Résurrection

« Je crie vers toi, Ô Éternel ! Et 
je dis : tu es mon Asile, mon partage 
sur la terre des vivants
(Psaume 141, 6).

I

     Il est écrit dans le livre de Job qu'il est une « terre des ténèbres, obscure comme la nuit, où règnent l'ombre de la mort et le chaos, où la lumière même est semblable à la nuit » (Job., X, 22). La Bible l'appelle « Infernus »; c'est le séjour des morts, le lieu « d'où l'on ne revient pas » (Sagesse, II, 1) et « où l'on ne se souvient pas de Dieu » (Psaume 6, 6) ; « lieu du silence., où l'on ne chante pas les louanges de l'Éternel ».(Psaume 115, 17) ; où « l'on ne sait plus rien, où il n'y a pas de récompense, car la mémoire même des morts est oubliée ; leur amour, leur haine, leurs ambitions, tout s'est évanoui ; ils n'auront plus désormais aucune part à ce qui se fait sous le soleil » . (Ecclésiaste, IX, 5-6). Les morts ont été effacés du « livre de vie » (Apoc., III, 5) ; et, maintenant ils sont asservis à la domination de Satan, car c'est lui « qui possède l'empire de la mort » (Hebr., II, 14). Dieu est « le Dieu des vivants » , il n'est pas « le Dieu des Morts » (Matth., XXII, 32). « Laissez donc, dit Jésus, laissez les morts ensevelir leurs morts » (Matth., VIII, 22).
     Mais le Divin Maître n'a-t-il pas dit aussi « celui qui croit en moi vivra, quand même, il serait mort » ? C'est qu'en effet, il est « la résurrection et la vie » (Jean, XI, 25-26). Le chrétien ne doit donc pas « comme font les autres hommes qui n'ont pas d'espérance, s'affliger au sujet de ceux qui sont morts » (I, Thess., IV, 14) ; il sait que ceux qui se sont endormis dans le Christ ne sont pas à jamais perdus » (I, Cor., XV, 18). « Si, en effet, ajoute l'Apôtre, nous n'avions d'espérance en Christ que pour cette vie seulement, nous serions les plus misérables de tous les hommes » (I, Cor., XV, 19). En vérité, ceux qu'on appelle les morts sont vivants dans le Christ ; ils n'ont pas perdu la vie, la vie a seulement changé pour eux d'état : Vita mutatur, non tollitur (Préface de l'office des morts). « Aucun de nous, écrit saint Paul, ne vit pour lui-même car, si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur et, si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Soit donc que nous vivions, soit que nous mourrions, nous sommes au Seigneur. Car c'est pour être le Seigneur des morts et des vivants que le Christ est mort, et qu'il a repris vie » (Rom., XIV, 7-8). « La mort est venue par un homme, dit encore l'Apôtre ; c'est par un homme aussi qu'est venue la résurrection des morts. Comme tous meurent en Adam, de même tous revivront en Christ... Le Christ est ressuscité des morts et il est les prémices de ceux qui sont morts » (Cor., XV, 20-22). Et, si le Christ est ainsi « notre vie », « la mort n'est-elle pas pour nous un gain » (Phil.,I, 21) ?

     Mais il est une première mort dont nous devons nous réveiller » (Ephès., V, 14) si nous voulons, au terme de nos jours, « nous endormir dans le Seigneur » (I, Cor., XV, 18) : C'est la mort du péché. C'est parce que le Christ est mort pour nos péchés qu'il est ressuscité à la vie et que, maintenant il est « vivant pour Dieu » (Rom., VI, 11). Il faut que nous mourrions d'une mort semblable à la sienne pour que nous ressuscitions d'une résurrection semblable à la sienne, c'est-à-dire que nous dépouillions le « vieil homme corrompu par les convoitises trompeuses », pour revêtir « l'homme nouveau créé à l'image de Dieu dans la justice et la sainteté véritables » (Ephès., IV, 22-24). « Nous tous, dit saint Paul, qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés en sa mort. Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous aussi nous vivions une vie nouvelle. Car, si nous sommes devenus une même plante avec lui par une mort qui ressemble à la sienne, nous le serons aussi par une résurrection semblable, sachant que notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du péché soit détruit et que nous ne soyons plus asservis au péché. Car celui qui est mort est libéré du péché. Or, si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui, puisque nous savons que le Christ ressuscité des morts ne meurt plus, la mort n'ayant plus d'empire sur lui » (Rom., VI, 3-9).

     A-t-on remarqué le symbolisme des trois résurrections opérées par le Christ et dont le récit est contenu dans les Évangiles ? Ce sont là, assurément, des faits historiques, mais aussi des faits qui possèdent un sens spirituel. Le Christ a, en effet, ressuscité la fille de Jaïre dans la chambre ; le fils de la veuve de Naïm, dans la rue ; Lazare, dans le tombeau. Si nous considérons que le péché est une mort à la vie de l'âme, la résurrection, ce sera la résurrection spirituelle qui rend au mort la vie de l'âme.La fille de Jaïre est encore enfermée dans sa chambre ; la mort est venue par consentement à la faute, encore enfermé dans la pensée ou la volonté. Le fils de la veuve de Naïm est dans la rue ; la mort est venue, non plus simplement par un consentement de la pensée ou de la volonté, mais par un acte qui a accompli le péché en parole ou en oeuvre. Enfin Lazare est descendu au tombeau, il gît dans l'oppression de la pierre, pour exprimer qu'il demeure sous le poids de la mauvaise habitude du péché. Le Christ réveille la première en présence de peu de témoins et par la simple parole : « lève-toi ».; il réveille le second en public et en un instant, mais déjà la parole ne suffit pas, il faut un commandement qui ordonne : « je te dis : lève-toi » ; enfin le Christ ne ressuscite Lazare qu'avec des larmes, un grand frémissement, une voix qui se fait plus forte jusqu'à devenir un cri : « Lazare, sors et il faut l'aide de témoins pour délier celui qui « sentait déjà ». Ainsi le péché qui donne la mort peut d'abord être conçu dans le coeur sans être accompli, puis accompli par une oeuvre mauvaise, enfin devenir une habitude de dépravation. Dans ces trois cas, avec la grâce et le secours du Christ, la vie peut être rendue à l'âme coupable. Mais il est des cas où la mort est devenue définitive ; c'est pour ceux-là qu'a été dite la parole : « laissez les morts ensevelir leurs morts » (Matth., VIII, 22).

     De ces trois résurrections il est intéressant de rapprocher les trois guérisons de paralytiques relatées par les Évangiles. Il y a le paralytique qui est au lit dans sa maison .(Matth., VII, 6) et que le Christ guérit à distance, sans le visiter. Il y a le paralytique qui est couché dehors auprès de la piscine probatique et que le Christ guérit publiquement d'un mot « lève-toi ; prends ton lit et marche » (Jean, V, 2). Il y a enfin le paralytique qu'on descend sur son lit à travers le toit de la maison où Jésus enseignait et que le Maître guérit, non plus de la simple parole : « lève-toi » ; mais d'un geste qui confère à la guérison la valeur d'une absolution : « mon enfant, tes péchés te sont pardonnés » (Marc, II, 5). Ainsi nous comptons trois espèces de pécheurs : le pécheur caché, le pécheur publie et le pécheur habituel. Et, de même qu'il y a progression dans la gravité du péché, il y a progression dans la profondeur de la miséricorde divine qui guérit et ressuscite.

     Ceux qui ont été, de la sorte, libérés de la servitude du péché, sont nés à une vie nouvelle ; ils sont passés de la mort, qui est le salaire du péché », à la vie qui est « joie et paix dans le Christ » ; ils appartiennent déjà, sans avoir connu le trépas, à la « Terre des vivants » : « je suis la résurrection et la vie, dit Jésus ; celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort. Et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais » (Jean, XI, 25-26).

II

     « Dieu est pour nous, dit le Psalmiste, le Dieu qui nous sauve ; c'est lui l'Éternel, le Seigneur qui délivre de la mort » (Psaume 67, 21) ; car « Il veille sur notre départ comme sur notre arrivée » (Psaume 120, 8). Si « l'éternel tourne sa face contre ceux qui font le mal pour effacer de la terre leur souvenir », « les yeux de l'Éternel sont sur les justes et ses oreilles sont attentives à leur cri » ; « l'Éternel rachète l'âme de ses serviteurs, de sorte que tous ceux qui cherchent en lui leur refuge sont à l'abri du châtiment » (Psaume 33). Les âmes des justes n'ont donc rien à craindre des angoisses de la mort ; elles sont « dans la main de Dieu » (Sagesse, III, 1) et « elles entendent la voix du Fils de Dieu » (Jean, V, 25). D'ailleurs, n'est-il pas vrai qu'elles possèdent déjà la vie éternelle ? Elles sont accourues à l'appel du Bon Pasteur qui a dit : « mes brebis entendent ma voix, je les connais et elles me suivent ; je leur donne la vie éternelle, elles ne périront jamais et nul ne les ravira de ma main » (Jean, X, 27-28). Parce qu'elles ont « cru en Celui que le Père a envoyé » et qu'elles ont « gardé sa Parole », elles sont passées de la mort à la vie » (Jean, V, 24), ,elles ne regardent plus aux choses visibles, qui ne sont que pour un temps, mais aux invisibles, qui sont éternelles » (II, Cor., IV, 18).

     « Nous savons, en effet, ajoute saint Paul, que si notre demeure terrestre, qui n'est qu'une tente, est détruite, nous avons dans le ciel un édifice qui est 1'oeuvre de Dieu, une demeure éternelle qui n'est pas faite de main d'homme. Aussi gémissons-nous dans cette tente, ayant l'ardent désir d'être revêtus de notre habitation céleste, si toutefois nous sommes trouvés vêtus et non pas nus. Car, nous qui sommes dans cette tente, nous gémissons comme sous un fardeau, parce que nous souhaitons, non d'être dépouillés, mais d'être revêtus, afin que ce qu'il y a de mortel en nous soit absorbé par la vie. Et celui qui nous a formés pour cela même, c'est Dieu, qui nous a donné pour arrhes son Esprit » (II, Cor., V, 1-5). Et de quoi souhaitons-nous être revêtus ? « Il faut, répond l'Apôtre, que notre corps corruptible revête l'incorruptibilité, que notre corps mortel revête l'immortalité. Et, quand ce corps corruptible aura revêtu l'incorruptibilité et que ce corps mortel aura revêtu l'immortalité, alors s'accomplira cette parole de l'Écriture : « la mort a été engloutie dans la victoire »... Grâces soient rendues à Dieu qui nous donne la victoire par Notre Seigneur Jésus-Christ ! (I, Cor., XV, 53-57).

     C'est de la victoire du Christ sur le monde et sur Satan, « qui tient l'empire de la mort » (Heb., II, l), que nous tenons le gage et l'assurance de notre propre victoire sur le péché et sur la mort, à condition, toutefois, que nous ayons « revêtu le Seigneur Jésus-Christ » (Rom., XIII, 14) et que désormais « ce ne soit plus nous qui vivions, mais le Christ en nous » (Galat., II, 20). Cette vie du Christ, qui s'installe en nous par une sorte de « greffe » (Rom., XI, 24), saint Paul l'assimile dans la première Épître aux Corinthiens, à une « incorporation », selon laquelle les fidèles sont « le corps du Christ, chacun pour sa part étant ses membres » (I, Cor., XII, 27) ; le Christ étant lui-même « la tête de qui le corps tout entier, bien coordonné et fortement uni par toutes les jointures qui font communiquer ses parties, tire son développement, selon la force mesurée à chacune d'elles, et s'édifie lui-même dans la charité » (Ephès., IV, 16; Coloss., Il, 19). Ce corps du Christ, à la fois un et multiple, c'est l'Église ou l'assemblée de tous les fidèles en qui vit le Christ ; et l'Eglise a pour chef suprême le Christ, qui est la tète de ce corps : « Il faut que vous sachiez, écrit saint Paul aux Chrétiens d'Éphèse, quelle est l'espérance que fait naître en nous l'appel, de Dieu, quelles sont pour les saints les richesses de son glorieux héritage et quelle est, envers nous qui croyons, l'infinie grandeur de sa puissance, qui agit par la vertu souveraine de sa force. C'est cette puissance qu'il a déployée dans le Christ en le ressuscitant des morts et en le faisant asseoir à sa droite dans le ciel, au-dessus de tout pouvoir, de toute autorité, de toute puissance, de toute souveraineté, de tout nom qui puisse être nommé non seulement dans ce siècle, mais aussi dans celui qui est à venir. Il a mis toutes choses sur ses pieds et il l'a donné pour chef suprême à l'Église, qui est son corps, plénitude de Celui qui remplit tout en tous » (Ephès.,I, 18-23).

     C'est la vocation de tout chrétien, en participant à cette plénitude, de travailler « à l'édification du corps du Christ jusqu'à ce que nous soyons tous parvenus à l'unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l'état d'hommes faits, à la mesure de la stature parfaite du Christ » (Ephès., IV, 13). Mais si, à cette oeuvre d'édification spirituelle qui doit marquer, avec le « perfectionnement des saints », le triomphe de l'Église du Christ sur la « Synagogue de Satan » (Apoc.,II, 10) chacun de nous est tenu de collaborer « selon la grâce qui lui a été donnée, à la mesure du don du Christ » (Ephès., IV, 7), son achèvement ne sera réalisé que dans la communion des vivants et des morts - de ceux qu'on appelle les morts. - Car, s'il est vrai que ceux qui se sont endormis dans le Seigneur sont vivants dans le Christ, n'est-ce point par le Christ que nous entrerons en communion avec eux ?
     Tous ceux qui vivent dans le Christ et en qui vit le Christ ne forment qu'un seul corps, dont ils sont, chacun, les membres ; et le corps ne peut subsister que si les membres sont unis les uns aux autres dans une coordination parfaite. « Il y a donc plusieurs membres, mais un seul corps » (I, Cor., XII, 20). Dès lors, ne suffit-il pas d'appartenir à ce corps pour entrer en relation avec tous ses membres et vivre de la même vie ? « Lorsqu'un seul des membres souffre, tous les membres souffrent avec lui, et, lorsqu'un seul des membres est honoré, tous les membres s'en réjouissent avec lui » (I, Cor., XII, 26). C'est dans la communion des saints que s'exprime la véritable unité de ce corps du Christ, dont tous les chrétiens sont les membres, soit qu'Ils appartiennent encore à ce monde, soit qu'ils aient quitté leur corps de chair pour émigrer dans cette « Terre des Vivants », où il n'y a de place que pour la paix et la joie dans la lumière de Dieu.
 

III

     Comment ceux qui appartiennent, ainsi au corps mystique du Christ n'attend raient-ils pas avec assurance, pour la fin des temps, cette « résurrection des corps » qui demeure la grande espérance du Chrétien : « Nous ne voulons pas, frères, écrit saint Paul que vous soyez dans l'ignorance au sujet de ceux qui se sont endormis ; afin que vous ne vous affligiez pas comme les autres hommes, qui n'ont pas d'espérance » (II Thess., IV, 13). La foi chrétienne ne nous promet pas seulement, après la mort, une survivance de l'âme qui, abandonnant à la corruption du tombeau le corps auquel ici-bas elle a été si étroitement unie, la laisserait, en définitive, solitaire et insatisfaite dans le royaume même des élus. Sans un corps, mais transformé et revêtu d'incorruptibilité, l'homme, sorti de ce monde, ne saurait goûter toute la béatitude qui lui est réservée dans le ciel, parce que le corps ne fait pas moins partie que l'âme de son être véritable. D'ailleurs, nous dit encore saint Paul, « s'il n'y a point de résurrection des corps, le Christ non plus n'est pas ressuscité, notre prédication est vaine et notre foi aussi est vaine » (I, Cor., XV, 13). Et l'Apôtre, ajoute : « si nous n'avions d'espérance en Christ que pour cette vie seulement, nous serions les plus misérables de tous les hommes. »

     Il n'est pas exagéré de dire, en effet, que toute la vérité du Christianisme repose sur le fait de la résurrection du Christ ; et la vérité de cette résurrection repose à son tour, d'une part, sur la déclaration du Christ, d'autre part, sur le témoignage des Apôtres. A-t-on remarqué avec quelle insistance le Christ annonce aux siens sa mort prochaine et comment à l'annonce de cette mort est liée l'assurance de sa résurrection ? « Comme ils parcouraient ensemble la Galilée, Jésus leur dit: le Fils de l'homme va être livré entre les mains des hommes et ils le feront mourir ; mais il ressuscitera le troisième jour » (Matth., XVII, 22-23 ; Marc., IX, 30-32 ; Luc., IX, 43-45). Plus tard, « comme il montait à Jérusalem, Jésus prit à part ses douze disciples et il leur dit en chemin : « voici que nous montons à Jérusalem et le Fils de l'homme sera livré aux chefs des prêtres et aux scribes, et ils le condamneront à mort. Ils le livreront aux païens, pour qu'il soit exposé à la moquerie, battu de verges et crucifié, et le troisième jour il ressuscitera » (Matth., X, 1719 ; Marc., X, 32-34 ; Luc., XVIII, 31-34)
    Lorsque les derniers moments sont arrivés et qu'il va subir sa passion le Christ rappelle encore à ses disciples la grande vérité de sa résurrection : « Vous allez tous trouver en moi, cette nuit, une occasion de chute, car il est écrit : « je frapperai le berger et les brebis du troupeau seront dispersées » ; mais après que je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée » (Matth.; XXVI, 31-32). N'avait-il pas eu, d'ailleurs, au cours de son enseignement, l'occasion d'exprimer sa pensée sur la résurrection : « Ce même jour, les Sadducéens, qui disent qu'il n'y a pas de résurrection, s'approchèrent de Jésus et lui posèrent une question » ; et Jésus de répondre « N'avez-vous pas la parole que Dieu vous a dite je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu, d'Isaac et le Dieu de Jacob ... ? Il n'est pas le Dieu des Morts, mais le Dieu des Vivants » (Matth., XXII, 23-33 ; Marc., XII, 18-27 ; Luc., XX, 27-40). Et qui donc oserait mettre en doute la parole de Celui qui a dit : « je suis la vérité » (Jean, XIV, 6) et qui a mis ses adversaires au défi de le convaincre de mensonge : « je vous dis la vérité et vous ne me croyez pas. Mais quel est celui d'entre vous qui me convaincra de péché ? Et, si je dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous pas ? C'est parce que vous n'êtes pas de Dieu ? Celui qui est de Dieu écoute la parole de Dieu » (Jean, VIII, 45-47).

     Nous avons mieux que cette annonce prophétique de la résurrection ; nous avons le fait de la transfiguration au Thabor, où le Christ se manifesta à Pierre, Jacques et Jean, les trois Apôtres qui devaient l'assister dans son agonie au jardin des Oliviers, sous les traits de son corps glorieux : « son visage devint resplendissant comme le soleil et ses vêtements devinrent blancs comme la lumière » (Matth., XVII, 1-13 ; Marc., IX, 2-13 ; Luc., IX, 2836). Cette clarté de la gloire, qui parut alors dans le corps du Christ l'environnant d'une « nuée lumineuse », révélait aux Apôtres, avant l'événement, dans la personne de leur Maître, quelle serait la nature des corps ressuscités. Jésus n'avait-il pas déjà enseigné que « les justes dans le royaume du Père luiront comme le soleil ? » (Matth., XIII, 43). Et nous lisons dans l'Apocalypse que les élus dans le ciel sont « vêtus de robes blanches » (Apoc., VII, 9). Qu'il s'agisse bien ici de la clarté dont seront dotés les corps des élus après leur résurrection, cela ressort avec évidence de la défense faite par Jésus à ses Apôtres, lorsqu'ils furent descendus de la Montagne : « Ne dites à personne ce que vous avez vu, jusqu'à ce que le Fils de l'Homme soit ressuscité » (Matth., XVII, 9). Voici en effet le témoignage de Pierre « ce n'est pas en suivant des fables habilement composées que nous vous avons fait connaître la puissance et l'avènement de Notre Seigneur Jésus-Christ, c'est pour avoir vu sa majesté de nos propres yeux... nous étions avec lui sur la sainte montagne » (II, Pet.,I, 16-18). Et cet autre témoignage qui confirme le précédent : « ce Jésus,. Dieu l'a ressuscité et nous en sommes tous témoins » (Actes, 11, 32).

     Récuserons-nous le témoignage des Apôtres parce qu'il émane d'hommes sans culture, mais c'est précisément leur naïveté qui établit leur sincérité et leur bonne foi. Ne sont-ils pas incrédules, lorsque les saintes femmes viennent leur annoncer qu'elles ont trouvé le tombeau vide ? « Ces paroles leur firent l'effet d'une rêverie et ils ne les crurent pas. Cependant Pierre se leva et courut au tombeau ; et, s'étant baissé pour regarder, il ne vit que les linges qui étaient à terre, puis il s'en alla chez lui, tout surpris de ce qui était arrivé » (Luc., XXIV, 9-l2) ; car, ajoute le quatrième Évangile, « ils n'avaient pas encore compris l'Écriture d'après laquelle il fallait que Jésus ressuscitât des morts » (Jean, XX, 9). Il semble pourtant que Jean ait eu la révélation de ce qui s'était passé ; car le quatrième Évangile dit de lui « qu'il vit et il crut » (Jean, XX, 9). Il reste que Jésus lui-même, au cours des quarante jours qu'il passa sur la terre après sa résurrection, dut leur « ouvrir l'esprit pour leur faire comprendre les Écritures, leur disant ; c'est ainsi qu'il est écrit que le Christ devait souffrir et qu'il ressusciterait des morts le troisième jour » (Luc., XXIV, 45-47). Mais il leur manquait encore d'être, « revêtus de la puissance d'en Haut » (Luc., XXIV,49) pour devenir les témoins publics de la résurrection de leur Maître. Ce fut l'oeuvre du Saint-Esprit qui, le jour de la Pentecôte, « remplit toute la maison où ils étaient assis » (Actes, II, 2), Esprit de lumière et de force qui, leur découvrant « toute la vérité » (Jean, XVI, 13) fit sortir sur la place publique ceux que la crainte des juifs tenait enfermés dans le Cénacle et leur fit élever la voix devant tout le peuple assemblé : « Hommes d'Israël, écoutez ces paroles : Jésus de Nazareth, cet homme à qui Dieu a rendu témoignage parmi vous, par les actes de puissance, les prodiges et les miracles qu'il a opérés par son moyen au milieu de vous, vous l'avez fait .mourir par la main des impies, en le clouant à la Croix. Mais Dieu l'a ressuscité, en le délivrant des douleurs de la mort, parce qu'il n'était pas possible qu'elle le retînt en sa puissance » (Actes, V, 22-25).
 

IV

     « Si nous croyons, dit saint Paul, que Jésus est mort et qu'il est ressuscité, croyons aussi que Dieu ramènera par Jésus, et avec lui, ceux qui sont morts » (I, Thess., IV, 14). « Celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus, dit encore l'Apôtre, nous ressuscitera aussi avec Jésus et nous fera paraître en sa présence » (II, Cor., IV,14). Ainsi la résurrection du Christ est la garantie et le moyen de notre propre résurrection. N'a-t-il pas dit lui-même » je suis la résurrection et la vie ; celui qui croit en moi, quand même il serait mort, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais » (Jean, XI, 23). « La volonté de mon Père qui m'a envoyé, répète Jésus, c'est que quiconque voit le Fils et croit en Lui ait la vie éternelle ; et moi-même je le ressusciterai au dernier jour » (Jean, VI, 54). Il est important de noter ici la relation qu'établit le divin Maître entre la vie éternelle et la résurrection ; la résurrection bienheureuse est assurée à tous ceux qui possèdent en eux par le Christ, dès à présent, la vie éternelle : « c'est à cause de son Esprit qui habite en nous, dit saint Paul, que celui qui a ressuscité Jésus-Christ d'entre les morts, rendra aussi la vie à nos corps mortels » (Rom., VIII, 11). Mais s'il est vrai que l'Esprit du Christ est, de la sorte, en nous le principe et le gage de notre résurrection, cela ne signifie-t-il pas que « pour parvenir à la résurrection des morts », il faut « connaître le Christ et la vertu de sa résurrection et la communion de ses souffrances ? » (Philipp., III, 10). Tel est bien l'enseignement de saint Paul que nous avons déjà cité d'après l'Épître aux Romains (VI, 3-9) : puisque « le Christ ressuscité des morts ne meurt plus », comment notre corps, régénéré par le baptême de l'Eau et de l'Esprit (Jean, III, 5) et nourri de la chair du Christ ressuscité, ne porterait-il pas en lui « l'image de sa résurrection » ? Celui qui a été délivré du péché et admis à la vie nouvelle en Christ par la grâce a « revêtu Jésus-Christ » (Galat., III, 27) ; « ce n'est pas lui qui vit, c'est le Christ qui vit en lui » (Galat., II, 20). Et, parce que notre corps porte ainsi en lui, dès la vie présente, l'image « de la résurrection du Christ, c'est à la ressemblance de cette image que nous ressusciterons à la fin des temps. Et, à notre tour, nous serons « transfigurés » : « pour nous, notre cité est dans les Cieux, d'où nous attendons aussi comme Sauveur le Seigneur Jésus-Christ, qui transformera notre corps vil, en le rendant semblable à son corps glorieux, par le pouvoir qu'il a de s'assujettir toutes choses » (Phil., III, 20-21). Dans sa première Épître aux Corinthiens (XV, 35-57), saint Paul a défini la nature des corps ressuscités « le corps, semé corruptible, ressuscite incorruptible ; semé méprisable, il ressuscite glorieux ; semé infirme, il ressuscite plein de force ; semé animal, il ressuscite spirituel... Comme nous avons porté l'image de ce qui est terrestre, nous porterons l'image de ce qui est céleste. Ce que j'affirme, frères, c'est que la chair et le sang ne peuvent hériter le royaume de Dieu et que la corruption n'hérite point l'incorruptibilité... Il faut donc que ce corps corruptible revête l'incorruptibilité, et que ce corps mortel revête l'immortalité. Et quand ce corps corruptible aura revêtu l'incorruptibilité et que ce corps mortel aura revêtu l'immortalité, alors s'accomplira cette parole de l'Écriture : « La mort a été engloutie dans la victoire » (I, Cor., XV, 42-57).

     C'est qu'en effet, « ceux qui auront été jugés dignes du siècle à venir et de la résurrection des morts, ne pourront plus mourir, parce qu'ils sont égaux aux Anges et qu'ils sont fils de Dieu, étant fils de la résurrection » (Luc., XX, 34). Victorieux du monde, ils sont passés de la mort à la vie qui ne finit point . « Ceux qui ont fait le bien, dit Jésus, ressusciteront pour la vie » ; mais il ajoute la terrible parole : « ceux qui auront fait le mal ressusciteront pour le jugement » (Jean, V, 29). Ceux-là ne seront pas jugés qui auront cru que « Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle » (Jean, III, 16) ; mais « celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu'il n'a pas cru au nom du Fils unique de Dieu » (Jean, III, 19). « Tout esprit, dit l'Apôtre Jean, qui ne confesse pas Jésus, n'est pas de Dieu : c'est là l'esprit de l'Antéchrist » (I, Jean, IV, 3), esprit de péché, de servitude, de ténèbres et de mort. « Le don de Dieu, c'est la vie éternelle en Jésus-Christ ; mais le salaire du péché, c'est la mort » (Rom., VII, 23). Et quelle mort ! La mort sans résurrection, la mort éternelle, la « seconde mort » (Apoc., XX, 11-15).

     Relisons dans l'Apocalypse la page où le Voyant de Patmos nous décrit, dans des images saisissantes, la scène du jugement dernier : « je vis les morts grands et petits, debout devant le Trône, et des livres furent ouverts. On ouvrit aussi un autre livre, qui est le livre de vie, et les morts furent jugés selon leurs oeuvres, d'après ce qui était écrit dans ces livres. La mer rendit les morts qu'elle renfermait. La Mort et le Séjour des morts rendirent aussi leurs morts. Et ils furent jugés, chacun selon ses oeuvres. Ensuite, la Mort et le Séjour des morts furent jetés dans l'étang de feu. Cet étang de feu, c'est la seconde mort. Quiconque ne fut pas trouvé inscrit dans le livre de vie, fut jeté dans cet étang de feu » (Apoc., XX, 10) ; mais « celui qui aura vaincu n'aura rien à souffrir de la seconde mort » (Apoc., II, 11).

     Avant cette résurrection générale des morts qui doit avoir lieu à l'heure du jugement dernier, l'auteur de l'Apocalypse nous décrit une première résurrection qui est liée à la Parousie du Christ et qui est réservée « aux âmes de ceux qui ont été décapités pour avoir rendu témoignage à Jésus et avoir cru à la parole de Dieu et aux âmes de tous ceux qui n'ont adoré la Bête ni son Image et qui n'ont pas pris sa marque ni sur leurs fronts, ni sur leurs mains ». « Ils revinrent à la vie et régnèrent avec le Christ pendant mille ans. Les autres morts: ne revinrent pas à la vie avant que les mille ans fussent accomplis. C'est, la première résurrection.. Heureux et Saints ceux qui ont pris part à la première résurrection. La seconde mort n'a aucun pouvoir sur eux, mais ils seront prêtres de Dieu et du Christ et ils régneront avec lui pendant les mille ans » (Apoc., XX, 4-5).
 

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     « Grâce et Paix soient données de la part de Dieu, notre Père, et du Seigneur Jésus-Christ », qui « né de la race de David selon la chair, a été établi avec puissance, Fils de Dieu, selon l'Esprit de sainteté, par sa résurrection d'entre les morts » (Rom., I, 4-7).

  GABRIEL HUAN.