Réflexion de Lamennais - Livre 3, chapitre 40
Si je descends en moi-même, et que je m'interroge sur ce que je suis, que trouvé-je, ô mon Dieu ! Une raison incertaine toujours près de s'égarer: d'inconstantes affections, un mélange inexplicable d'espérances et de craintes vaines, des inclinations viciées, une foule innombrable de désirs qui sans cesse m'agitent et me tourmentent, quelquefois une joie fugitive, habituellement un profond ennui, je ne sais quel instinct du ciel et de toutes les passions de la terre, une volonté infirme qui tout ensemble veut et ne veut pas, un grand orgueil dans une grande misère; voilà mon état tel que le péché l'a fait, et je sens de plus en moi l'impuissance de relever une nature si profondément déchue.
Il a fallu que Dieu même vint soulever ce poids immense de dégradations: sans un rédempteur divin, l'éternité entière aurait passé sur les ruines de l'homme. Il a paru ce Rédempteur, il a dit: Me voici ! Et son sang a satisfait à la suprême justice, et sa grâce a réparé le désordre de l'intelligence et le désordre du cur: elle a rétabli l'image de Dieu dans sa créature tombée. Incompréhensible mystère d'amour ! et comment répondre à un tel bienfait ?
Reconnaissons au moins notre faiblesse et notre indigence; ne nous attribuons aucun des biens qui nous sont donnés gratuitement; rendons la gloire à qui elle appartient, et entrons de toutes les puissances de notre être dans les sentiments du Prophète: Seigneur mon Dieu, je vous ai invoqué, et vous m'avez guéri. Vous avez retiré mon âme de l'enfer, et vous m'avez séparé de ceux qui descendent dans le lac. Chantez le Seigneur, vous qui êtes ses saints, et célébrez la mémoire de sa sainteté !