Réflexion de Lamennais - Livre 3, chapitre 32
Quest-ce que lhomme livré à lui-même, à son esprit dépourvu de règle, à ses désirs, à ses penchants ? esclave des erreurs diverses qui le séduisent tour à tour, esclave de ses convoitises et des objets de ses convoitises, est-il une servitude plus profonde que la sienne ? Et voilà, ô mon Dieu ! létat de toute créature qui refuse de se soumettre entièrement à vous.
Pour être libre, il faut obéir. La parfaite liberté nest que laccomplissement parfait des préceptes et des conseils évangéliques, et tous les préceptes et tous les conseils se réduisent au renoncement de soi-même: car, en renonçant à sa raison propre, on possède dans sa plénitude et sans aucun mélange la vérité de Dieu; en renonçant à lamour de soi, corrompu en Adam, lamour de Dieu et du prochain à cause de Dieu, lequel est le sommaire de la loi, demeure seul au fond du cur; en renonçant à sa volonté, lon nagit plus que daprès la volonté de Dieu, qui est lordre par excellence.
Et lhomme alors est libre comme Dieu même, dont il devient la fidèle image; il est libre, car cette abnégation absolue de lui-même laffranchit du double esclavage de lerreur et des passions. Nous avons été dit saint Paul, délivrés par Jésus-Christ, et appelés par lui à la liberté, cest-à-dire à la connaissance de la loi évangélique, loi parfaite de liberté, qui, après avoir délivré ceux qui sy attachent fidèlement de la servitude de la corruption, les conduit enfin à la liberté de la gloire promise aux enfants de Dieu.