Réflexion de Lamennais - Livre 1, chapitre 20

Que cherchez-vous dans le monde ? le bonheur ? Il n'y est pas. Ecoutez ce cri de détresse, cette plainte lamentable qui s'élève de tous les points de la terre, et se prolonge de siècle en siècle. C'est la voix du monde.

Qu'y cherchez-vous encore ? des lumières, des consolations, pour accomplir en paix votre pèlerinage ? Le monde est livré à l'esprit de ténèbres, à toutes les convoitises qu'il inspire, à tous les crimes et à tous les maux dont il est le principe, et c'est pourquoi le prophète s'écriait: Je me suis éloigné, j'ai fui, et j'ai demeuré dans la solitude. Là, dans le silence des créatures, Dieu parle au cœur, et sa parole est si merveilleuse, si douce et si ravissante, que l'âme ne veut plus entendre que lui, jusqu'au jour où, tous les voiles étant déchirés, elle le contemplera face à face.

Le christianisme a peuplé le désert de ces âmes choisies qui, se dérobant au monde, et foulant aux pieds ses plaisirs, ses honneurs, ses trésors, et la chair, et le sang, nous offrent dans la pureté de leur vie une image de la vie des Anges. Cependant, les Chrétiens ne sont pas tous appelés à ce sublime état de perfection. Mais au milieu du bruit et du tumulte de la société, tous doivent se créer au fond de leur cœur une solitude où ils puissent se retirer pour converser avec Jésus-Christ et se recueillir en sa présence.

C'est ainsi que, ramenés des pensées du temps à la pensée des choses éternelles, ils auront à dégoût celles qui passent, et seront dans le monde comme n'en étant pas: heureux état ou s'accomplit pour le fidèle ce que dit l'Apôtre: Notre vie est cachée avec Jésus-Christ en Dieu.