«Les juifs demandent des
« Démanchés, presque arrachés des épaules, les bras du Christ paraissaient garrottés dans toute leur longueur par les courroies enroulées des muscles. L'aisselle éclamée craquait ; les mains grandes ouvertes brandissaient des doigts hagards « qui bénissaient quand même, dans un geste confus de prières et de reproches ; les pectoraux tremblaient, beurrés par les sueurs le torse était rayé de cercles de douves par la cage divulguée des côtes ; les chairs gonflaient, salpêtrées et bleuies, persillées de morsures de puces, mouchetées comme de coups d'aiguilles par les pointes des verges qui, brisées sous la peau, la lardaient encore, çà et là, d'échardes
Que vient-on nous parler, à ce propos, de symbolisme, comme si la Croix de Jésus, par l'intersection de ses deux lignes horizontale et verticale, avait simplement pour objet de représenter par des signes géométriques une certaine doctrine cosmologique ? (1). En vérité, il s'agit ici de tout autre chose que de conceptions métaphysiques. Ce qui s'est accompli sur le Calvaire, c'est un sacrifice et un sacrifice sanglant : un Homme a été cloué sur une croix, et quel Homme ! Le Fils de Dieu, le Verbe, qui ne s'est fait chair qu'afin de donner sa vie pour le salut du monde. Si la Croix est un signe, c'est le signe de notre Rédemption. Aussi, dans la contemplation de Jésus crucifié, attachons-nous bien moins nos regards à l'instrument de bois qui a servi au supplice qu'à l'être humano-divin qui y est suspendu. Avez-vous noté le fait remarquable de la destruction du Temple de Jérusalem quelques années après .la mort du Sauveur ? Cette destruction a eu pour effet de mettre un terme aux rites sacrificiels qui y étaient célébrés et par suite, à l'institution même du sacerdoce juif. Il semble bien, à ne constater que la succession historique des événements, que la mort de Jésus sur la Croix ait été un accomplissement, la réalisation de figures qui devaient prendre fin à sa venue et qui, de fait, ont pris fin lorsqu'il eut achevé sa mission rédemptrice. S'il est vrai, comme le rappelle l'Épître aux Hébreux, que l'effusion du sang des victimes consacrées à la divinité ait été, chez tous les peuples, la condition et le signe de la rémission des péchés, pourquoi les sacrifices sanglants ont-ils cessé, tout d'abord dans le culte juif, puis peu à peu sur toute la terre, si ce n'est précisément parce que l'Agneau de Dieu, se substituant à toutes les victimes, a payé pour tous les coupables et que par sa seule médiation l'humanité est désormais rentrée en grâce auprès du Créateur ? Le sacrifice du Golgotha est donc à la fois une oeuvre de rachat, dont la portée est universelle, puisqu'elle s'étend à tous les pécheurs et s'applique à tous les temps, et une oeuvre de substitution, puisque les fruits de la passion du Christ ont une telle vertu qu'ils suffisent, sans mérite de notre part, à nous, ouvrir tous les trésors de la miséricorde divine. Ainsi la mort du Christ met fin à la longue coulée de sang qui, depuis le meurtre d'Abel, n'avait cessé d'inonder le monde, sans réussir à laver l'humanité de ses iniquités et de ses turpitudes. Devant ce spectacle de Jésus en croix, dont la tragique grandeur est faite de justice et d'amour, quel est celui d'entre nous qui oserait dire: cela ne me regarde pas ! Comme s'il n'était pour rien dans la passion du Christ ! Comme si Celui qui fut sans péché n'avait souffert et n'était mort que pour son propre salut ! Le grand-prêtre juif aspergeait lui-même de sang l'autel de Yahvé devant tout le peuple, au grand jour de l'Expiation ; mais, en le marquant ainsi du sang des taureaux, ce n'est pas seulement pour la rémission des péchés du peuple qu'il offrait le sacrifice, C'était aussi pour la rémission de ses propres péchés. Le Saint de Dieu, qui est notre grand-prêtre pour l'éternité, n'offre pas à son Père le sang des taureaux : il offre son sang à lui et il l'offre pour le salut du monde, c'est-à-dire pour la rédemption de chacun de nous en particulier. « Le Fils de Dieu, parce qu'il m'a aimé, s'est livré lui-même à la mort pour moi ». (Galat.II, 20). Comprend-on maintenant ce qu'est pour nous Jésus en Croix ?
JÉSUS EN CROIX ! VOUS QUI EFFACEZ LES PÉCHÉS DU MONDE, AYEZ PITIÉ DE NOUS Gabriel HUAN. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- (1) SAINT-ALPHONSE DE LIGUORI, Méditations sur la passion de Jésus-Christ, 4e partie : Le Drame de la Passion, ch. 93. |