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Les lunes se succédaient. Le printemps passa, puis l’été. Nous regardions d’en haut se transformer le visage de la terre. Les blés verdissaient dans la plaine, puis jaunissaient et se couchaient finalement sous la faux. Les souches noires des vignes bourgeonnaient, fleurissaient et se chargeaient de grappes qu’emportaient les vendangeurs. Mais notre montagne ne changeait jamais; elle était toujours désolée et sans la moindre fleur. Vint l’automne et le mois de septembre.
La fête de la Croix approchait. François ne prenait plus qu’une bouchée de pain et une gorgée d’eau par jour, il jeûnait pour l’amour de la sainte Croix. Sur la Règle de l’Ordre, il avait écrit de sa propre main: «Nous t’adorons, ô Seigneur, et nous te louons, car au moyen de ta sainte Croix, tu as daigné racheter les péchés du monde.» Donc à mesure qu’approchait la fête de l’Exaltation qui a lieu le 14 septembre, François fondait comme un cierge allumé. Il ne pouvait plus dormir et gardait jour et nuit les yeux levés, comme s’il attendait que lui apparût un signe au milieu d’éclairs et de bruissements d’ailes. Un jour, il me prit par la main et me montra le Ciel: Je l’observai ainsi longuement, immobile. Le vent était tombé, pas une feuille ne bougeait. Le ciel commença de blanchir du côté de l’orient. Au loin, perché sur quelque branche, chantait un oiseau matinal. La nuit rassemblait ses étoiles et ses ombres et se préparait à partir. Soudain, une clarté intense, bleue et verte, illumina le ciel. Je levai les yeux: un séraphin avec six ailes de feu descendait et sur son sein, enveloppé dans les plumes, était Jésus crucifié. Une paire d’ailes enlaçait la tête, une autre le corps et la troisième, à droite et à gauche, recouvrait les bras étendus du Christ. L’Alverne était au milieu des flammes dont les reflets éclairaient la plaine. Le Christ ailé fondit du Ciel en sifflant et un éclair atteignit François qui poussa un cri déchirant comme si on le perçait de clous. Il ouvrit les bras et s’immobilisa, crucifié, en l’air. Puis il murmura quelques mots inintelligibles suivis d’un nouveau cri..... Alors, au-dessus de lui, se fit entendre la Voix Divine: ....Je l’aidai à s’étendre, déchirai mon froc et bandai ses plaies, puis je me prosternai devant ses mains et ses pieds en pleurant. Quand je le quittai pour regagner ma hutte, le jour se levait. “Le voyage a pris fin, murmurais-je, le voyage a pris fin. François a atteint le sommet; l’homme ne peut pas aller plus loin que la Crucifixion...” Nikos Kazantzaki, Vie de saint François, pp342 - 345 |
Dans les parties à venir, nous considérerons avec piété les Stigmates de notre bienheureux père Messire saint François, qu'il reçut du Christ sur le saint mont Alverne ; et parce que les dits Stigmates furent cinq, conformément aux cinq plaies du Christ, ce traité aura pour cette raison cinq considérations. La première sera la considération de la manière dont saint François parvint au saint mont Alverne. |