Réflexion de Lamennais - Livre 3, chapitre 3
Rien de plus rare qu'un désir sincère de salut. Et c'est ce qui doit nous faire trembler, car notre sort à chacun sera ce que nous l'aurons fait: Dieu nous aide, il vient par sa grâce au secours du libre arbitre, mais il ne le contraint pas.
Or, que voyons-nous ? Quel spectacle nous offre le monde ? Nous ne parlons point ici de l'impie résolu à se perdre, et déjà marqué du sceau de la réprobation: nous parlons de ceux qui se disent, qui se croient les disciples de Jésus-Christ. Dans la spéculation, des chrétiens veulent se sauver. Mais ils veulent en même temps, ils veulent surtout posséder les biens et goûter les jouissances de la terre. Ils donneront à Dieu, en passant, quelques prières obligées, ils s'informeront de sa loi pour connaître ce qu'elle commande strictement, puis, tranquilles de ce côté, ils se jetteront à la poursuite des honneurs, qu'ils nommeront légitimes, ou ils s'endormiront dans une vie de mollesse, permise à leurs yeux, parce qu'elle ne viole en apparence aucun précepte formel.
Mais dans tout cela, où est la foi qui doit régler toutes nos actions sur la vue de l'éternité ? Où est l'amour perpétuellement occupé de son objet, l'amour avide de sacrifices ? Où est la pénitence ? Où est la croix ? O Dieu ! Et c'est là désirer le salut ! N'est-il pas écrit que celui qui cherche son âme la perdra ? Que chacun se juge sur cette parole avant le jour terrible où le Seigneur lui-même le jugera.