Réflexion de Lamennais - Livre 3, chapitre 39
Il y a dans les affaires un danger terrible pour l'âme, lorsqu'elle ne veille pas sur elle-même attentivement. Nous ne parlons point des tentations de l'intérêt, si vives pourtant, si multipliées, et qui finissent ordinairement par affaiblir la conscience. Alors même qu'elles ne produisent pas ce triste effet, elles dessèchent le cur, préoccupent l'esprit, le détournent de Dieu et de la grande pensée du salut.
Il y a toujours quelque chose qui presse, qu'on ne peut laisser en retard; et sous ce prétexte, sans dessein formé, par le seul entraînement des occupations qu'on s'est faites, on abandonne peu à peu les exercices qui nourrissent la piété, les lectures saintes, la prière, les devoirs indispensables de la religion; et ainsi la vie s'écoule pleine de projets, de soucis, de travaux, dans l'oubli de la seule chose nécessaire. Les maladies même ne réveillent pas: aucun avertissement n'est écouté.
Enfin la mort vient, saisit cet homme, le présente au Juge qui l'interroge: Qu'as-tu fait du temps que je t'ai accordé? L'infortuné voit d'un coup d'il trente, quarante, soixante années consumées tout entières dans les soins de la terre, et il ne voit que cela. Son âme, il n'y a point songé. Il est trop tard en ce moment pour commencer à s'occuper d'elle, et son sort est fixé irrévocablement.
Ah ! Pensez avant tout à ce qui ne doit jamais finir. Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et le reste vous sera donné par surcroît. Eteindre en soi le désir de ce qui passe, se confier en la Providence, ne vouloir que ce qu'elle veut, comme elle le veut, et quand elle le veut, c'est la voie de la paix et le seul fondement solide d'espérance à la dernière heure.