Réflexion de Lamennais - Livre 3, chapitre 46
Vous serez heureux quand on vous maudira, et qu'on vous persécutera, et qu'on dira faussement toute sorte de mal contre vous; réjouissez-vous alors, et soyez ravis de joie, parce que votre récompense est grande dans les cieux. Combien cependant, malgré cette parole, ne nous troublons-nous pas des discours des hommes et de leurs jugements ! Nous ne pouvons supporter qu'on nous abaisse; nous voulons à tout prix être loués, estimés. Séduits par un vain fantôme de réputation, nous oublions Dieu et ses enseignements, et les biens qu'il promet aux humbles. Etrange effet de l'orgueil toujours vivant au fond de notre misérable cur !
Que vous importent l'outrage, l'injure, la calomnie ? D'où vient qu'elle excite en vous une peine si amère, un si vif ressentiment ? Craignez-vous donc d'avoir trop de moyens d'expiation, trop d'espérance de miséricorde ? Mais on vous accuse à tort ! Aimeriez-vous mieux que ce fût avec justice ? Si vous n'avez pas commis la faute qu'on vous reproche, que d'autres vous avez commises qu'on ne vous reproche point !
Descendez dans votre conscience, vous y entendrez une voix plus sévère que celles qui s'élèvent contre vous. Celles-ci se tairont; mais l'autre parlera devant le Juge en présence duquel tout à l'heure vous comparaîtrez, loin des bruits de la terre, dans le silence de l'éternité. Pensez à ce moment formidable, et vous vous inquiéterez peu de ce que les hommes pensent de vous.