite toujours la pauvre maison où nous sommes nés ; et, en fait de carrosse je n'ai que ce wagon de troisième classe.

Les assistants, indignés, faillirent écharper le malheureux commis voyageur, qui se hâta de disparaître à la plus prochaine station.

 

Un de ceux qui avaient assisté à cette scène fut tellement frappé du calme et de la douceur avec lesquels Don Bosco avait supporté ces incroyables injures, qu'il voulut être reçu Coopérateur, et, dans la suite, il fit beaucoup de bien à l'Œuvre.