Réflexion de Lamennais - Livre 3, chapitre 53
Personne ne peut servir deux maîtres; car, ou il aimera l'un et haïra l'autre; ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Nous ne pouvons servir à la fois Dieu et le monde, et la vie chrétienne consiste à s'affranchir de l'esclavage du monde, pour acquérir la liberté des enfants de Dieu.
Or la grâce combat en nous pour Dieu, contre la nature corrompue qui nous entraîne vers le monde: combat terrible dont on ne sort vainqueur qu'en mourant à soi-même, à ses pensées, à ses goûts, à ses inclinations; et la mort corporelle, qui termine à jamais la lutte entre la nature et la grâce, est la dernière victoire du chrétien; ce qui faisait dire à l'apôtre saint Paul: Qui me délivrera de ce corps de mort ?
Exerçons-nous donc à mourir; détachons-nous entièrement de la terre; détachons-nous de nous-mêmes, et ne vivons plus qu'en Dieu, de Dieu et pour Dieu. Que cherchons-nous hors de lui ? Ne renferme-t-il pas tous les biens ? Oh ! Quand nous sera-t-il donné de le voir tel qu'il est, face à face, de nous rassasier de son être, de sa gloire infinie ?
Hâtons de nos vux ce moment qui fixera notre éternité, et, dans l'ardeur de nos désirs, écrions-nous avec le prophète: Malheur à moi, parce que mon exil a été prolongé ! J'ai habité avec les peuples de Cédar, et mon âme a été étrangère au milieu d'eux.