Réflexion de Lamennais - Livre 3, chapitre 15
Jamais satisfait pleinement de ce qu'il est, de ce qu'il possède, fatigué du vide de son cur, toujours inquiet, toujours aspirant à je ne sais quel bien qui le fuit toujours, l'homme n'a pas un moment de vrai repos, et sa vie s'écoule dans les désirs. Ce n'est pas seulement une grande misère, mais encore un grand danger: car la racine de tous les maux est la convoitise, et plusieurs, en s'y livrant ont perdu la foi, et se sont engagés dans une multitude de douleurs.
L'imagination, qui, en cet état, se porte avec force vers tout ce qui l'attire, obscurcit la raison, ébranle et entraîne la volonté même. Et ainsi l'on doit s'attacher soigneusement à la réprimer, lors même que les objets qui l'occupent paraîtraient exempts de toute espèce de mal, et qu'on croirait ne chercher dans ses rêves qu'un soulagement permis et une distraction innocente. La piété elle-même s'égare aisément, si elle n'est en garde contre les désirs en apparence les plus saints. Nous ne savons ni ce qui nous est bon, ni ce qui nous est nuisible. Tantôt nous souhaiterons d'être délivrés d'une croix nécessaire peut-être à notre salut; tantôt, dans un mouvement indiscret de ferveur, nous en souhaiterons une autre sous laquelle nos forces succomberaient, si elle nous était imposée.
Que faire-donc ? Demander à Dieu que sa volonté se fasse en nous et hors de nous, y conformer la nôtre entièrement, et renfermer en elle tous nos désirs. Nous ne trouverons de paix et de sécurité que dans ce parfait abandon entre les mains de notre Père. Mon Père, non pas ce que je veux, mais ce que vous voulez.