Réflexion de Lamennais - Livre 3, chapitre 4
Je suis le Dieu tout-puissant: marchez en ma présence et soyez parfait. Ainsi parlait le Seigneur au père des croyants, et ce commandement s'adresse avec encore plus de force aux chrétiens qui ont contemplé dans le Fils de l'Homme le modèle de toute perfection.
Aussi leur est-il dit: Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait. Etonnant précepte qui, relevant notre incompréhensible bassesse, nous apprend ce qu'est l'homme racheté, ce qu'est le chrétien aux yeux de Dieu. Mais comment, faibles créatures, courbées sous le poids de la chair, approcherons-nous de cette perfection souveraine, à laquelle il nous est ordonné de tendre sans cesse ? Ecoutez Jésus-Christ: Je suis la voie, la vérité et la vie. Il est la voie qui conduit à Dieu, la vérité qui est Dieu même. Il est la vie promise à ceux qui marchent dans la vérité, qui font la vérité, selon le mot profond de l'Apôtre.
Donc, tout en Jésus-Christ et par Jésus-Christ. Unies aux siennes, nos pensées, nos affections, nos uvres se divinisent; et comme la perfection du Fils est la perfection même du Père, par notre union avec le Fils, qui commence sur la terre et se consommera dans le ciel, nous devenons parfaits comme le Père est parfait. Ainsi s'accomplit la prière du Christ: Père saint, conservez en votre nom ceux que vous m'avez donnés, afin qu'il soient un comme nous sommes un. Sanctifiez-les dans la vérité. Je me sanctifie pour eux moi-même, afin qu'ils soient sanctifiés dans la vérité.
Mais cette grande union qui nous élève jusqu'à participer aux mérites infinis du Rédempteur ne s'effectue, ne l'oublions pas, qu'en proportion du sacrifice que nous faisons de nous-mêmes. Notre humilité en est la mesure, elle est le fruit du renoncement propre, du détachement, de l'abaissement qui nous anéantit devant Dieu. Là où l'amour corrompu de soi, là où la nature vit encore, l'union avec Jésus-Christ n'est pas complète. Il faut mourir à soi-même, à ses désirs, à ses goûts, à sa volonté, à sa raison aveugle, pour être un avec le Fils, comme il est un avec son Père, pour être sanctifié dans la vérité. Heureuse mort, qui nous met en possession de la véritable vie, de Dieu même et de sa sainteté, de la vérité éternelle !