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GEMMA GALGANI


TROISIÈME DISSERTATION



LES FAITS EXTRAORDINAIRES DE LA VIE DE GEMMA SONT

INEXPLIQLABLES PAR LE SPIRITISME



« Ayant exclu, pour les raisons données, l'influence de l'hypnotisme, de l'autosuggestion, de l'hystérie et de l'action diabolique dans les faits extraordinaires de la vie de Gemma, ne pourrait-on pas, dira quelqu'un, en chercher la cause dans le spiritisme ? Chacun sait en effet combien merveilleux et variés sont les phénomènes attribués aujourd'hui à cette mystérieuse énergie psychique ; ils vont jusqu'à éclipser les plus étonnants prodiges de l'ordre surnaturel. » - Je réponds : Que cette énergie tant vantée soit ou non psychique, je ne le rechercherai pas ici, ne voulant entrer en discussion avec les spirites d'aucune école. Mais quant au doute émis, je me crois en droit de dire encore : doucement ! Certes il est permis à chacun de faire à son gré des suppositions et des conjectures ; mais pour les rendre acceptables, il convient de les montrer fondées sur de bons et solides arguments.



I



Aujourd'hui, le spiritisme avec tous « ses phénomènes merveilleux et variés » n'est plus, comme autrefois, un mystère pratiqué par un petit nombre de personnes dans l'ombre des souterrains et des cavernes écartées. Depuis soixante ans environ, il se montre à front découvert au milieu des plus grandes cités d'Italie, de France et d'Allemagne, et dans toutes les parties du globe. Les plus illustres parmi les savants des Universités et des cliniques s'en sont faits les, admirateurs et les défenseurs par exemple, un Crookes, un Wagner, un Slave, un Harmann, un Marselli, un Lombroso, un Zoellner, un Ottolenghi et cent autres. Par leur soin les expériences ont été multipliées d'une manière vertigineuse, et les résultats, consignés et publiés périodiquement en toute langue dans des revues scientifiques renommées ; sans parler des sociétés spirites, fondées pour l'étude de ces phénomènes à Rome, à Florence, à Milan, à Berlin, à Trieste, à Vienne, à Paris, etc. Dans cette dernière ville seule, le nombre des adhérents dépasse cent mille. Ainsi, je le répète, les phénomènes du spiritisme ne sont plus un mystère qui prête à l'équivoque tout le monde les connaît et on peut s'en rendre compte.



II



Maintenant, prenez une de ces revues ci-dessus désignées, ou l'un des nombreux volumes de la bibliographice spirite, qui s'impriment tous les jours. Il suffit d'en ouvrir un seul. Tous ne font que répéter constamment les mêmes choses, qui ne diffèrent que par les circonstances particulières des personnes et des lieux. La nature des phénomènes est toujours la même. « Tous se ressemblent comme autant de gouttes d'eau, » dit le docteur Pappalardo, écrivain qui n'est certainement pas suspect. D'après les théories enseignées, pour exercer le spiritisme il faut, in primis et ante omnia (1) un agent qui remplisse le rôle de premier et principal comédien. Les anciens l'appelaient nécromancien et magicien. Les modernes emploient un mot plus aimable médium, c'est-à-dire intermédiaire entre notre monde et celui de l'au-delà. Sans cet agent, aucun phénomène important ne peut se produire. Il ne suffirait pas d'un homme quelconque ; il faut un opérateur familiarisé avec son art ; soit parce qu'il n'est pas donné à tous de posséder l'énergie psychique nécessaire pour la production des phénomènes (dans l'opinion de ceux qui regardent le spiritisme pour un simple jeu de forces), soit parce que tout le monde n'est pas apte à entrer en commerce avec les esprits, lesquels, d'après une autre opinion, seraient les véritables auteurs de ces faits. En conséquence, un médium, homme ou femme, est indispensable pour toute séance spirite ; et plus on lui reconnaît d'habileté dans son art, plus on peut être certain d'obtenir par son intermédiaire des phénomènes étonnants. Les anciens Indiens, les Égyptiens, les Hébreux, les Grecs, les Romains professaient un véritable culte religieux pour leurs pythons et leurs pythonisses, les médiums d'alors.

Ces notions sont reconnues, approuvées et enseignées par tous les spirites. Ceux-ci, répudiant leur antique nom, préfèrent s'appeler médianistes, et leur système médianité.



III



Après cc court préambule, on voit combien nous sommes loin des faits concernant la vierge chrétienne de Lucques. Où sont ici, en effet, les médiums pour commencer la comédie ? Une humble jeune fille, simple comme une petite enfant, modeste, pudique, ne connaissant rien dans le monde, excepté son rosaire et son crucifix, comment aurait-elle trouvé le moyen de développer dans son âme une énergie capable de produire les choses si merveilleuses que nous avons vues ? Et s'il s'agit de l'opinion, bien moins invraisemblable, qui fait consister le spiritisme dans un commerce réel avec les âmes des morts, ou avec les demi-anges qui habiteraient les astres du firmament, l'air ou tout autre lieu, par quelle force de sympathie ces esprits se seraient-ils soumis à la volonté d'une pieuse chrétienne ? Sur quel fondement établirait-on la supposition d'un pacte implicite ou explicite entre elle et ces esprits pour rendre possible leur évocation ? En un mot, qui aura l'effronterie de faire de Gemma une pythonisse ou une magicienne ? On a beau dire, les médiums sont en général de véritables possédés. Il suffit de les regarder en face et de les voir à l'œuvre pour s'en convaincre.



IV



Mais il y a encore ceci. Pour obtenir un phénomène important, outre l'intervention du médium, si fort qu'il soit, il faut, au dire des maîtres spirites, la présence d'autres personnes que le médium met en communication avec les esprits évoqués. Et ce n'est pas encore suffisant ; d'autres conditions sont requises.

La lumière, en premier lieu, dit le docteur Pappalardo, a sur les manifestations spirites une influence non encore bien définie, mais très grande. Pour ce motif, les séances doivent se tenir le soir, à la lumière artificielle du gaz, de l'alcool ou d'une autre substance. II faut préparer des petites tables, des rideaux, des cabinets obscurs et d'autres objets qui rappellent les superstitions des fakirs hindous et les pratiques de magie des anciens Égvptiens. Que ces objets soient indispensables ou non, le fait est qu'il n'est pas aujourd'hui de séance où l'on n'emploie l'un ou l'autre. Le plus souvent on procède aux expériences par le moyen d'une table qui doit être en bois de peuplier et montée sur quatre pieds. Les assistants et le médium s'asseoient tout autour et se livrent à une mimique de théâtre.

Mon Dieu ! que nous sommes loin encore des très pures extases, des visions et des communications célestes que nous avons admirées dans la vierge de Lucques !



V



Mais continuons et voyons les grands phénomènes particulièrement obtenus par le spiritisme. On ne saurait les mettre en doute après les innombrables expériences faites jusqu'à ce jour. Les voici : 1° Des réponses à des demandes diverses ; elles sont données par signes conventionnels au moyen de coups frappés sur la table, ou bien directement par l'écriture. 2° Des déplacements de corps pesants à travers la chambre, sans que personne les touche. 3° Des bruits et des coups de tout genre, partis d'objets divers. 4° Des tables, des sièges et d'autres meubIes soulevés de terre et qui restent suspendus en l'air. 5° L'enlèvement dans l'air du corps humain lui -même. 6° Des apparitions lumineuses dans l'obscurité de la salle par exemple, des petites flammes, des lueurs polychromes, des auréoles, qui se meuvent et vont se poser sur les assistants, comme les langues de feu sur les apôtres au jour de la Pentecôte. 7° Des apparitions de membres humains lumineux des mains, des pieds, des bras, des jambes, qui se permettent sur les assistants des attouchements qui ne sont ni toujours honnêtes ni toujours aimables. 8° Des manifestations de choses occultes, faites par la bouche du médium en n'importe quelle langue, ancienne ou moderne. 9° L' évocation d'une personne déterminée déjà morte, qui parle, écrit et se prête à des choses qui parfois n'ont rien de scientifique. 10° Des apparitions d'esprits matérialisés, (c'est-à-dire revêtus de chair et d'os comme les corps vivants) qui touchent et se laissent toucher facilement. Tel le diable, dans l'histoire des anciens pères du désert, qui apparut à un pauvre moine sous des formes lubriques et le fit prévariquer. Ces fantômes complaisants se laissent photographier à la lumière de magnésium, et, grâce à l'énergie psychique des médiums, la matérialisation s'imprime sur la plaque photographique comme les traits de toute autre personne. Parfois ces esprits matérialisés apparaissent beaux et formés dès le début ; d'autres fois ils se forment lentement, en présence des spectateurs, comme d'un nuage ou d'une fumée qui se condense. 11° Des phénomènes télépathiques les esprits mettent en communication l'un ou l'autre des assistants avec des personnes absentes et éloignées, comme à l'aide d'un appareil téléphonique. 12° Des transes du médium : celui-ci, pendant les expériences, tombe souvent en léthargie comme les personnes fortement hypnoti sées ; et, ce qui est pire, assez fréquemment les esprits eux-mêmes se prennent à tourmenter horriblement ce pauvre malheureux, comme le diable tourmente ses possédés. « Ces cas (de vexations), assure le spirite Pappalardo, se produisent même très ordinairement, et la connaissance en est élémentaire dans la science du spiritisme. » 13° Il y a enfin dans le médium lui-même des dédoublements et des transformations de la personnalité, résultant de l'exaltation psychique : la conscience subliminale, l'automatisme ambulatoire, l'extériorisation de la sensibilité et de la motilité, etc., etc. : toutes choses aussi ridicules que paraissent barbares les termes par lesquels les désignent les maîtres spirites Crookes, Wiliam, Gibier, Ottolenghi, Pappalardo et compagnie. On peut en voir l'explication dans leurs œuvres.



VI



Cet exposé suffit amplement pour convaincre toute personne que les phénomènes merveilleux de la vie de Gemma Galgani appartiennent à un tout autre genre. Y voit-on des petites tables à quatre pieds, des corps qui se heurtent et volent dans la chambre, des matérialisations vaporeuses, et tous les autres enfantillages énumérés, dont il est honteux pour notre âge que la science ait voulu s'occuper sérieusement ?

La vierge de Lucques est favorisée sans doute d'extases et d'apparitions d'esprits célestes, surtout de l'Ange gardien, de la Mère de Dieu, et du saint des saints, le Seigneur Jésus ; mais qui oserait comparer ces extases et ces apparitions toutes divines avec celles des séances spirites ? et les suaves défaillances de Gemma avec les dégoûtantes léthargies d'une Eusapia Paladino, d'une Cook, d'une Piper, médiums fameux des expériences de Crookes, de Chiaia, d'Hodgson ?

Gemma aussi eut à subir des vexations diaboliques, mais combien différentes, par leur nature et par l'intention évidente du démon, des puériles tracasseries des séances spirites. Satan poursuivait en cette jeune vierge une créature privilégiée de Dieu, et aussi une apôtre dont les prières incessantes lui ravissaient les âmes en obtenant du ciel leur conversion. Les esprits évoqués tourmentent parfois leurs importuns amis pour les donner en spectacle aux curieux : preuve nouvelle qu'il est imprudent de se frotter à certains êtres de l'autre monde.



VII



J'éprouve, je l'avoue, un frisson en faisant de semblables comparaisons, mais je les juge nécessaires pour fermer la bouche à tant de gens dans l'illusion, et pour prémunir les bons chrétiens contre le scandale de leurs déclamations soi-disant scientifiques. Je finis par un autre rapprochement. Tous ceux qui ont assisté à des séances de spiritisme sont contraints, bon gré, malgré, de reconnaître que rien n'est plus incohérent que les conversations de prétendus esprits réincarnés avec leur médium, et souvent même que rien n'est plus immoral ni plus impie. Qu'on en lise les compte-rendus authentiques dans les livres et les revues, et on verra s'il en est une seule présentant un caractère sérieux. « Assez souvent, atteste le professeur Antonelli, les réponses et les conversations ainsi obtenues contiennent un mélange incroyable de vrai et de faux, de bon et de mauvais. Il arrive aussi fréquemment que, au beau milieu, la conversation devienne désordonnée, confuse ; les réponses ne sont plus conformes aux demandes, et elles peuvent se trouver incongrues, absurdes, fausses, obscènes, menteuses, impies. » Et le docteur Pappalardo, un spirite pourtant jusque dans la moelle des os, après avoir rapporté une expérience de Gibier avec le médium Slade, conclut ainsi : « Toutes les séances de tables sont généralement dans ce genre. On n'y obtient que des folâtreries banales, des mouvements étranges, souvent fantastiquement vertigineux... Pour ce qui concerne les communications, elles sont presque toujours marquées au coin de la sottise, et lorsqu'on traite des questions ultraterrestres, elles ne dépassent pas les idées acquises des assistants et se contredisent sans cesse. »

Le docteur Gibier écrit lui-même : « En fait de psychisme expérimental (entendez spiritisme) on a besoin d'être prudent. Avant tout, dans l'intérêt de la vérité, il ne faut pas que le premier venu s'occupe d'un sujet si délicat ; mais il est nécessaire de déconseiller, surtout aux particuliers, les pratiques du spiritualisme expérimental. On a besoin, en effet, d'être solidement trempé et d'offrir toute sécurité, surtout du côté du cerveau, si l'on ne veut voir sa raison sombrer tout entière après l'envolée (sic) d'un entretien avec l'invisible. Malgré cela, d'innombrables familles jouent chaque jour avec ce danger de perdre la raison... C'est notre devoir de signaler le péril inhérent aux expériences du psychisme, car beaucoup de personnes s'exposent, sans s'en douter, à des dangers très graves. »

Remercions Dieu de ce consciencieux langage



VIII



Maintenant, si les phénomènes qui se passaient en Gemma Galgani avaient été les effets du psychisme expérimental, ou les opérations d'âmes de défunts, évoquées par la jeune fille suivant les règles des spirites, ne voit-on pas qu'on aurait dû constater, au moins quelquefois, l'un ou l'autre des inconvénients et des vices signalés ? Mais au contraire, j'ai montré dans mon ouvrage de la vie de Gemma qu'on ne vit jamais rien de plus idéalement beau et pur, rien de plus conforme à la belle et pure doctrine de la foi chrétienne, expliquée avec toute la rigueur théologique. Les extases de la vierge de Lucques, ses défaillances, ses élans d'amour vers Dieu, ses longs et fréquents dialogues avec les célestes visions, au lieu de scandaliser les spectateurs ou de les exposer à perdre la raison « par suite d'émotions terribles » suivant l'expression du docteur Gibier au sujet des phénomènes du psychisme, les poussaient à la dévotion, les faisaient pleurer d'attendrissement, et les excitaient à aimer eux-mêmes un Dieu qu'ils voyaient tant aimé par notre extatique. On la proclamait bienheureuse d’avoir trouvé toute sa félicité dans ce très pur amour.


Pour conclure, je dis à ceux qui veulent m'entendre Puisque les phénomènes de votre spiritisme sont bien, jusqu'à ce jour. ceux que j'ai signalés après vous, attendez de grâce que vos forces psychiques et biologiques soient plus perfectionnées, afin de pouvoir obtenir quelque chose de nouveau et de bon à mettre en regard avec les faits prodigieux constatés chez Gemma : laissez à vos esprits, matérialisés ou non, le temps de devenir plus instruits, plus moraux et plus sérieux, autant qu'il le faut pour s'élever au-dessus du banal et du ridicule. Alors vous pourrez reprendre la discussion sur le surnaturel chrétien. Pour le moment, vous n'en seriez pas capables, aveuglés que vous êtes par l'esprit de parti. Attendez, dis-je, et si vous ne vous sentez pas disposés à vénérer cette vierge enrichie de tant de dons célestes, retirez-vous, cela vaut mieux, et laissez-nous bénir ce Dieu qui l'a si magnifiquement privilégiée.




(1) D'abord et avant tout.